Chapitre 2 : Le minable et le duc.

Katsuki rencontra d'autres enfants. Ses parents recevaient du monde, des gens de hauts rangs qui avaient tout un tas de bambins. Au début Katsuki les prenait pour des indésirables. Seulement ce n'était pas désagréables de les voir chercher son amitié, de voir l'admiration dans leurs yeux. Soit parce que Katsuki était duc et eux simples barons, soit parce qu'ils avaient devinés que le blond était, d'une certaine manière, un leader qui connaissait les meilleurs jeux. Il avait un esprit vif et il ne se laissait pas faire.

À six ans, il était donc adulé par des enfants pas plus âgés que lui, ce qui faisait sans doute de lui, le meilleur. Ce n'était pas des amis à proprement parlé, plutôt des suiveurs, des gens qui étaient là pour porter Katsuki aux nues.

— Avec vous, duc Bakugo, on ne s'ennuie jamais, aimaient-ils répéter souvent, surtout les plus lèches bottes d'entre eux.

Katsuki relevait le nez, fier comme une armée de paons. Ils marchaient droits devant lui. Et derrière lui, les gosses de la noblesse allaient sur le chemin qu'il traçait. Personne ne faisait attention au plus petit d'entre eux, tout au fond, qui était là, lui aussi, au cas où son maître aurait besoin de quelque chose. Izuku, lui aussi, regardait Katsuki avec admiration, mais pas pour les mêmes raisons. Il savait que le duc était quelqu'un d'incroyable mais parce qu'il connaissait ses qualités comme ses fissures. Parce qu'il avait été son ami. Parce que Katsuki était son modèle. Izuku ne récupérerait pas de titre de noblesse, à moins qu'un jour le roi Endeavor ne change d'avis, ce qui n'arrivait jamais. Mais être comte pour Izuku, ce n'était que des mots. Ce qui comptait c'était le comportement, pas le titre.

Et il était décidé à devenir aussi brillant que Katsuki.

Être le serviteur de Katsuki n'était pas de tout repos. Le duc lui demandait tout et n'importe quoi, comme s'il le testait pour voir à quel point Izuku pouvait être un bon serviteur, jusqu'où il irait pour Katsuki. Le matin, il pouvait se changer quinze fois avant d'être satisfait de ses vêtements, laissant à son serviteur le soin de tout ranger. Quand il avait faim, à n'importe quelle heure de la journée, il ordonnait à Izuku d'aller lui chercher à manger dans les cuisines. Tout ça pour refuser le choix de son serviteur quand il revenait avec des fruits, un bout de pain ou des friandises. Il voulait autre chose ou finalement il n'avait plus faim.

— Tu as mis trop de temps Deku, grondait-il.

Et Izuku ne le contredisait pas. Il faisait comme si tout ça n'était qu'un jeu, un jeu où il était toujours perdant, mais un jeu quand même.

Izuku avait quand même la chance de pouvoir accompagner Katsuki dans ses pérégrinations. Les autres enfants râlaient :

— Pourquoi est-ce que tu laisses ce souillon nous suivre ?

— Parce que c'est mon serviteur, je dois toujours l'avoir près de moi si j'ai besoin de quelque chose.

Izuku se faisait donc tout petit, quasi invisible, mais il était là, il suivait, il regardait de loin le dos de son ami d'enfance, en espérant un jour pouvoir le rejoindre.

La vie n'était pas si compliquée, les choses avaient changé, c'était triste, mais pas insurmontable. Et puis Izuku vivait dans une petite chambre de la maison avec son père et sa mère, et c'était réconfortant. Il aimait très fort sa famille, Inko avait toujours un mot gentil, son père lui caressait les cheveux et l'encourageait. Même Mitsuki et Masaru étaient adorables avec lui.

— Si Katsuki va trop loin avec toi, tu me le dis et je vais le remettre à sa place, disait sans arrêt Mitsuki.

Et Izuku secouait la tête en souriant :

— Tout va très bien, jurait-il.

Ce n'était pas faux. Après tout, il n'était peut-être qu'un serviteur, il n'avait pas les mêmes droits que les enfants de la noblesse, mais c'était quand même lui le plus proche de Katsuki.

La situation aurait pu être tellement pire. La famille Bakugo aurait pu rejeter la famille Midoriya, ils auraient pu les laisser dans la pauvreté. Katsuki aurait pu faire sortir Izuku de sa vie, ne plus le voir du tout, ne plus vouloir de lui sur son chemin.

Finalement, Izuku et sa famille s'accommodait, ils avaient renoncé à leurs pouvoirs, ils avaient dû apprendre à mettre les mains dans la pâte, à se salir, à se fatiguer. Mais ils restaient unis. Mitsuki traitait toujours Inko plus comme sa meilleure amie que comme sa servante. D'ailleurs elle lui confiait si peu de tâche que c'était devenue une blague entre elles.

— Si tu ne donnes pas de travail à ta servante, je vais devenir aussi frivole que toi, plaisantait Inko.

Et Mitsuki riait, de ce rire à gorge déployée et expressif qui mettait de bonne humeur rien qu'à l'entendre. Si les colères de la mère de Katsuki étaient connues comme le loup blanc, on n'oubliait pas non plus qu'elle pouvait montrer sa joie de façon tout aussi forte.

Katsuki tenait énormément d'elle et Masaru s'en amusait en disant qu'il avait deux tornades dans sa vie, sa femme et son fils.

La vie suivait son bonhomme de chemin et ce n'était pas si terrible. Katsuki était admiré, Izuku admirait. Katsuki avançait, Izuku suivait. Katsuki ordonnait, Izuku obéissait. Et parfois même, il réussissait à combler son maître. Qui faisait semblant de rien. Mais Izuku le connaissait trop pour ne pas lire sur son visage que Katsuki était content.

Les choses auraient pu durer ainsi, la vie d'Izuku n'aurait pas été facile, mais plutôt paisible d'une certaine manière. Sauf que si tout le monde paraissait s'accommoder de cette situation, Katsuki, bien qu'adulé et suivit, ressentait en lui une forme de frustration. Il était incapable de comprendre d'où elle venait et ne savait pas non plus comment l'exprimer. Il la gardait en lui, comme une plaie mal soignée. Et cette frustration explosa un jour à la tête d'Izuku, qui croyait bien faire.

Katsuki et les autres enfants étaient partis en aventure dans la forêt. Mitsuki avait dit à son fils de ne pas trop s'éloigner, et il s'était contenté d'un haussement d'épaules pour toute réponse.

— Petit insolent, avait râlé Mitsuki.

— Je ferai attention, avait ronchonné Katsuki.

Et après une engueulade, le petit blond et sa cour s'étaient éloignés. Izuku marchait tout derrière, impatient de découvrir ce que cette journée aux côtés du duc lui réservait.

L'enfant marchait droit devant, un bâton dans les mains, il faisait semblant d'être chasseur, maître des lieux. Ils se baladèrent jusqu'à la rivière. Le courant était faible, la traverser n'était pas dangereuse, mais Katsuki avait assez peu envie de se mouiller les pieds.

Par chance des intempéries avaient fait tomber un arbre, pile sur la rivière. Un tronc assez gros pour marcher dessus et passer facilement.

Les autres se regardèrent, peu sûr de vouloir franchir la rivière de cette façon. Mais Katsuki n'eut aucune hésitation, et pour ne pas passer pour des couards, le reste des enfants l'avait une nouvelle fois suivi.

Au milieu du chemin, Katsuki glissa et tomba net dans la rivière.

Les autres enfants avaient assisté à la scène et personne n'avait bougé le petit doigt. Que faire quand le leader qu'on croyait si parfait : tombe ? Ils se sentaient tous gênés. Et Katsuki savait, il savait qu'il devait garder la face, quand bien même il s'était fait mal et qu'il était désormais tout mouillé. Il se redressa en position assise et commença à rire, comme si tout cela n'était qu'une farce. S'il gardait la tête haute, s'il en riait, les autres le verraient comme le type qui n'a peur de rien, qui est invincible. Un garçon dont même une chute n'effrayait pas.

Malheureusement, alors qu'aucun noble n'avait bougé du tronc, Izuku, lui s'était précipité auprès de Katsuki, et sans avoir peur de se mouiller les pieds il était entré dans la rivière et tendait la main au duc pour l'aider à se relever.

Un roturier venait en aide à un duc.

Un minable, un raté, un moins que rien, un pauvre serviteur, osait le prendre de haut et lui tendre la main.

La frustration de Katsuki empoisonna alors son esprit, la gangrène le fit voir rouge. Il repoussa de toutes ces forces cette main et se releva seul en regardant Izuku avec rage.

— Espèce de minable, lâcha-t-il.

C'était la première fois qu'il traitait ainsi Izuku, mais il ne se contrôlait plus.

— Tu n'es qu'un raté et tes mains sont sales, je ne m'abaisserai pas à ton niveau !

Izuku ne sut pas quoi faire, ni comment réagir. Oui Katsuki l'appelait Deku, oui il lui donnait des ordres qui le faisaient tourner en bourrique. Mais cette violence dirigée vers lui, Izuku ne l'avait jamais vécu. Ses yeux s'écarquillèrent alors que Katsuki se relevait seul et passait à côté de lui :

— Ne refais jamais ça Deku, où je te jure que je te le ferai payer.

Mais faire quoi exactement ?

Izuku avait vu son ami d'enfance tomber et son corps avait bougé tout seul. N'était-ce pas normal d'aider quelqu'un à se relever ? Surtout si cette personne comptait pour nous ?

Il ne voyait pas ce qu'il avait fait d'aussi mal, mais sans le désirer, il venait de détruire un peu plus sa relation avec Katsuki.

La vie paisible prit ainsi fin. Non seulement Katsuki lui donnait des ordres impossibles, mais en plus, il se mit à l'humilier devant les autres, à le rabaisser, à se moquer de lui. Il le poussait quand il estimait qu'Izuku était sur son chemin. Le duc se servait du garçon pour faire rire son public. En hiver, pendant une bataille de boule de neige, Katsuki prit Deku pour cible. Visant exclusivement le visage et le faisant courir en tous sens, tout en se moquant :

— Ben alors tu sais pas bouger assez vite ?

Au printemps, il le fit tomber dans le fumier sous le regard hilare des autres enfants, il se boucha le nez :

— Deku je crois que tu pues encore plus fort que le fumier, je me demandais pourquoi j'avais du mal à respirer en ta présence, mais c'est à cause de ta sale odeur de roturier.

En été, il se battit avec lui, à cause d'un enfant du village, un gueux, auquel Izuku avait adressé la parole. Katsuki voulant s'en prendre au gosse, il s'était retrouvé face à face avec un Izuku tout tremblant mais debout devant le môme, prêt à le protéger de ses petits poings comme s'il était important pour lui. Katsuki avait vu rouge et avait mis une râclée à Izuku.

En automne le duc s'était amusé à lui faire ramasser les feuilles qui tombaient pour les rassembler en tas, puis il sautait dedans avec ses compagnons. Alors Izuku devait recommencer son travail, encore et encore.

Et ce n'était que des exemples.

Izuku ne disait rien à ses parents, et encore moins à ceux de Katsuki. Il ne voulait pas les inquiéter, et surtout, il avait peur de la réaction de Katsuki si les adultes apprenaient ses agissements. Et s'il chassait définitivement Izuku de sa vie ? Ce serait pire que tout. Alors le garçon aux cheveux verts subissait en silence, en insultant cet idiot de duc dans sa tête.

Katsuki de son côté avait l'impression de se sentir moisir. Certes il était le meilleur, les autres le suivaient des étoiles dans les yeux, et étaient les premiers à rire quand il s'en prenait à ce bon à rien de Deku. Il avait trouvé une cible facile, du moins c'est ce qu'il paraissait. Parce que Deku, cet imbécile de Deku, minable parmi les minables, se relevait et continuait à le suivre, à le regarder de haut comme s'il lui disait « je vaux mieux que toi, moi qui ne suis rien ni personne ». Pourquoi ? Pourquoi est-ce que Deku ne lâchait pas l'affaire ?

Pourquoi Katsuki qui avait tout, le titre, les amis, l'admiration, se sentait parfois si vide ?

Et ils grandirent de cette façon. Izuku et Katsuki. L'un à côté de l'autre et pourtant par moment à des années lumières l'un de l'autre. Comment pouvait-on être aussi éloigné de quelque chose d'aussi proche ?

À suivre.

L'autatrice : et voici le deuxième chapitre où les choses empirent pour ce pauvre Izuku. J'espère que ce chapitre vous aura plu, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.