Golds et soutiens-gorges, épisode 20
« Ça ne m'étonne pas qu'Ikki soit le père de l'enfant », commenta Hyôga. « Je me souviens que Shaka n'arrêtait pas d'ouvrir ses yeux pour lui faire de l'œil. »
Shiryu se gratta le menton.
« Je ne l'avais pas interprété de cette manière mais maintenant que tu le dis... »
« Oh, tu connais le proverbe : au royaume des aveugles... »
« Hyôga, c'est offensant. »
« Excuse-moi. »
« Si je retrouvais mon ancien corps, est-ce que tu m'aimerais toujours ? » demanda Shaka à Ikki, dès qu'ils furent seuls.
« Shaka, je ne peux pas nier que je préfère ton nouveau corps... Mais tes yeux et ton âme sont toujours les mêmes, et ce sont eux que j'aime. »
Le moine n'avait pas l'air convaincu. Ikki posa sa main sur sa joue, et le visage de l'autre s'adoucit.
« Tu veux toujours que nous... » commença-t-il.
« Oui, apparemment cela ne pose pas de problème lors d'une grossesse. »
« Je parlais du mariage... »
« Oh... ça aussi. »
Un mois plus tard, vêtu des traditionnels hakama et aori, Ikki se tenait auprès de Shaka, qui portait lui (ou elle) une robe indienne richement brodée. Sur leur tête à chacun reposait une couronne de fleurs et de feuilles.
« D'après les lois sacrées du Sanctuaire, je vous autorise à boire le vin du mariage », annonça le nouveau pope, qui n'était autre que Mû.
Les deux mariés burent dans le même vase grec, apporté par Kiki. Une salve d'applaudissements retentit aussitôt après.
« Cela me fait presque bizarre de voir Ikki sourire... » pensa Seiya à voix haute.
« Je suis si heureux pour lui », dit Shun. « Il a tant souffert, plus qu'aucun d'entre nous peut-être... »
Après la cérémonie, Deathmask vint s'avancer devant Ikki et posa sa main sur son épaule, l'air sérieux.
« Quoi ? » pesta Ikki.
« Sans rancune, la volaille… Et félicitations. Tu es allé plus loin qu'aucun de nous n'est jamais allé. »
Shaka fronça les sourcils.
« Alors Kanon », murmura Saga. « C'est bientôt ton tour ? »
« Sûrement pas… Tu me vois marié, toi ? »
« Pas vraiment. »
Les chevaliers de bronze secondaires avaient aussi été invités, tout comme Tatsumi, et ils étaient un peu déboussolés par les derniers événements.
« Ce n'est quand même pas un peu gay ? » chuchota Ichi. « Je veux dire, la Vierge était un homme, avant... »
« Il était aussi vierge, avant », fit remarquer Nachi.
« Hum… Pourquoi ne porte-t-elle pas de masque ? » s'étonna Tatsumi entre deux beignets aux herbes. « Je ne comprends vraiment rien aux coutumes grecques... »
« Ikki a vaincu des dieux… Je suppose qu'il peut bien épouser qui il veut à présent », affirma Jabu avec détachement.
Mû contempla un instant l'assistance : Ikki qui souriait en tenant la main de Shaka, Shaka tourné vers Ikki avec une expression de béatitude bouddhique, Aiolia qui dansait avec Marine, Milo qui faisait un bras de fer avec Camus, Aphrodite lové dans les bras de Kanon... Et Seiya qui discutait avec Seika, Dokho qui tricotait un petit bonnet…
Pour une fois, ça ne finissait pas si mal.
Quelques mois plus tard...
Allongé sur une chaise longue, Shaka toucha son ventre, maintenant rond comme un ballon, alors que le reste de son corps était resté mince.
« Avoir un utérus rempli n'est pas une sinécure, tu sais. La chose à l'intérieur ne bouge pas beaucoup, mais elle appuie sur ma vessie et à chaque fois je dois aller m'accroupir pour me libérer. »
Sous son masque, le Grand pope écarquilla les yeux en entendant ces informations inattendues et non sollicitées.
« Et mes seins ont grossi et ils me font mal. Je n'aime pas cela, Mû. »
« Malheureusement tu n'y peux rien… Mais je peux peut-être demander aux sages femmes de préparer une potion et une crème qui te soulageront. »
« Merci. A la clinique le médecin m'a dit que le bébé avait une position inhabituelle, parce qu'il était assis en tailleur. »
« C'est inhabituel, en effet. »
« C'est pour cela que cela devrait me faire mal, d'après lui. Mais cela ne me fait pas mal. J'ai connu bien pire... En revanche, ce qui me fait réellement mal, ce sont tous ces cadeaux qui envahissent mon temple. Ce matin, j'ai encore glissé sur l'un d'entre eux. J'apprécie l'intention, mais je manque de place. »
« Je demanderai à notre architecte de faire construire une rallonge… En respectant le cahier des charges, bien sûr. »
« Je sais ce que cela signifie, Mû… Pas de statue de bouddha, c'est cela ce que tu veux dire ? »
Mû sourit.
Un soir de septembre, la nouvelle circula dans tout le Sanctuaire : Shaka avait perdu les eaux et était sur le point d'accoucher.
« Poussez, madame… seigneur... » hésita la sage femme, alors que le travail venait juste de commencer.
« D'accord », répondit Shaka, sa frange blonde collée sur son front par la sueur.
Ikki lui tenait la main droite, l'air angoissé.
« Courage, Shaka... »
« Oui... Je vais pousser », dit le chevalier d'or.
Il poussa.
Le bébé sortit aussitôt, au premier effort, poussant des cris stridents.
Les sages femmes se regardèrent, interdites. C'était la première fois qu'elles assistaient à un accouchement aussi rapide.
Elles coupèrent tout de même le cordon ombilical, lavèrent l'enfant, l'enveloppèrent dans un linge blanc puis le posèrent dans les bras de sa mère.
« Qu'est-ce qu'il a, autour de la tête ? »
« On dirait une auréole... »
« Hé bien, te voilà... » dit la Vierge à l'enfant.
Puis il regarda Ikki, qui avait l'air un peu sonné.
« Il est si petit… » balbutia le Phénix.
« Regarde, ses cheveux sont verts, comme ceux de Shun... » dit Shaka.
« Blond et bleu, ça fait vert », déclara Hyôga, alors que les compagnons de lutte d'Ikki venaient d'entrer, avec Athéna.
Ikki les regarda en souriant, puis prit le bébé dans ses bras. Il regarda alternativement l'enfant, puis sa femme bien vivante, l'air incrédule. Ses yeux tremblèrent. Il se mit à pleurer.
« Il pleure de joie ! » constata Seiya.
Mais le Phénix semblait avoir du mal à s'arrêter. Shaka reprit le bébé, tandis que Seiya, Shun, Shiryu et Hyôga entouraient Ikki pour le réconforter et le féliciter.
Shaka se tourna vers Athéna, et lui adressa un signe de tête.
Bientôt, Ikki put pouponner à nouveau, ce qui arrangea Shaka qui n'aimait guère changer les couches.
« C'est une vraie mère-poule », dit Seiya.
Un an plus tard, sur l'esplanade du treizième palais, le, Phénix tenait son fils pour lui apprendre à marcher. Le petit avait de courts cheveux couleur de jade clair et des yeux bleu-gris. Il portait un bandeau tricoté, ainsi qu'un inattendu ensemble brodé de dragonneaux.
« Finalement, tu n'as pas récupéré ton corps d'homme », dit Mû à Shaka.
« Cela ne faisait que peu de différences dans ma vie de tous les jours. Alors autant garder ce corps femelle. »
Mû était maintenant habitué au rapport à la fois parfait et imparfait de Shaka avec la vérité.
« Tu avais peur qu'Ikki ne t'aime plus ? » demanda-t-il franchement.
Shaka baissa la tête.
« Oui... Mais je m'étais aussi habituée à ce corps… Et il a fini par me plaire, en quelque sorte. »
Mensonge ou vérité ? Mû sourit, jetant un œil au vernis doré qui ornait les ongles de pieds de l'ancien moine.
Je pense qu'il t'a toujours plu, Shaka...
De l'autre côté de la place, le bambin semblait enfin stable sur ses deux courtes jambes.
« Maman ! » appela-t-il.
Ikki le lâcha. Nimbé de lumière, le petit se mit à marcher sans aide, et à chacun de ses pas, une fleur de lotus naissait sur le sol.
FIN
