Nouveaux horizons – Chap 7

Le sourire de Scorpius était contagieux et Hermione ne fut donc pas surprise de le partager. La rentrée scolaire était arrivée, les premiers cours étaient passés et le fils de Drago découvrait avec bonheur que ses efforts pour son devoir bonus avaient payé. Il avait choisi de faire une dissertation sur la perception des sorciers par les moldus, leurs représentations dans le folklore du monde non-magique et en quoi ces images n'étaient pas nées de rien. Certes, il y avait des points à améliorer et c'était un projet d'envergure, même les universitaires passaient des années à étudier ces parallèles. Mais pour un élève de treize ans dans le cadre d'un travail complémentaire et avec les écritures rendues, c'était du bon travail. Aussi, pour toutes ces raisons, elle ne put lui mettre rien d'autre qu'un effort exceptionnel.

-Merci Professeur !

-De rien, Monsieur Malefoy. Vous avez fait de l'excellent travail !

Elle le voyait déjà partager la nouvelle à son père, s'imaginait d'ailleurs le sourire de son collègue, une image qui lui réchauffait particulièrement le cœur.

C'étaient pour des moments comme celui-ci qu'elle ne regrettait pas un seul instant d'avoir pris ce poste en plus de ses obligations ministérielles.


-Tante Hermione, je peux te parler ?

Ils étaient seuls, c'était pourquoi Albus se permettait cette familiarité, imitant son ami de toujours lors qu'il s'adressait à un parent devant les autres élèves en l'appelant « Professeur ». L'adolescent avait l'air inquiet, quelque chose le travaillait. L'enseignante envisagea alors la possibilité qu'il lui évoque sa brouille avec Rose, le refus de sa cousine d'écouter, de vouloir comprendre. Bien sûr, elle l'écouterait avec sérieux, plaisir et bienveillance. Mais sur ce sujet, que pouvait-elle faire ? Sa propre fille ne l'écoutait pas. Elle n'écoutait peut-être pas son père non plus. Et dire à un enfant de presque quatorze ans qu'il fallait laisser du temps au temps était comme mettre un pansement sur une jambe de bois : parfaitement inutile, en plus de le frustrer.

-Bien sûr. Sourit-elle à son neveu. Tu peux toujours me parler, Albus. Et si c'est quelque chose qui doit rester entre nous, cela le restera, c'est promis.

-Pour l'instant, oui… je voudrais que cela reste entre nous.

Ils s'assirent sur un banc de pierre, loin des brouhahas des étudiants qui profitaient d'une pause bien méritée. L'air qu'ils expiraient se transformait en volute blanche sous l'effet du froid britannique, même si le vert tendre de l'herbe renaissante sous l'effet du printemps arrivant à grand pas perçait à travers les dentelles fines du givre de la fin du mois de février.

-Je crois… que je suis amoureux de quelqu'un. Avoua le serpentard dans un murmure

Hermione se sentit soudainement vieille. Ca y était, l'âge des premiers émois amoureux, des premiers béguins… Où était passé ce bébé qu'elle avait pris dans ses bras dans l'aile des nouveau-nés à Sainte-Mangouste ?

-C'est une bonne chose, non ? Tenta-t-elle

-C'est que… C'est que c'est un garçon… Poursuivit le fils d'Harry. Je… Tante Hermione, je pense que je suis gay…

La jeune femme comprit, une épiphanie éclairant son esprit. Il n'y avait pas besoin d'en dire plus. Les regards, les gestes, cette relation si forte… certes, elle pouvait passer pour une amitié intense. Mais elle pouvait aussi s'observer sous cette lentille.

-C'est Scorpius, n'est-ce pas ?

Il acquiesça, n'osant pas la regarder dans les yeux.

-Je n'ai jamais ressenti ça pour personne, pour aucun autre garçon. Se défendit-il. Ou même pour une fille… A dire vrai, il aurait été une fille, ça aurait été pareil… C'est juste que… C'est lui. C'est lui dans son intégralité. Tu comprends ?

Oh oui, elle comprenait. Comme elle le comprenait ! Elle n'avait jamais ressenti d'attraction pour une personne du même genre qu'elle. Mais quand elle avait commencé à réaliser ses sentiments pour Ron, elle s'était étonnée que son apparence physique entrait si peu en ligne de compte. C'était Ron, juste Ron et cela suffisait à tout justifier en une phrase aussi courte que simple.

-Tu as peur qu'il te rejette ? S'hasarda-t-elle

-Je sais qu'il ne me rejetterait pas. Mais j'ai peur de tout gâcher… s'il ne ressent pas la même chose, si en plus il n'est pas comme moi… j'ai peur que ça entache notre amitié…

La sorcière enlaça son neveu.

-Je ne te mentirai pas, Al. Lui dit-elle avec douceur. Les premiers temps seront maladroits. Mais un vrai ami ne jugera pas que de tels sentiments entachent une amitié. Est-ce que tes parents savent ?

-Non, tu es la première.

-C'est un honneur. Je te jure de ne rien dire à personne tant que tu ne te sentiras pas prêt à le faire toi-même. Et tu ne dois un coming-out à personne. On ne demande pas aux hétéros d'annoncer leur sexualité. Alors, pourquoi tu devrais t'y sentir contraint ?

-Tu es la meilleure, Tante Hermione.

-J'essaye. Et je t'aime, Al. Je suis fière de toi.

Au loin, ils ne virent pas une forme qui se retirait dans un bruissement de cape.


Ses pas craquant sous son poids tout en s'enfonçant dans les restes de la neige, Rose marchait dans le parc à l'entrée du château. Elle avait besoin d'air. Elle avait besoin de réfléchir. Elle était consciente d'avoir entendu quelque chose qu'elle n'aurait jamais dû entendre et pourtant, mue par sa curiosité mal placée, elle avait espionné la conversation entre sa mère et son cousin.

Al était gay.

Cela, cela lui passait bien au-dessus. Il aurait pu lui annoncer qu'il était une femme trans, lesbienne et asexuelle que cela n'aurait rien changé. Il, ou plutôt elle dans cette hypothèse, serait restée la même à ses yeux, sa bonne vieille Al jusqu'à ce qu'Albus devienne un morinom et qu'elle utilise une autre dénomination.

Non, ce qui la secouait, c'était le récipiendaire de cet amour, du premier amour de l'élève.

Scorpius Malefoy.

Le fils et petit-fils de Mangemort.

Celui qu'elle n'arrivait pas à encadrer car il défendait les choix de sa famille. Pour sa défense, il avait protégé Eugene, harcelé pour sa naissance. Il était devenu son ami. Il suivait le cours d'études des moldus. Il n'avait jamais cautionné les actes de barbarie envers les sorciers nés-moldus, les moldus eux-mêmes. Mais défendre les actes de ses ascendants, n'était-ce pas chercher à attirer la sympathie ? A diminuer leurs crimes ?

Sauf qu'il y avait Al.

Al avec qui elle avait grandi.

Eux dont les pères se considéraient comme deux frères.

Eux qui avaient été élevés par les héros de la Guerre, qui étaient leurs héritiers sans pour autant avoir entendu les détails horribles de ce qui avait été commis car leurs parents jugeaient qu'ils n'avaient pas à recréer le traumatisme pour la nouvelle génération.

Al qui, comme elle, exécrait les Mangemorts… et qui était pourtant ami avec le clan Malefoy.

Sa mère avait-elle eu raison ?

Avait-elle eu l'esprit trop fermé ?

Certes, ils avaient changé de camp à la dernière minute. Mais ils avaient aidé le bon camp au final. Narcissa Malefoy avait eu l'audace de s'opposer au Mage Noir en lui mentant sur la mort de son plus mortel ennemi, dans l'espoir de sauver son enfant. C'était en soi un acte de résistance, un acte modeste, déguisé, sans doute intéressé. Sauf qu'en considérant qui était sa sœur… Bellatrix Lestrange n'aurait jamais eu le cran de le faire, trop endoctrinée par Voldemort. Après la défaite du Seigneur des Ténèbres, ils s'étaient fait tout petits. Lucius avait payé sa dette à la société magique comme n'importe quel citoyen. Sa mère avait été accueillie chez eux, elle, une « Sang de Bourbe » comme elle aurait été appelée jadis.

Oui, si Albus était amoureux de Scorpius, c'était qu'il voyait en lui quelque chose qu'elle n'arrivait pas à voir elle-même, sans doute à cause d'œillères qu'elle s'imposait dans sa vision manichéenne du monde.

Elle aimait son cousin, le voyait presque comme un petit frère et au-delà du nom de son aimé, se découvrir n'était jamais simple et il aurait besoin de soutien.

Appréciait-elle soudainement Scorpius ?

Non.

Mais au nom d'Albus, elle était prête à faire un effort, à ne plus le rejeter s'il essayait d'entamer le dialogue avec elle, si toutefois il le souhaitait. Ce n'était pas parce qu'elle était prête qu'il devait être à sa disposition, tout comme elle devait accepter que son cousin se méfie de son revirement. Sa confiance, elle devait la mériter, comme tout chose dans la vie d'ailleurs.

Aussi ne fut-elle pas surprise quand, le lendemain, quand elle leur dit bonjour à tous les deux, mentionnant l'héritier Malefoy par son prénom, elle constata leurs mines ébahies, confuses et peut-être même incrédules.

Cela risquait d'être long.

Mais cela en valait largement la peine.

A Suivre