Chapitre 3 : Les préparatifs d'Halloween
Résumé : à la veille de la fête des morts, Mlle Parker qui suit les conseils de Sydney se retrouve à errer dans la ville de Blue Cove au beau milieu des préparatifs d'Halloween. De retour chez elle, Mlle Parker se lance dans les festivités. De nouveau, elle replonge dans ses pensées.
Cet après-midi du 30 octobre, Sydney avait insisté gentiment auprès de Mlle Parker pour qu'elle rentre enfin chez elle et après quelque hésitation, elle accepta, se jurant à elle-même de reprendre les investigations sur la disparition du corps de son ami, et ce, dès le lendemain à la première heure. Non, cette fois, elle ne renoncerait pas à lui. Elle lui devait bien cette vérité-là. Et c'était donc au volant de sa Berline noire, que Mlle Parker prit le chemin qui la ramena dans sa charmante maison, principalement faîte de bois et de pierre. Toutefois, à la dernière minute, elle ne savait pas pourquoi, mais elle changea sa trajectoire. Elle décida de faire un petit détour avant de se retrouver encore seule dans la froideur de sa vieille demeure, garant sa voiture juste sur l'emplacement prévu à cet effet. En sortant de son véhicule et avec une telle violence, elle claqua la portière, surprenant des passants. La jolie brune réajusta tout d'abord son manteau tirant les pans plus près d'elle, se protégeant ainsi du vent. Puis ses lunettes teintées, un accessoire indispensable, selon elle, derrière lequel elle pouvait dissimuler aux regards indiscrets son chagrin masquant, de ce fait, une très grande partie de sa tristesse. S'aventurant nonchalamment dans les rues de Blue Cove, elle se laissa transporter par la vie joyeuse de la petite ville. C'était une période magique où la nature était en parfaite harmonie avec la saison. Le ciel d'un bleu clair parsemé de gros nuages blancs et cotonneux se déplaçaient, eux, paresseusement. Les températures baissèrent tandis qu'une légère brise fraîche, emportait avec elle l'odeur des feuilles mortes, tombées doucement pour former un tapis multicolore où des enfants en profitaient pour s'amuser à sauter dans le tas. En les observant jouer, Mlle Parker souriait, cela lui évoquait un sentiment de bonheur, d'enfance et d'innocence. Le caméléon aurait adoré. La fête des morts était l'un des jours de l'année le plus attendu et le plus commémoré avec enthousiasme. Les préparations pour sa célébration étaient une expérience en soi pour tous ses habitants. Tout les ans, ce fut la même routine qui démarrait et la ville, en elle-même, se métamorphosaient en un magnifique paysage d'Halloween. Dès le début du mois, il planait dans l'air, un enchantement féerique alors que tout le monde s'affairait à commencer à orner leurs maisons, les allées et les rues de décorations tout aussi faramineuses les unes que les autres ! Clowns, ballons, guirlandes lumineuses, citrouilles sculptées, toiles d'araignées géantes, tête de mort, squelettes suspendus étaient des indispensables. Les citrouilles arboraient de drôles de visages et de sourires morbides ou des motifs artistiques étaient alors éclairés de l'intérieur par de douces lueurs jaunes. Tout était fait pour attirer le regard et l'attention de tous, des petits comme des grands. Il ne fallait pas oublier, ces demeures entières, rivalisant pour devenir des "maisons dites hantées". Les visiteurs les plus courageux étaient accueillis dans des labyrinthes en plein air. Ces derniers aussi épouvantables que hallucinant étaient illuminés uniquement à la lumière, peuplés de créatures terrifiantes et d'aventures fantastique afin de procurer l'ultime frisson à ses invités. Puis il y avait ces concours de décoration, encourageant chacune des personnes, chacune des familles à y participer pour gagner le titre de la maison la plus effrayante, la plus belle, mais surtout la plus créative de l'année. Les jurys délibéraient, récompensant l'originalité et l'effroi des participants.
Mlle Parker flanait, regardant les vitrines des boutiques autour d'elle, comprenant, maintenant, pourquoi Jarod aimait autant les traditions et c'était une chose qu'elle, l'implacable Mlle Parker, avait fini par oublier avec le temps. Et ici et là, dans tous les quartiers, dans l'État du Delaware, on programmait assez fréquemment des festivals d'Halloween pour rassembler la petite communauté. Mlle Parker se rappelait de ces événements qui étaient de véritables points de ralliement pour famille et amis. Il y également ces stands de maquillage pour enfants, où les frimousses des petites terreurs étaient transformées en monstres, fantômes, sorcières ou bien encore des héros de films d'horreur. Pour les gourmands, des stands de dégustation de bonbons leur permettaient de goûter aux saveurs sucrées de la saison alors que des compétitions de costumes suscitaient l'affrontement amical entre les compétiteur les plus aguerris. Les courses où de petites citrouilles étaient propulsées sur une route en pente fascinaient des spectateurs passionnés voire excités. Elle s'arrêta sur la place d'un grand marché. C'était l'incontournable, les marchands offraient une variété de produits artisanaux et de friandises spéciales pour l'occasion et tant d'autres. Quelque chose captiva son regard, elle dénicha un petit trésor, un objet de collection d'Halloween, c'était ce qu'elle pensait. « C'est absolument éblouissant. Vraiment éblouissant ! » Elle le rangea dans son sac a main. Tout à coup, ses yeux bleus se posèrent sur des mannequins habillés. Il était clair que le choix du costume revêtait d'une importance capitale et les enfants le savaient parfaitement. Elle le savait ! Faire preuve d'ingéniosité pour réussir ne serait-ce qu'à confectionner par soi-même des déguisement spectaculaires, en allant du plus classiques aux personnages de cinéma ou de séries TV populaires et de la culture pop, tout en y ajoutant sa touche personnelle à son apparence, n'était pas chose facile néanmoins les options étaient infinies. Soudain, la jeune femme tourna la tête, croyant apercevoir le caméléon…
Maison de Mlle Parker 431 Mountain Spring Drive, Blue Cove, Delaware, 01991
Après quelques heures de déambulation, Mlle Parker retourna tranquillement chez elle, les bras chargés de sacs contenant des décorations, d'ingrédients alimentaires, de livres et bien évidemment l'objet rare. Cette petite parenthèse lui avait fait prendre conscience de ce qu'elle avait manqué durant ces dernières années. La traque incessante du caméléon et la quête de la vérité l'avaient éloignée des traditions et des célébrations qui avaient autrefois donné de la joie à sa vie. Depuis le décès de sa mère, elle avait arrêté de fêter Noël, Thanksgiving, Halloween et même son propre anniversaire. Aujourd'hui, les choses allaient changer. Elle avait décidé de reprendre le contrôle de sa vie, de retrouver une part de la joie qu'elle avait jadis perdue, résolue à renouer avec le passé. Pour cela, elle allait s'atteler à la tâche la plus difficile, le repas. Le point de départ pour rétablir le lien avec les festivités et les traditions, espérant avoir pour demain quelques convives à sa table, Sydney, Broots et Debbie feront partiellement l'affaire. C'est ainsi qu'elle se lança avec hantise et une très grande maladresse dans l'élaboration d'un menu typique d'Halloween pour demain. En effet, il valait mieux qu'elle s'y mette au moins douze ou vingt-quatre heures avant. Mlle Parker feuilleta tous les livres de recettes, à la recherche d'inspiration pour créer un festin affreusement appétissant et sanguinaire, à l'image de son existence. Malheureusement, au fur et à mesure de sa préparation, la cuisine s'était transformée en un véritable champ de bataille. Finalement, devant la pièce en désordre et les plats ratés, Mlle Parker avait abandonné l'idée farfelue de devenir chef, un jour. Elle avait donc opté pour l'une des solutions les plus simples et des plus radicales : la commande ultra-rapide chez le traiteur du coin, espérant que les professionnels sauraient, eux, raviver l'esprit festif de la fête. Les preuves de ses efforts culinaires désastreux étaient cachées sous un petit sourire contraint, mais avec une légère pointe d'autodérision pour les ratages de sa tentative de faire quelque chose de bien.
Ensuite, elle s'attaqua à la décoration de sa maison, elle était méticuleuse aux détails. Elle avait commencé par l'extérieur, donnant à son magnifique jardin bien entretenu et à son allée une ambiance assez mémorable. Mlle Parker avait disposé une rangée de citrouilles tout le long du chemin. Chacune d'entre elles avait d'ores et déjà été sculptée au préalable avec des sourires sadiques et un regard à figé le sang. « Oh ! Celle-ci ressemble à Lyle. Et celle-là, on dirait la tête de Raines ! C'est très réussi. » C'était la première fois depuis très longtemps qu'elle éprouvait de la plénitude et ça lui faisait du bien. Dommage qu'il ait fallu que Jarod, le caméléon, ait quitté le monde des vivants pour se rendre compte qu'elle oubliait l'essentiel. Elle avait accroché des guirlandes en toile d'araignée sur tous les buissons pour un effet fantomatique. Au niveau de la porte d'entrée, était placée une lanterne antique projetant différentes motifs sur le seuil. Des silhouettes de chauves-souris en plastique étaient suspendues sous le porche, l'allée était recouverte de lampes parées à s'allumer. Son jardin n'était pas aussi épouvantable que ceux des voisins, mais c'était assez suffisant pour elle. La jeune femme passa à l'intérieur. Elle agrémenta la cheminée de son salon de petites bougies noires et de hiboux en papier. « C'est très joli ! » Elle poursuivit avec la table de la salle à manger recouverte d'une nappe anthracite et de chandeliers en forme de crânes. Elle sourit, pensant à Jarod. Il n'y avait pas de doute que cela aurait fait rire le caméléon. Les assiettes, elles, avaient des dessins d'insectes quelque peu bizarres et les verres avaient des traces de sang coulé. Du faux sang ! Tout était donc prêt. « C'est parfait ! » Les pensées de Mlle Parker se tournèrent vers Jarod, son esprit étant momentanément absorbé par son ami.
« Tu vois, Jarod, j'essaye de maintenir un semblant de normalité, mais au fond de moi, je me sens comme une actrice dans une pièce où le scénario change constamment, et dont je n'ai même pas le script. Pour continuer à honorer ta mémoire, j'ai… Ne te moque pas, Jarod, je te l'interdis. J'ai pris l'initiative d'organiser un repas entre amis pour l'occasion. J'ai pensé à inviter Broots, sa fille Debbie et Sydney. Il est évident que ma famille reste hors du coup. J'aurais voulu que tu sois parmi nous... Oh, Jarod, tu aurais adoré ça, tu n'aurais sûrement pas manqué de me faire savoir à quel point, je suis maladroite et tu as raison ! C'est vrai. J'ai passé des heures à la cuisine et à décorer ma maison. C'est une grande première pour moi, c'est grâce à toi. Je suis certaine que toi, tu aurais fait mieux que moi. Cela dit, mon petit génie je ne me suis pas trop mal débrouillé. Regarde ! Toi qui depuis ton évasion du Centre, il y cinq ans, a appris à apprécier tellement cette fête, les déguisements, les mystères, les friandises. Tu aurais été si ingénieux pour imaginer des jeux et des énigmes pour nous tous. Si seulement, tu étais ici. Cela aurait été différent si tu étais là, à mes côtés, à rire, à plaisanter, à profiter de chaque aspect de cette nuit. Je suis désolée que tu ne sois pas là avec nous, Jarod, ni cette année ni celles qui suivront. Mais j'espère que, où que tu sois, tu vis des moments tout aussi spéciaux, à ta manière. Tu me manques, Jarod. Tu me manques vraiment. Si j'oublie demain de te le dire, je te souhaite un joyeux Halloween. Où que tu sois. »
Après avoir organisé scrupuleusement tous les éléments pour la soirée du lendemain, elle tomba sur le sofa de son salon, épuisée par la longue journée qu'elle venait de passer. La tension de la recherche de Jarod, où disons de son corps et les préparatifs pour la fête à venir pesaient sur ses épaules, mais elle avait réussi à tout gérer avec brio. Et lentement, ses yeux se fermèrent se laissant aller à la fatigue alors que ses pensées s'évaporèrent dans l'obscurité de ses rêves troubles. Les dernières images qu'elle revoyait étaient celles de Jarod et de sa mort. Peu à peu, Mlle Parker sombra dans un sommeil profond, son souffle était régulier et elle, elle paraissait sereine et pourtant le cœur si torturé. Dans la maisonnée tout était calme, il n'y avait plus de bruit à part la respiration apaisante de Mlle Parker. Dans ses rêves, des souvenirs lui vinrent en mémoire, Thomas, sa mère, des instants partagés avec ses parents. Jarod…
