La fin peut paraître bâclée et j'en suis navré, je me suis retourné le cerveau pour trouver comment l'écrire et, euh... Voilà.
Bonne lecture !
7- Pollen/toxine de peur/sérum de vérité
Jehd était un savant fou.
En tout cas, c'est ce qu'aimait se dire Link quand il se trouvait à errer dans l'atelier adjacent à son bureau, où s'entassaient des bocaux emplis de liquides aux couleurs diverses. Certains fumaient, même !
Aucune idée de leur utilité ou leur but, mais Jehd pouvait passer des heures dans cette pièce, à concocter tous ces petits trucs, ne sortant que pour des nécessités - et lui n'en faisant pas toujours partie - le cheveu de travers et le regard fou, le col de travers. Il allait droit en direction de ses besoins, sans marquer le moindre écart, puis repartait aussi sec une fois ceux-ci comblés, retournant s'enfermer dans l'atelier jusqu'à sa prochaine sortie.
La première fois qu'il y avait assisté, il avait tenté de lui adresser la parole, ignorant alors qu'il obtiendrait encore moins qu'un grognement, et quand la fois suivante il lui avait sauté dessus, l'embrassant à pleine bouche et les mains rampant sous ses vêtements, il l'avait secoué jusqu'à l'extirper de sa transe le temps d'obtenir des réponses.
Si on le lui avait demandé, Link n'aurait jamais cru devenir un jour jaloux de ses expériences ou le temps qu'il passait dessus. Ce fut donc une immense surprise pour lui quand il s'en rendit compte.
Au début, il fit semblant de rien, mortifié intérieurement de ce ressentiment pour quelque chose de si important que le travail de Jehd. Ce n'était pas comme s'il se trouvait en compétition avec un autre être vivant ! Non, son petit ami était juste quelqu'un de passionné et passionnant - du moins, de l'avis unique de Link, les rares amis de l'archiviste avaient appris très tôt à éviter de le questionner plus en profondeur sur ses recherches - et qui perdait rapidement conscience des concepts les plus élémentaires comme le temps ou le sommeil dès qu'il se plongeait dans un de ses nombreux livres ou qu'une nouvelle idée lui grignotait le cerveau.
Puis, lentement, insidieusement, Link sentit son cœur se tordre dans sa poitrine dès qu'il apercevait le visage souriant et lumineux du roux alors qu'il lui présentait sa dernière trouvaille, qu'il sortait triomphant de son bureau ou que, subitement et dans un éclair de génie, une révélation se faisait à lui, lui permettant alors de déposer la dernière pierre à son édifice personnel.
Il connaissait bien ces expressions, Jehd les arborait en son encontre, avec d'autres, et c'était peut-être pour ça qu'il avait cette douleur dans la poitrine, même s'il réagissait comme un enfant ?
Mais… comment en était-il arrivé à jalouser de bêtes récipients en verres ou des ouvrages tellement vieux qu'il les faisait éternuer ? C'était ridicule ! Et puis, Jehd, lui, n'était pas envieux du temps qu'il passait avec les chats de la Citadelle, non ?
Non ?
Pensif, il s'approcha des étagères, observant de plus près les présumés coupables, retroussant sa lèvre supérieure et dévoilant ses dents d'une manière bien trop lupine pour qu'il ne se reprenne pas rapidement.
Qu'avaient-ils donc de plus que lui ?
II traînait une mine si basse que leur cercle proche l'avait relevé et lui avait demandé ce lui était arrivé. Moï était parvenu à dépasser son malaise et lui faire cracher ce qu'il avait sur le cœur. Son expression effarée puis le rire profond qui en résultat le fit rougir d'une nuance qu'il n'avait encore jamais arboré jusque là et il crut bien frire sur place.
S'en était suivie une longue conversation où il crut bien prendre feu à deux ou trois reprises sous l'embarras et il rentra auprès de son petit ami avec l'esprit bourdonnant de tellement d'informations qu'il faillit ne pas l'entendre quand il l'accueillit. Au lieu de lui répondre, il enfouit son visage brûlant contre son torse et l'encercla d'une prise ferme, ayant la nette impression que de la vapeur quittait ses oreilles. Un peu décontenancé, Jehd lui avait tapoté le dos sans trop comprendre mais compatissant au sujet de la situation de son ami, quelque qu'elle fut.
Ils étaient allés se coucher sans commenter plus, fatigués tous les deux mais pour des raisons différentes.
Au réveil, la gène était toujours présente, mais Link fut capable de refaire face à son compagnon bien qu'il évita de croiser son regard pendant encore quelques jours.
Pourquoi, par les déesses, son père avait-il décidé que c'était l'occasion d'avoir la Grande Discussion avec lui ? Ce n'était pas comme s'il était ignorant de ce genre de choses ! Pas qu'il avait l'intention de s'en vanter devant l'homme qui l'avait élevé, mais bon… Il s'en serait bien sortit en n'abordant jamais un pareil sujet avec Moï, et plus encore en détail. Ou ivre.
Surtout ivre.
Jehd avait bien remarqué que quelque chose clochait, mais par respect pour lui ou parce qu'il ignorait comment apporter le sujet sur la table, il ne le questionna pas sur son attitude contemplative, surtout quand elle disparut dès le lendemain.
Link avait droit à son jardin secret, après tout !
Puis chacun classa cet incident sans suite et un nouvel écueil du quotidien les absorba.
Et le héros se retrouvait là, à défier des fioles en verres pleines de liquides mystérieux et non nommés, paraissant le narguer de l'autre côté de la vitrine, en sécurité loin de ses mains pleines de doigts et de toutes décisions stupides qu'il pourrait prendre sur un coup de tête. Ou de manière réfléchie.
Même Midona disait qu'il ne fallait jamais laisser son neurone tout seul, il pourrait avoir des envies d'indépendance.
Posant sa tête contre la vitre, il la tapota du bout de l'index, un peu étourdi par le reflet flou de sa vision de près et celle plus lointaine des flacons, alors qu'une sombre idée se formait lentement dans les recoins obscurs de son cerveau. Il ne prit même pas le temps de l'analyser avant qu'il ne se redresse violemment, coure jusqu'à sa chambre, fouille dans sa sacoche d'aventurier et n'en revienne avec son rossignol, crochetant la serrure faible qui le séparait de ces maudites potions.
Il ouvrit en grand les portes vitrées, un grand sourire fier aux lèvres, et maintenant…
Maintenant…
Quoi, maintenant ? Il avait forcé le meuble dans lequel son petit ami stockait les résultats de ses expériences inconnues, au nom de la science et de ses recherches qui avaient tant de valeur à ses yeux, dans le laboratoire dont l'entrée n'était pas défendue, mais il savait que Jehd n'était pas à l'aise de l'y savoir, surtout quand il n'était pas là.
Et il n'était pas là.
Un courrier à poster, du lait à acheter, des bottes à cirer, il ne savait plus trop quelle raison le retenait dehors, mais c'était en partie pour ça qu'il s'était permis l'intrusion. Et qu'il la regrettait d'autant plus.
Mais, ce qui était fait était fait, non ? Peu importe quelle serait la décision suivante, il avait déjà traversé trop de limites, il devait continuer.
L'outil glissa hors de sa prise et tomba au sol, mais il n'y fit pas attention, subitement hypnotisé par toutes ces couleurs qui lui semblaient plus aveuglantes sans la barrière polarisée entre eux.
Tendant la main vers les récipients, il n'osa pas les toucher mais laisser planer ses doigts proches des surfaces, comme s'il déchiffrait d'obscures étiquettes mais il n'en était rien. Il plongeait le bleu majorelle de ses yeux dans chaque nuance se tenant devant lui.
Puis il fit son choix, comme s'il était en transe, comme si le flacon s'était présenté à lui comme une évidence.
Il s'en empara, fit sauter le bouchon, et le vida cul sec, le reposant à sa place précédente comme si Jehd ne verrait jamais la différence.
L'esprit un peu nébuleux, il ramassa son passe-partout et reverrouilla le meuble, ignorant le bouchon toujours au sol, et quitta les lieux, retournant dans le salon, quitté plus tôt sur une impulsion, retrouvant les cartes d'Hyrule qu'il corrigeait sur la base de celles qu'il avait ramassé durant sa quête.
Jehd ne se rendra compte de rien. Comment pourrait-il ? Il était au-delà de tout soupçon.
Mais cette impression d'avoir le crâne rempli de coton s'amplifia alors que les minutes s'égrenaient sur la grande horloge décorant le mur du salon. Link abandonna bien vite sa tâche, sa tête bien lourde qu'il déposa sur ses bras croisés, regrettant son impulsivité de tantôt. Il avait l'impression que tout se déroulait au ralenti autour de lui, de mauvais échos de son aventure lui revenant, avec les commentaires fatigués de son amie dont la surprise lui semblait sans fin. En quoi ses actions méritaient-elles pareil étonnement ?
Un sourire amer tordit ses lèvres alors qu'une légère plainte les quitta, une vrille de douleur ayant traversé la brume de ses pensées.
Que lui arrivait-il ?
Les larmes lui montèrent aux yeux alors que son comportement et ses réflexions puériles lui revenaient en mémoire. Comment avait-il pu douter de Jehd ? D'entre toutes les personnes possibles, pourquoi de Jehd ? Il lui avait offert une place chez lui, une place dans sa vie, une place dans son cœur, avec un naturel désarmant et sans jamais rien lui demander en retour, s'abandonnant à lui sans la moindre défiance, lui offrant ce sourire calme quelque fut la situation, que ce soit lorsque ses cauchemars les réveillaient au beau milieu de la nuit ou quand il lui présentait un nouveau chat ramassé dans la rue.
Et lui, Link, héros élu des déesses, il se permettait d'abuser de cette confiance, de cet amour. Et pour quoi ? Pour de simples fioles stupides, parce que Jehd ne lui décernait pas chaque minute de son temps ! Il était pathétique.
Bien vite, l'encre fut brouillée par les larmes dévalant les joues rebondies, les tachant par la même occasion, alors que les sanglots prenaient de l'ampleur.
Et ce fut sur cette scène que le propriétaire des lieux rentra.
Il était rentré, sifflant presque sur son trajet, juste heureux à l'idée de retourner à son foyer où il pourrait retrouver son petit ami afin qu'ils passent la journée ensemble, juste à profiter de la présence de l'autre, comme il s'en était découvert la passion, récemment.
Qu'ils parlent ou restent silencieux, il suffisait qu'ils soient juste dans la même pièce - et mieux encore, côte à côte, l'un reposant contre l'autre - pour que son cœur tressaute de joie. Telma le taquinait souvent à ce sujet, appelant cela « l'amour juvénile » et il était bien en mal de la contredire. Sans se sentir vieux, Jehd ne se sentait que plus jeune auprès de Link, l'excitation qui lui avait tant manquée durant sa jeunesse pour réaliser le moindre pas en direction de son but, semblait enfin l'avoir atteint et vingt-quatre heures ne lui suffisaient plus dans une seule journée.
Link était son soleil, sa muse, sa vie.
Mais actuellement, Link était surtout affalé sur sa table basse, trempant un parchemin inconnu de ses pleurs.
Il n'en avait pas fallu plus pour que l'archiviste se précipite à ses côtés pour l'étreindre, le cœur en miettes.
Qu'avait-il bien pu arriver pour que son bel amour, si fort et si solide, le plus grand des rocs, s'écroule en miettes ainsi ?
Il accola sa tête contre son épaule, peiné de ne pouvoir être plus utile pour alléger sa peine.
Mais bien vite, Link modifia leurs positions et se recroquevilla dans son étreinte, s'agrippant à lui comme jamais il ne l'avait fait auparavant, même secoué des plus sombres rêves.
— Link ? Parle-moi, que se passe-t-il ?
Les hoquets remplacèrent les sanglots mais ils ne rassurèrent pas plus son compagnon qui avait l'impression d'agoniser à chaque nouvelle seconde.
Une mauvaise nouvelle ? Une maladie ? Une terrible malédiction ? L'ignorance le tuait plus que n'importe quel poison, le grignotant petit à petit alors que son impuissance le frappait de plein fouet. Tant que la raison de son état lui restait obscur, il lui était impossible d'agir et, par extension, d'étancher ses larmes et de le consoler.
Mais, tel un écho à ses prières désespérées et désordonnées, les spasmes de Link s'estompèrent et un silence fragile s'installa, à peine troublé par quelques reniflements, son visage toujours enfoui contre le tissu de son vêtement.
Il lui fallut régner sur ses nerfs encore quelques secondes avant que Link ne parvienne à s'en décoller et ne lui fasse face, même si ses yeux eurent bien du mal à croiser les siens.
— Link, mon chéri, il faut que tu me parles, murmura-t-il de sa voix la plus douce. Tout peut s'arranger. Aie confiance en moi.
L'étincelle suppliante dans ses yeux bleu turquin eurent raison des dernières défenses du héros. Jehd appliqua les paumes de ses mains sur ses joues, le forçant à lui faire correctement face bien que son regard resta aussi doux et tendre qu'à l'ordinaire, sincèrement inquiet pour son bien-être.
L'étrange sensation cotonneuse s'amplifia, passant de son crâne à sa bouche, pesant sur sa langue, puis dans le reste de son corps, l'engourdissant. Son regard devint légèrement vitreux et il s'affaissa un peu dans l'étreinte aimante.
— Oh, Jehd… Je suis tellement désolé… Je suis la pire personne qui soit…
Décidant sagement de tenir sa langue, il attendit patiemment que les errements de Link cessent et qu'il se recentre tout seul, sans pour autant cesser de le réconforter.
— Tu es la personne la plus formidable qui soit, tu es intelligent, drôle, passionnant, loyal, tu as un cœur énorme…
Cramoisi de gène, l'érudit dut prendre sur lui pour ne pas le corriger ni pour ne pas prendre la fuite le temps que l'émotion ne passe. Nul doute que faire ça ne ferait qu'empirer l'état de son compagnon.
— Je ne mérite pas quelqu'un d'aussi bon que toi, renifla-t-il. Je ne suis qu'un berger idiot, tout juste capable de déchiffrer les devantures des magasins et d'écrire mon nom. Chaque matin, je me réveille la peur au ventre que tu finisses par t'en rendre compte et me mette à la porte, et chaque nuit je remercie les déesses que tu ne l'ais pas fait et continues de t'endormir à mes côtés.
Les sanglots avaient disparus, ne laissant plus qu'une voix nasillarde et faible mais compréhensible, que Jehd écoutait attentivement. Il ne savait pas encore pourquoi Link se mettait autant à nu - était-il ivre ? - ni même si tout ce qu'il racontait était vrai, mais son instinct le poussait à le laisser vider son sac. Peut-être ne se souviendra-t-il plus de rien une fois cela fait ?
Et ce fut ainsi, mal assis et les membres emmêlés, que le jeune hylien plaça ses plus sombres secrets et pensées à la lumière, s'étranglant à chaque fois qu'il répétait à quel point il était quelqu'un d'horrible ne méritant aucunement tout l'amour et l'affection que lui portait son compagnon, qu'il allait forcément finir par ouvrir les yeux et le mettre à la porte, l'éjecter de sa vie et se trouver quelqu'un avec bien plus de valeur, quelqu'un qui le mériterait bien plus.
Ses dernières phrases étaient rugueuses, tirant sur une gorge sèche, mais Link refusait la moindre pause, même pas le temps de s'hydrater correctement ou qu'ils puissent au moins s'installer sur le canapé, et il finit par s'endormir, le visage reposant contre le tissu doux du veston de l'archiviste. Celui-ci fixa le vide quelques instants, cillant longuement alors qu'il tentait de digérer toutes les informations établie par cette longue confession.
Sa raison, il ne la savait toujours pas, mais au moins pouvait-il enfin bouger et traîner Link sur le canapé et l'y allonger, le recouvrant de la couverture. Les larmes avaient tracé leurs passages sur ses joues, mais au moins semblait-il plus paisible, maintenant que le sommeil l'avait fauché.
Soucieux de son futur réveil, il l'embrassa sur le front après l'avoir dégagé des mèches errantes, puis se leva au profit de son bureau, y rangeant ce qu'il avait rapporté de ses courses précédentes.
Et ce fut là qu'il découvrit le pot aux roses…
— LIIIIIIINK !
Voracity Karn
