Bonjour à tous, Voici la suite hebdomadaire de cette fiction ! Un immense merci à tous pour vos lectures et vos commentaires : même quand je ne peux pas vous répondre, sachez que je les apprécie beaucoup. Bonne lecture et belle semaine :)


Chapitre 23 : Quatre conversations

- Expliquez-moi.

Hermione avait conscience qu'elle se tenait là dans une très bonne imitation d'un cerf pris dans les phares d'une voiture. Elle n'avait vraiment pas envie d'expliquer. Et pourquoi c'était toujours à elle de lui expliquer des choses ? « Expliquez-vous. Dites-moi tout, miss Granger ? » Pourquoi d'autres personnes ne pourraient pas s'en charger ? Comme le Directeur, par exemple…

Le Directeur !

Elle lui avait promis de lui envoyer un elfe de maison dès que le professeur Snape aurait repris conscience. C'était une forme de procrastination, mais Hermione la saisit de tout son cœur.

- Je dois aller chercher le professeur Dumbledore, dit-elle rapidement avant de s'échapper à toutes jambes.

Même les Gryffondors avaient le droit de ne pas être courageux tout le temps – un jour de congé ne lui ferait pas de mal, se dit-elle en descendant les escaliers.

L'elfe de maison qu'elle envoya pour ramener Dumbledore amena Alvarez dans la foulée. Hermione vit Tonks lever un sourcil en direction de Remus, mais aucun des deux ne prononça un mot. Hermione était ravie de l'arrivée d'Alvarez en tout cas. Bien que la sorcière ne faisait pas officiellement partie de l'Ordre, elle était impliquée. Et comme ça, elle pourrait faire le check-up du professeur Snape.

- Le professeur Snape est réveillé, dit-elle avec un immense sourire, une fois que les deux sorciers avaient pris conscience de là où ils se trouvaient.

Alvarez fit un pas en avant et prit un ton professionnel.

- Est-il seulement réveillé ou a-t-il toute conscience ?

Le sourire d'Hermione se fit un peu moins large.

- Il a repris conscience et il demande déjà des explications sur ce qui s'est passé.

- C'est très bon signe pour un rétablissement complet, répondit Alvarez en attrapant son sac de médicomage. Allez, dit-elle en faisant signe à Hermione, allons le voir.

Dumbledore l'arrêta en plaçant une main sur son épaule.

- Je pense que ce serait mieux qu'Hermione reste en bas, Arrosa. Au moins le temps que vous puissiez faire votre examen et que j'ai pu échanger quelques mots avec le professeur Snape.

Hermione s'attendait à voir la médicomage protester, mais Alvarez se contenta de plisser un peu les yeux avant d'acquiescer.

- Vous avez peut-être raison, pour cette fois. J'aurai besoin que tu montes avant que je parte, ajouta-t-elle cependant à l'adresse d'Hermione. Je te ferai part des soins à poursuivre et je m'assurerai ainsi qu'il suive tes consignes. Je suis sûre qu'Albus te fera savoir quand il en aura terminé avec son maître des Potions.

Elle fit un signe de tête à Albus et ils montèrent tous les deux en laissant Hermione dans l'entrée. Ne sachant pas quoi faire en attendant, elle se laissa tomber dans un fauteuil. Un silence inconfortable s'étira, mais Tonks – bénie soit-elle – tenta d'alléger l'atmosphère pesante.

- Comment ça va, Hermione ?

Hermione lui adressa un sourire de soulagement, que Tonks lui renvoya. Elle réalisa soudain qu'en tant que métamorphomage, Tonks savait certainement ce que ça faisait d'être laissée à part par ses camarades sorciers et sorcières.

- Je vais bien, Tonks, merci.

- Maintenant que Snape est réveillé, je crois que tu vas galérer. Je ne pense pas qu'il soit un patient très agréable, dit-elle.

- Ce vieux Snape n'a jamais été très agréable, patient ou non, dit Remus avec un rire, en donnant un petit coup de coude à Tonks.

Hermione se redressa, droite comme la justice, et regarda Remus d'un air courroucé, jusqu'à ce que ce dernier cesse de rire. Elle n'avait pas envie de reprendre un adulte sur son manque de respect pour le professeur Snape, comme elle le faisait habituellement avec Ron, alors elle se leva et quitta la pièce. Elle allait juste attendre devant la porte de la chambre du professeur de potions, jusqu'à ce qu'Alvarez l'appelle.

- Qu'est-ce qu'elle a ? demanda Remus à Tonks, derrière elle.


- Arrosa, siffla Snape avec agacement.

Arrosa se contenta de lui sourire.

- Laisse tomber, Severus. Je ne suis pas l'une de tes étudiantes : tes grognements ne m'intimident pas.

- Je n'essaie pas de t'intimider, nia-t-il en remontant le drap sur son corps. J'essaie de garder ma dignité – et un peu de pudeur.

Elle eut l'audace de rire.

- C'est ça ! Comme si la vue de tes fesses pâles et osseuses allait me donner des vapeurs !

Soudain, elle fronça les sourcils et son visage refléta son inquiétude réelle.

- Sérieusement, Severus, tu es trop maigre. Tu as besoin de quelques vrais repas et d'un sommeil reposant. Un corps ne peut pas être abusé indéfiniment – il finira pas s'arrêter, tout simplement.

Pour la première fois depuis que la médicomage et le directeur étaient entrés dans sa chambre, Severus perdit un peu de sa combativité. Il jeta un coup d'œil rapide vers la chaise où était assis Albus, de l'autre côté de la pièce.

- Ce n'est pas toujours possible.

Il avait toute confiance en Arrosa : elle était une Serpentard intelligente, elle saurait lire dans ces quelques mots toutes les nuances possibles de sa réponse. Et il ne fut pas déçu en voyant ses lèvres serrées et son regard se durcir. Elle avait compris son message, mais alors qu'il voyait un peu de sympathie sur son visage, il préféra détourner son attention.

- Tu as agité ta baguette, claqua-t-il en reprenant le ton habituel de leurs joutes verbales. Maintenant, médicomage, prononce que tout va bien, pour que je puisse m'habiller et partir.

Son expression redevint celle, habituelle, de la professionnelle compétente et directe. Severus se doutait cependant qu'il n'avait pas vraiment fait illusion avec sa tentative de reprendre le dessus.

- Je suis désolée, Severus, mais tu n'es pas en état d'aller où que ce soit. Crois-moi, si tu essaies de te lever maintenant, tu seras face contre terre avant même ton deuxième pas. Et si tu es assez têtu pour essayer quand même, je n'ai pas l'intention de te rattraper ou de refaire ton nez, quand il se sera écrasé sur le parquet.

- Ah, renifla-t-il, je reconnais bien là la délicatesse qui t'a propulsée directrice du Service de pathologie des sortilèges.

Elle claqua la langue.

- La flatterie ne te mènera nulle part, Severus.

D'un coup de baguette, elle installa un petit présentoir à fioles sur la table de chevet, ainsi qu'un pot de céramique blanche habituellement utilisé pour les baumes médicinaux. Arrosa put voir sa curiosité. Elle abandonna le ton badin et moqueur pour lui expliquer, avec toute la courtoisie due à un collègue professionnel.

- De la verveine pour la douleur. De l'écorce d'Eucommia pour la faiblesse qui te terrasse en ce moment même. De la teinture d'opium pour t'aider à la fois à recharger tes réserves magiques à plat et à gérer la douleur. Le baume est un mélange de baume anti-brûlure, avec de la scutellaire casquée et de la racine de réglisse. Tu as quelques mauvaises brûlures sur les bras, les jambes et une partie de ton dos.

- De l'écorce d'Eucommia. Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux utiliser de la racine d'Angélique ?

Elle lui adressa un regard colérique.

- Tu t'y connais peut-être en potions, Severus Snape, mais c'est moi la médicomage, ici. J'ai choisi l'Eucommia en raison de ses propriétés fortifiantes. Crois-moi, tu en auras besoin. Tu-Sais-Qui t'a presque tué. Si ta miss Granger n'était pas venue me chercher au moment où elle l'a fait, tu serais mort depuis longtemps.

Severus fronça les sourcils. « Sa miss Granger ? » fut sa première pensée, immédiatement suivie de « Alors miss Granger est vraiment allée chercher Arrosa ? »

Son froncement s'accentua. Ça n'avait aucun sens. Personne dans l'Ordre ne lui aurait permis d'entrer. Il regarda Albus directement et ce dernier hocha la tête. Alors c'était vrai. Intéressant. Il ajouta une note mentale pour aborder ce sujet avec le Directeur, lors de leur conversation à venir. Mais il devait d'abord en finir avec Arrosa.

- Très bien, dis-moi ce que je dois savoir. Je serai un patient idéal.

- Idéal mes fesses. Je ne te demande pas un miracle, Severus. Suit simplement mes recommandations et n'essaie pas d'en faire plus que tu ne le peux : ton corps et ta magie ont besoin de temps pour guérir.

Severus était fatigué. Et ça l'agaçait d'autant plus qu'il n'était réveillé que depuis une petite heure. Une heure durant laquelle on l'avait examiné et testé sous toutes les coutures, on avait agité une baguette autour de lui, on l'avait forcé à avaler une potion fortifiante mal préparée – il avait d'ailleurs fustigée Arrosa pour son choix de potionniste.

Et pour en rajouter une couche, on lui avait fait la morale – assez longtemps et avec véhémence – pour qu'il prenne mieux soin de lui, qu'il suive les instructions d'Alvarez et qu'il laisse Miss Granger lui faire certains de ses soins avec humilité et patience. On avait même osé glisser quelques menaces. Et pendant tout ce temps, Albus était resté stoïque, avec cette expression de sérénité particulièrement agaçante sur le visage.

Il était maintenant difficile pour lui de se concentrer sur ses pensées. Son corps était lourd et une lassitude presque suffocante le pressait de fermer les yeux et s'endormir. C'était d'ailleurs ce dernier détail, plus que tout le reste, qui lui avait fait comprendre que sa situation était au moins aussi grave que ce que lui avait indiqué Arrosa.

Mais Severus avait vécu la majeure partie de sa vie en utilisant purement sa volonté pour franchir les obstacles que la vie lui avait présentés. Il ne permettrait à aucune faiblesse – pas même celle de son corps – de déterminer son destin. La seule concession qu'il se permit fut de s'installer un peu plus confortablement, en s'appuyant contre son oreiller, pour observer les interactions entre le directeur et Arrosa. Il ressentait une forme de curiosité léthargique.

Leur conversation à mi-voix ressemblait plus à une dispute, s'il en croyait les gestes et le langage corporel de la médicomage. Et le rendu formait un tableau intéressant. C'était un exercice fascinant d'observer leur interaction en ne pouvant saisir qu'un mot ici ou là.

- … j'ai besoin…

- Vieux bouc, si vous… sens…

Il aurait pu se poser la question de leur échange. Cependant, Arrosa le pointait sauvagement de temps à autre, alors il n'était pas difficile de supposer qu'il était l'objet de leur discussion agitée. Severus retint un sourire en voyant Arrosa pointer un doigt sur la poitrine du directeur, son autre poing fermement planté sur sa hanche. Albus n'avait plus l'air aussi placide, maintenant qu'Arrosa fixait son attention sur lui.

Bien fait pour lui. Severus était cependant encore plus curieux de la manière dont Arrosa était arrivée dans l'Ordre. Cela faisait plusieurs années qu'il demandait expressément à Albus d'inclure Arrosa au sein de l'Ordre du Phoenix.

Elle était l'une des médicomages les plus respectées de Sainte Mangouste, une Serpentard rusée et elle venait d'une ancienne famille sorcière, bien établie. Alvarez était dans la position parfaite pour à la fois rassembler des informations utiles, tout en plantant de fausses rumeurs au sein des familles qui formaient le noyau dur du support financier et politique du Seigneur des Ténèbres.

Dans le passé, Albus avait toujours balayé ses tentatives de recrutement avec des remarques détournées. Severus avait toujours supposé que la réticence d'Albus de recruter cette brillante doctoresse venait de son passé de Serpentard et tous les préjugés qui collaient aux membres de cette maison. Cependant, en voyant leurs interactions, il réalisait désormais que l'exclusion d'Arrosa avait moins à voir avec son ancienne maison qu'avec le passé personnel d'Albus.

Ses lèvres frémirent, mais il résista au sourire. Il se demandait si Minerva avait déjà rencontré Arrosa et ce que les deux sorcières les plus puissantes dans la vie d'Albus pensaient l'une de l'autre. C'est avec cette délicieuse image à l'esprit que Severus passa d'une observation comateuse à un sommeil profond.

- Severus ?

Son nom, prononcé doucement, pénétra le cocon de chaleur qui l'entourait. Une partie de lui voulait ignorer la voix et s'enfoncer plus profondément dans les ténèbres accueillantes du sommeil. L'autre partie, cependant, était pressée par le devoir et le respect de ses engagements – et elle venait de reconnaître la voix du directeur. Il n'hésita pas plus et se réveilla, alerte, ouvrant les yeux.

- Excuse-moi de te réveiller, Severus. Je ne le ferai pas, si je n'étais pas certain que tu possèdes des informations vitales.

Severus haussa les épaules et grimaça, alors que la blessure qui barrait sa poitrine pulsait.

- Vous avez eu raison de me réveiller, Albus. Trop de jours sont déjà passés et mes informations sont probablement critiques désormais.

Il jeta un œil rapide autour de lui, avant de poursuivre. Ses vieilles habitudes d'espion ne le quittaient jamais. Albus reconnut le geste et y répondit.

- J'ai renvoyé Alvarez pour qu'elle parle avec Miss Granger. Nous sommes seuls et j'ai sécurisé la pièce.

Severus laissa de côté sa curiosité concernant le rôle de Miss Granger dans toute cette affaire et se focalisa sur la question bien plus importante des affaires de l'Ordre.

- Vous devez absolument savoir certaines choses. L'état mental et émotionnel du Seigneur des Ténèbres, avant que je ne le quitte, glissait vers le désespoir. Plusieurs de ses plans clés ont échoué et l'ont poussé à prendre des décisions plus radicales. Je crois que nous avons une carte à jouer, si l'Ordre peut agir rapidement.

Il lutta pour se redresser un peu dans ses coussins et jura dans sa barbe, quand son corps ne lui obéit pas tout à fait. Une main sur son épaule stoppa son mouvement.

- Détends-toi, mon garçon.

Dumbledore l'observait de son regard bleu acier, perçant.

- Je vais bien, Albus, répondit Snape d'un ton agacé. Le repos m'a fait du bien.

Il abandonna cependant l'idée de se redresser et s'installa plus confortablement dans l'oreiller. Il savait que lutter donnerait l'impression qu'il était faible. Le Directeur n'avait pas l'air convaincu, mais il acquiesça néanmoins.

- Si tu le dis, alors prépare-toi.

Severus ferma les yeux et prit une profonde inspiration, avant de se détendre. Il figura son lac mental, immobile, dans son esprit. Il l'avait fait tellement de fois au fil des années que c'était presque un réflexe et il ne lui fallut qu'un instant pour se recentrer, sur la rive. Il ne se souvenait plus à partir de quand il avait commencé à imaginer un lac et ses berges pour représenter son état mental et émotionnel. Après toutes ces années, cependant, cette image lui parvenait naturellement et il n'avait aucune peine à interpréter les images et les sons autour de lui.

Seul dans son esprit, le lac se ridait avec ses pensées. Ses émotions et ses désirs se manifestaient sur les berges. Les arbres étaient alignés et leur feuillage s'agitait doucement sous la brise, un petit animal fourrageait quelque part dans les buissons. Sa propre représentation se tenaient debout, au bord du lac.

Comme un chef d'orchestre, il étendit sa main devant lui. Autour, les bruits et le mouvement des feuilles d'arbre stoppèrent. Un mouvement de sa main fantomatique et la surface du lac devint lisse et brillante comme du verre.

Il se prépara, puis avança dans l'eau. Quelques pas plus loin, cette eau atteignit sa taille, puis sa poitrine. Il continua d'avancer jusqu'à ce que l'eau dépasse le sommet de sa tête. Il plongea et nagea profondément, sans avoir besoin de respirer, jusqu'à atteindre le fond lointain du lac. Là, il prit le temps d'enfouir encore plus profondément, dans la boue des fonds marins, toutes les choses qu'il n'avait pas envie de montrer au directeur.

Il fit ensuite remonter le reste à la surface, les fragments de mémoire brillant comme des poissons d'argent. Le lac ressemblait désormais à une Pensine géante, attendant que quelqu'un en touche la surface.

Il ouvrit les yeux et croisa le regard profond et attentif d'Albus.

- Allez-y.

- Legilimens.

Le pouvoir du sortilège le frappa et il lutta pour maintenir son esprit ouvert. Son instinct lui hurlait de remonter ses barrières et de geler le lac pour se protéger. Pendant un instant, un vent gelé gronda à travers son paysage mental et les arbres ployèrent sous sa force. Severus regagna cependant le contrôle et le vent finit par laisser place à un calme absolu.

Il n'était désormais plus seul dans son esprit. Il attendit qu'Albus touche chacun des souvenirs qu'il avait appelés, depuis le moment où ils s'étaient quittés pour la dernière fois. Des souvenirs qu'Albus pouvait désormais expérimenter en première ligne.

Il sentit le moment où Albus se retira, car la pression de la magie du directeur se fit moins forte. Il ne sortit pas immédiatement de son esprit, préférant nager sous la surface du lac quelques instants, pour profiter du calme. Il relâcha peu à peu son contrôle et les pensées autour de lui montèrent et le soulevèrent, troublant la surface. Lorsqu'il sortit de l'eau, il ouvrit les yeux en s'attendant presque à voir le bleu du ciel, mais il croisa le regard bleu et triste du directeur.

- Albus ?

- Je sais que tu es fatigué, mais j'ai besoin de discuter de certaines choses avant de te remettre aux bons soins d'Arrosa.

- Concernant miss Granger ?

- Précisément concernant cette jeune femme, j'en ai peur.

Severus fronça les sourcils.

- Je suis désolé, Severus, dit-il en posant une main sur le bras posé sur les draps. La raison pour laquelle tu es dans cet état, la raison pour laquelle Tom t'a fait subir ce sort, est Miss Granger. Assistée de mon aide, évidemment. C'est pourquoi Miss Granger est directement responsable de prendre soin de toi, jusqu'à ce que tu reprennes tes forces.

- Ce serait peut-être mieux que vous m'expliquiez ce qui s'est passé depuis la dernière fois que nous nous sommes vus.


Hermione faisait les cent pas devant la chambre de Snape. Ses pas étaient rapides et ses demi-tours un peu brusques, alors qu'elle perdait parfois le contrôle sur son agitation interne.

Elle était toujours en colère contre l'attitude cavalière de Remus envers le professeur Snape. En plus, Alvarez était sortie de la chambre en laissant le directeur derrière elle. Elle était partie aux cuisines pour se préparer un petit quelque chose à manger, en attendant de pouvoir retourner voir Snape. Ce dernier était donc seul avec le Directeur. Ce qui l'amenait à un autre sujet d'agitation.

Je suis foutue. Royalement foutue.

Le fait qu'elle ne se sermonne même pas pour son langage interne prouvait son état d'agitation, d'ailleurs.

Peut-être qu'elle aurait dû attendre, avant d'aller chercher Dumbledore. Elle aurait pu raconter son côté de l'histoire, avant que le directeur ne discute avec Snape. Elle n'était pas particulièrement enthousiaste à l'idée d'avouer ce qu'elle avait fait… Que ce soit son côté de l'histoire, celui de l'Ordre ou celui du Directeur, elle était fichue de toute façon. Peu importait avec quel angle on regardait les évènements, ça ne faisait plus beaucoup de différence désormais : elle était foutue.

Elle ne pouvait même pas les espionner : Dumbledore avait lancé un Sortilège de Silence.

Elle fit un nouveau demi-tour dans le couloir en imaginant toutes les choses que Dumbledore allait bien pouvoir dire à Snape.

- Hermione ?

Elle sursauta avec un petit cri et pointa sa baguette sur le nouveau venu.

- Bordel, Ron ! cria-t-elle. Ne fait pas ça ! Tu m'as fait une peur bleue.

Ron passa d'un pied à l'autre avec un sourire piteux.

- Désolé, je ne voulais pas t'effrayer.

Il glissa les mains dans ses poches et haussa les épaules.

- Erm… Je venais… Tu sais, pour voir comment tu vas. Le professeur Dumbledore est là-dedans avec Snape depuis un bon moment.

- Le professeur Snape, Ron, la corrigea automatiquement Hermione.

Il haussa de nouveau les épaules, la remarque glissant sur lui sans l'atteindre.

- Tu crois qu'ils sont en train de parler de quoi ?

Dans la mesure où répondre « de moi » aurait semblé un peu trop arrogant, elle opta pour une réponse plus large.

- Je pense que le professeur Snape est en train de faire un rapport à Dumbledore concernant les dernières activités de Voldemort, ainsi que la raison pour laquelle il a essayé de le tuer. Et le directeur doit probablement mettre le professeur Snape au courant des dernières informations, en retour. Il s'est passé beaucoup de choses ces dernières semaines.

- Tu crois qu'il va lui dire à propos de toi ?

- Oh ça, je n'en doute pas un instant, répondit-elle en grimaçant.

Ils restèrent silencieux un moment. Hermione regardait Ron avec curiosité et Ron regardait partout, excepté en direction d'Hermione. Il reprit finalement la parole.

- Est-ce que tu crois qu'il va raconter ce qui se passe avec Harry ?

Nous y étions. Le sujet dont ils n'avaient pas encore parlé – et la vraie raison pour laquelle Ron était venu la voir. Hermione eut un pincement au cœur et du mal à respirer, un instant. Elle avait l'impression de les trahir.

- Non, je ne pense pas que le directeur dira quoi que ce soit au professeur Snape. Il sait que lui et Harry ne se supportent pas.

Mais ça ne m'empêchera pas de parler d'Harry au professeur Snape…

- Hermione…

- Tout ira bien, Ron. Nous allons trouver une solution.

Ron eut l'air dubitatif, mais il acquiesça néanmoins.

- Oui, nous allons y arriver.

Ron agita son pied une nouvelle fois, en suivant une fissure sur le parquet de l'étage. Hermione devina qu'il cherchait un moyen de partir. Une vague de tristesse l'envahit, ainsi que quelque chose qui ressemblait à de la nostalgie. Elle comprenait qu'elle et Ron n'avaient plus de sujet de conversation rien qu'à eux. La seule chose qui les liait encore était Harry. Et même ce lien se faisait plus ténu.

- Bon, ben bonne chance alors. Je ne pense pas que Snape va apprécier qu'un élève soit désigné pour l'aider à aller mieux. Ne laisse pas cette grande chauve-souris te démoraliser.

Ron s'éloigna si rapidement, qu'elle n'eut même pas le temps de le reprendre pour son manque de respect.


Même si Hermione s'y attendait, elle sursauta de surprise, quand la porte du professeur Snape s'ouvrit. Au moins, cette fois, elle n'avait pas crié. Dumbledore se tenait dans l'encadrement de la porte. Il avait l'air troublé et fatigué, mais quand il la vit, il remit en place ce qu'Hermione appelait désormais son masque de clémence cordiale, cachant ses véritables pensées.

En le voyant, elle ressentit un peu de culpabilité pour ses récentes pensées non charitables à son égard. Le rôle qu'il avait à jouer était aussi stressant – si ce n'était aussi dangereux – que celui du professeur Snape. Mais sa petite voix intérieure agaçante pointa, avec sournoiserie, que Dumbledore avait au moins un cercle d'amis sur lequel se reposer quand il avait besoin de compagnie.

Quand était-elle devenue cynique ?

- Ah, miss Granger. Merci d'avoir attendu.

Hermione lui adressa un sourire, mais une étincelle dans les yeux de Dumbledore lui fit se demander s'il ne parvenait pas à voir à travers son masque comme elle commençait à voir à travers le sien. Il s'avança dans le couloir et passa ses doigts dans sa barbe, le regard fixé sur elle. Hermione trouva cependant que ce regard n'était pas aussi effrayant que celui de Snape. Et dans la mesure où Dumbledore ne lui posait aucune question, elle resta silencieuse.

Mais bizarrement, elle eut l'impression que son attitude lui plut, puisqu'il posa doucement une main sur son épaule.

- J'ai conscience que même prendre soin du professeur Snape n'est pas particulièrement ce que vous auriez voulu, mais j'ai une totale confiance en vous pour l'aider… Même si les circonstances peuvent s'avérer difficiles, ajouta-t-il après une pause.

Hermione supposa que c'était la manière qu'avait Dumbledore de décrire la personnalité acide du professeur Snape.

- Je ferai de mon mieux, directeur.

Il lui fit un sourire doux.

- Oui, je le crois en effet. Allez-y, s'il vous plait, mais soyez brève : je crains qu'entre docteur Alvarez et moi-même, le professeur Snape soit un peu fatigué. Prévenez la médicomage quand vous aurez terminé.

- Bien sûr, directeur.

Le directeur sembla satisfait et poursuivit son chemin pour descendre les escaliers. Hermione resta seule.

La porte devant elle s'était un peu refermée et elle ne laissait passer que la lueur tremblotante d'une bougie dans le couloir. Elle n'entendait rien, mais elle supposa que Snape l'attendait. Elle se demanda un instant s'il existait une expression équivalente à pénétrer dans l'antre du lion, mais avec un serpent, puis se décida à entrer, en fermant la porter derrière elle.

Elle s'avança dans la pièce les yeux fixés sur le plancher, puis stoppa. Elle s'attendait à ce que Snape l'invective à tout instant, pour son attitude téméraire des derniers jours. Cependant, il ne semblait pas pressé de démarrer la conversation et le silence s'étira.

Elle s'agita, sa balançant d'un pied sur l'autre, puis suivit une planche du bout de l'orteil.

Oh mon dieu, j'imite Ron ! réalisa-t-elle soudain.

Elle planta résolument ses deux pieds au sol, redressa les épaules, joignit les mains devant elle, puis elle leva les yeux pour regarder le professeur, allongé sur le lit. Toute sa nervosité disparut soudain, engloutie par une colère brûlante. Cet homme était réveillé depuis à peine deux heures, mais il avait l'air dix fois plus mal en point que quand il avait ouvert les yeux la première fois, réclamant des réponses.

Et il était aussi profondément endormi.

Apparemment, elle avait un sursis. Au moins jusqu'au lendemain matin, car elle savait qu'à peine réveillé, il lui réclamerait à nouveau des réponses.


Harry observa Hermione du coin de l'œil, alors qu'elle vérifiait le plateau du petit déjeuner présenté par l'elfe qui avait investi les cuisines de Grimmaurd. Le fait de la voir s'agiter pour de la nourriture destinée à Snape alimentait la colère qui ne semblait pas vouloir le quitter, ces derniers jours. En fait, constater sa bonne humeur du fait que le bâtard s'était réveillé l'énervait encore plus.

Certains jours, il ne ressentait aucune colère, mais ce n'était pas le cas aujourd'hui. Aujourd'hui, la colère le brûlait et pulsait avec chacun des battements de son cœur et faisait ressortir toutes les peurs, l'iniquité et l'injustice aveugle qui présidaient sa vie.

Il n'avait jamais demandé à être Celui-qui-a-survécu. Il n'avait jamais demandé à devenir la cible de Voldemort. Il ne voulait pas de cette responsabilité, ni des regards que les membres de l'Ordre du Phoenix lui adressaient, avec ce mélange de pitié et d'espoir désespéré. Il ne savait jamais déterminer ce qui était le pire, lequel de ces sentiments alimentait le plus cette colère qui grandissait et grondait en lui.

Il quitta la cuisine avant de dire quelque chose de trop et ignora le regard confus de Ron. Au moins, avec lui, il n'y avait jamais cet affreux mélange de pitié et d'espoir. Harry pouvait ignorer la confusion, comme maintenant.

Il ne fut pas surpris de voir que Ron ne le suivait pas. En même temps, la dernière fois qu'il avait essayé, ils s'étaient disputés comme jamais. Il y avait donc peu de chance qu'il coure après lui, désormais. Une partie de lui aurait aimé cela, cependant. Il aurait aussi aimé qu'Hermione cesse de défendre Snape. Et bien sûr, il aurait aimé que Voldemort s'étouffe sur un os de poulet et meure, pour que tout le monde puisse reprendre sa petite vie tranquille. Mais ses vœux étaient rarement exaucés.

Il se dirigeait au grenier.

Il passa devant le portrait haineux de madame Black, qui regardait méchamment le reste du monde à travers le vieux rideau de velours troué qui cachait son tableau. Harry lui jeta un regard noir et le portrait resta heureusement silencieux.

Il monta les escaliers, mais au lieu de s'arrêter à l'étage des chambres, il poursuivit. A mesure qu'il montait, les marches étaient plus sales, noircies et sombres. Il atteignit finalement la porte tout en haut. Derrière elle, une nouvelle volée de marches étroites et raides conduisait au grenier des Black.

Il ouvrit la porte d'un coup d'épaule et s'avança dans l'espace étroit et bas de plafond. Des caisses et des malles de tout sorte étaient empilées au hasard sous les corniches. Des draps recouvraient des meubles en forme de tables et de chaises, éparpillés dans les quelques espaces restés libres. Tout était recouvert d'une épaisse couche de poussière et de saleté, sauf une oasis de propreté relative, avec une table et une chaise abimées.

C'est ici qu'Harry avait bâti son Saint des saints, sa forteresse de Solitude. C'était une pensée qui ne manquait jamais de l'amuser. De Dumbledore à Voldemort, tout le monde l'avait propulsé au rang de héros et de sauveur – un rôle qu'il ne voulait pas. A chaque fois qu'il avait tenté de s'éloigner, on l'avait rappelé. Il avait l'impression d'être un superhéros torturé, tout droit tiré d'un vieux comics de Dudley, qui avançait de case en case sous la plume d'un auteur inconnu.

Il se laissa tomber sur le brocard terni de la chaise et toussa lorsqu'un petit nuage de pourssière s'éleva sous l'impact. Il fronça les sourcils, la mine assombrie. L'auteur – ou plutôt les auteurs – de son histoire n'étaient pas inconnus. Toute sa vie avait été orchestrée par les professeurs Dumbledore et Vector. Il n'avait pas reçu sa cape d'invisibilité parce qu'elle appartenait à son père ou qu'elle était réellement à lui, mais parce qu'il allait en avoir besoin.

Le moment incroyable où il avait tiré l'épée de Gryffondor du Choixpeau magique pour combattre le Basilic, ce moment où il s'était senti fier et honoré, comme si Godric Gryffondor veillait sur lui… n'était qu'un autre mensonge. Une autre mise en scène. Quelque chose pour qu'il remplisse son rôle.

Qu'ont-ils manipulé d'autre ? Qu'ont-ils modifié pour que tout tombe dans leur sens ? Ai-je déjà eu le choix ?

Il sortit sa baguette de sa poche et caressa le bois poli et doux sur toute sa longueur. Ils le regardaient tous comme si un simple mouvement de sa baguette allait tous les sauver.

Je ne sais même pas si j'ai envie de les sauver.

Mais la honte et la culpabilité vinrent immédiatement écraser cette pensée. Voldemort était fondamentalement mauvais. Lui et ses Mangemorts tuaient des centaines de personnes. Ils avaient détruit des vies, des familles. Sa famille.

Je ne le laisserai pas faire.

C'était important. Ils avaient fait en sorte que ce soit important de tous les sauver. Mais c'était ce qui le mettait le plus en colère, en réalité. Il aurait fait tout son possible même sans eux. Ils n'étaient pas obligés de le manipuler ! Mais ça n'avait plus d'importance.

Soit il tuait Voldemort, soit Voldemort le tuait.

Il pointa le bout de sa baguette entre ses deux yeux et appuya fortement pour faire partir la tension qui se cumulait à cet endroit. Tous les sauver.

L'un devra mourir de la main de l'autre, car aucun ne peut vivre tant que l'autre survit.

Cette phrase tournait dans sa tête en permanence. Il allait devenir un meurtrier. Pas sûr que le fait que Voldemort soit un tueur pire que lui, puisqu'il allait finalement devenir le tueur qui avait tué l'autre tueur, comme tout le monde l'avait entrainé jusque là – en particulier Dumbledore et Vector.

Sa baguette s'enfonça un peu plus dans sa peau.

Il le ferait. Il tuerait ce bâtard.

Il glissa une main entre le coussin et le côté de la chaise et tira un livre fin à la couverture de cuir pâle. Son titre un peu effacé était « Statuts et Lois sorcières, volume XXXVIII – Ajout sur les Impardonnables ». Harry avait trouvé ce petit livre qui ne payait pas de mine par accident, alors qu'il faisait des recherches pour l'un des devoirs d'Histoire donnés par le professeur Binns.

Ce livre détaillait la session du Magenmagot pendant laquelle il avait été décidé que les sortilèges Endoloris, Imperium et le sort de mort seraient des Impardonnables sur le territoire britannique. Les débats avaient duré neuf jours. Chaque question et chaque réponse avait été consignée en détail, selon un style sec mais précis.

La meilleure partie, selon lui, était la section concernant le sort de mort. Des chercheurs et théoriciens magiques et des pratiquants du sort avaient expliqué ses usages et ses limites, ainsi que la meilleure façon et la plus efficace de le lancer.

Il alla directement l'endroit qu'il avait marqué avec un bout de ficelle, puis observa la pièce, jusqu'à ce qu'il repère une araignée entre les poutres. Il imagina Voldemort et rassembla toute la haine qu'il pouvait ressentir. Puis il ajouta l'image de Pettigrow à cette première image mentale. Enfin, il ajouta Snape.

Il fit un mouvement de baguette.

- Avada…


Note de l'auteur original :

Pour ceux d'entre vous qui me suivez depuis un moment et m'avez écouté me plaindre, sachez que je déteste écrire des conversations. Imaginez ma consternation, quand j'ai réalisé que tout ce chapitre était composé de conversations ! Ron qui parle avec Hermione, Snape qui parle à Dumbledore, Hermione qui parle à Snape, Harry qui parle à lui-même… C'était comme une petite tranche d'enfer personnel. Qu'est-ce que je ne ferais pas pour vous, les gars !

Harry et l'utilisation de magie noire / la trace

Voici mes pensées, si vous êtes intéressés. Quand Harry est à Poudlard, il est autorisé à pratiquer la magie, donc personne ne remarque ses « activités extra-scolaires ». En dehors de la période scolaire, c'est le Fidelitas et tous les sortilèges de camouflage sur Grimmaurd qui masquent au Ministère le fait qu'Harry pratique de la magie, donc la trace ne fonctionne pas. Et comme la maison Black suinte de magie noire depuis des années, les sorts d'Harry ne sont qu'une goutte d'eau dans l'océan.

Je suis le Mal (oui, avec un M majuscule) pour stopper ce chapitre ici. Je n'ai pas pu m'en empêcher.


Note de la traductrice : j'espère que ce chapitre vous a plu ! N'hésitez pas à laisser votre avis en partant :) Je vous souhaite une excellente semaine et à dimanche prochain. Lena.