Auteur : Kitsu34
Fandom : Saint Seiya (manga originel)
Couple : Milo x Camus
Disclaimers : L'univers de Saint Seiya appartient à M. Kurumada.
Note : Le site part en lambeau et je ne sais pas encore combien de temps je pourrais poster ici : mon compte est de plus en plus incohérent... Est-ce la fin d'une époque ?
Page blanche – Chapitre 9
« Vous avez fait QUOI ?
- Fuck you, mec ! Faudrait savoir ce que tu veux !
- Je ne vous ai jamais dit de l'agresser réellement ! J'ai dit de lui faire peur pour qu'il comprenne et disparaisse du paysage !
- Ben, c'est ce qu'on a fait ! Et si t'es pas content, t'as qu'à le faire toi-même la prochaine fois ! De toute façon, c'est un tueur ce gars ! Il se bat comme un pro !
- Quoi ? Il sait se battre ? Lui ?
- Ouais, et crois-moi c'est pas un débutant. Reste à distance, il est dangereux. Allez, je me casse ! A plus ! »
Zach regarda B-Snoop s'éloigner avec colère. Il se passa la main dans les cheveux, désemparé. Ces abrutis avaient pris sa demande au sens très littéral et il n'en menait pas large sur les conséquences de leurs actes. C'est vrai qu'il leur avait demandé de faire passer l'envie de danser mieux que lui à JJ, mais il pensait avoir été clair quand il avait dit à B-Snoop de lui faire peur ! Lui faire peur seulement ! Pas l'agresser, le rouer de coups, lui casser une jambe et attaquer son mec ! Quelle bande de cons !
Avec un profond soupir de contrariété, mordillant nerveusement sa lèvre inférieure, il jeta son sac de sport sur son épaule et prit le chemin de la salle. Il ne marchait pas de sa foulée habituelle, sa démarche de danseur, énergique et souple. Il traînait plutôt les pieds, comme s'il craignait de parvenir trop rapidement à destination.
Il allait voir JJ… Que pourrait-il lui dire ? Arriverait-il à le regarder en face avec hostilité, comme d'habitude ? Il n'en menait vraiment pas large ! A moins que… JJ soit trop mal en point pour danser et qu'il zappe l'entraînement d'aujourd'hui ? Le pas de Zach s'allongea insensiblement.
Oui… Il devait être trop courbaturé pour pouvoir danser ce soir… Il reviendrait sans doute dans deux ou trois jours, le temps de se remettre… Cela lui laissait le temps de digérer la nouvelle et de se composer une attitude… Sa démarche gracieuse et légère de danseur talentueux refit surface.
Avec un nouveau soupir, de soulagement cette fois, Zach pressa le pas vers la salle de Hip-Hop. Il se sentait plus léger, presque joyeux, après s'être fait un sang d'encre. Mais à l'instant où il déboula dans les vestiaires et jeta son sac sur une banquette après avoir échangé un signe de reconnaissance avec quelques autres jeunes hommes présents, une main s'abattit solidement sur son épaule. Un tressaillement intérieur puissant le parcourut. Comme une onde électrique indolore qui parcourrait ses veines. Zach sentit son être vaciller sous l'impulsion étrange, comme s'il tombait en lui-même, et se retourna étreint d'un pressentiment de danger intense. Comme il le redoutait, son regard accrocha une chevelure d'or incroyable et un visage marbré de traces de coups. Mais ce qui le figea complètement, immobile comme fasciné, fut l'éclat des yeux de mer translucide de JJ.
Le regard habituellement pur et serein, presque innocent du jeune homme était dur et incisif. La beauté de ses pupilles claires avait un aspect tranchant et acéré, qui rendait son regard difficilement soutenable. Une puissance étrange et impérieuse émanait du jeune danseur normalement attachant et jovial.
JJ le toisa. Sa main sur son épaule se fit douloureuse, comme une pince. Son regard étincela, le transperçant comme un dard. Zach tenta misérablement de sourire mais sous le regard clair de plus en plus aigu, n'y parvint pas. JJ sourit doucereusement et Zach frémit, profondément secoué par le sentiment d'une menace terrible.
Que se passait-il ? Pourquoi JJ lui faisait-il aussi peur ? Quel danger pouvait-il bien représenter ? Mais, et le jeune métis déglutit péniblement, pourtant il savait instinctivement que JJ était très dangereux. Et en colère contre lui. Très en colère. Il déglutit à nouveau, nerveusement. Le sourire de JJ s'accentua sombrement et la main sur son épaule devint insoutenable.
Puis tout cessa. JJ retira sa main et la pression insupportable s'allégea tout à coup. Zach fit un pas en avant, déstabilisé, comme s'il perdait l'équilibre. JJ tendit la main comme pour le rattraper et le jeune homme fit un bond en arrière pour lui échapper.
« Fais attention, Zach. Ne tombe pas à quelques jours du spectacle. Ce serait dommage que tu te blesses ou qu'il t'arrive quelque chose, n'est-ce pas ? »
Et sur un sourire sinistre, souligné par un bref éclat acéré de son regard d'eau claire funeste, au grand étonnement des autres danseurs habitués au leadership de Zach JJ passa devant lui comme s'il n'existait pas.
oOoOo
Camus faisait les cent pas dans sa chambre, incapable de se calmer. Dès qu'il s'arrêtait, le sentiment atroce de son échec refaisait surface et venait le tourmenter. Quel imbécile ! Dire que, comme l'avait fait remarquer Deathmask, ils avaient enfin une piste sur ce qu'il s'était passé quatre ans auparavant, et qu'il avait tout fait foirer ! Si cela se trouvait, à cause de lui, ils risquaient de perdre la trace de Milo ! Sans s'en rendre compte, il s'arrêta, saisi de panique et de colère, grinçant des dents dans ses pensées. Un soupir agacé lui répondit et il se retourna vers la banquette devant le feu qui brûlait dans l'âtre.
Avachi paresseusement, les yeux mi-clos, Deathmask semblait se prélasser devant les flammes, baigné de chaleur. Il était si près du feu que sa peau mate prenait des reflets rouges et dorés. Il allait cuire si cela continuait, pensa Camus avec une pointe de satisfaction méchamment réjouie. Mais le Cancer ne semblait pas se soucier du feu. Au contraire, il avait presque l'air de ronronner de bien-être après avoir eu si froid.
« Tu comptes me servir du crabe rôti, c'est cela ?
- Pas la peine, Camus, ça ne marchera pas.
- De quoi parles-tu ? Je ne comprends rien !
- Bien sûr que si, tu piges parfaitement. T'es bien trop malin pour faire aussi mal le con.
- Si tu ne veux pas être plus clair, je ne vais pas perdre mon temps à discuter avec toi, lança avec acrimonie le Verseau avant de se remettre à faire les cent pas.
- T'es en rogne. Y a de quoi, d'ailleurs. Mais t'es en rogne contre toi-même, alors tu cherches quelqu'un sur qui déverser ta colère. Et ce sera pas moi. Rêve pas. J'entrerai pas dans ton jeu. »
Le ton nonchalant, autant que la posture négligente et vautré dans le canapé de Deathmask, exacerbèrent la rage de Camus. Mais il était bien forcé de reconnaître la justesse des paroles du chevalier du Cancer. Il s'en voulait tellement que son ressentiment en devenait presque une douleur physique. Et l'angoisse s'emparait peu à peu de lui malgré ses efforts pour garder la tête froide.
Lui… Le Cent visages. Le Magicien de l'eau et la glace. Il cédait à la panique pure. La terreur s'emparait de lui, à la pensée que tout était peut-être fini, par sa faute. A cause de lui, la trace infime qui aurait pu le mener à Milo après quatre années de torture absolue venait de s'évaporer dans la nature.
Il s'arrêta brutalement, le coeur étreint à la limite du supportable dans un étau de peur affreuse. Une sueur froide courut sur sa peau, sa respiration accrocha soudain dans sa poitrine et sa vision s'obscurcit. Une gifle bien assénée lui remit brutalement les idées en place et arma immédiatement ses défenses. Il riposta par un coup de poing violent qui percuta un ventre dur comme de l'acier. Néanmoins, un soupir d'effort lui parvint en même temps qu'un autre coup, qu'il para avant de lancer à nouveau son poing, intercepté par une poigne d'acier. Il se figea en même temps que son compagnon de combat et ils se regardèrent, conscients tous les deux de la vibration qui venait de retentir en eux.
« Oh, c'était quoi ça ?
- Déesse…
- Camus ! Camus ! Tu ne vas pas tourner de l'oeil à nouveau ? Putain ! Je me doutais pas que t'étais une telle princesse ! Oh, Camus ! »
Mais Camus n'écoutait plus. Il se sentait partir et le mobilier tournait et s'effaçait doucement autour de lui. Plus rien n'existait que ce sentiment incroyable d'éclater en milliers de particules et pourtant de se reconstituer pleinement d'un seul coup, comme si la vie revenait subitement en lui après l'avoir déserté durant quatre longues et insoutenables années. Il ne se rendit compte qu'il pleurait que lorsque les larmes trempèrent son cou et son col. Il baissa les yeux étonnés sur sa chemise qui se mouillait doucement. Il ne pleurait jamais dans son état normal, glacé, de seigneur du Verseau. Encore moins devant témoin. Et certainement pas devant un pair doré comme Deathmask. Mais la joie absolue qui l'étreignait à présent tenait presque de la folie. Sa gorge se contracta. Horrifié, il tenta de juguler le sanglot lourd qui montait, mais n'y parvint pas. Et un second monta, puis un troisième, et un autre, suivi de beaucoup d'autres.
« Putain… Merde… Qu'est-ce que je suis sensé faire au juste, là ?
Tu pourrais lui taper gentiment dans le dos, par exemple.
- Gentiment ? Tu m'as bien regardé, Mû ? Toi non plus, t'as pas les yeux en face des trous on dirait.
Mmh, ce n'est pas faux. Je vais le faire, en effet.
- Je te jure, vraiment… Terrifiant en effet, le Camus glacé.
Allons, Deathmask. Tu ne trompes personne, tu sais. Moi aussi je suis très heureux pour Camus.
- Va chier, Bélier. Je m'en cogne !
Mais oui, bien sûr. C'est évident.
- Ta gueule ! Et confirme plutôt que ce qu'on vient de capter c'était bien Scorpio ? Vu ta venue, j'imagine que oui, en fait…
Oui. Scorpio s'est éveillée. Elle s'est séparée, prête à revêtir son porteur.
- Putain… Ça signifie ce que je pense ?
Oui. Milo est vivant. Étrangement affaibli et lointain. Mais vivant.
Un hoquet suivi de sanglots déchirants fit se retourner les deux chevaliers vers le jeune homme étendu à terre, comme s'il n'avait plus assez de forces pour se tenir debout. Leurs deux regards s'adoucirent et se teintèrent de compassion et de remords. Deathmask se passa nerveusement la main dans les cheveux et se détourna, tandis que Mû s'approchait doucement, s'agenouillait et passait une main apaisante dans le dos de son compagnon secoué de pleurs incontrôlables.
« Là, là… Prends le temps qu'il te faut, Camus. Je comprends tout juste à quel point cela a dû être douloureux à vivre pour toi. Nous sommes tous désolés de ne pas t'avoir cru. Mais à présent nous sommes là, avec toi. Saga m'a envoyé pour t'aider : nous allons retrouver Milo ensemble, je te le promets ! »
Étendu sur le tapis devant la cheminée, visage crispé par la souffrance d'une peine et d'une solitude indicibles qui s'évacuaient, Camus du Verseau pleurait à chaudes larmes, inondant ses vêtements, gémissant sa douleur et sa joie.
Pour la première fois depuis quatre ans, il voyait enfin une lueur au bout du tunnel.
oOoOo
