Chapitre XXIV : C'est toi qui choisis.
Cypres l'Éveillé était très bon siffleur. Il sifflota la langue auprès de ses frères siffleurs et l'écrivit avec eux.
Il écrivit le Codex dans la langue des serpents sur des feuilles de l'arbre à serpent à l'encre de son sang.
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Eddy fit une crise à peine furent-ils rentrés à Selsey. À l'instant où ils eurent transplanés devant la maison, en voyant le regard déçu et mortifié de ses tuteurs que Charme soit mort Eddy avait complètement perdu le contrôle. Il n'avait rien pu expliquer, et avait explosé une seconde avant que la fatigue ne le fauche presque littéralement. Il ne s'était réveillé qu'au bout d'une semaine et n'avait pas vraiment recouvré l'usage de ses jambes depuis. Il passait la plupart de son temps endormi et comateux mais c'était peut être surtout pour éviter de croiser le regard de Tina lorsqu'elle venait lui apporter à manger. Il n'avait pas vu Newt depuis son retour au Cottage et aurait été même bien incapable de le regarder.
Charme était mort par sa faute et comme à chaque fois qu'il y pensait ses organes se liquéfiaient en lui comme passés à l'acide. C'était atroce et douloureux. Eddy repensa au jour où il avait rencontré Charme alors qu'il était encore piégé sous la forme d'Obscurus, c'était lui qui avait réussi à le faire redevenir humain. Juste d'un petit coup de patte et d'un miaulement il avait réveillé tout ce qu'il restait d'humain en lui et l'avait sauvé. Et Eddy n'avait pas réussi à le sauver en retour. Jedusor l'avait torturé et assassiné sans remord et son vieux fléreur était parti pour toujours.
Dans son lit, Eddy se pelotonna contre le matelas et remonta la couverture au niveau de ses yeux pour cacher ses larmes. Elles roulaient toutes seules de ses yeux à ses joues et Eddy n'avait plus la force ni l'envie de les arrêter. Si pleurer était une des seules choses pouvant calmer sa peine sans exploser alors il était prêt à pleurer pour le reste de son existence.
On toqua à la porte au moment où il s'affermissait dans ses lugubres pensées. Eddy risqua un œil mouillé hors de la couverture et se figea en voyant Newt à l'entrée de sa chambre.
—Tu sais, à force de se cacher, on ne disparaît pas, c'est le souvenir que les autres ont de nous qui disparaît, fit doucement Newt en rentrant dans la pièce.
Pour se donner une contenance, Eddy sécha rapidement ses larmes avant d'émerger des draps. Il ne sut quelle figure afficher à son tuteur.
—Je ne vais pas disparaître, murmura-t-il. Pas tout de suite.
Newt eut un petit sourire plissant les rides autour de sa bouche et il s'assit délicatement au pied de son lit. Eddy était troublé par l'attitude de son gardien.
—Thésée et sa compagne ne devraient pas tarder à arriver, lui dit Newt. Est-ce que tu vas rester tout le temps dans cette chambre ?
La venue de Thésée était le cadet de ses soucis mais cette question posée n'admettait pas vraiment de réponse négative. Eddy secoua la tête.
—Je commence à ressentir mes jambes, mais j'ai du mal à marcher, murmura-t-il. Pour Charme-
Les mots à nouveau quittèrent sa bouche sans qu'il n'arrive à s'expliquer.
—Je sais que c'est Mr Jedusor qui a tué Charme. Je sais qu'il t'a fait beaucoup de mal, lui répondit son tuteur doucement. Je reviens du Ministère j'ai été auditionné par la Commission concernant la loi Obscurial.
Eddy se redressa brusquement sur les coussins. Avec toute sa peine et sa honte il avait totalement oublié que le ministère devait se réunir au cours de l'été pour statuer sur son cas. L'adolescent jeta un coup d'œil aux yeux gris du vieil homme et il y lut assez de tristesse pour comprendre que les choses n'allaient pas en son sens.
—Mr Jedusor était aussi auditionné, reprit calmement Newt. Il a fait savoir que tu avais attaqué Charme et une de tes camarades. Je sais que c'est faux mais le Ministre lui, s'est montré très inquiet.
Autrement dit, il était à parier que cette loi serait votée et ensuite ce qu'il adviendrait de lui était des plus trouble. Les deux échangèrent un regard où ils partageaient les mêmes inquiétudes.
—Lally a une collègue à Castelobruxo, elle nous a fait parvenir les papiers d'inscriptions. Nous allons regarder ça ensembles. Il n'est pas bon que tu restes dans ce pays trop longtemps.
Eddy aurait eut des dizaines de choses à rétorquer mais la fatigue et la culpabilité achevèrent ses rhétoriques à peine se furent-elles formulées dans sa tête. Peut-être que Newt et Tina avaient raison et qu'il serait mieux là-bas ? Au moins, il ne ferait pas de mal sous l'ordre ou à cause d'un mage noir en puissance.
Il acquiesça vaguement, tandis qu'en contrebas du cottage on entendait les éclats de voix de Tina et Thésée.
—Nous ferions mieux de descendre, sourit Newt. Tu connais Tina, si nous ne venons pas l'aider, nous allons passer un sale quart d'heure tous les deux.
Eddy acquiesça mollement mais son tuteur agrandit son sourire. Il sentait que rien n'était totalement terminé, mais que pour une fois les choses avaient été mises à plat entre eux. Newt vint délicatement lui prendre l'épaule pour l'aider à se lever et Eddy s'exécuta. Ses jambes avaient du mal à l'écouter, il se sentait faible et vaseux mais la main ferme du vieil homme l'aida à mettre un pied devant lui.
Alors qu'ils descendaient les marches, en bas de la cage d'escalier la silhouette de Tina et Thésée était clairement discernable dans le petit salon.
—Vous avez fait bon voyage ? Vous avez une petite mine tous les deux ! Je n'ai pas encore fini le déjeuner, et si vous alliez vous reposer un peu ?
—Nous ne sommes pas en sucre, Mère, râla Thésée en rougissant quelque peu.
Il s'arrêta en remarquant Eddy et son père à quelques marches de lui.
—Bonjour Père, fit lentement Thésée en fronçant les sourcils. Salut Edward.
—Bonjour Thésée, répondit Newt doucement en venant serrer la main de son fils.
Eddy se cramponna à la cage d'escalier pour s'éviter de tomber alors que père et fils se saluaient. L'adolescent remarqua près de l'entrée encadrée par Tina une petite sorcière. C'était une petite femme aux cheveux coupés en carré, boulotte et asiatique aux traits d'une grande douceur. Elle esquissa une petite toux pour que Thésée la présente.
—Oh, euh, Père, Edward, je vous présente Wendy Li. Wen, après ma mère voici mon père et mon frère.
—Thésée est resté si discret sur vous, débuta Wen. Je suis ravie de vous rencontrer, Mr Scamander ! souffla la jeune femme en venant serrer la main de Newt. J'ai étudié à Ilvermorny avec vos livres, ils étaient mes préférés.
—Ravi également. Tu es la bienvenue, Wendy, répondit Newt.
La petite femme s'écarta et fondit littéralement dans les bras d'Eddy beaucoup trop choqué pour réagir. Il esquissa un coup d'œil à Thésée qui avait une petite moue. Thésée n'avait jamais considéré Eddy comme son frère et qu'il le nomme en ces termes était des plus déroutant.
—Thésée m'a beaucoup parlé de toi Edward, je suis ravie d'enfin te rencontrer. Appelle-moi Wen.
—Seulement si tu m'appelles Eddy, contra l'adolescent en brisant l'étreinte.
La jeune femme lui fit un magnifique sourire avant d'aller retrouver son compagnon. Après ces effusions il y eut un instant de flottement dans le salon en bois clair avant que Tina ne frappe dans ses mains :
—Laissons Wendy et Thésée monter leurs affaires là-haut. En attendant Newt peux-tu installer la table dehors ? Eddy vient m'aider à éplucher les pommes de terre.
—Je viens à peine de quitter ma chambre, râla l'adolescent. Mes jambes tiennent à peine.
—Justement, tempéra Tina aussi sec. Assis, tes mains sont encore utilisables aux dernières nouvelles. J'ai deux kilos à éplucher et de l'aide ne serait pas superflue.
Sur cette injonction, Thésée eut un ricanement alors qu'il se saisissait des bagages pour les porter à l'étage. Eddy escorté par Tina dans la cuisine s'exécuta dans sa basse besogne. On aurait pu croire que la situation s'était réglée et dégelée par l'arrivée de ces deux invités mais tandis que l'adolescent épluchait les pommes de terre avec un économe, il sentit le regard de Tina sur sa nuque. Quand il se retourna, sa tutrice feignit de remuer sa casserole avec une moue contrariée.
Le déjeuner se passa sans encombre, ainsi que les jours suivant. Thésée avait beaucoup changé avec la compagnie de Wendy. La jeune femme travaillait comme Juge au Macusa et si elle avait la même passion que Thésée pour la paperasserie, elle était aussi très drôle. À certains moments, elle se figeait en pleine conversation et lançait une blague qui provoquait soit du malaise soit une certaine hilarité. Le plus amusant était de voir l'expression de Thésée quand la blague le concernait et qu'il ne savait plus où se mettre. Tina avait littéralement adopté Wen et passait son temps à discuter avec elle quand elle ne les accompagnait pas pour visiter le Londres sorcier et moldu.
Eddy restait donc souvent seul avec Newt mais ne s'en plaignait pas vraiment. Il avait recouvré l'usage de ses jambes dans sa totalité désormais, et passait beaucoup de temps à aider Newt dans sa valise. Cela ne comblait pas l'absence de Charme, mais au moins cela lui donnait le sentiment d'être utile.
Newt n'avait pas reparlé de son transfert à Castelobruxo mais Eddy avait vu les papiers sur le bureau dans le salon et savait que cette conversation allait venir, sans doute que la présence de Wendy retardait cette confrontation.
—Attention avec Tibine, lui recommanda Newt. Les crabes de feu n'aiment pas quand on est trop près d'eux pendant leur période d'ovulation.
Eddy s'écarta avec un petit sourire en songeant que Salazar lui avait confié à peu près la même chose des mois plus tôt. Repenser à ses amis lui fit mal car la solution apportée par ses tuteurs était de les abandonner.
—Si je vais au Brésil…est-ce que je pourrais envoyer des lettres à Sal et Médusa ? demanda finalement Eddy. Je ferai attention, je ne dirai jamais où je me trouve.
—Ce n'est pas une bonne idée, avoua Newt du bout des lèvres. Je sais que tu as beaucoup d'affection pour les Jedusor mais leur père pourra leur faire du mal s'il sait que tu communiques avec eux. Le mieux est de laisser la situation se tasser, les actions de Jedusor finiront pas être dévoilées.
Eddy en doutait mais hocha la tête, encore plus malheureux. Il avait envie de caresser Charme et enfouir sa tête dans le pelage de l'animal pour oublier sa tristesse. Mais Charme était parti pour toujours.
Newt enleva le bandage de l'aile d'Ulrick l'Hippogriffe et l'observa alors qu'il déployait ses plumes avec un grand croassement.
—C'est très bien, très bien. Tu pourras bientôt rentrer chez toi, promit le vieil homme. Nous allons voler ensembles bientôt.
Il caressa le bec de l'animal et invita Eddy à en faire de même. Lentement il s'approcha de l'hippogriffe et s'inclina, attendant qu'Ulrick lui permette d'avancer. Il caressa le bout du bec de la créature avant que lassé de ces commodités, l'hippogriffe ne leur tourne le dos pour manger un ragondin dans sa mangeoire.
Après cela, ils quittèrent la valise dans le bureau de Newt et constatèrent que Thésée, Wendy et Tina étaient rentrés de leur visite.
—Je me demandais où vous étiez passés tous les deux, constata Tina en enlevant son pardessus. Mais en général si je ne vous trouve pas, c'est que vous êtes dans cette valise.
—À force tu me connais bien, Tina, sourit doucement Newt en émergeant de la valise.
Tina jeta un regard soucieux à Eddy, tout en accompagnant Wendy et Thésée dans le salon pour boire une tasse de thé.
Eddy et Newt les rejoignirent. Wendy aidait Tina à poser des soucoupes sous les tasses de thé fumantes et ne cachait pas sa joie de voir le monde sorcier britannique.
—Nous sommes allés à Gringott pour récupérer de l'argent. Votre système de wagonnet est si amusant. Je ne pensais pas que récupérer de l'argent pouvait être si drôle !
—Aux Etats Unis c'est plus simple, approuva Thésée qui n'avait manifestement pas aimé les wagonnets de Gringott.
—Où êtes-vous allés aujourd'hui ? demanda Newt en se saisissant d'un petit gâteau.
—Nous avons fait quelques achats à Fleury et Bott, dit Thésée, ensuite Mère nous a fait visiter un musée moldu. C'était… intéressant.
Ses parents et sa petite amie ricanèrent de ces hésitations. Eddy les regarda faire avec l'impression d'être de trop dans le petit salon chaleureux.
—Le Ministère demande aux sorciers de ne pas trop s'agglutiner dans les rues du fait du retour de Grindelwald, pointa Tina. Je me suis dit que c'était une solution comme une autre. Le British Museum est l'un des plus beaux musées du monde.
—C'est vrai que vous avez été attaqués récemment, releva Wen. Merlin merci personne n'est mort.
Thésée sortit de la poche de sa veste en tweed des billets violacés.
—J'ai reçu des places pour l'inauguration du nouveau Derby sorcier en achetant un grimoire à Fleury et Bott. C'est impressionnant la vitesse à laquelle les anglais reconstruisent les choses dès qu'il s'agit de paris. L'inauguration est ce soir.
Thésée jeta un coup d'œil appuyé à son père. Newt détestait tous les évènements sociaux et ne s'y sentait pas très à l'aise, aussi Thésée espérait que son père ferait un effort pour qu'il puisse mettre des étoiles dans les yeux de sa petite amie.
—Un Derby, débuta lentement Newt. Je ne suis pas vraiment pour les courses de chevaux.
—Moi non plus, abonda Wendy, mais je n'en ai jamais vu. Cela semble être une tradition chez les britanniques.
Eddy songea au nombre de fois où Salazar avait laissé glisser qu'il allait souvent au Derby avec sa sœur. Peut-être était-ce la dernière occasion où il pourrait les voir ?
—Ça me plairait d'y aller, ajouta Eddy qui était jusqu'ici resté très silencieux.
Les quatre adultes lui jetèrent un regard puis opinèrent. Ils avaient trois heures devant eux avant que le Derby ne commence, aussi Tina les houspilla pour qu'ils se préparent en quatrième vitesse. Quand Eddy retourna à sa chambre, Tina passa la tête tandis qu'il s'habillait.
—Il n'y a rien que tu ne doives me dire, Eddy ?
L'adolescent serra si brutalement le nœud de sa cravate qu'il faillit s'étrangler avec.
—Pas que je sache, balbutia-t-il.
Elle lui jeta un regard perçant comme elle seule savait faire puis le laissa se préparer.
À la nuit tombée, ils transplanèrent vers le Derby. C'était un énorme bâtiment de pierre grise luisant à la lumière légère de la lune. De dehors on entendait les exclamations de joie des sorciers tandis qu'ils faisaient la queue pour rentrer dans bâtiment. Des aurors du ministère faisaient le guet à chaque côté du Derby pour prévenir toute attaque. Cette vision rassura quelque peu Eddy alors qu'il avançait avec Tina et Wendy. Les deux femmes avaient échangé leur robe de sorcières pour de longues robes de soirées couleur prune.
—Billets, grogna un sorcier ébouriffé à l'air patibulaire.
Thésée les lui tendit et attendit que le vigile finisse son examen. Cet homme là, Eddy aurait mit sa main au feu que Mr Jedusor le connaissait car il l'observa avec des yeux amusés. L'adolescent retint un frisson tandis que le sorcier rendait les billets.
—Tout est bon. Bonne soirée, M'ssieurs et Dames.
À peine eurent-ils pénétrés dans le couloir qu'Eddy entendit le sorcier se pencher vers un autre sorcier et chuchoter.
—Préviens le Maître qu'ils sont arrivés.
Cela créa un sentiment diffus de panique en lui. Une seconde Eddy eut envie de dire à ses tuteurs, Thésée et Wendy de fuir sur le champ, mais il ne serait ni compris ni entendu. Pour autant, cet endroit lui inspira un sentiment de malaise si violent que tout lui paraissait flou. Ils émergèrent en hauteur face à l'énorme stade où se plaçaient des sombrals et abaxans gigantesques avec des numéros peints sur le dos. Il y avait des cris et des sorciers agités tandis qu'une des premières courses de la soirée commençait. Après un Bang sonore, les sombrals émirent un hennissement frénétique et galopèrent emportant avec eux des nuages de poussière noirâtre.
—Je n'ai jamais vu de sombrals aussi rapides, constata Newt étonné. D'habitude ce n'est pas une espèce aimant la vitesse et encore moins la compagnie des sorciers.
Pour que ces créatures timides participent aux tumultes du Derby, Eddy se douta qu'elles y étaient contraintes. Cela renforça son inquiétude alors que Wendy poussait une exclamation.
—Regardez, celui-ci ! Il va s'envoler !
Pourtant à peine les sabots fendus d'un des sombrals eurent-ils quitté le sol poussiéreux que la gravité terrestre le rattrapa brutalement et il s'effondra avec son jockey. Les gradins poussèrent un cri d'exclamation et la course continua. Le jockey grondait la créature qui hennissait faiblement alors qu'on le faisait quitter la course avec sa monture. Cette image bouleversa Eddy et Newt qui ne voyaient absolument pas ce que l'on pouvait trouver de beau là dedans. Même Tina affichait une grimace face à la détresse des créatures là où Wen et Thésée contemplaient la course avec ravissement.
—Mrs et Mr Scamander ? interpella le vigile de l'entrée. Il y a eut un problème avec vos billets. Vous êtes surclassés dans la loge d'honneur.
—Comment ça ? interrogea Tina. Pourquoi nous surclasser ?
—Je ne donne pas les ordres, fit le vigile poilu avec un sourire tordu. Mais une célébrité de renommée mondiale comme vous Mr Scamander a droit à ce petit privilège. Veuillez me suivre, je vais vous escorter.
Tina et Newt se jetèrent un coup d'œil avant d'acquiescer un peu confus. Wendy et Thésée suivirent le mouvement alors Eddy s'exécuta encore plus inquiet. Tandis qu'ils montaient dans les gradins, l'adolescent remarqua Ludo Verpey qui était avec un grand homme qui devait être son père. Verpey lui adressa une grimace puis en croisant le regard du vigile eut l'air si terrifié qu'il n'était plus qu'une piètre statue. Cela renforça davantage l'effroi d'Eddy qui s'apprêta à se retourner vers Tina pour lui dire de partir mais le vigile posa une main brûlante et poilue sur son épaule.
—C'est donc toi l'Obscurial ? Je m'attendais à ce que tu sois plus grand.
—Cela ne te concerne pas, rétorqua l'adolescent. Et tu es qui, toi ? Comment tu sais ça ?
—Fenrir Greyback, gloussa l'autre en se présentant. Du reste, je sais que tu sais.
Alors que Newt et Tina observaient leur échange avec de gros yeux, ils étaient arrivés dans la loge d'honneur. Elle était sur tout le dernier étage du bâtiment permettant de voir en hauteur tout le terrain du Derby. Des sorciers en habits couteux évoluaient autour de petites tables intimistes et feignaient une conversation des plus banales. À l'arrivée d'Eddy et des Scamander, il aurait juré que tout le monde ici les attendait. C'était une sensation étrange et inquiétante comme s'il entrait de son plein gré dans un bocal de piranhas affamés.
—Je vais prendre le relais Greyback, s'interposa la voix qu'il voulait ne plus jamais entendre de sa vie.
C'était Jedusor dans un costume de satin noir, les cheveux plaqués en arrière avec un sourire aimable sur le visage. Sa cicatrice en forme d'éclair sur la joue se souleva légèrement pour leur offrir une mimique amusée.
—Vous – siffla Eddy aussitôt.
—Bonsoir Monsieur Lee, famille Scamander, Miss Li, bienvenue.
Wendy pâlit et eut l'air de se demander comment cet homme connaissait son identité. Thésée ne connaissait pas Jedusor mais eut un mouvement protecteur envers la jeune femme alors que Newt se plaçait devant Eddy.
—Que nous voulez-vous ? demanda Newt en tâchant de rendre sa voix la moins chevrotante possible.
—Discuter. En attendant vous êtes mes invités en ces lieux. Suivez-moi.
Eddy jeta un coup d'œil inquiet à Tina et Newt. S'ils agissaient contre Jedusor, que se passerait-il ici ? Il avait déjà prouvé par le passé que les témoins n'étaient pas sa préoccupation principale. Comme des automates Eddy et la famille se laissèrent guider vers une table à l'écart. Le cœur d'Eddy bondit dans sa poitrine quand il reconnut Salazar, Médusa et Nagini assis à la table.
Sal avait un costume blanc tandis que Médusa avait enfilé une longue robe faite de perles rosées et de fils d'or blanc. Elle ressemblait à une princesse persane aux côtés de Nagini dans un fourreau noir et complexe qui faisait grise mine.
—Bonsoir Mr Scamander, dit la Maledictus après un moment de silence. Cela faisait longtemps.
—N-Nagini, la reconnut Newt. Cela fait plus de quarante ans… tu n'as pas du tout changé.
La sorcière eut un petit sourire étrange, tandis qu'ils s'asseyaient où étaient forcés à s'asseoir. Eddy ressentait une pression sur ses épaules rien qu'avec le regard de Jedusor et pensa que ses tuteurs tout comme Thésée et Wendy devaient ressentir la même chose.
Jedusor prit place entre Salazar et Médusa qui lui jetaient des regards inquiets. Médusa avait perdu beaucoup de poids ces dernières semaines et son visage était pâle et creusé. Elle semblait hurler dans sa tête pour qu'il s'en aille.
—Vous êtes le directeur Jedusor, comprit Thésée.
—C'est exact, Mr Scamander.
—Que nous voulez-vous ? redemanda Tina en agrippant la main d'Eddy sous la table.
—De vous Mrs Goldstein, je ne désire rien. L'Obscurial en revanche a eut en de nombreuses occasions de quoi attiser mon intérêt, répondit tranquillement Jedusor.
Une serveuse boutonneuse vint s'enquérir de leurs commandes et repartit une fois que Jedusor ait commandé pour eux. Plus personne ne parlait, Wendy et Thésée avaient bien compris la terreur que leur inspirait l'homme sans appréhender toute la mesure du danger. D'un point de vue extérieur, Mr Jedusor était charmant et souriant, mais quiconque avait passé plus d'une minute en sa compagnie savait que c'était un mensonge. Eddy serra les mâchoires et les poings sous la table. Il aurait voulu sauter à la gorge du sorcier pour enlever son sourire suffisant mais ce regard noir l'inquiétait au plus au point. Ici, Newt et Tina étaient en danger, tout comme Thésée et son amie.
Un homme blond ressemblant beaucoup à Lucius s'approcha de Jedusor et murmura à son oreille :
—Les jeux sont bientôt finis en bas, Maitre.
—Passons donc au plat de résistance, Abraxas.
L'interpellé opina joyeusement et repartit vers le fond de la salle où se trouvait une petite scène illuminée de bougies. Jedusor porta son regard sur Newt :
—Vous avez témoigné devant la commission concernant l'Obscurial. Cela vous a-t-il semblé probant ?
Il avait les yeux presque rieurs et un sourire de velours alors que Médusa et Salazar baissaient piteusement la tête.
—Non, murmura Newt après un temps de latence. Mais j'espère encore parler au Ministre.
—Il se trouve ici, nous pouvons aller le voir si vous le souhaitez, répondit Jedusor en pointant le Ministre Tuft à une table près de la scène. Je l'ai invité à un spectacle pour lequel il a été des plus pressant. Considérez qu'après le spectacle il sera dans de bien meilleures dispositions.
—Quel spectacle ? couina malgré elle Tina.
À cela Jedusor n'eut qu'un sourire de chat du Cheshire tandis que les stores de la loge se baissaient. Bientôt l'obscurité les cerna de toute part, et un silence impatient prit la grande pièce comme s'ils s'apprêtaient à assister à un événement immanquable.
D'un coup sur la scène surgit un sombral. À son numéro peint sur le poitrail, Eddy le reconnut. C'était le sombral qui était tombé plus tôt durant la course, et sur son dos se trouvait Mrs Jedusor. Elle était vêtue d'une longue robe fluide laissant entrevoir sa peau au niveau de ses hanches et de son dos. Une étrange musique débuta, elle était composée d'un bruit de tambour et de flutes lointaines. Dès que les premières notes débutèrent, Mrs Jedusor s'anima, sur le sombral et fit serpenter ses bras. Ses hanches ondulèrent dans l'obscurité sur la créature qui leva la tête. Sans lui donner aucun ordre l'animal se cabra en arrière.
Mrs Jedusor suivit le mouvement et à peine sa longue chevelure noire coula-t-elle vers le flanc de la créature qu'ils parurent liés dans les ténèbres. La lumière des bougies fut encore plus ténue, Mrs Jedusor et le sombral n'étaient plus qu'une seule entité bizarre dans le noir. Les formes et contre formes s'animaient en rythme du tambour et cette musique évoquait quelque chose de nostalgique chez Eddy. Une pulsion violente lui intimait de ne pas regarder Mrs Jedusor mais il n'arrivait pas à lâcher l'étrange forme du regard.
—Connaissez vous la kalbeila ? ronronna la voix de Jedusor. La kalbeila des kalis, est une danse qui est depuis longtemps interdite. Notamment par le Ministère indien de la Magie.
—C'est une danse de charmeur de serpent, intervint doucement Newt qui ne pouvait non plus lâcher la forme de Mrs Jedusor du regard. Pourquoi est-elle interdite pour les kalis ?
Eddy parvint à détacher une seconde son regard pour voir son professeur avec un sourire purement joyeux. Ni Jedusor ni ses enfants ne regardaient Mrs Jedusor danser. Comme attiré par les percussions rythmées de la musique, Eddy se sentit presque hypnotisé par la danseuse sur son sombral. Mrs Jedusor maitrisait la forme du sombral comme une marionnettiste détachée. À chaque trémoussement de sa part la créature suivait et semblait dégager davantage d'obscurité autour d'elle. Dans cette obscurité les contre formes dessinées sur les hanches et le long du dos de Mrs Jedusor par le tissu noir de sa robe semblaient presque lumineux dans les ténèbres. Et cela ressemblait au visage d'un étrange cobra de peau et de clarté qui l'hypnotisait totalement. Les percussions furent plus rapides encore alors que les sabots du sombral frappaient plus vite le sol, comme prit dans une transe. Il se mit à tourner sur lui même à toute vitesse en frappant le sol de ses sabots noirs et la forme de Mrs Jedusor suivait. Chaque fois que son visage était perceptible dans le noir, Eddy avait l'impression de recevoir des flashs lumineux en plein dans la rétine.
Le sombral cabra la tête en arrière et le visage de Mrs Jedusor émergea des ténèbres. Ils avaient été si longtemps immergés dans l'obscurité que ce visage aveugla presqu'Eddy qui plissa les yeux avec un mélange d'effroi et de désir. La danse qu'offrait la femme était des plus sensuelles alors qu'elle coulait sur le flanc du sombral jusqu'à se retrouver sous le ventre de la créature comme une curieuse équilibriste.
On aurait dit un serpent en train d'encercler sa proie et le sombral se figea. On eut dit qu'il était incapable de bouger pendant que la forme noire évoluait cramponnée à son ventre en battant la mesure des instruments en petits frémissements rapides. Le sombral n'était qu'une statue noirâtre quand Mrs Jedusor parut d'un coup sur sa tête tel un serpent. Elle avait charmé l'animal et quand Salazar eut un frémissement étouffé en face de lui, il sut ce qui allait arriver. Mrs Jedusor fit onduler son bras et l'abaissa devant le museau du sombral. Les ailes de la créature se levèrent alors autour d'elle formant un cocon écaillé. Mrs Jedusor parut échanger un baiser dans les ténèbres et quand les ailes s'écartèrent, Eddy constata avec horreur que la créature était en train de littéralement disparaître. Lentement, comme suivant le rythme des notes de musique le sombral se transformait en poussière noire, une pellicule qui s'envola dans les mouvements dansant de la Sangsombre.
En une seconde, Mrs Jedusor avait fait disparaître la créature. Les lumières des bougies vacillèrent tandis qu'elle continuait sa petite danse. Elle disparut en ondulant pour réapparaître dans un coin de la pièce faisant glousser une sorcière puis fondit dans les ténèbres de nouveau.
Elle réapparut sur une table non loin de là, offrant un petit mouvement gracile puis quand la lumière vacilla de nouveau, elle disparut pour réapparaître plus loin, face au ministre. Elle ondula tel un serpent face à une proie goulue et le ministre était tout bonnement incapable de bouger. Les dernières notes de musique se firent entendre et Mrs Jedusor réapparut sur la scène.
La lumière fut rallumée et Eddy crut être littéralement aveuglé. Après avoir si longtemps regardé l'obscurité, la faible lumière de la loge parut lui brûler la rétine. Eddy plissa les yeux, il ne parvenait ni à bouger, ni à correctement voir autour de lui. Il constata que ce sentiment était partagé dans toute la loge alors qu'un silence avait prit les lieux. Bientôt cependant, des applaudissements se firent entendre de part et d'autre de la pièce tandis que Mrs Jedusor saluait son public extatique.
Quand Eddy parvint à tourner la tête, il constata que ni Tina et Newt, ni Thésée et Wendy ne pouvaient bouger et étaient comme complètement figés entre aveuglement et peur panique. Car après avoir salué son public, Mrs Jedusor les rejoignit auprès de son époux et c'était un air de prédateur qu'elle arborait elle aussi. Mr Jedusor se leva et par une étrange galanterie tira le siège de sa femme pour lui permettre de s'asseoir. Mrs Jedusor s'exécuta avec un sourire candide, sans doute très fière de son effet. Alors que Mr Jedusor se rasseyait à son tour, Tina se réveilla :
—Que veut dire tout ceci ? À quoi jouez vous, par Merlin !?
Elle tenta de trouver de l'aide auprès de son mari qui avait regardé la mort du sombral avec catastrophe et ne parvenait plus à reprendre pied. Sal parut le comprendre car il se pencha par dessus son verre vers Newt :
—Il n'a pas souffert… Il ne ressentait rien… plus rien du tout.
Cela ne le rassura que peu. Mr Jedusor coula un regard peu indulgent à son fils et sa femme gloussa. Nagini et Médusa restaient silencieuses, les mains croisées devant elles comme pour s'épargner un spectacle pénible.
—Cette danse n'aveugle que ceux déjà plongés dans l'obscurité par le passé. À en voir vos expressions, cette petite expérience n'était pas inintéressante. Je suis ravi de vous voir ainsi que votre fils, Monsieur et Madame Scamander. Je préfère que vous entendiez de vive voix ce que je m'apprête à vous dire sans la pénibilité d'un intercesseur qui déformera ou amplifiera mes propos.
Newt avait aussi saisit la main d'Eddy sous la table et observait Jedusor comme on observe un détraqueur, avec appréhension et crainte. Jamais Eddy n'avait senti son tuteur aussi impuissant et ce sentiment faisait planer quelque chose de dangereux alors que tous étaient rivés aux lèvres du professeur.
—Je sais qui vous êtes, murmura Newt. Vous ne ferez pas de mal à mon garçon.
—Du mal il en a déjà fait, et le refera. Votre obstination à le protéger et ce même contre la loi Ariana en ce moment en vote, est une marque de naïveté et de crédulité que je ne puis tolérer davantage. Vous espérer fuir le pays pour emmener le garçon au Brésil, mais je dois vous informer que ce fait est exclu. Le garçon reste ici.
Tous les regards s'étaient tournés vers Eddy qui se sentit blêmir alors qu'il tremblait de rage et peut-être bien de peur. Ici, il était en territoire ennemi. Les regards moqueurs de la salle sur leur curieux assemblage ne trompaient pas. Tous ces sorciers étaient sous la coupe des Jedusor et ne les laisseraient pas s'échapper.
—Vous ne pouvez rien nous interdire, vous n'êtes que le directeur de l'école, glapit Tina.
—Et bientôt le tuteur officiel de Mr Lee, en raison de ma capacité à maîtriser l'Obscurial, chose qui n'est plus de votre ressort depuis longtemps. La loi n'est pas encore tout à fait votée, mais les documents sont prêts, et officiels.
Jedusor sortit de sa manche un morceau de parchemin qu'il jeta négligemment sur la table. Newt s'en saisit lentement comme s'il avait peur que le papier ne lui engloutisse la main. Écrit en lettre scintillantes sur le papier blanchâtre se trouvait sa mise sous tutelle. Eddy était terrifié tout comme Newt et Tina. Thésée observait Mr Jedusor et ses parents avec des yeux ronds tandis que sa compagne semblait retenir sa respiration pour disparaître le plus possible.
—Il ne manque plus que la signature du ministre et tout cela sera rendu officiel, commenta Jedusor. Le gamin m'appartient et vous ne pourrez rien y faire. Néanmoins… c'est gracieusement que je vous le laisse. Je n'ai que faire d'un enfant de plus dans mes pattes. Vous pouvez le garder, mais c'est auprès de moi qu'il répond désormais.
Jedusor coula un regard à Nagini qui sortit du corsage de sa robe un étrange collier qui ressemblait à s'y méprendre à un collier de chien. C'était un simple bout de métal argenté et une magie froide et noire s'en dégageait. Nagini le posa sur la table et Salazar coula un regard horrifié à son géniteur :
—Non, père-
—Il suffit Salazar. Dès aujourd'hui vous allez porter ceci Mr Lee. Je serais tenu au courant de vos déplacements de la sorte. Si je vous appelle, vous viendrez à moi.
Eddy se sentit si furieux qu'il aurait pu se saisir de cet affreux collier pour le jeter à l'autre bout de la loge. Médusa lui jeta un regard suppliant en le pressant muettement d'obéir, car il n'était pas seul. Il y avait tous ceux auxquels il tenait autour de cette table. Mrs Jedusor souriait légèrement de le voir en pleine détresse.
—On s'habitue à tout, Mr Lee, roucoula la femme.
Son mari lui jeta un regard si sec qu'elle détourna le regard. Eddy sentit la poigne de ses tuteurs se faire encore plus forte sur ses poignets.
—Eddy ne prend pas cette chose ! Comment pouvez-vous être aussi abject ? murmura Tina bouleversée. Ce n'est qu'un adolescent. Laissez-le tranquille.
Elle jetait des regards dans la loge cherchant un soutien qui ne viendrait pas.
—Je pense que vous n'avez pas compris la situation dans laquelle vous vous trouvez Mrs Goldstein, reprit Jedusor calmement. Votre cher ami Dumbledore ne sera bientôt plus qu'un lointain souvenir et ce pays m'est déjà acquis. Vous n'avez plus le contrôle. Car c'était là quelque chose que vous désiriez n'est-ce pas en adoptant ce petit gitan ? Après avoir échoué à l'éducation de votre fils, vous avez trouvé dans cet enfant un lot de consolation. Je ne vous prends pas le jouet de votre bonne conscience, je m'assure de sa fidélité inébranlable.
Newt se leva brusquement en ayant enfin recouvré l'usage de ses jambes, mais Fenrir Greyback pointa immédiatement sa baguette dans la direction du magizoologiste.
—On ne va nulle part, susurra Greyback.
Quelques convives ricanèrent et Eddy se dit que la situation allait dégénérer davantage. Le ministre et ses aurors non loin de là buvaient tranquillement sans se soucier des menaces proférées à quelques mètres d'eux. Newt affrontait du regard le vigile mais Eddy savait qu'il ne ferait pas le poids. Il n'y avait rien qu'il ne pouvait faire. L'adolescent saisit le bras de son tuteur pour l'enjoindre à s'asseoir.
—Vous les laisserez tranquilles si je fais ce que vous me dites ? finit par lâcher Eddy du bout des lèvres.
—Eddy, murmura Tina.
—Comme je vous l'ai dit Mr Lee, je n'ai que faire de votre faux semblant de famille. Mettez ce collier.
Avec répugnance Eddy approcha sa main du bijou qui luisait d'un éclat noir. Il referma ses doigts sur le métal froid et glaçant sous le regard satisfait de Jedusor. Lentement, en se haïssant, il accrocha le collier à son cou avec l'impression horrible d'être un bon garçon obéissant. À peine l'attache fut-elle accrochée qu'il sut qu'il ne pourrait jamais l'enlever seul. Le métal pesait une tonne à son cou et le brûlait presque.
—Parfait, susurra le Directeur de Poudlard. Maintenant que ce souci est réglé, je m'adresse à vous famille Scamander. Mr Thésée et sa compagne vont bientôt quitter ce pays, ne pensez pas que vous n'êtes pas surveillés. L'obscurité s'insinue partout. Il en va de même pour vous Mrs et Mr Scamander. Contactez qui que ce soit concernant notre affaire, tentez de quitter le pays et les conséquences pourraient vous être fort défavorables.
Tina à la gauche d'Eddy ne put retenir un léger hoquet inquiet, tandis que son fils et Wen étaient médusés et stupéfaits.
Mr Jedusor regarda sa montre d'un air suffisant puis se leva. Ce dut être une sorte de signal car sa famille le suivit dans ce mouvement. Salazar tremblait et avait les larmes aux yeux et Médusa fixait une perle de sa robe comme si c'était là la chose la plus intéressante du monde.
—Après cette conversation des plus instructives, je me dois de vous laisser. D'autres affaires nous appellent en ces lieux. Mais, amusez-vous bien, après tout vous êtes mes invités.
Il partit avec un petit sourire satisfait la main sur la taille maigre de Mrs Jedusor qui se retourna pour accorder à Eddy un petit clin d'œil puéril. Nagini fut la dernière à se lever pour rejoindre les Jedusor. Au moment où elle se mit debout, elle se pencha rapidement vers l'avant et souffla envers Newt :
—Je suis vraiment désolée.
Puis elle partit les rejoindre, laissant Eddy, Wendy et les Scamander sidérés et horrifiés sur leur chaise. Eddy porta la main au métal froid composant son collier. Il frémissait d'ondes dangereuses et noires, il le sentait, et cela n'augurait rien de bon.
.
.
Eddy avait esquivé tous les membres du cottage Scamander dans les jours qui suivirent. Il passait ses journées caché entre les dunes et rentrait tard le soir et grappillant quelque chose dans le garde manger. Il ne voulait et ne pouvait voir personne depuis ce soir du Derby.
Le silence des autres et le ressac marin devant lui toute la journée étaient un des seuls sons qu'il pouvait tolérer. Avec l'horrible collier qu'il portait désormais son monde avait prit une nouvelle tournure. Ce n'était plus se battre pour vivre, c'était juste espérer grappiller un peu de liberté, celle que Jedusor voudrait bien lui accorder. Il se haït de penser comme cela.
—Tu passes ton temps à faire la tête, tu n'as pas changé.
Eddy leva les yeux vers Thésée qui s'asseyait près de lui sur une dune. Dans son costume gris avec sa haute stature et ses larges mains Thésée avait l'air presque maladroit sur ce monticule de sable. L'homme lui offrit un petit sourire mi figue mi-raisin.
—Tu ne me connais pas vraiment, on ne s'est vus que quatre ou cinq fois ces dernières années, marmonna l'adolescent.
—C'est vrai, abonda Thésée. Mais de ce que je sais, même si tu chouines souvent, tu n'es pas quelqu'un de mauvais. De ton plein gré en tout cas.
Eddy détourna le regard et amorça un mouvement pour se défiler mais Thésée tenta un geste dans sa direction. Ce fut si surprenant de sa part qu'Eddy glissa de la dune légèrement en contrebas. Couvert de sable et un peu honteux, il se releva sous le ricanement de Thésée.
—Qu'est-ce que tu me veux ? Je vous ai déjà suffisamment gâché le séjour.
—Ça pour être gâché, il est gâché. Tu vois, je craignais que ce soit les parents qui gâchent tout comme ils en ont toujours eut l'habitude mais étrangement, c'est toi.
Thésée eut un petit gloussement amer, mais il ne semblait pas fâché, au contraire. Il avait un petit sourire un peu dépassé sur son long visage qu'Eddy trouvait d'habitude si peu avenant.
—Allez, rassis-toi. J'ai réservé un portoloin à dix-huit heures pour rentrer avec Wen. Ce serait bien que nous discutions comme des adultes, pour une fois.
La pique l'atteignit sans mal, Thésée avait peut-être changé, mais de l'avis d'Eddy il restait rapidement imbuvable. Mais en râlant, il s'exécuta en se disant que de toute façon, que ce soit avec lui ou avec Tina et Newt, il ne pourrait pas y échapper.
—Tu sais, pour le peu de temps qu'il te reste à vivre, tu as réussi à te mettre dans un sacré bazar, à tous nous mettre dans ce bazar même. Je sais que tu es désolé, que tu ne voulais pas… Mais je crois que c'est un peu ce que je craignais quand j'ai appris que mère et père avaient décidé de te garder. L'expression est crue, mais la première fois que j'ai pu te voir dans la valise tu étais juste une boule d'énergie noire. Pour moi tu n'étais pas humain, juste quelque chose qui allait finir par mourir tôt ou tard. Je me suis dit à ce moment là qu'ils s'étaient encore embourbés dans des problèmes. Ils ont toujours eut ce don là, de se retrouver mêlés dans des ennuis plus gros qu'eux, avec des créatures toujours plus étranges. Des Billywing dans l'évier un matin, un scrout sur le lit le soir, une goule qui s'échappe dans le jardin une autre fois-
—Un clabbert qui te saute dessus dans la douche, compléta Eddy à qui il était arrivé pareille mésaventure quelques mois plus tôt et dont la créature mi grenouille-mi singe l'avait un peu traumatisé des batraciens alors qu'il s'était accroché à lui avec ses ventouses.
—Exactement, abonda Thésée dans un vague gloussement. Et ça a toujours été comme ça avec eux. Des choses qui se cassent, qui explosent, des animaux qui s'échappent. Eux toujours aux quatre vents ou en train de se battre contre des braconniers, crois moi j'en avais assez. J'avais besoin de calme, ça ils ne l'ont jamais vraiment compris quand je suis parti après mon diplôme. Quand ils t'ont adopté après que tu ais retrouvé forme humaine, j'ai vu comment ils étaient avec toi et ce que je n'avais pas eut durant mon enfance.
—Comme si tu étais à plaindre, cingla l'adolescent. J'ai passé la moitié du temps de vie dont je me souviens enfermé dans une valise.
—Je ne me plains pas, rétorqua Thésée sur le même ton. Je refusais ce qu'ils me donnaient à l'époque car nous étions trop différents eux et moi. Nous le sommes toujours d'ailleurs, mais j'ai plus ou moins appris à le comprendre.
Il s'arrêta en visualisant la silhouette de Wendy qui quittait le cottage et avançait dans leur direction en longeant le rivage. Le soleil s'abaissait doucement vers l'horizon tandis que l'après midi s'écoulait et la peau claire de la jeune sorcière avait l'air de scintiller au soleil.
—C'est Wen qui m'a aidé à y voir plus clair. D'une certaine façon, on se comprend comme les parents se comprennent. Moi, ça me suffit. L'autre soir j'ai compris que quand les ennuis arrivent, il ne reste plus qu'à se serrer les coudes car c'est ça la famille. Elle aurait eut toutes les raisons du monde de me plaquer, mais Merlin merci elle ne l'a pas fait.
—Tu me considères de ta famille, maintenant ? demanda Eddy en songeant à comment il l'avait introduit à son amie.
—J'ai voulu simplifier la situation pour Wen, mais oui, si on simplifie les choses, maintenant on est dans la mouise ensembles. Même si vous ne pouvez rien faire d'ici, nous on va vous aider. On va trouver des alliés aux MACUSA contre Jedusor.
—Il risque de le savoir et de vous atteindre, marmonna l'adolescent. Il a dit que vous étiez surveillés.
—Je sais, mais pas question que je te laisse avec un collier de chien bon sang ! Ce qu'il est en train de se passer dans ce pays n'est pas normal. D'autres pays vont être touchés car cet homme n'en restera pas là. On est tous concernés.
Eddy songea qu'il avait raison. Jedusor avait la main mise sur l'école, il aurait bientôt le contrôle du pays s'il ne l'avait pas déjà totalement et sans bruit, sans heurt peut-être que le monde suivrait. Wendy était arrivé à leur niveau dans sa robe de voyage couleur parme. Thésée se leva prestement pour offrir un sourire un peu niais à la jeune femme.
—Les bagages sont prêts. Nous devrions aller au Chaudron Baveur prendre notre portoloin.
—Je te suis. Tu viens Eddy ?
L'adolescent ne voulait pas retourner au cottage pour affronter les Scamander, mais essaya d'être poli et se décida à au moins raccompagner Thésée et Wen vers la maison. Après cette étrange discussion, Eddy n'aurait pas su dire s'il se sentait plus proche de Thésée, mais il lui était reconnaissant de ne pas avoir été si désagréable. Wendy était un peu tendue en sa présence mais quoi de plus normal étant donné ce à quoi elle avait assisté et semblait chercher quelque chose à dire pour combler le silence.
—Si tu savais ce que j'ai trouvé en rangeant tes affaires, Tété, cingla finalement la jeune femme qui marchait avec Thésée devant Eddy. En rentrant chez nous, on fait la revanche pour ranger les bagages.
—Prépare ta plume, Wen, lâcha Thésée avec un air de défi qu'il partagea avec sa compagne.
—Une revanche de quoi ? s'immisça timidement l'adolescent.
—De mots croisés, fit Wen d'un air très sérieux. Tous les matins on se défie l'un l'autre, et le perdant fait les corvées.
Eddy ne savait pas ce que c'était et quand Wen tenta de lui expliquer le concept, l'adolescent se dit que c'était la chose la plus ennuyante qu'il ait entendue mais cela semblait déclencher une passion chez les deux qui lui fit dire qu'ils s'étaient bien trouvés.
—En tout cas, malgré tout ça, je suis contente de t'avoir rencontré Eddy, sourit Wen alors qu'ils arrivaient au niveau du portail des Scamander. Thésée m'avait prévenue que sa famille pouvait être un peu spectaculaire, il avait vu juste. Ce sale bonhomme de Jedusor ne s'en tirera pas comme ça, on trouvera des sorciers prêts à se battre contre lui.
—J'espère, mais faites attention à vous, s'il s'est montré aussi sûr de lui c'est qu'il a déjà des alliés aux États Unis.
—Cela veut dire que certains sorciers du bon côté se sont rendus compte que les choses changeaient, il faut donc trouver ceux qui veulent se battre pour éviter un basculement, fit la jeune juge.
Elle avait un air si assuré qu'Eddy préféra abdiquer. Le couple pénétrait dans le jardin où les attendaient Tina et Newt. En les voyant, Eddy eut un geste d'esquive avant que Thésée ne lui agrippe le bras pour l'emmener à sa suite.
—Je vous accompagne, fit Newt, je dois passer au Chemin de traverse ensuite pour une course.
Les deux intéressés opinèrent et se dirigèrent vers les deux vieillards. Tina et Newt échangèrent un petit regard complice et Thésée poussa littéralement Eddy dans les mains de Tina qui se refermèrent sur ses épaules comme des serres.
—C'est Mère qui m'a demandé de te ramener par la peau du cou, elle s'est dit que tu verrais moins le coup venir.
Alors qu'Eddy sentait la brûlure de la trahison, Newt, Wendy et Thésée transplanèrent avec leurs bagages et Thésée lui offrit un petit clin d'œil narquois avant de disparaître. Eddy se retrouva seul avec Tina et vit que la vieille femme avait une petite mimique froide et pincée. Depuis qu'il était rentré de Poudlard, Tina avait été très réservée à son sujet, mais depuis le Derby quelque chose avait changé. Tina lui avait montré par le passé que lorsqu'elle était en colère, elle pouvait se montrer d'une froideur à faire rougir un détraqueur. Dans ces moments là il se sentait piteux et honteux, et à cet instant là, il baissa la tête.
—Ulrick a besoin d'être nourri. Viens.
Les mots auraient pu être hurlés qu'ils auraient eut le même effet. Eddy avait eut assez de discussion d'adultes pour la journée mais il savait que Tina ne le lâcherait pas.
Ulrick l'hippogriffe était attaché au grand hêtre au fond du jardin. Peu de moldus s'aventuraient dans les environs mais il était tout de même couché et dissimulé derrière un petit buisson d'azalées rosâtres. Tina récupéra un bocal de musaraignes mortes près du porche et s'approcha de la créature à pas précautionneux.
Elle s'inclina tout comme Eddy pour qu'Ulrick accepte de les laisser s'approcher. Ils le nourrirent en silence, et l'adolescent se demanda quand elle allait se décider à lui parler. Ulrick se releva et s'ébroua avant d'engloutir d'un revers de bec le petit rongeur qu'il lui tendait. Le regard de la vieille femme se porta sur la montre qu'Eddy portait au poignet.
—Tu sais, cette montre appartenait à notre père à Queenie et moi. Elle l'a retrouvé il y a quelques mois dans de vieilles affaires. J'ai pensé que c'était symbolique de te l'offrir en quelques sortes. De part ce que tu vis, cela fait un moment que tu pourrais être considéré comme un adulte… mais je ne vois qu'un petit garçon terrorisé, Eddy.
Eddy n'osa pas répondre en baissant les yeux. Elle avait certainement raison, mais une part de lui gronda le contraire. Il ferma un instant les yeux pour calmer cette contradiction.
—Queenie a lu dans ton esprit l'autre fois. Elle m'a confié que tu avais fait un serment inviolable avec ton professeur et que tu étais contraint de le cacher.
Il releva brutalement les yeux vers la femme, elle avait l'air sévère et déçue. Eddy essaya d'articuler faiblement ce qu'il pouvait dire maintenant que Tina était au courant :
—Il a abusé de moi au moment où j'étais le plus faible, après l'histoire des escaliers. Il m'avait isolé de Sal et Med… Tina cet homme est le mal en personne. Je crois… je crois que ce n'est plus vraiment un homme.
Il repensa aux mots que cette femme tzigane avait proféré, c'était un démon et toutes ses tentatives pour essayer de lui échapper avaient été de cuisantes punitions. Ses yeux durent le trahir car la moue froide de Tina se plissa en un froissement de rides pour un air plus doux.
—Je ne suis pas en colère contre toi, Eddy. D'une certaine façon je comprends que tu étais désespéré et nous n'avons pas su le voir. Ce qu'il t'a fait et qu'il te fait… je ne peux pas le tolérer c'est au dessus de mes forces. Je ne peux pas rester là à ne rien faire alors qu'il te fait du mal. Je ne peux pas.
Eddy aurait voulu baisser la tête davantage en se détestant de provoquer autant de tristesse chez sa tutrice mais son cou pouvait difficilement bouger avec le collier. Il avait essayé en de nombreuses reprises de l'enlever ou d'utiliser la magie pour s'en débarrasser mais chaque fois un frisson électrique lui dévalait l'échine.
Ils restèrent encore un moment silencieux. Tina caressa Ulrick, puis avec une vitalité surprenante pour une vieille femme elle sauta sur son dos. Elle tendit sa main à Eddy pour l'inciter à faire de même.
—Allons faire un tour, Ulrick a besoin de s'exercer avant que nous le relâchions.
Il s'exécuta toujours sans un mot en saisissant la main fripée de sa tutrice. Il fut un peu vexé d'avoir plus de mal que Tina à monter sur le flanc de l'animal mais s'agrippa fermement au poitrail chaud. Une fois qu'il se fut stabilisé derrière Tina juste devant les énormes ailes de l'hippogriffe, elle détacha la corde qu'il avait au cou. Il prit appuis sur ses larges pattes et s'envola d'un coup. Eddy dut s'accrocher fermement à la taille de sa tutrice pour ne pas basculer vers l'arrière.
Bientôt ils furent hauts dans le ciel tandis que le soleil descendait de plus en plus vers l'horizon. La plage et les maisons de Selsey n'étaient que des petits points blanchâtres et grisâtres dans la campagne, la mer ondulait sous eux comme une immense étendue limpide et rosâtre sous les rayons du couchant à l'horizon. L'hippogriffe se dirigea vers le soleil en diagonale pour leur éviter d'être aveuglés et tandis qu'ils s'éloignaient des côtes, il descendit lentement jusqu'à être presque au niveau des vagues.
—J'aimerai que tu saches que tu ne sers pas de remplacement à Thésée. En aucun cas. Newt et moi n'avons jamais envisagé les choses de la sorte.
—Je sais. Jedusor a dit ça pour nous faire du mal.
—Jedusor a lu cette crainte dans l'esprit de Thésée. C'est lui qui est venu me le dire hier soir, cela aura eut au moins le mérite de clarifier les choses et de nous rapprocher. Peut être est-ce là, la seule chose de bien dont cet homme est capable.
Ils s'éloignaient de plus en plus du rivage qui n'était plus qu'un point à l'horizon quand Tina dirigea Ulrick d'une caresse sur le flanc pour le faire virer en oblique. Eddy frémit en pensant qu'ils avaient quitté l'Angleterre tous les deux et ignorait ce qu'il adviendrait quand Jedusor le découvrirait. Il ne put réfréner un tremblement que Tina sentit.
—Nous n'allons pas aller plus loin pour le moment. Du reste c'est toi qui choisis. Tu es comme notre fils, Eddy et cela pour toujours. Simplement, il semblerait que nous n'ayons pas de solutions à apporter à ce qui te ronge. Même si restes encore un enfant, tu es dans un monde d'adulte depuis bien trop longtemps. Pour essayer de te protéger, avec Newt nous avons essayé de t'offrir un cadre ou des limites si tu préfères. Tu trouveras sans doute ça vieux jeu, mais c'est la chose la plus précieuse que nous avions à t'offrir. Celles de ne pas faire les mêmes erreurs que nous… ou que moi.
Eddy sentit la vieille femme se tendre devant lui. Un peu inquisiteur, il se pencha sur le côté pour essayer de voir son visage. L'hippogriffe embraya sur la droite et il faillit tomber à l'eau tandis qu'ils dessinaient des larges cercles dans l'océan. Le soleil se coucha dans la mer, et ils pouvaient presque apercevoir les côtes françaises.
—Qu'est-ce que tu veux dire ?
—Il y a des années de cela, quand Grindelwald était pratiquement au sommet de sa puissance, Queenie l'a rejoint, débuta Tina.
—Quoi ? s'écria Eddy qui n'en croyait pas ses oreilles.
—Oui, ce n'est pas un épisode de sa vie dont elle aime reparler, ni moi d'ailleurs. Grindelwald était et est toujours sûrement, très doué pour manipuler les gens. Elle l'a vite quitté grâce à ton oncle Jacob. Bien sûr tu ne l'as pas connu, il est mort bien avant que nous ne t'adoptions. Mais quand Queenie est partie, j'ai senti quelque chose en moi se briser. Newt et moi sommes partis chacun de notre côté, je dirigeais le bureau des aurors sans relever la tête. Il y avait une rage et une colère en moi qui ne s'arrêtait pas… et pour combattre les forces du mal, j'ai plusieurs fois franchi la limite. Il y a des sorts que je n'aurais pas dû jeter, mais à ce moment là je ne m'en rendais pas compte. C'est plus tard, avec le temps que j'ai compris ce que j'avais fait. On franchit la limite sans la voir. Je l'ai fait et toi aussi.
Eddy se figea en sentant que le ton de la voix de Tina s'était durci.
—C'est en la retrouvant et en retrouvant Newt que j'ai pu voir ce que j'avais fait. J'ai démissionné de mon poste car j'avais abandonné tout ceux pourquoi j'avais prêté serment. Je n'étais plus digne de cette fonction. C'est avec ma famille, que j'ai pu comprendre ce que je ne voulais plus être, c'est eux qui ont été la limite à ne pas dépasser. J'ai le sentiment que nous n'avons pas réussi à t'apporter ça. Alors maintenant Eddy que veux-tu faire ? Nous pouvons continuer à voler tout droit. C'est toi qui décides aujourd'hui.
L'adolescent regarda confusément la fine silhouette de ce pays inconnu, pendant que Tina attendait sa réponse. Le ton de la voix de la femme lui avait bien fait comprendre que quelque chose était à jamais brisé entre eux, après tous ses mensonges et ses égarements. Ce qui aurait dû provoquer une angoisse et une peine terrible ne lui fit ressentir que de l'apathie. Jedusor avait bel et bien réussi, il avait rompu ce lien si précieux qu'il entretenait avec ses gardiens, de sorte que tout semblait superficiel entre eux désormais.
—Si nous continuons, nous passerons la frontière. Nous serons recherchés par Jedusor et ses sbires mais tu seras libre. Personne n'est au courant, même pas Newt. Je lui ai laissé un mot lorsqu'il reviendra du Chemin de Traverse.
La perspective de s'échapper, de filer tout droit vers ce pays en compagnie de Tina, d'échapper à Jedusor, à sa peur de lui et de ses plans fit bondir sa poitrine d'espoir. Pourtant, il avait toujours ce collier que personne ne pouvait enlever. On les retrouverait, Jedusor lui avait fait comprendre qu'il ne pouvait pas le battre, pas en fuyant.
Il mettrait à nouveau tout le monde en danger et n'aurait aucune réponse à ses questions. Tina et Newt après tout ce qu'ils lui avaient apportés ne méritaient pas une vie de fugitif. Au milieu de la mer, les lumières des maisons des côtes anglaises brillaient dans la nuit comme des petites étoiles. C'était par là qu'il devait aller.
—Non. Je préfère rentrer.
.
Quand ils arrivèrent sur la plage de Selsey, la nuit était là depuis longtemps, mais ils eurent la surprise de voir qu'ils n'étaient pas seuls. Ils crurent que c'était des moldus mais quand Ulrick posa ses serres immenses sur le sable, Eddy remarqua que les individus étaient des sorciers à en juger par leur tenue. Jedusor avait envoyé des gens à leur poursuite, songea-t-il terrifié.
—Mais c'est pas interdit d'avoir une telle horreur chez soi ?
Cette voix, Eddy la reconnut, c'était celle de Bellatrix. À cette insulte Ulrick croassa furieusement et se mit à se cabrer. La jeune fille eut un geste de recul en tendant sa baguette mais son compagnon la tira plus loin tandis que Tina essayait de calmer l'hippogriffe en s'accrochant fermement à son cou. Eddy bascula vers l'arrière et tomba dans le sable.
—Ne sors pas ta baguette Bella ! Le Ministère-
—Je m'en fiche du Ministère, si cette chose me touche, je la carbonise !
Son compagnon qui était Rodolphus Lestrange la tira encore plus férocement vers l'arrière. Eddy s'aperçut qu'ils n'étaient pas menaçants car Bellatrix eut l'air de le reconnaître avec un temps de latence :
—Qu'est-ce que tu fais là, l'obscurial ?
—On se baladait, se borna à répondre l'adolescent en époussetant le sable qu'il avait sur lui. Et vous ?
—On se baladait nous aussi, répondit Rodolphus d'un ton cynique avant de laisser planer un silence tendu avec sa baguette levée. Bien, bonne soirée Mrs Goldstein, Lee.
Sur ces paroles, le Lestrange prit la main de Bellatrix et monta le chemin de gravillons de la colline où se trouvait le cottage des Black. Ulrick croassa hargneusement envers le couple alors que Tina descendait de son dos. La lueur de la lune s'était faite plus discrète, derrière de lourds nuages noirs arrivant de l'horizon.
Sans un mot la sorcière raccompagna la créature jusqu'à la demeure et l'accrocha dissimulé derrière son buisson d'azalée. Tina rentra dans la maison sans même jeter un coup d'œil à Eddy. Il rentra à son tour, un peu vide et un peu cotonneux, comme s'il ne réalisait pas encore complètement l'ampleur de son choix de ce soir. Pourtant, il sut quelque part qu'il avait fait le bon. Car dans le salon du cottage en plus de Newt se trouvait la personne à laquelle il s'attendait le moins à cet instant.
—Sacheen' chavo ? (Ça va garçon) ?
Bill Berry était assit maladroitement sur le canapé du salon. Il semblait très mal à l'aise au milieu de ce petit salon de pierre et regardait d'un air inquiet autour de lui. Il avait l'air vieilli et maigre depuis l'année précédente.
—Euh bonsoir…
—Tu ne m'avais pas dit que tu avais invité un ami, Eddy, fit Newt un peu décontenancé.
Il venait manifestement de rentrer quand il avait croisé Berry. Eddy rougit, il lui avait envoyé un courrier quelques semaines plus tôt pour lui dire qu'il était d'accord pour le rejoindre sur les routes, mais il n'avait pas pensé un seul instant qu'il débarquerait ici sans prévenir.
—Je campe depuis hier dans un champ à côté. J'ai croisé deux dans votre genre qui m'ont indiqué ta maison. Je vais repartir vers le nord.
La question qu'il ne posait pas était donc veux-tu venir ? Eddy se dit à nouveau qu'il avait l'air bien fatigué, sa voix était un peu éraillée. Tina haussa simplement les épaules avant de monter à l'étage. Son détachement lui fit mal, mais l'adolescent s'y était attendu.
Eddy se tourna vers Newt qui était confus de l'attitude de sa femme et du revirement de situation de cette soirée.
—Vous n'allez pas partir ce soir enfin, temporisa Newt. Il est tard, Eddy tu es surveill-
—Il sait où je suis dans tous les cas. Si je ne quitte pas le pays, il semble s'en moquer, autant retrouver les miens pendant qu'il me le permet encore.
Bill n'eut l'air de rien comprendre à leur discussion et se releva sur ses vieilles guiboles fatiguées.
—On part ce soir, lâcha le gitan d'un air catégorique. Un orage se prépare. Je ne veux pas être là quand il éclatera. T'es en état de me suivre et travailler chavo, oui ou non ?
L'impatience de l'homme réaffirma sa volonté. Berry était aussi impulsif que lui pour le meilleur et pour le pire. Il adressa un regard à Newt avant de courir à toute jambes vers l'étage pour récupérer ses affaires dans sa chambre. Il n'avait que quelques pièces de livres moldus, il ramassa des affaires à la va vite, une barre de chocolat de chez Honeydukes et d'autres choses qui trainaient. Quand il redescendit en quatrième vitesse avec son petit sac à dos, Berry était déjà dehors, semblant bien plus à l'aise à la lueur de la lune que du chandelier magique de la maison.
—Tu as un curieux collier, chavo.
—Je sais.
—Il vient pas le chat qui était avec toi ? demanda le gitan.
—Non, souffla l'adolescent à mi voix le visage fermé.
Newt était près de l'entrée appuyé contre le comptoir de la cuisine, une tasse de thé entre les mains avec Peaky son petit botruc sur l'épaule. Le vieil homme leva des yeux doux par dessus sa tasse.
—Je reviendrai, promit l'adolescent. Je ne le laisserais pas vous faire du mal. J'ai juste besoin de réponses.
—Je sais, sourit doucement Newt.
Cela avait un peu l'air trop solennel et embarrassant pour lui mais Eddy continua d'une petite voix :
—Embrasse Tina de ma part. Je reviens. Promis.
Il quitta la maison à la suite du vieux romani dans l'obscurité de la nuit, dans ce mélange de torpeur et d'aveuglement qu'il ressentait depuis qu'il avait décidé de rester ici. Mr Berry ne semblait pas d'humeur à parler. Sa caravane et ses deux vieilles juments étaient attachées à la barrière d'un champ contigu au chemin goudronné et abimé.
—Allez, on a on bout d'chemin à faire, murmura Berry.
Quand Eddy monta sur la caravane alors que le cheval la tirait, il tourna la tête vers le cottage Scamander derrière eux. Les lumières de la maison étaient éteintes, et sa façade plongée dans les ténèbres.
Ils partirent comme ça, lentement, en suivant le rivage avec comme seul son le bruit du ressac marin et le tempo des sabots des juments sur l'asphalte. C'était tranquille, agréable, et c'était tout ce dont avait besoin Eddy pour le moment. Il tritura du bout des doigts son « collier », à mesure qu'ils s'éloignaient de Selsey, Eddy s'était attendu à recevoir une punition ou quelque chose, mais non.
À mesure que la nuit avançait, l'adolescent fatiguait et luttait pour rester éveillé car Berry lui demandait parfois de dégager le passage devant eux ou de guider les chevaux à pied. Ils avaient emprunté un raccourci parmi les troncs noueux et les arbres morts de la campagne anglaise. Le chemin de terre était étroit mais plat pour le moment.
—Va dormir chavo. Pas de bivouac avant l'aube ma Kushti est trop vieille pour avancer en pleine chaleur, lâcha finalement Berry en montrant la plus vieille des juments.
Quelque part, Eddy pensa que le vieil homme n'était pas non plus en état tant il semblait fatigué, et finit par abdiquer. Ils s'étaient éloignés des côtes et étaient profondément enfoncés dans les terres. L'homme lui ouvrit le mince panneau reliant l'intérieur de la caravane et Eddy y pénétra. Il faisait noir comme un four, pourtant, Eddy eut la sensation qu'il n'était pas seul dans le petit habitacle. Il sentit une forme sombre à sa gauche.
Il vrilla un regard curieux et s'approcha, alors sans prévenir la forme lui bondit dessus. Eddy poussa un petit cri surprit tandis qu'il roulait dans le sol de la caravane contre son agresseur.
—Hey ! Il se passe quoi là dedans ?
—Aïe ! Lâche moi, Lee !
Cette voix, pour l'avoir entendue à peine quelques heures plus tôt, Eddy savait très bien à qui elle appartenait.
—Bellatrix ?
Il y eut un autre petit bruit et cette fois la silhouette de Bellatrix se figea et saisit une autre personne à côté d'elle. Ce fut au tour de la jeune femme d'être surprise et de tourner la tête vers un point dans le noir. Berry ouvrit la petite porte brusquement en pointant une lampe torche et Eddy constata effaré qu'en plus de Bellatrix, émergeait d'un énorme sac boudin, la petite forme de Narcissa.
—Cissy ? souffla Bellatrix médusée.
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L'été était étonnement chaud et humide pour l'Écosse. Une brume de chaleur épaisse avait envahi le parc de Poudlard, le rendant presqu'irrespirable comme si un lourd orage arrivait sur le pays. Dans la bibliothèque de Poudlard, Médusa ne pouvait espérer non plus gagner un peu de fraicheur. Les larges baies vitrées déversaient le soleil et la chaleur de l'extérieur toute la journée et ils ne pouvaient rien faire contre ça.
—Qui veut des bièraubeurre ? demanda Rabastan à la cantonade en arrivant des cuisines.
Salazar n'émergea pas de son carnet près de la fenêtre pour répondre mais Médusa récupéra la bouteille au vol quand le serpentard lui en lança une. Ils étaient plusieurs jeunes mangemorts seuls dans Poudlard en plein été et au lieu d'en profiter, ils cuisaient littéralement dans une bibliothèque surchauffée. Cela n'aurait pas dérangé Médusa outre mesure si elle n'avait pas été en compagnie de Lestrange à faire un travail aussi rébarbatif. Comme Mrs Bréviaire était absente, le père de la jeune femme avait confié à ses jeunes recrues la mission de classer et ranger tous les ouvrages de la bibliothèque et de la réserve.
Les plus puissants et plus noirs ouvrages iraient ensuite discrètement dans le bureau du directeur. Ceux de Magie blanche et trop pure étaient remisés dans une grande boite au centre de la pièce, tout comme ceux parlant en de trop bons termes des moldus. Ce petit nettoyage de plein été effectué, peu de monde verrait la différence si ce n'était la bibliothécaire qui ne serait pas difficile à mâter.
—Quel ennuis, lâcha Lucius Malefoy le cadet d'entre eux qui avait reçu sa marque quelques jours plus tôt. J'espère que Narcissa et Bella viendront vite.
Il but une gorgée de sa bièraubeurre et s'essuya le front avant de monter à l'échelle pour récupérer de lourds grimoires. En inspectant l'ouvrage qu'ils avaient déjà réalisé ces deux derniers jours, Médusa voyait bien qu'ils avaient avancé et que les rayonnages étaient désormais plus clairsemés. Sans doute ceux-ci seraient-ils comblés par une commande de livres d'un plus grand intérêt.
—La divination c'est dans la pile on garde ou on jette ? souffla Lucius à Médusa en craignant de faire une erreur.
—Laisse-en quelques uns, ou garde le pour toi si ça te fait plaisir, lâcha la jeune fille en songeant que son père aurait peu d'intérêt de ce genre de livres.
Les livres les plus intéressants et les plus mortels, cela faisait sans doute longtemps qu'il se les était accaparé. Il laissait à ses jeunes recrues le soin de faire le gros œuvre.
Mais Médusa s'en accommodait. Elle faisait quelque chose, avait Sal à l'œil, il ne restait plus qu'à regagner les faveurs de son père. Et puis, depuis sa discussion dans les marais avec sa mère, Médusa avait en tête un ouvrage bien plus intéressant que tout ce qui pouvait se trouver à Poudlard. Le Codex de Serpentard.
Sa mère avait dit que des réponses au plan de son père les concernant s'y trouvaient, pourtant Médusa avait relu la version qu'elle possédait sans comprendre. Le livre parlait de leur histoire, de leurs dons, de sortilèges et maléfices noirs transmis exclusivement entre eux. Mais la jeune fille ne voyait pas en quoi tout cela expliquait quoi que ce soit les concernant. Un chapitre parlait d'Isolt Sayre qui possédait un don puissant pour les créatures magiques et qui avait fuit les siens vers les montagnes du Nouveau Monde pour fonder Ilvermony. Mais c'était tout. Simplement Médusa n'avait jamais pu tout comme Salazar accéder à la version originale du Codex.
Elle en était donc venue à la conclusion qu'il n'était pas complet, et pour y avoir accès, il allait lui falloir du temps et de la patience.
Rodolphus Lestrange pénétra d'un air un peu penaud dans l'habitacle surchauffé de la bibliothèque et son frère le salua. Ils parlèrent quelques instants à voix basse avec Antenor Dolohov qui passait en septième année avant de se mettre au travail.
—Salazar serait-il possible pour toi, si c'est bien sûr trop te demander de bien vouloir nous aider ? demanda Rabastan d'une voix faussement guillerette. Je ne voudrais pas avoir l'air de t'embêter, bien sûr.
L'ironie du Lestrange figea Sal qui ne sut quoi répondre. Il béat un instant avec un air confus :
—Tu ne m'embêtes pas. Je dois finir ça avant.
Sal replongea dans son carnet et Lestrange leva les yeux au ciel avant de retourner jeter plusieurs livres dans le carton des mises de côtés.
Médusa traversa un rayonnage de livres en récupérant des grimoires dans la section d'étude des moldus. Comme ce rayon était le plus ciblé dans leur nettoyage, les Lestrange et Dolohov se trouvaient non loin, sans l'avoir remarquée et elle put les entendre ricaner à voix basse.
—Toujours plongé dans son journal intime celui-là. Je me demande ce qu'il peut bien se raconter de si intéressant.
—Paraît-il que le Maitre aussi à son âge avait un journal intime, gloussa Dolohov. Peut-être se sentent-ils d'humeur poète ?
Médusa fit expressément du bruit en prenant un livre pour arrêter là leurs gloussements. Quand ils la remarquèrent, elle leur fit un petit sourire avant de leur tourner le dos en feignant quelque chose à faire. La jeune sorcière savait très bien que si leur père n'avait pas été si effrayant, sans doute que Salazar aurait été leur victime favorite.
—Tu crois que je pourrais participer à la réunion de ce soir, maintenant que je suis là ? demanda Rodolphus plein d'espoir.
—On n'y est pas conviés non plus, soupira Dolohov. Notre mission c'est ici, après on a le château à nous tout le reste du temps.
Il avait raison, seuls les sorciers diplômés pouvaient se joindre aux réunions du soir qui avaient lieu dans la Grande Salle. Son père semblait avoir entamé un plan de bataille ou en tout cas préparait quelque chose avec ses troupes. Le va et vient de sorciers à l'allure lugubre aurait pu alerter, mais il était seul maitre à bord, car aucun professeur si ce n'était le concierge n'était présent. Poudlard était devenu pour l'été un repère de Mangemorts.
—D'ailleurs tu ne devais pas être le chaperon de Bellatrix et Cissy en l'absence de ses parents, toi ?
—Si… mais elle est partie pendant la nuit. Narcissa aussi. Je n'ai pas eut d'explications.
—Elles se sont enfuies ? lâcha Rabastan. C'est en rapport avec tu sais quoi ?
—L'elfe a rien voulu me dire, Bellatrix l'a tellement torturé qu'il était muet. J'ai envoyé une lettre aux Black et je suis venu ici du coup.
—Bellatrix et Narcissa ont disparu ? s'interposa Médusa en retournant vers le groupe de serpentards.
—Tu as perdu Cissy ? rugit Lucius Malefoy en émergeant de son rayonnage.
—Ouais, et du reste ça ne te regarde pas, lâcha entre ses dents Rodolphus. Leur père finira bien par leur mettre la main dessus. C'est pas de ma faute si Bella est une folle dingue, c'est moi la victime dans l'histoire ! Elle m'a berné !
—Ne monte pas sur tes grands hippogriffes, je veux juste comprendre, siffla Médusa.
—Mêle toi de ce qui te regarde, Jedusor.
Les Lestranges lui jetèrent un regard mauvais. Ils n'avaient pas oublié la disparition de Rosier qui aux yeux des Mangemorts avait fuit après avoir failli à une mission. Cette excuse était légère mais le plupart s'en accommodaient, sauf eux cherchant à retrouver leur ami. Médusa ignorait ce que leur avait confié Rosier, mais elle ne tenait pas à le savoir. L'essentiel était de les mettre au pas pour s'assurer une tranquillité.
—Si tu perds ta fiancée juste en tournant le dos, on peut se demander ce qu'il adviendra lorsque le Maitre te donnera de vraies missions. Cela n'inspire pas la confiance, caqueta-t-elle d'une petite voix cruelle en jetant un livre par terre. Je suis ses yeux et ses oreilles, ne l'oublie pas.
Elle eut la satisfaction de voir les garçons arborer un air inquiet. Elle avait beau être plus jeune que les Lestranges et Dolohov, c'était elle la plus puissante ici. Et de cela, elle en dégageait beaucoup de plaisir. Elle lisait dans leurs yeux qu'ils la détestaient mais que l'incertitude concernant le destin de Rosier calmait toutes leurs dispositions pour lui répondre.
—Continuez à travailler, ordonna-t-elle d'un ton sec.
—À vos ordres, princesse, cingla Dolohov en prenant bien soin de s'engouffrer dans un rayonnage pour éviter un sortilège en traitre.
Elle avait besoin de se vider la tête hors de la bibliothèque surchauffée. Cela faisait des heures qu'elle travaillait ici, et il était temps de terminer cette journée. Elle laissa là les serpentards, indifférente de s'ils s'exécuteraient ou non dans leur besogne. Elle arriva près de Sal qui n'avait pas non plus daigné participer au nettoyage des rayons car cela le répugnait. Délicatement elle s'approcha et cela le fit sursauter légèrement.
—Ça te dit d'aller te baigner ? On meurt de chaud ici.
Sal visualisa son carnet avec envie et une hésitation, puis l'idée d'aller dehors le réjouit et ils quittèrent la bibliothèque et le château rapidement en croisant le fantôme de Nick Quasi Sans Tête qui errait dans le Hall.
L'après midi se terminait sur Poudlard, et dans la moiteur, le lac était des plus tentant. Sal regarda la forêt avec envie, mais suivit sa sœur vers l'eau en enlevant leurs chaussures. Ils barbotèrent un peu dans l'eau claire et tiède en profitant des rayons du soleil. Au loin, deux mangemorts faisaient une ronde autour de la forêt interdite.
Quelques arbres avaient été replantés, mais personne n'avait le droit d'y aller. Son frère ne s'y était que peu risqué, le désastre de l'incendie l'avait tellement bouleversé qu'il craignait même d'y pénétrer.
—Tu t'en sors avec le travail que père te donne ? demanda-t-elle finalement alors que Sal se posait sur le rivage.
—J'ai de plus en plus de traductions. Père me fait tester certains sorts quelques fois.
Son frère grimaça légèrement, Médusa essora le bas de sa robe d'été vert pomme qui trainait dans l'eau puis alla s'asseoir près de lui.
—Ce n'est que des sortilèges de magie blanche pour la plupart… donc ça ne l'intéresse pas vraiment. Avec le lexique d'Eddy j'avance bien aussi.
Ils restèrent silencieux au sujet du jeune homme conscients de ce à quoi ils avaient assisté au Derby. Eddy avait été une fois de plus humilié et torturé par leur père sans qu'ils n'aient pu rien faire. Médusa s'était tue, elle avait laissé faire.
—Au moins il reste avec les Scamander, murmura Médusa. Il est avec sa famille pour le moment.
—Pour le moment, répéta Sal. Jusqu'à ce qu'il l'appelle pour le torturer ou le disséquer. Je ne sais pas ce qui lui passera par la tête. Il fait du mal à tout le monde, à Rita, Silvana, Charme. Il est impossible à arrêter Médusa.
—Alors autant faire ce qu'il dit, soupira-t-elle. Cela nous protège et nous évite des ennuis.
Salazar eut l'air outré comme si elle l'avait insulté, mais Médusa plongea ses yeux dans ceux de son petit frère.
« J'ai besoin qu'il soit heureux et fier de nous. Il faut l'amadouer. Pour l'instant, c'est la seule chose que l'on peut faire. On va libérer Eddy et protéger les autres. Continue à faire comme d'habitude. Essaie juste de lui sourire et de ne pas trop le fuir, je me charge du reste. Il faut que tu me fasses confiance. »
À nouveau son frère eut l'air entre colère et confusion, alors la jeune fille déversa en lui tous les sentiments qu'elle ressentait et pour une fois Sal ne voulut pas couper cette connexion entre eux trop brutalement. Il laissa venir vers lui toute la colère, et ce vide qu'elle ressentait, il lui rendit en retour quelque chose de chaud et agréable. C'était nostalgique, ils avaient communiqué comme ça étant enfants en ne partageant pas des mots, mais juste des effusions et des ressentis.
« Je te fais confiance. »
Plus tard, le soleil se couchait sur le château mais Salazar et la jeune femme n'avaient pas bougés du rivage et profitaient enfin d'un peu de fraicheur après la touffeur de la journée. Ils virent les silhouettes encapuchonnées de mangemorts quitter le château. Dans le lot, Médusa repéra la silhouette de Rodolphus suivant son père avec son frère et un détail lui revint en mémoire.
—Bella et Cissy ont disparu.
—Oui, je vous ai entendus dans la bibliothèque, souffla rêveusement Sal en regardant les étoiles dans le ciel. Où est-ce qu'elles sont parties, tu crois ?
Connaissant Mr Black, n'importe où mais loin de leur père qui justement quittait le château à petits pas pressés. Après Andromeda, Bellatrix et Narcissa avaient-elles aussi décidé de laisser derrière elles leur famille ? Ça n'avait pas de sens pour Médusa alors que Bella était une des plus fervente adepte de la suprématie du sang.
Ils virent ensuite la silhouette reconnaissable et dangereuse de leur géniteur quitter le château. Il les repéra immédiatement pour venir dans leur direction. Médusa intima un geste à son frère pour le calmer alors que leur père s'approchait.
—Poudlard est magnifique au crépuscule. Depuis que je suis entré dans cette école c'est bien un paysage qui n'a pas su me lasser.
Il avait l'air heureux, content et mieux que tout, il était venu les voir. Ravie de retrouver les faveurs paternelles Médusa hocha la tête et Salazar suivit par un mimétisme un peu placide. Ils étaient désormais seuls tous les trois au sein du parc, et même du château. Cela avait quelque chose de grisant d'être seuls au milieu de cette immensité. Ce moment d'exception fut confirmé quand leur père s'assit calmement près d'eux au bord de l'eau. Dans l'herbe, avec sa robe de sorcier noire étalée autour de lui, Médusa l'avait rarement vu ainsi. Même Salazar semblait ne pas comprendre ce rapprochement soudain et jetait à sa sœur un coup d'œil confus.
—Tout ceci est à nous trois. À notre sang. Une partie de l'œuvre de Salazar Serpentard s'est accomplie par mes mains.
Du bout de sa baguette d'if, il alluma un brasier qui se suspendit à hauteur d'eau comme une boule de flammes venant les éclairer dans la nuit. Il souriait légèrement, mais le coin de sa joue où se trouvait son étrange cicatrice tressaillait légèrement. Il était inquiet, réalisa la jeune femme.
—Et pour Suzy ? demanda Sal qui repensait au Basilic enfermé dans la chambre des secrets.
—Nous allons remettre à plus tard cette partie de son grand œuvre, susurra-t-il abruptement. Poudlard va accueillir le Tournois des Trois Sorciers à la rentrée.
—Sérieusement !? ne put s'empêcher de s'exclamer Médusa enthousiasmée par l'idée.
La jeune femme avait lu de nombreux livres au sujet de ce tournois mais même elle sa propre excitation la surprit. Son père lui adressa un petit sourire pincé en ne partageant pas son allégresse nouvelle.
—Vous allez me promettre tous les deux de ne pas y participer. Vous ne mettrez pas votre nom dans la Coupe de Feu. Sous aucun prétexte, suis-je clair ?
L'ordre était sec et n'admettait aucune contestation, aussi elle ravala sa joie et promit avec Salazar. Le tournoi n'était pas une donnée prévue, cela avait été négocié avant qu'il ne prenne le pouvoir. Par Dumbledore. Et Dumbledore était toujours en fuite, tout comme son frère Abelforth. Son père avait-il autant gagné qu'il le pensait sur le vieil homme ?
—Comment va mère ? se risqua la jeune fille.
—Bien. Elle se trouve à Paris avec Nagini. Elles visitent entre autre chose.
Médusa savait qu'il mentait et il lui paraissait assez peu assuré. Une personne lambda ne l'aurait pas remarqué, mais après avoir passé sa vie aux côtés de son géniteur, la jeune fille le percevait, il était inquiet. Était-ce la disparition des Dumbledore, ou bien la cicatrice que lui avait fait Eddy, Médusa l'ignorait. Mais pour une fois, il avait l'air faillible derrière ses petits sourires tranquilles.
—L'Obscurial a eut envie de faire un petit voyage. Il est en train de chercher sa famille partout dans le pays, lâcha leur père au bout d'un moment. Cela semble être irrépressible chez ce petit idiot.
Il les toisait tous les deux pour voir leur réaction. Salazar fronça les sourcils.
—Tu ne vas rien faire ?
—Pourquoi l'empêcherai-je de me mener à d'autres potentiels otages pour le briser davantage ?
Salazar détourna le regard et sortit ses pieds de l'eau en remettant ses chaussures. Médusa en fit de même, car elle le sentait, tout ce qui touchait de loin à ce garçon menaçait de faire exploser quelque chose en elle. Elle se décida à amorcer la discussion sous un autre angle.
—Pendant qu'il courre plus vite que son ombre à sa perte, je dois vous avouer que je m'ennuie de ce travail ici, père.
Il eut l'air soupçonneux et fronça légèrement les sourcils. Après son apathie, ce revirement l'intriguait et son géniteur voulait savoir ce qui en était la cause. Elle dissimula ses pensées dans la lueur des flammes.
—Tu avais besoin de repos, me semblait-il, susurra lentement son géniteur. Ne considères-tu pas le privilège que je te fais d'être ici à travailler auprès de mes serviteurs pour mes plans ?
—Vos serviteurs sont pour la plupart tous bêtes et grossiers, nous le savons tous les deux Père, je ne souhaite qu'évoluer pour mieux vous servir. Mon stage chez Beurk l'été dernier était des plus intéressant, mais je pense n'avoir pas exprimé tout mon potentiel là-bas.
Là, elle le sentait, elle avait capté son intérêt. Salazar ne comprenait pas et jouait avec un têtard trainant au milieu de l'eau et observant leur duo d'un air songeur. Ce petit jeu de manipulation que son père lui avait lui même appris au cours des années ne lui permettrait pas d'atteindre l'original du Codex de Serpentard. Il fallait une diversion.
—C'est ce collier d'opale, n'est-ce pas ? Quand je travaillais là-bas sa noirceur était des plus grisantes. Tu n'as pas réussi à en faire ce que tu voulais.
Non, et lui non plus à son époque pour qu'il montre autant d'intérêt à ce collier. Médusa comme son géniteur ne pouvait pas nier son affection profonde pour la magie noire, et ce collier avait un potentiel.
—Autant soutirer des informations au petit nez de rat de ce vieux scabreux de Beurk.
—Je vais y réfléchir, murmura-t-il. Quand votre mère sera rentrée, je verrais en fonction. Rentrons maintenant.
La boule de feu s'éteignit, et il se leva. Ils rentrèrent au château sans un mot. Quand ils eurent pénétré dans le hall, les lourdes portes en chêne massif se fermèrent magiquement. Dans l'obscurité et en se sachant seuls, le sentiment grisant que Médusa ressentait s'était étiolé pour quelque chose de plus oppressant. Comme dans le Marais, ils étaient piégés ici. Tous les passages secrets qu'ils connaissaient avaient été fermés et chaque brise ou grincement de pierre résonnait de façon lugubre. Leur géniteur les laissa pour remonter dans son bureau et les jumeaux se retrouvèrent seuls dans le hall. Sal s'apprêta à retourner vers leur dortoir comme durant l'année scolaire, mais Médusa lui tira le bras vers la Grande Salle.
—Ce château appartient à notre sang. On peut dormir où on veut.
Elle fit apparaître des coussins et des couchettes au beau milieu des quatre longues tables. Sous le ciel étoilé du plafond magique, c'était un peu comme s'ils campaient. Sal s'y précipita et se coucha sur le dos en regardant le ciel. Médusa le rejoignit en enlevant rapidement ses chaussures pour se glisser sous le duvet à côté de lui. Là, à côté de son jumeau à observer les étoiles scintillantes au plafond, tout lui semblait un peu moins grand. Une étoile filante passa dans un ronronnement de magie entre deux arches ensorcelées.
—J'espère qu'Eddy voit le même ciel en ce moment, murmura Sal comme souhait. Et que Bella et Cissy vont bien.
—Je suis sûre qu'elles vont bien, assura Médusa en tentant sans doute s'en persuader aussi. On parle de Bellatrix quand même.
—C'est pour ça que je suis inquiet.
