CHAPITRE 10 : Promis

Six mois se sont écoulés.

Le jour où ils avaient quitté Poudlard, Hermione s'était réveillé à l'infirmerie, épuisée. Tout allait bien. Du moins, physiquement. Quant à son état émotionnel, il en était d'une toute autre histoire. Harry et Ron dormaient dans des fauteuils moelleux qui avaient été placés dans la salle, de chaque côté de son lit. Harry était recroquevillé sur son siège, la tête au creux d'un bras et ses lunettes de travers. Ron, quant à lui, était penché en avant, la tête posée sur ses bras qui s'entrecroisaient sur le bord de son lit.

Les deux garçons s'étaient réveillés dès qu'elle avait bougé, leurs visages perdant instantanément la paix du sommeil et se remplissant d'inquiétude. Elle n'avait eu relativement aucune difficulté à les convaincre que tout ce qu'elle a eu était une crise de panique au moment où elle avait compris qu'après sept ans à Poudlard, c'était la fin. Elle leur a dit qu'elle revenait de la bibliothèque à pied quand elle s'est soudain rendu compte que c'était, selon toute vraisemblance, la dernière fois qu'elle reviendrait à pied de la bibliothèque à la tour de Gryffondor, et peut-être la dernière fois qu'elle le passerait par le trou du portrait de leur salle commune, puisqu'elle n'avait pas prévu de quitter la tour avant le petit-déjeuner, d'où elle monterait directement dans le train.

Harry et Ron avaient mordu à l'hameçon. Leur soulagement était palpable et par la suite cela deviendrait une blague entre eux : Hermione avait été tellement attaché à l'école qu'elle s'était évanoui à l'idée de devoir partir. Une blague qui amuserait grandement les garçons mais qui n'avait pas le même effet sur Hermione, puisqu'elle savait que c'était un mensonge.

Elle détestait leur mentir… mais leur dire la vérité était impensable.

Elle avait revu Drago une fois de plus, dans le train, en passant dans le couloir. Elle l'avait frôlé alors qu'il mettait la malle de Pansy dans un compartiment au-dessus des sièges. Leur regard se sont croisés pendant une fraction de seconde, puis elle l'avait vu baisser son regard pour voir sa main en rapide coup d'œil inquisiteur. Elle sut qu'il cherchait la bague. Il vérifiait si elle portait la bague.

Et puis il se détourna, son visage reprenant sa forme impassible teinté d'une pointe de désespoir. Au même moment, elle avait aperçu la bague en diamant scintillant au doigt de Pansy. Pansy qui se tenait près de Drago de manière possessive alors qu'il continuait à lutter avec sa malle. Elle avait à peine réussi à combattre une nouvelle vague de nausée, sa main se referma fermement sur la boîte en velours qu'elle portait dans sa poche. Puis, le bras de Ron posa autour de ses épaules alors qu'il la guidait vers un autre compartiment.

Elle ne l'a plus revu par la suite.

Et maintenant, six mois plus tard, elle était assise à la petite table de cuisine en chêne poli dans l'appartement qu'elle partageait avec Harry et Ron dans un quartier sorcier très respectable de Londres. Il était neuf heures trente, un dimanche matin, et elle était dans son vieux et confortable peignoir, ses pieds bien ancré dans des pantoufles, avec ses cheveux tirés en queue de cheval, son café à portée de main, regardant la Gazette du Sorcier du matin. Soudainement, elle se senti hors de son corps, fragile aussi. Elle ne fait plus un geste comme si elle risquait de se briser, de se briser en un million de morceaux.

LE MARIAGE PARKINSON MALFOY, UNE AFFAIRE ÉTONNANTE, lit-on dans le titre.

Elle parcourut rapidement l'article.

Les somptueuses noces de Pansy Parksinson et Drago Malefoy, les seuls enfants de leurs familles respectives, ont eu lieu hier soir sur le terrain du domaine Malefoy. Ils ont formé un couple baignant d'opulence du monde sorcier et ont uni deux très anciennes et familles de sorciers de sang pur distinguées.

L'article, qui bien sûr avait été écrit par nul autre que Rita Skeeter, journaliste extraordinaire, reine des potins dans le monde sorcier, décrivait ensuite dans les moindres détails les tenues des mariés, les décorations, la liste des invités, les fleurs, le gâteau... et a terminé en invitant le lecteur à aller à la page six pour une série de photos en couleur de l'événement.

Hermione le fit. Elle resta assise à regarder les images animées pendant un long moment, ayant l'impression que son sang s'était transformé en eau glacée dans ses veines, puis se leva, repoussant brusquement sa chaise de la table si fort qu'elle bascula, claquant bruyamment sur le carrelage de la cuisine.

— Hermione ? la voix d'Harry lui parvenait depuis le salon. « Tout va bien là-dedans ? »

— Très bien, répondit-elle, sa propre voix étranglée, « C'est juste que... euh... bien. »

Elle se retourna et s'enfuit dans sa chambre, ayant la présence d'esprit (elle était toujours qui elle était, même dans les moments de profonde détresse) d'emporter le journal avec elle, afin que la cause de son bouleversement ne soit pas identifiée. Verrouillant la porte derrière elle, elle se jeta sur le lit, cachant le journal désormais très froissé entre la tête de lit et le mur.

Comme elle s'y attendait, elle entendit bientôt des pas venant du salon dans la cuisine, suivis par le bruit de la chaise qu'elle avait laissée par terre en train d'être redressée. Puis, les pas se rapprochèrent, s'arrêtant devant sa porte.

Bien sûr, qu'il était venu voir si tout allait bien. Quel genre de colocataire serait-il s'il ne l'avait pas fait ? Quel genre d'ami ? Quel genre de petit ami ? Les deux se fréquentaient depuis environ six semaines maintenant.

— Hermione ? appela-t-il, semblant plus perplexe qu'autre chose. « Puis-je entrer ? »

Oh mon Dieu. Qu'est-ce que je vais lui dire ? Comment pouvait-elle expliquer l'état dans lequel elle se trouvait ? Elle s'assit, balança ses jambes par-dessus le côté du lit pour que ses pieds soient à plat sur le sol, plia son corps de manière à ce que sa poitrine repose contre ses cuisses et son visage entre ses genoux, puis tendit une main vers la porte et, avec un murmure, elle déverrouilla la porte.

Elle entendit Harry entrer, puis fermer la porte derrière lui. Elle ne leva pas les yeux alors qu'il traversait la pièce et s'installait à côté d'elle sur le lit, provoquant un mouvement du matelas, et il commença à lui frotter lentement le dos en faisant des cercles apaisants. Elle se prépara à la question qu'elle savait qui allait suivre et elle n'arrivait pas à penser à une réponse crédible. Bon sang, même la vérité n'était pas une réponse crédible, même si elle n'envisagerait pas de la dire. Harry ne lui demanda jamais ce qui s'était passé, ou ce qui n'allait pas. Tout ce qu'il demanda, était :

— Comment puis-je aider ?

C'était juste ça, ce caractère désintéressé de la question, qui la perdit. L'instant d'après, elle était partout sur lui, le tirant sur elle, scellant sa bouche contre la sienne. C'étaient des baisers désespérés et affamés, ils ne s'étaient jamais embrassés comme ça auparavant. Bien sûr, ils s'étaient embrassés. Qui sort avec quelqu'un pendant six semaines et ne s'embrasse jamais ? Mais pas avec une telle intensité. Harry embrassait tendrement de manière lente, douce et presque timide. On pouvait dire qu'il embrassait de manière galante. Rien à voir avec la passion qu'elle avait parfois éprouvée avec Drago.

Mais la pensée de ces photos dans le journal, la pensée de ce que Drago avait fait la nuit précédente, après le mariage, ce qu'il pourrait bien être en train de faire en ce moment, par un dimanche matin paresseux avec sa toute nouvelle épouse, la rendait malade. Elle suppliait son esprit d'effacer ces images et ses pensées. D'après ce qu'elle pouvait voir pour le moment, le moyen le plus efficace d'y parvenir serait de ressusciter un peu de cette passion et de s'y noyer, ne serait-ce que pour le moment.

Elle repensa aux photos, aux expressions de leurs visages, au large et radieux sourire que Pansy arborait. Elle pensa à la douleur provoquée par la pénétration et se demanda si Pansy avait eu mal la nuit dernière ? Est-ce qu'elle a mal maintenant ? Et puis elle se moqua amèrement de sa propre naïveté. Bien sûr, Pansy ne souffrait plus maintenant. Cela suggérerait qu'elle avait été vierge lors de sa nuit de noces, alors qu'en fait, pensa Hermione, Pansy et Drago avaient probablement été depuis le début...

— Aïe !

— Harry ? Oh mon Dieu, je suis vraiment désolé !

Ils s'assirent tous les deux, Harry frottant tristement sa lèvre inférieure, qu'Hermione venait de mordre, pas assez fort pour faire couler du sang, mais… assez fort pour tuer l'ambiance, en tout cas. Non pas qu'il y ait eu beaucoup d'ambiance au départ, juste un désir de tuer une sorte de douleur par une autre de la part d'Hermione, et quant à Harry… eh bien, tout au long de cet intermède, Harry avait été – et était toujours – plus perplexe qu'autre chose.

— Ça va, dit-il, la regardant attentivement avec ses yeux verts foncé et troublés. « Mais l'es-tu ? »

— Ouais, je… essaya-t-elle de se forcer à rire. Il en ressortit un son étranglé. « Je ne sais tout simplement pas... ce qui m'a pris », dit-elle peu sure d'elle.

C'était une explication plutôt médiocre pour tout ce qu'elle venait de faire. Elle a renversé sa chaise dans la cuisine, s'est précipitée dans sa chambre, a claqué et verrouillé la porte, puis s'est jetée sur lui comme une sorte de…. Et elle savait qu'il n'y croyait pas une seconde. Mais il ne l'a pas pressée. Quand quelque chose dérangeait Harry, il détestait être obligé de parler avant d'être prêt, alors maintenant il accordait à Hermione la même courtoisie qu'il attendait des autres. Tout ce qu'il a dit, c'est :

— Une demi-heure.

— Excuse-moi ? demanda Hermione, les sourcils froncés de confusion.

— Une demi-heure, répéta Harry. C'est le temps qu'il te faut pour te préparer, puis je t'emmène dehors. Tu as travaillé beaucoup trop dur ces derniers temps. Tu as travaillé quatorze heures hier, et c'était samedi ! Je t'emmène déjeuner, et pour l'après-midi, ne pense même pas à emporter des documents avec toi. Alors, saute dans la douche, habille-toi chaudement, puis retrouve-moi dans le salon dans une demi-heure.

Et en disant cela, il lui déposa un baiser sur le bout du nez, se leva et quitta la pièce.

Hermione jeta un coup d'œil vers sa tête de lit, déchirée entre se préparer et jeter un dernier coup d'œil à ces photos de mariage. Elle savait que ce serait une chose terriblement malsaine à faire. Les regarder, c'était comme s'infliger un équivalent mental du sortilège Doloris. Néanmoins, elle tendit la main derrière son oreiller, avant de se forcer à la retirer, vide, et de se diriger vers sa salle de bain attenante pour prendre une douche. Un déjeuner et un après-midi dehors seraient exactement ce dont elle avait besoin pour se changer les idées. Si on la laissait à la maison, elle était sûre qu'elle passerait toute la journée à se pencher sur ces photos et... à s'adonner à une association de crise de larmes, de rires et de cris. Pas génial pour le mental.

Merci, Merlin, pour Harry. Il a toujours su exactement ce dont elle avait besoin. Harry était bon pour elle.

Elle se le disait souvent.

Et elle essaya de ne pas se demander qui, ces affirmations maintes fois répétées, étaient-elles censées convaincre.

Harry lui sourit lorsqu'elle entra dans le salon, habillée chaudement comme spécifié. Il tenait son manteau et son écharpe dans une main et un petit objet arrondi dans l'autre. Après lui avoir donner ses vêtements d'extérieur, il lui montra le petit objet. C'était une lourde petite boule à neige du château de Poudlard. C'était son cadeau de Noël pour elle, l'année précédente. Il désigna le sapin de Noël somptueusement décoré dans le coin de la pièce et ses quelques cadeaux déjà éparpillés au hasard en dessous. Les trois colocataires avaient passé un moment à le sélectionner, à le ramener à la maison et à le décorer le week-end précédent. Il n'y a rien de tel que d'installer son premier sapin de Noël dans son premier appartement, même si les festivités de Noël étaient prévues dans la maison des Weasley.

— J'ai pensé à utiliser l'une des décorations, dit Harry, mais elles sont toutes si fragiles. Viens et accroches-toi, je l'ai transformé en portoloin pour aujourd'hui."

Hermione tendit la main et attrapa la boule à neige, ses doigts effleurant ceux d'Harry, puis il dit « activer », et ils se mirent à tourner.

Hermione entendit des cloches de traîneau avant même que le monde ne s'arrête de tourner et qu'elle n'ouvre les yeux. Elle s'est retrouvée sur la place du village de Pré-au-Lard, juste sous un sapin de Noël extérieur de quinze mètres de haut décoré de boules de verre de la taille d'une assiette et brillait de ses multiples bougies enchantées qui clignotait à peine sous les légères chutes de neige.

— Et voilà, dit Harry avec un sourire, une main sous son coude pour la maintenir sur ses pieds.

— Oh, Harry, souffla-t-elle, c'est magnifique !

— Allez, dit-il en lui prenant la main et en la conduisant en direction des cloches du traîneau. « Nous faisons une promenade en traîneau autour du lac jusqu'au château. Ensuite, nous déjeunerons et ferons quelques achats de Noël. »

Quelques heures plus tard, ils se promenaient bras dessus bras dessous dans les rues du village, ne paraissant pas plus âgés que les élèves des dernières années de l'école qui étaient restés pendant les vacances et faisaient leurs courses en ville. Harry était débordé par tous les cadeaux qu'ils portaient à bout de bras, les siens et ceux d'Hermione. Comme cela faisait un bon moment qu'ils avaient déjeuné, il suggéra qu'ils s'arrêtent aux Trois Balais pour une bière au beurre en fin d'après-midi avant de rentrer chez eux. Hermione était sur le point d'acquiescer, quand elle jeta un coup d'œil dans une rue latérale et vit quelque chose qui lui assécha la gorge. C'était la librairie de Pré-au-Lard, et de l'autre côté, elle pouvait juste apercevoir une petite maison très charmante et mignonne.

Sa petite maison.

Et l'instant d'après, elle s'excusait à la hâte auprès d'Harry, lui disant qu'il y avait quelque chose qu'elle voulait aller chercher dans la bibliothèque, que cela ne lui prendrait pas une demi-heure, qu'il lui suffisait d'aller chercher une table et qu'elle le rejoindrait. Non vraiment, il n'avait pas besoin de venir avec elle, il s'ennuierait, il irait trouver une table et poserait ces paquets, car, pour l'amour de Merlin, elle serait là, oui, promit-elle.

Et avant qu'elle ne s'en rende compte, avant même de pouvoir se demander ce qu'elle pensait faire, elle se tenait sur le trottoir à l'extérieur du cottage, le regardant. Une neige cristalline recouvrait la pelouse et le toit, mais les rosiers, charmés par le froid, étaient aussi verts et fleuris que si nous étions en mai, l'allée et le porche étaient dégagés, les fenêtres, avec leurs carreaux étaient joyeusement éclairées, et de la fumée s'échappait des deux cheminées. Hermione était submergée par la curiosité de savoir qui vivait ici maintenant. Maintenant qu'elle avait tourné le dos à ce charmant petit endroit.

Ses pieds l'ont fait avancer alors même que la partie rationnelle de son esprit criait que c'était de la folie. Elle devrait courir dans l'autre sens, courir et ne jamais regarder en arrière.

Puis elle a sonné.

Une petite créature étrange lui ouvrit la porte.

C'était un elfe de maison. Ce qui était vraiment étrange, c'était la façon dont il était habillé.

L'elfe portait des vêtements et, comme pour Dobby, il était clair qu'elle (du moins Hermione espérait ardemment que c'était elle) les avait choisis entièrement sur la base de préférences fantaisistes, et non de sens pratique. Tout ce que cet elfe portait, de la tête jusqu'aux pieds, était rose. Un diadème serti de strass roses était perché au sommet de sa tête, oscillant de manière précaire entre ses oreilles. Elle était vêtue d'un tutu de ballet rose moelleux pour enfant avec un corsage à paillettes et une jupe en tulle, des collants roses, amples sur ses jambes courtes et grêles, terminés par des pantoufles roses moelleuses. Ses mains et ses bras étaient enfermés dans une paire de gants de vaisselle en caoutchouc rose qui, sur elle, lui arrivaient jusqu'aux épaules.

Pendant un long moment, Hermione regarda simplement l'elfe avec étonnement, et l'elfe la regarda en retour avec ses grands yeux écarquillés. Il semblait que l'elfe l'ai reconnu. Même si Hermione était sûr qu'elle se serait souvenu d'avoir rencontré une créature aussi étonnante que cet elfe. Puis, « Attendez ici un instant, mademoiselle, » couina brusquement l'elfe, « Pinky revient tout de suite ! » et elle claqua la porte au nez d'Hermione.

Hermione resta là, perdue, pendant un long moment, se demandant si elle devait sonner à nouveau, ou simplement partir. Elle venait juste de décider et était sur le point de se détourner lorsque la porte s'ouvrit une fois de plus et Pinky traversa le pas de la porte, pour serrer Hermione fort autour des genoux.

— Vous êtes Mademoiselle Hermione ! s'exclama l'elfe, reculant alors qu'Hermione la regardait, bouche ouverte. « Vous l'êtes, vous l'êtes, vous l'êtes sûrement ! » Et elle tendit quelque chose à Hermione avec sa main gantée de rose pour qu'Hermione puisse le voir – une photo encadrée.

D'elle-même.

L'elfe sanglotait presque de joie.

— Oh, mademoiselle... Pinky est si heureuse que vous soyez enfin venue ! Monsieur Drago a perdu espoir, mais Pinky ne l'a jamais fait, Pinky ne l'a jamais fait !

Elle attrapa Hermione par la main et l'entraîna, cette dernière trop surprise pour résister, dans la chaleur de la petite maison.

— Bienvenue à la maison, Mademoiselle Hermione, bienvenue à la maison !

Dix minutes plus tard, Hermione était assise à une petite table de cuisine qui ressemblait étrangement à celle de son appartement, prenant le thé avec Pinky, qui était assis en face d'elle sur une chaise de cuisine identique à celle-ci, à l'exception du fait que la chaise de Pinky arborait un siège d'appoint en plastique rose. En la conduisant dans la cuisine, Pinky lui avait demandé de s'asseoir et avait immédiatement commencé à s'occuper du thé... mais une fois qu'il avait été servi, elle s'était laissée tomber en face d'Hermione sans afficher le moins du monde la servilité qu'Hermione pensait qu'il fallait attendre des elfes de maison. La plupart des elfes de maison, Hermione le savait, considéreraient qu'il était impensable de s'asseoir à une table et de converser avec un sorcier ou une sorcière. Pourtant, en plus de l'appeler « mademoiselle » au moins deux fois par minute, Pinky traitait Hermione comme une amie perdue depuis longtemps, et en tant que maîtresse, ou n'importe quel type de supérieur. C'était fascinant, rafraîchissant et tout à fait merveilleux, pensa Hermione, et elle se demanda où diable Drago avait trouvé ce petit spécimen étonnant.

— maison maintenant, mademoiselle ?

Hermione cligna des yeux.

— Pardon ?

— Êtes-vous prête à voir le reste de votre maison maintenant, mademoiselle ? répéta Pinky

— Oh, je… oui, ce serait charmant, mais ce n'est pas vraiment ma maison, protesta Hermione.

— Oh, bien sûr que si, dit Pinky d'un ton neutre. Monsieur Drago a engagé Pinky pour s'occuper de l'endroit, mais il m'a dit qu'il appartient à Mademoiselle Hermione. Il m'a donné la photo dès mon premier jour ici et il m'a dit, garde cette maison propre et belle pour Mademoiselle Hermione, Pinky, elle arrivera bientôt, parce que c'est à vous, mademoiselle. Il y a des papiers avec votre nom dessus et tout, mademoiselle, directement dans la bibliothèque.

— La librairie ? Hermione répéta faiblement.

— Oui, oui, mademoiselle, venez.

Le cottage était, Hermione le découvrit bientôt, l'un des rares bâtiments sorciers qui, apparemment, n'était pas magiquement conçu pour être plus spacieux à l'intérieur. Il lui semblait que c'était tout aussi douillet qu'il lui avait semblé depuis la rue. Le rez-de-chaussée se composait uniquement d'un salon avec un feu brûlant dans la petite cheminée et un petit sapin de Noël, à peine plus grand que Pinky elle-même, dans un coin, le tout orné décorations roses et argentés. Il y avait également une salle à manger et la cuisine méticuleusement propre dans laquelle elle s'était assise récemment. Derrière elle se trouvait une véranda menant au jardin à l'arrière de la maison. Ensuite, Pinky l'emmena au deuxième étage, qui se composait uniquement de trois chambres et d'une grande salle de bain. La plus petite pièce était, comme Hermione se souvenait que Drago lui avait dit autrefois, la chambre de Pinky. Le fait que l'elfe se considérerait digne d'une chambre et pas seulement d'un placard ou autre sorte de repaire (Hermione frissonna, se souvenant du petit repaire décrépit de Kreacher au 12 square Grimmaurd) en disait encore long sur le caractère unique de cet elfe. Elle semblait avoir plus confiance en elle que Dobby.

Pinky montra d'abord à Hermione sa propre chambre, car elle se trouvait juste en haut des escaliers. La pièce était... rose. Un tapis rose recouvrait le sol, si doux et profond que lorsque Pinky entra, ses petites pantoufles pelucheuses s'enfoncèrent un peu et laissèrent des empreintes dans l'épais tapis. Les murs étaient, heureusement, d'une teinte plus pâle, mais néanmoins roses. Seuls les rideaux de dentelle de la fenêtre et du plafond étaient blancs. Des appliques murales en verre rose, une sur chaque mur, baignaient la pièce d'une lumière rose vacillante. Hermione vit qu'au-dessus du lit - un lit traîneau aux courbes gracieuses, peint en rose pâle et décoré au pochoir de fleurs de lavande sur de délicates vignes vertes - était suspendu un grand Degas richement encadré : Les Danseuses en Jupes Rouges. Cela ne ressemblait pas à une copie. Cela avait l'air d'être l'original.

Le reste du mobilier de la chambre était assorti au lit : il y avait une bibliothèque, une commode et une armoire, toutes de petite taille et semblant avoir été fabriquées à la main, et qui étaient toutes peintes dans le même rose pâle à décor floral. Le dernier meuble était un petit fauteuil dodu avec un repose-pieds assorti, tous deux recouverts de soie blanche avec un motif de grandes roses exubérantes. Il faisait face à l'unique fenêtre de la pièce, qui donnait sur le lac et sur le château de Poudlard. A l'intérieur de la porte se trouvait une rangée de patères sur lesquelles étaient suspendus un assortiment éblouissant de chapeaux roses, d'écharpes, de châles et même d'un boa à plumes ; au bout de la rangée de patères était suspendu un miroir qui s'étendait jusqu'au sol dans un cadre émaillé rose. Des bijoux en strass roses étaient éparpillés sur le dessus de la commode.

Hermione savait à peine quoi dire alors que l'elfe rayonnait de fierté.

— Mon Dieu, réussit-elle enfin, c'est... très rose !

— Oh oui, mademoiselle, répondit Pinky, sa petite tête balançant, ses oreilles battant alors qu'elle hochait vigoureusement la tête. « Monsieur Drago le fournit pour Pinky, il commande tous les meubles spécialement fabriqués pour moi ! Mais ce n'est pas la meilleure partie, Mademoiselle Hermione », Pinky fit signe à Hermione de se rapprocher, comme s'il était sur le point de lui confier un secret. « La meilleure partie est celle-ci. ! » Elle fit un grand geste pour lui montrer les accessoires suspendus au mur et les bijoux scintillants éparpillés au hasard. « Pinky achète ces choses en ville, chaque week-end pendant son jour de congé, et les paie avec son propre argent ! »

— Pinky, je suis si fière de toi, dit Hermione, et elle le pensait sincèrement.

Elle ne connaissait l'elfe que depuis quelques minutes, mais elle sentait déjà le début d'une profonde affection pour la petite excentrique.

Pinky hocha gravement la tête, acceptant le compliment avec le plus grand sérieux.

— Monsieur Drago est un employeur très généreux, a-t-elle déclaré. Il me paie chaque semaine plus que ce que je pourrais dépenser. J'économise le reste dans ce… elle montra une grande tirelire sur l'une des étagères de la bibliothèque. Elle était rose, bien sûr.

Elle se dirigea vers la bibliothèque et replaça la photo encadré d'Hermione, qu'elle avait emporté avec elle. Elle posa la photo dans un espace vide qu'Hermione supposait être son endroit habituel.

— Ce n'est pas tout, mademoiselle. Monsieur Drago verse un galion chaque semaine sur un compte de retraite qu'il a ouvert pour Pinky à la Banque de Gringott.

Une fois le cadre posé, elle se tourna pour faire face à Hermione. Elle était rayonnante.

— Un vrai compte bancaire dans une vraie banque, avec le nom de Pinky dessus, mademoiselle !

— Il... a l'air... balbutia Hermione.

Elle avait soudain beaucoup du mal à faire venir les mots. Elle fit une pause et déglutit.

— Il a l'air de se soucier de toi, Pinky, dit-elle, une fois qu'elle s'était quelque peu calmée. Tu as de la chance d'avoir un employeur comme celui-là.

L'elfe la regarda longuement avec perspicacité.

— Pinky sait à quel point elle a de la chance, Mademoiselle Hermione, dit-elle, Monsieur Drago est un bon et juste patron. Mais ce n'est pas Pinky qui l'intéresse profondément. C'est vous, mademoiselle. Il vous aime tellement. Ca lui fait tellement mal. Pinky peut facilement le voir.

— Il…

Hermione s'adossa contre le mur rose le plus proche, ses genoux se sentant soudainement faibles. Sa voix tomba en un murmure.

— Il s'est marié, Pinky. Hier, dit-elle, puis elle ajouta inutilement, et pas avec moi !

Pinky haussa simplement les épaules.

— Je ne comprends pas pourquoi les humains font ce qu'ils font, a-t-elle déclaré. Tout ce que je sais, c'est que Monsieur Drago a perdu espoir de vous voir habiter, ici. Elle s'interrompit un instant, cherchant comment mettre des mots sur ses pensées. Depuis qu'il a cessé d'espérer, il semble… à moitié vivant, mademoiselle. »

Et puis, sans attendre de réponse, elle prit Hermione abasourdie par la main et la tira hors de la pièce, dans le petit couloir. La chambre du milieu était de taille moyenne. Elle avait été transformée en bibliothèque bordant tous les murs sauf celui extérieur, qui présentait à nouveau une seule fenêtre avec vue sur le château, qui commençait à s'éclairer au crépuscule.

Le crépuscule ! Hermione réalisa et consulta rapidement sa montre. Cela faisait vingt minutes qu'elle et Harry s'étaient séparés. Il l'attendrait au pub encore une bonne dizaine de minute, supposa-t-elle. Et puis, elle avait le temps de parcourir encore un livre ou deux avant de le retrouver.

Elle découvrit bientôt que le mur de gauche était entièrement tapissé de livres sorciers, certains incroyablement anciens et rares, tandis que celui de droite comprenait des chefs-d'œuvre moldus, d'Homère à Shakespeare, en passant par Tolkien. La troisième bibliothèque, qui était aussi la plus petite car elle se terminait à la porte, était vide, et Hermione réalisa avec un pincement au cœur que l'intention devait être qu'elle la remplisse de livres qu'elle avait acquis au cours de sa vie passée dans cette petite maison. Un bureau en acajou était placé sous la fenêtre, afin que quiconque y était assis puisse de temps en temps s'arrêter dans son travail pour contempler le lac et rêver. Hermione se demandait ce que se serait de regarder les saisons changer depuis cette fenêtre.

Les murs, là où ils étaient visibles, étaient tapissés d'une riche soie bordeaux et les appliques murales, une de chaque côté de la fenêtre et une à côté de la porte, portaient des abat-jour en verre vert. Une paire de causeuses en cuir se faisaient face au centre de la pièce, sur un tapis rond et vert. Les sols, par ailleurs, étaient en bois sombre. Hermione sentit sa respiration commencer à s'arrêter. Elle pensait qu'elle n'avait jamais vu une pièce aussi parfaite de sa vie.

Puis Pinky la tira à nouveau, avec insistance, hors de la pièce, une nouvelle fois dans le couloir jusqu'à la dernière pièce de cet étage. Le couloir se terminait par la porte de la chambre principale. Cette pièce était plus grande que les deux autres réunies et était décorée dans les tons bleu et argent les plus pâles, avec un énorme lit à baldaquin en acajou dominant au milieu. C'était la seule chambre qui avait une cheminée et elle était alignée avec le lit, et un feu brûlait dans la cheminée. Hermione, décidément abasourdie, sentit Pinky lui serrer la main et entendit l'elfe murmurer :

— Prenez votre temps pour regarder autour de vous, mademoiselle. Pinky ne souhaite pas s'imposer. Vous pouvez me trouver en bas si vous avez besoin de moi.

Sur ce, l'elfe se sorti de la pièce, et Hermione fut vaguement consciente de ses petits bruits de pas étouffés par les pantoufles alors qu'elle retournait dans le couloir en direction des escaliers.

Elle se déplaça dans la pièce comme dans un rêve, passant sa main le long du lit, sentant la richesse de la couette en soie bleu, avec un motif de fleur de lys argenté brodé dessus. De là, elle se dirigea vers l'unique salle de bains du cottage et découvrit sur un crochet au dos de la porte un peignoir en soie chinoise, écarlate et or, exactement à sa taille.

Ses yeux étaient brouillés de larmes alors qu'elle retournait dans la bibliothèque, s'arrêtant pour regarder à l'intérieur avec envie. Elle savait très bien qu'elle était capable d'y passer des heures, des jours. Sa montre lui indiquait qu'elle était déjà de cinq minutes en retard pour retrouver Harry. Il l'excuserait pour quelques minutes. Les heures étaient une autre affaire. Il lui fallut rassembler tout son courage pour réussir à s'éloigner de la pièce, continuer dans le couloir et descendre les escaliers.

— Pinky, appela-t-elle, impressionnée par la normalité constante de sa voix, alors qu'elle tournait au coin du salon. « Je suis vraiment désolé, mais je dois… »

Et elle s'arrêta brusquement, figé sur place.

La tête de Drago Malefoy était dans la cheminée.

La regardant fixement.

Pinky, qui était à genoux devant la cheminée, probablement en train de parler à Drago par la cheminée, jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, vit Hermione dans l'embrasure de la porte et se déplaça sur le côté, permettant aux ex-presque-amants d'avoir une vue dégagée sur l'autre.

— Oh non, dit Hermione en reculant d'un pas. Oh non, non, non...

— Granger, dit doucement Drago, d'un ton prudent, car il était évident qu'elle était sur le point de faire demi-tour et de s'enfuir. Il ne voulait pas qu'elle le fasse. « Pouvons-nous juste parler ? »

Il passa une main dans ses cheveux et le cœur d'Hermione se tordit. Elle avait l'habitude d'adorer ce geste anxieux et distrait. Il l'avait fait souvent pendant leurs séances de bachotage qui duraient toute la nuit pour les ASPIC. Il avait l'air aussi fatigué maintenant qu'il ne l'avait jamais été à l'époque, réalisa-t-elle – et non pas le genre de fatigue repue et satisfait que l'on pourrait s'attendre à trouver chez un nouveau marié le lendemain de son mariage, mais une sorte de fatigue hagarde et malheureuse. Sa voix était rauque.

Hermione resta dans l'embrasure de la porte, indécise, jusqu'à ce que Drago regarde derrière lui et dise ensuite :

— Attends, j'arrive.

Cela a brisé sa paralysie. Etre dans la même pièce que lui à travers la cheminée était déjà assez difficile, mais s'il devait réellement venir… non, elle ne pourrait pas supporter ça. Qu'il soit physiquement devant elle, solide, et le mari d'une autre femme, elle ne pouvait pas le supporter.

— Non, répéta-t-elle. Elle secoua la tête pour insister et commença à reculer vers la porte d'entrée.

Les yeux de Drago se plissèrent, son visage s'installant dans une expression de sombre détermination, et il se souleva, la tête et les épaules, à travers la cheminée juste au moment où la main d'Hermione se refermait sur la poignée de porte. Puis, il s'arrêta brusquement, sa tête penchée sur le côté, écoutant quelque chose. Une seconde plus tard, Hermione l'entendit aussi, avec un malaise dans l'estomac – une voix de femme l'appelant par son nom.

La voix de sa femme qui l'appelle.

— Bon sang, grogna Drago.

Il lui lança un dernier regard mêlé de frustration et de désespoir, puis disparut dans un doux bruit de flammes.

— Oh mon Dieu, murmura Hermione.

Elle ouvrit la porte et s'enfuit du petit cottage, le froid lui piquant soudain les joues, ses yeux noyés de larmes, trébuchant presque sur ses propres pieds dans sa hâte. Elle arriva à mi-chemin de l'allée avant d'entendre Pinky l'appeler frénétiquement – puis elle se retourna, bien qu'à contrecœur, pour faire face à l'elfe.

Pinky se précipitait vers elle, la détresse inscrite sur son petit visage.

— Mademoiselle Hermione, cria-t-elle, et Hermione détecta des larmes dans les yeux de l'elfe qui correspondaient aux siennes, « Ne partez pas ! Vous ne pouvez pas, Pinky a attendu trop longtemps ! Je suis désolée, je suis désolée d'avoir utilisé la cheminée. Monsieur Drago m'a fait promettre de lui dire dès que vous viendrez ici, et il est le patron de Pinky, Pinky doit... doit faire ce qu'il demande... »

L'elfe haletait maintenant, les larmes débordaient de ses yeux énormes pour sillonner ses joues.

— Mais vous ne devez pas partir, mademoiselle, c'est votre maison, votre place est ici, s'il vous plaît, oh s'il vous plaît, restez avec Pinky ! Elle garde cette maison uniquement pour vous et elle est... elle est seule ici, toute seule !

Et la petite créature fut prise entièrement de sanglots déchirants.

Hermione se mit à genoux dans la neige et attira Pinky vers elle, dans une étreinte serrée. Elle pleurait maintenant aussi ouvertement et inconsolablement que l'elfe.

— Je suis désolée, Pinky, s'étrangla-t-elle, tu es un elfe merveilleux, tu l'es, et c'est une maison magnifique, mais ce n'est pas la mienne, pas vraiment... Aussi, il n'est pas à moi, pas plus que la vie que nous aurions pu construire ici. Je ne m'attends pas à ce que tu comprennes. Mais je dois y aller. Je dois le faire. Et tu devrais rentrer à l'intérieur, tu n'es pas habillé pour la neige. Rentre avant d'attraper le froid.

Elle relâcha l'elfe et se releva avec difficulté, mais Pinky ne revint pas à la maison. Elle resta debout sur l'allée appelant Hermione, même une fois que la fille en larmes eut atteint le trottoir et tourné dans la rue, pour retourner vers le centre de la ville.

— Pinky ne vous abandonne pas, mademoiselle, lui cria l'elfe. Vous êtes venus aujourd'hui, vous reviendrez, Pinky le croit ! Je n'abandonne pas !"

Hermione ravala un sanglot et se mit à courir. Pinky pouvait croire ce qu'elle voulait, mais elle ne reviendrait jamais ici, jamais. C'était beaucoup trop douloureux. Elle voulait juste rentrer à la maison. La maison à Londres. La maison dans son appartement, avec le sapin de Noël dans le coin du salon, décoré principalement de charmants balais de Quidditch miniatures qui virevoltaient à travers les branches, la maison avec la table de cuisine en chêne lavé et son vieux peignoir défraîchie. Ce n'était pas de la soie chinoise, mais c'était confortable, c'était elle.

Elle était déjà en retard. Avec près de quinze minutes de retard, constata-t-elle en jetant un nouveau coup d'œil à sa montre. Elle devait se rendre aux Trois Balais.

Harry l'attendrait.

Harry la ramènerait à la maison.