Swim - Chase Atlantic
Draco…
Après notre discussion, Harry est parti. Il est sorti sans me jeter un regard, balayant tout de notre soirée. Cette nuit a eu une saveur particulière, j'ai revu le Harry du début, celui qui drague, presque sans s'en rendre compte. Lorsqu'il agit ainsi avec moi, je pourrai penser qu'il est innocent et n'a pas conscience du jeu qu'il commence. Mais je me reprends bien vite sur ce sujet : Harry Potter sait ce qu'il fait, il ne l'assume juste pas. Il faut dire que l'attirance qu'il y a entre nous est tout sauf naturelle. Personne ne nous attend là, deux anciens ennemis, un client et son vendeur de rêves, deux hommes.
Je me rends compte qu'il est tard, presque deux heures du matin, et que mon rendez-vous avec mon nouveau partenaire est passé. Ce n'est pas comme s'il m'avait manqué, donc peu importe. Cependant, cela montre que je dois mettre fin à ce début de relation tout de suite. Il lui ressemble beaucoup, assez pour me plaire, pas assez pour me convaincre de rester auprès de lui. Même lorsqu'il ne se passe rien avec l'original, je pense pouvoir affirmer que l'ordre de mes priorités a changé.
Je préfère le regarder, lui parler, l'effleurer quand je le peux ; plutôt que de coucher avec un homme.
Il ne faudrait pas que j'oublie que le lion n'a de doux et de sage que l'apparence.
Tout ça me fait penser à ma discussion avec Damien l'autre jour. Autant, son petit jeu, je l'avais vite repéré… Autant, je n'aurai pu en imaginer les détails.
Il a vu pour la première fois Grin le jour où celui-ci s'est présenté à Harry, bafouant la règle primordiale de mon bar. Maintenant que je connais mon ami un peu mieux, c'est vrai que Grin est son type d'homme.
Celui-ci a vite vu que Damien le regardait un peu trop et il lui est rentré dedans pour lui dire que c'était tout à fait déplacé et qu'il était déjà avec quelqu'un.
Mais tout comme moi, mon ancien partenaire sexuel n'abandonne pas lorsqu'il veut quelque chose. Alors tout en restant respectueux, il a commencé à traîner près du Bag'lette. Il lui proposait de le raccompagner chez lui, de lui prêter un parapluie si le temps était mauvais… Au fil des séances, son désormais petit ami s'est rendu compte de la toxicité de sa relation et y a mis un terme. Il ne s'est pas ouvert à Damien, mais il l'a laissé s'engouffrer dans une brèche. Une brèche qui a désespérément besoin d'amour, de preuves, d'attention et de compréhension. Plus j'en ai appris sur eux deux, moins j'ai été étonné de leur récente relation. Je pense sincèrement qu'ils peuvent s'apporter beaucoup.
Damien est un très bon chasseur, comme tout bon lion qui se respecte. Quant à moi…je fréquente trop de Gryffondor en ce moment. Beaucoup trop pour ma santé mentale.
Vers quatre heures du matin, j'avais terminé d'écrire la lettre pour Hercule, je ne voulais plus coucher avec lui, mais nous ne devions rien, donc quelques phrases ont suffi.
Comme souvent, je n'ai pas pris la peine de rentrer chez moi pour dormir, épuisé par ma journée. Dormir assis n'est pas très confortable, mais ma vie ne l'a jamais été, alors ça ne me dérange pas.
Pardon maman, je n'ai pas réussi à t'emmener loin d'ici. Nous aurions dû partir ensemble, mais tu aimes trop père pour ça. Tant pis, si c'est comme ça, moi aussi, je resterai.
Je serai détesté par tous, le temps de faire mes preuves. Lorsque je les aurai faites, c'est toi, qui me détesteras. Je n'aurai plus grand-chose du fier Malfoy que tu as élevé. Mais je resterai ton fils, alors contrairement à père, je sais que toi, tu me pardonneras.
Je ne suis pas né pour être du côté du mal, je pense qu'au fond de toi, tu le sais.
Tu ne m'arrêtes jamais quand tu me vois passer pour prendre mon balai. Tu as toujours convaincu père de me laisser à Poudlard.
Poudlard. Je l'ai regardé de haut ce château, alors même que j'étais tout petit à ses pieds.
Si longtemps, je l'ai vu comme un ennemi que je devais vaincre, pour montrer à tous ma valeur. Aujourd'hui, j'ai compris que je préfère aider les gens à réaliser leurs souhaits. J'en ai toujours eu des souhaits, j'avais de l'espoir à revendre.
Voldemort avait tout détruit. C'est Harry Potter qui m'a tout rendu. Je n'ai jamais voulu suivre les pas de la famille. La fortune, la réussite : oui ; la trahison, l'absence de fierté : non.
Alors le jour où je l'ai vu le tuer, au loin. J'ai su, alors même que tu serrais fort ma main dans la tienne maman. Je suis reconnaissant envers cette plaie qui m'a suivi durant ma scolarité.
Si seulement tu voyais ton fils unique aujourd'hui maman. Tu le verrais se démener pour aider ce sale gosse que j'ai toujours pensé trop gâter. Danser avec lui, chercher son contact, le consoler dans ses moments de faiblesse… non là c'est sûr, tu ne me pardonneras pas.
- Je sais !
À peine réveillé, je ne pense même pas à être perturbé par mon rêve, parce que je sais. Je sais ce que je vais proposer à Harry pour sa prochaine séance. Notre tour en balai va être bien différent que l'idée que j'avais rejetée il y a quelque temps.
Le but va bien être de réveiller son adrénaline, mais je vais devoir me livrer un peu à lui.
On fonctionne pareil, et étrangement, l'idée de partager mon secret avec lui ne me dérange pas.
Je vais lui proposer de montrer le plus haut possible avec moi, lui promettre que tant que je suis là, son balais pourra trembler sous la pression, son cœur pourra s'arracher de sa poitrine : je le rattraperai là encore. Pour toutes les fois où il m'a rattrapé sans le savoir.
Que ça soit par ma haine envers lui qui me faisait tenir, par la jalousie qu'il a créée en moi et qui m'a motivé à changer, ou encore par les récents sentiments qu'il éveille en moi.
Par Merlin serais-je en train d'accepter que le sauveur du monde sorcier me plait ? C'est si peu Malfoy que j'en rirai bien.
Mon secrétaire entre dans mon bureau et se permet de hausser un sourcil face à mon rire mauvais.
- Monsieur, votre premier rendez-vous est là.
- Très bien merci, tu peux le faire entrer.
L'attente va être longue. Je refuse d'être le seul à ressentir ça. Et si monsieur refuse de l'admettre, alors il est temps que le serpent reprenne du service.
Après tout, la luxure est aussi une sensation qui amène de l'adrénaline dans le corps non ?
Harry…
Une fois rentré, je me suis laissé tomber sur mon lit et je pense m'être endormi presque instantanément. La soirée a été riche en émotions. Trop riche.
Il me fait peur.
Ce qu'il provoque en moi me terrifie.
Hermione a raison au fond, je le sais. Je le sais mais je refuse de l'admettre : tout deviendrait trop réel. Je n'en veux pas. Je suis cassé, je veux guérir. Je dois certainement voir un pansement en lui : il m'aide beaucoup et je mélange tout parce que je ne sais plus quel sentiment correspond à quoi.
Ses crocs se referment doucement sur moi, pour ne pas m'effrayer : pour ne pas faire fuir la proie. Mais je sais qu'une fois entièrement refermés sur moi, je n'arriverai plus à m'en détacher, et ça, ça… c'est mauvais.
Ce qu'il se passe avec Malfoy, du moins avec la partie plus Draco que Malfoy, c'est trop profond. On parle de mon intériorité la plus secrète en permanence, il me pousse dans mes retranchements. Moi-même, je découvre des similitudes insoupçonnées entre lui et moi.
J'ai conscience que mon avis sur cette histoire change tous les jours, certaines fois, j'ai l'impression que je ne le vois que comme une sorte de psy, d'autres comme un ami. D'autres, je me dis que coucher avec lui pourrait être vraiment incroyable… Et puis il y a ceux où il me fait horreur, c'est Malfoy, pourquoi je le verrai comme ça ?
J'ai l'impression de m'enfoncer dans du sable mouvant et pire, de bouger toujours plus vite pour y disparaître.
Par Merlin, j'ai déjà envie de le revoir. Mais que va-t-il me dire ? Que pense-t-il là, maintenant, pendant que je me prends la tête ?
- Harry mon vieux, t'es réveillé ?
- Oui, entre Ron !
Mon meilleur ami est devant moi, déjà habillé avec un grand sourire sur lui et je n'ose rien dire de ce qui se passe dans ma tête. Je lui demande ce qui le rend si heureux, et lui fait remarquer qu'il est debout tôt avec un petit sourire faux qu'il ne relève pas.
- Je ne me suis pas encore couché surtout ! Je suis sorti avec Mione hier soir. Je ne l'ai jamais vu comme ça, c'était fou. Je voulais te dire qu'elle voulait te parler cet après-midi, et voir comment tu vas avant d'aller comater.
- Elle me racontera alors, je ne veux rien savoir d'autre ! J'imagine que ça va, c'était vraiment bien hier soir.
- Tu l'aimes vraiment bien Malfoy hein ?
Je me fige dans mon lit, cette question est étrange non ?
- Oui, c'est de mieux en mieux entre nous.
C'est le cas de le dire petit cachottier.
- Il va pas devenir ton meilleur ami quand même j'espère ?
Il dit ça pour me taquiner, ça se voit et ça s'entend, mais je ne peux que penser qu'il est vraiment loin du compte. Meilleurs amis, ça ne risque vraiment pas.
- Jamais, qui pourrait remplacer Ronald Weasley ?
- Je suis vraiment content qu'il t'aide, tu sais. Je sais que je suis un peu con, mais tant que toi ça va mon pote, je serai toujours de ton côté. Je voulais que tu le saches.
Je serre les lèvres, de nouveau au bord des larmes. J'ai mis de côté ma famille, je me mets moi-même à part.
- Merci Ron, tu sais que c'est réciproque.
Il m'offre un clin d'œil, sa nouvelle habitude depuis cet été, et sort de ma chambre.
Je peux le nier tant que je veux, mais mon pseudo-psy de l'extrême m'a foutu dans une merde noire. La seule chose que je ne peux pas lui reprocher, c'est qu'il fait bien son travail. Je n'ai jamais autant ressenti.
