Chapitre 10 :
Pour l'avenir
Le Conseil Blanc se poursuivit une bonne partie de la nuit. Toute l'attention était dirigée vers Nefrea. Le magicien restait assuré, calme et ferme, se fichant qu'on croit ou non ce qu'il disait. Il ne se laissait pas faire et tenait sa position quoi qu'on en pense. Il refusait de donner des précisions sur les dragons, leur royaume, leur construction… disant que s'ils voulaient savoir, ils devraient aller faire leur connaissance eux mêmes. On fit une pause pour le petit déjeuner et Nefrea accepta d'aller marcher avec Glorfindel qui semblait aussi curieux qu'ouvert à la nouveauté qu'il apportait. Il discuta donc avec lui, l'encourageant à venir voir par lui même, à se faire sa propre idée. Une chose qu'il encouragea chez tous d'ailleurs, disant que cela valait mieux qu'en parler des heures durant.
Lorsque sa présence au Conseil ne fut plus utile, il s'en alla simplement, refusant poliment l'hospitalité de Galadriel, préférant rentrer chez lui. Aussi, il remonta sur le dos d'Asgaldan qui en fut ravi et ils repartirent vers la Montagne avec Lokyn et Irazole. Le Conseil prit un moment pour discuter de tout cela, beaucoup dubitatifs au sujet de l'étrange istar noir, d'autres plus enclins à voir ce qu'il se passerait. Puis les istar s'en allèrent comme bien des membres du Conseil. Thranduil accepta de rejoindre Celeborn, Galadriel, Elrond et Glorfindel pour une discussion informelle.
- Êtes vous certain que c'est une bonne idée seigneur Thranduil ? demanda Celeborn.
- Il me semble l'avoir clairement fait savoir, répondit-il. J'en ai vu bien assez pour tenter cette chance. J'ignore d'où proviennent tout ces revirements autour des dragons mais je sais que Nefrea est légitime à sa place. J'en ai eu plus d'une preuve. Et si les Valar approuvent son œuvre, il y a une bonne raison que j'aimerai découvrir. Mais pour cela, il nous faut avoir une relation correcte avec les dragons.
- Est-ce possible ? demanda Glorfindel.
- Je le pense. L'entrevue que j'ai eu avec Smaug à la Montagne s'est bien passée et Nefrea est de toute évidence en mesure de contenir facilement leur colère. Smaug voulait dévorer Bard ce jour là. Nefrea l'en a empêché.
- Comment ? question Elrond surpris et curieux.
- En lui demandant gentiment, dit-il en les étonnant encore. Et Smaug a obtempéré facilement. Les dragons lui font confiance et il leur fait confiance. Il semblerait que la relation paisible soit possible. Vous devriez venir voir par vous même. Il y a beaucoup à voir.
- Que voulez vous dire ? questionna Galadriel.
- La Montagne Solitaire a énormément changé ces derniers mois. Elle a changé à un point qu'on ne saurai décrire. Il y a des choses là bas que vous devriez voir de vos yeux, dit-il mystérieusement.
Ce fut avec plaisir que Nefrea, Asgaldan, Lokyn et Irazole rentrèrent chez eux, les dragons maugréant sur les elfes qui n'avaient cessé de les scruter tout au long de leur présence. Smaug avait été heureux de les voir revenir, attirant Nefrea près de lui pour les entendre tout les quatre sur le conseil. Et il ne tarda pas à se mettre à râler avec les siens sur le comportement des autres, amusant l'istar. Nefrea lui glissa pourtant qu'il les avait encouragé à venir les voir ici pour qu'ils se rendent compte par eux même. Cela fait, Nefrea reprit son quotidien auprès des siens, ignorant le reste du monde pour l'instant. Il avait un projet bien plus important et il avait décidé de commencer ce jour là. Il n'avait rien dit à personne là dessus, voulant faire la surprise à Smaug et aux autres. Mais il devait prévenir son compagnon de ce qui allait se passer et c'était pourquoi il l'avait amené avec lui près de l'Arkenstone ce jour là, dans leur forme humanoïde.
Une forme qui commençait à plaire à Smaug découvrant comment elle fonctionnait. Au début, il la prenait pour lui uniquement, pour l'accompagner lorsqu'il prenait lui même cette apparence. Mais il apprenait que cela pouvait être agréable. Il n'avait cessé de pester contre le fait que cette peau et ce corps bien plus délicats rendaient son trésor inconfortable lorsqu'il s'y allongeait ainsi. Cependant, il avait changé d'avis lorsque Nefrea lui avait fait découvrir ses caresses sur cette peau sensible, qu'il lui avait fait découvrir les baisers et tout ce qui était différent de leur forme draconnienne. Et Smaug s'était mit à apprécier, tenant souvent sa main dans la sienne. Doucement, il se disait qu'être ainsi n'était pas être humain ou elfe, qu'il restait dragon même sur deux jambes. Il avait pu tester son feu et sa force dans cette forme, rassuré de voir qu'ils restaient identiques. Il commençait à y prendre plaisir et cela rassurait Nefrea qui ne voulait pas qu'il se mette mal à l'aise pour lui. Alors il l'accompagnait aujourd'hui aussi. Ils étaient devant l'Arkenstone dont la chambre était tapissée de ses fleurs d'argent.
- Je vais commencer une création importante aujourd'hui, annonça-t-il à Smaug. Cela devrait me prendre plusieurs jours, peut-être semaines. Je ferai des pauses entre deux mais je vais être épuisé. Ne soit pas inquiet. C'est juste qua ça va demander beaucoup de forces et de magie.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il curieux. Aucune salle ne t'a pris autant de temps ou épuisé à ce point jusqu'ici.
- C'est très particulier. La Montagne et la Terre me l'ont demandé lorsque le promontoire de la lune est apparu. Cet endroit sera très profond sous la montagne, plus profond encore que les mines. Je créerai un chemin pour que tu puisses aller le voir prendre forme si tu veux. Tu devineras peut-être ce dont-il s'agit. C'est une surprise. J'espère qu'elle te plaira à toi et aux autres. Si j'y arrive, nous aurons besoin de tout le monde, sourit-il en lui faisant relever un sourcil intrigué. Je vais commencer. Je vais probablement travailler une quinzaine d'heures avant de faire une pause.
- Je viendrai te chercher. Veux-tu que je reste avec toi ?
- Ce n'est pas utile mais si tu veux tu peux rester, sourit-il.
Il savait que son compagnon aimait le regarder faire de la magie, sentir son pouvoir d'union avec la terre et le monde. Il déposa un petit baiser léger sur les lèvres de son compagnon qui l'approfondit rapidement. Smaug avait découvert les baisers avec lui et il y avait très vite pris goût et saisi comment faire, la chose amusant Nefrea le laissant tester tout ce qu'il voulait. Et à chaque fois il adorait ça. Lorsque Smaug voulu bien le relâcher, il s'assit au sol en tailleur dos au socle du cœur. Il ferma les yeux et se concentra, commençant. Cette fois, il s'agissait de beaucoup plus que de remodeler la montagne. Cette fois, il s'agissait de créer quelque chose de très puissant et grand, qui lui tenait à cœur. Toute sa magie élémentaire serait nécessaire, comme sa magie pure et sa magie d'âme. C'était complexe et délicat. Ce serait épuisant et il n'était pas certain de réussir mais il ferait de son mieux.
Des heures durant, il travailla sans relâche, sans se déconcentrer une seule seconde. Lorsqu'il fit une pause, il se sentit s'écrouler d'épuisement, le souffle lourd et le corps couvert de sueur. Seulement, il fut bien vite rattrapé par deux bras forts bien connus. Il se laissa aller, souriant avec fatigue à son compagnon qui le soulevait dans ses bras avec une immense délicatesse. Il se blottit contre lui, respirant son odeur, se laissant faire. Smaug l'emmena au lac intérieur, les déshabillant pour l'emmener avec lui se baigner, retirer la sueur et rafraîchir son corps trop chaud sous l'effort. Smaug s'occupa de lui comme il savait si bien le faire, le ramenant ensuite à leur nid où un amoncellement de coussins et de couvertures avait été installé dans un creux d'or pour les accueillir lorsqu'ils étaient sous forme humanoïde, la chose plus confortable.
Dans les jours et les semaines suivants, Nefrea ne fit que cela, Smaug et ses sujets se demandant ce qu'il créait pour que cela lui prenne tant de temps et de force, de magie. Alors ils s'étaient fait attentifs ce qu'il se passait, Smaug le premier. Un tout nouveau corridor était apparu, prenant naissance au fond d'une galerie qui ne servait pas encore dans le grand hall. Il était fermé par une très lourde porte enchantée que seuls les dragons ou dragnir pouvaient passer. De l'autre côté, il y avait une série de portes toutes aussi lourdes. Un autre corridor identique, avec la même sécurité était apparu dans une galerie des mange-terre, celle qui était la plus profonde et la plus proche de la montagne. Elle serait ainsi accessible depuis les nids et les allées des dragons, protégée sous terre.
Puis les corridors s'étaient creusés, tapissés de tellement de magie protectrice que personne ne pourrait les violer. Aucun ne savait ce que Nefrea faisait mais il protégeait la chose avec une force titanesque. Les couloirs s'étaient allongés progressivement, plongeant loin sous la Montagne, toujours plus lourdement protégés. Et cela expliquait certainement la lenteur de la construction. Même Ancalagon le Noir n'aurait pu percer ces tunnels avec toute sa force et sa puissance. Tout les dragons de la vallée pouvaient pourtant entrer et ils venaient voir régulièrement la chose se faire et avancer, toujours aussi émerveillés par la magie de leur istar, curieux de découvrir ce qu'il faisait. Les galeries grandirent encore et encore, glissant dans la roche et la terre qui les accueillaient en chantant presque à leurs sens.
Finalement, ils se rejoignirent loin sous la Montagne et une vaste salle commença à prendre forme. Là encore, la protection fut telle que l'on sentait à quel point Nefrea voulait que cet endroit soit sûr. Elle naquit doucement, baignée d'une magie, d'une énergie pleine de tendresse, d'amour, de chaleur. La magie de la terre elle même se joignait à celle de l'istar pour participer à cette création avec puissance et volonté, leur faisant comprendre que leur terre mère voulait cela, profondément et qu'elle passait par Nefrea pour le réaliser. Un Nefrea qui était épuisé et qui mettait toutes ses forces dans cette œuvre, Smaug s'occupant de son compagnon lorsqu'il faisait des pauses.
La salle immense fut finalement là, bien assez grande pour que Smaug et Nefrea puissent y entrer ensemble en dragon et s'y mouvoir sans problème. Son plafond se couvrit de ce qui avait l'air de pierres précieuses serrées les unes contre les autres, d'un doux oranger. Elles irradiaient d'une lumière chaude tel le soleil couchant et réchauffaient l'endroit. L'eau se mit à couler, provenant des pierres et glissant sur les parois tel un fin rideau brillant à la lumière chaude. Elle coulait jusqu'au sol poreux et y disparaissait. Un doux courant d'air pleins d'odeur d'air pur, de terre et de feu dansait à l'intérieur, mystérieusement. Les minuscules fleurs d'argents de Nefrea s'y étaient invitées, ponctuant les lieux ça et là, ajoutant un peu de lumière argentée.
Ce fut par le centre de cet écrin que l'œuvre se termina sous l'œil des dragons cherchant désespérément à savoir ce dont-il s'agissait. Une chose était certaine, ce lieu était incroyable pour eux. Ils s'y sentaient bien et calmes, la présence de leur mère la terre plus forte que jamais ici. Ils observèrent donc avec curiosité le sol se modifier au cœur de cette création. Il sembla se faire de lave, bouillonnant en un grand bassin d'une bonne trentaine de mètres de diamètre. Une lave de laquelle commencèrent à sortir des gouttes colorés, des perles de magie de la terre pure et puissante. Elles montaient, ignorant la gravité, puis elles flottaient dans l'air à plusieurs mètres de haut pour retomber doucement dans la lave au dessus de laquelle elles flottaient. Peu à peu, l'étendue en fut recouverte et la lave se fit plus solide, comme un sol de roche en fusion. Les perles continuèrent pourtant leur ballet sans jamais s'arrêter.
Les dragons avaient tous finis par comprendre ce dont-il s'agissait en observant, en sentant. Et tous en furent infiniment touchés et émus. Ce lieu était un berceau, un nid, un lieu de naissance de la terre. Il était comme celui que Morgoth s'était autrefois approprié, qu'il avait perverti et vicié, qu'il avait corrompu et asservi, qu'il avait fini par détruire et tuer. Celui-ci était pur et très lourdement protégé par Nefrea. Leur mère la terre et leur istar avaient construis ensemble un lieu où elle pourrait donner naissance à de tout nouveaux dragons, sans interférence maléfique, comme cela aurait dû être au début. Bien sûr, ils pouvaient avoir leurs propres petits mais le seul couple formé de leur royaume était celui de leur roi et de son compagnon. Sans parler que les couvées étaient très rares chez eux. La terre avait décidé de redevenir une mère, de lancer un renouveau, de leur redonner des petits frères et petites sœurs… Et Nefrea l'avait permis en y mettant toute sa force et sa volonté, sa bienveillance et sa magie, ouvrant une porte de vie pour eux.
Lorsqu'il avait compris, Smaug était retourné auprès de son compagnon qui terminait son œuvre. Il était alors plus pâle, son teint étrangement grisâtre, ses cheveux plus ternes. Il était essoufflé et transpirant, tremblant, un peu amaigri. Lorsqu'il avait cessé, ses paupières se relevant un peu sur un regard vague, il avait vacillé et Smaug l'avait récupéré avec une infinie délicatesse, le tenant contre lui. Nefrea s'était laissé aller, toussant un peu, se réfugiant contre lui, pratiquement inconscient. Son compagnon s'était occupé de lui avec le plus grand soin et Asgaldan, l'ami de Nefrea, était venu demander de ses nouvelles au nom de tout le peuple. Tous avaient compris ce qu'il avait fait, tous en étaient bouleversés, reconnaissant et tous étaient inquiets pour leur istar qui avait réalisé un miracle en créant ce tout nouveau berceau pour leur peuple. Maintenant, il ne restait plus qu'à attendre que leur mère donne naissance. Ce fut l'évidence pour tous de venir monter la garde au sein du berceau pour veiller, tous se relayant, chacun voulant avoir son tour dans ce lieu sacré à attendre de petits dragonneaux.
Il avait fallu trois mois à Nefrea pour faire cela et il lui fallut du temps pour s'en remettre. Smaug ne faisait que s'occuper de lui, exigeant qu'il se repose et se détende. Tout les dragons prenaient de ses nouvelles et furent infiniment heureux de le voir finalement réapparaître, le remerciant pour son miracle. Une fois remis, Nefrea s'attela joyeusement à créer de nouveaux espaces dans ce qui existait déjà, pour les futurs bébés. Les œufs naîtraient de la terre dans le berceau mais ensuite, ce serait à eux de s'en occuper et tous étaient près à le faire tous ensemble. L'istar créa donc une couveuse pour installer les œufs qu'ils garderaient au chaud jusqu'à l'éclosion, puis une nursery pour les petits. Il y mit énormément de soin et modela un nouveau jardin intérieur luxuriant pour eux avec des plantes, de la lumière, de l'air, des bassins d'eau et des nids de pierres chaudes où ils seraient bien. Chacun des lieux dédiés aux petits fut lourdement protégé et tous furent ravis d'assister à leur création, enthousiastes.
À la fin de l'hiver, tout était prêt pour les futurs petits et seule la patience comptait désormais. Au début du printemps, alors que Nefrea profitait du réveil de la vallée avec d'autres, il perçut l'entrée sur leurs terres de l'insigne de messager qu'il avait donné à Thranduil. Des elfes arrivaient. Tout en rejoignant Smaug pour le prévenir, il donna message aux dragons qui se rassemblèrent dans la salle du trône pour prendre les consignes de leur roi. Nefrea lança son esprit pour voir qui arrivait, détectant la présence du roi de la Forêt Noire, celle de plusieurs de ses gardes mais aussi de Glorfindel, Elrond et Celeborn, la chose le stupéfiant un peu. Mais cela était de bonne augure si les elfes venaient au moins voir par eux mêmes. Smaug ordonna qu'on les laisse passer et qu'on les surveille simplement tant qu'ils ne faisaient rien dehors des règles posées. Deux dragons furent affectés à la surveillance du berceau parce qu'aucun n'envisageait de laisser l'endroit sans garde en présence d'étrangers.
Comme demandé, le groupe pu faire son chemin tranquillement sur leurs terres. Depuis la bordure du royaume des dragons, il y avait trois à quatre jours de chemin à pied jusqu'à Erebor, moins à cheval suivant l'allure. Une allure qui fut d'abord soutenue pour les cavaliers elfiques. Ils firent une pause dans la nuit pour leurs montures puis ils reprirent la route. Ils n'étaient alors plus très loin et quelques heures plus tard, ils entraient dans la vaste forêt qui débordait de la vallée, le jardin d'Akome avec ses plantes magiques et son monde féerique. Ils ralentirent significativement pour regarder, guettant aussi l'apparition d'un dragon. Mais ils n'en virent pas un. Nefrea sentit à quel point les nouveaux venus étaient surpris et émerveillés, stupéfaits par ce qu'ils voyaient. Thranduil pris la tête, les conduisant là où se trouvait Dale autrefois et où le kiosque se dressait maintenant. L'istar les écouta à distance, les observant de sa magie. Des abreuvoirs attendaient déjà les montures lorsqu'ils mirent pieds à terre au kiosque, Celeborn, Glorfindel et Elrond observant les lieux avec stupeur.
- Vous aviez raison, remarqua Glorfindel. Tout semble avoir radicalement changé ici. Comment une telle chose est possible ? Quel peuple est venu faire ces travaux ?
- Aucun, répondit Thranduil. Smaug n'accepte aucun qui ne soit pas dragon sur ses terres. Tout a été fait très vite après la bataille. Trop vite pour que cela soit l'œuvre d'artisans quels qu'ils soient.
- Magie ? questionna Celeborn.
- C'est la seule réponse plausible, remarqua-t-il. Mais je n'ai guère plus d'information.
- Cette forêt est elle aussi puissamment magique, remarqua Elrond s'avançant au bord du kiosque pour observer la vallée. Une magie très pure qui plus est. Je ne m'attendais pas à cela.
- Vous êtes loin d'avoir tout vu, fit Thranduil. Je n'ai pas défendu cette initiative sans bonne raison.
- Et maintenant ? Comment signal-t-on notre présence ? questionna Glorfindel.
- Inutile. Ils savent que nous sommes là depuis l'instant où nous avons passé la frontière et ils nous surveillent depuis, répondit Thranduil. Nous devons attendre qu'ils viennent nous chercher simplement.
- Il est difficile de croire que Dale se tenait ici autrefois, remarqua Elrond. Comme Ravenhill, dit-il en regardant le promontoire.
- J'ignore comment mais les dragons ont fait de ce royaume leur royaume à tout les égards.
- Un pouvoir très puissant repose ici, nota Glorfindel. Et il semble beau.
- Il l'est, assura Thranduil. Vous en aurez bientôt la preuve.
Ils patientèrent là un bon moment calmement, ne cherchant pas à mettre un pied en dehors du kiosque. Lorsque la nuit arriva, des tentes apparurent pour eux, très confortables, ainsi que des tables portant nourriture et eau. Des sièges et un feu de camps s'ajoutèrent et ils patientèrent toute la nuit sans broncher sous l'œil invisible des dragons surpris qu'ils s'y tiennent. Ce fut au matin, après leur petit déjeuner, qu'un craquement raisonna, laissant apparaître Nefrea le Noir, sans son bâton, au milieu du kiosque. Il leur sourit chaleureusement, les regardant un à un :
- Soyez les bienvenus dans le domaine de Smaug le Doré, salua-t-il tout d'abord. Seigneur Thranduil, vous êtes entré avec l'insigne de messager. Que souhaitez-vous ?
- Je me permet de venir en ces lieux avec les seigneur Elrond et Glorfindel d'imladris et Celeborn de Cars Galadhon ainsi qu'avec quelques uns de mes gardes. Nous souhaiterions avoir une entrevue avec Smaug le Doré.
- À quel sujet ? questionna-t-il.
- Au sujet de nos relations amicales, répondit-il.
- N'êtes vous qu'un messager pour lui ? demanda Celeborn plus curieux qu'autre chose.
- Un messager ? rit-il. Cela serait bien mal connaître les dragons. Ils n'ont pas de messagers. Ils viennent eux mêmes lorsqu'ils ont besoin de parler. Seulement, c'est un immense honneur à leurs yeux, une titanesque preuve de confiance, que de laisser quelqu'un venir avant eux. Souvenez vous, qu'ils ne fonctionnent pas comme vous. Par conséquent, un intermédiaire est préférable pour vous. Je ne suis pas un messager. Je suis le pont entre eux et vous.
- Je suis désolé si je vous ai offensé, répondit Celeborn.
- Je ne suis pas offensé. Je comprend. En revanche, les dragons qui vous ont entendu et qui pourraient entendre ce genre de choses sont et seront offensés. Je vous conseillerai donc de ne pas juger ce qu'ils font et comment ils le font sans connaître leur culture. Veuillez me suivre, allons-y. Smaug vous attend. Votre sécurité est garantie.
Il s'engagea sur le chemin menant à la montagne et Thranduil et les siens suivirent sans hésiter, les autres en faisant de même. Les seigneurs se retrouvèrent rapidement devant avec l'istar, un léger silence planant avant que leur curiosité ne reprenne le dessus :
- Comment une telle forêt a-t-elle pu se développer sur le territoire d'un dragon ? demanda Elrond.
- La magie, le pouvoir des dragons, n'est pas aussi néfaste que vous le pensez, répondit-il. Tout au contraire. Simplement, cela ne fonctionne pas comme les autres peuples aimeraient que cela fonctionne. Tant que les dragons seront là, que Smaug sera là, ce royaume restera prospère et plein de vie.
- Qui a modifié Dale, Ravenhill et la Montagne de la sorte ? questionna Celeborn.
- Vous allez un peu vite en besogne, s'amusa-t-il. Qu'est-ce qui vous fait croire que vous pouvez réclamer des réponses ainsi ? Les dragons ne sont pas partageurs de leurs secrets, sauf si l'on s'en montre digne.
Le silence se fit après cela et il les mena jusqu'à la grande porte qui s'ouvrit docilement devant lui. Il les fit entrer et les trois seigneurs venant pour la première fois découvrirent le nouveau visage d'Erebor. Nefrea les laissa regarder en les conduisant et il vit Thranduil et les siens se faire plus empressés à l'approche de la galerie d'or, s'attendrissant.
- Êtes-vous pressé de revoir Ornel seigneur Thranduil ? sourit-il.
- Comment ne pas l'être ? approuva-t-il doucement.
- Il a encore beaucoup grandi depuis la dernière fois et il est en pleine forme, expliqua-t-il.
- Je suis très heureux de l'entendre, fit-il réellement ému.
- Qui est Ornel ? demanda Glorfindel.
- Vous allez bientôt le rencontrer, assura l'istar.
La lueur d'argent mêlée à celle de l'or de la galerie de l'arbre se montra et Nefrea laissa volontiers les elfes de la Forêt Noire le devancer un peu pour aller le voir. Les trois autres regardèrent cela avec surprise, s'avançant avec l'istar pour découvrir l'arbre d'argent lumineux. Ornel avait encore beaucoup grandi, effleurant désormais le très haut plafond de la galerie, caressant ses piliers à sa droite et à sa gauche. Elrond, Glorfindel et Celeborn restèrent figés de stupéfaction à cette vue.
- Telperion, bredouilla Glorfindel dont les larmes d'émotions montèrent aux yeux.
Lui, comme Celeborn, étaient nés à l'époque des Arbres, avant le premier âge et avaient vu de leurs yeux Laurelin et Telperion avant leur destruction. Ils avaient de quoi être touchés vu à quel point les deux arbres, et particulièrement celui d'argent, comptaient aux yeux des elfes.
- La réincarnation de Telperion pour être exact, corrigea doucement Nefrea. Ornel.
- Comment est-ce possible ? demanda Glorfindel. Même les Valar n'ont pu le ranimer, fit-il en avançant instinctivement vers l'arbre.
Il fut pourtant stoppé par Thranduil avant de mettre un pied sur le sol d'or, le roi sachant que c'était la limite imposée par le magicien.
- Le Seigneur Nefrea est l'incarnation d'Ithil, expliqua Thranduil. C'est par lui que ce miracle a pu avoir lieu. Il a tellement grandi depuis la dernière fois seigneur Nefrea, sourit-il.
- Oui et il grandira encore. Il n'a qu'un peu plus d'un an pour l'instant. Il a encore tout le temps de s'épanouir et j'y veillerai, assura-t-il.
- Y-a-t-il toujours une chance pour…? demanda le roi.
- Pour que vous puissiez le voir plus souvent ? termina l'istar avec douceur. Cela ne tient qu'à vous. Ornel est à moi mais Erebor est à Smaug. C'est lui qu'il faut convaincre. Je respecterai sa décision. Elle sera la bonne j'en suis certain. Cela ne tient qu'à vous.
- Comment avez-vous pu faire cela ? demanda Celeborn sans lâcher l'arbre des yeux.
- Je vous l'expliquerai peut-être un jour, répondit-il. Allons-y, pria-t-il.
Comme à chaque fois, ce fut un crève cœur pour les elfes de laisser l'arbre mais ils le firent. Ils avancèrent vers la salle du trône qui ne manqua pas de frapper les trois seigneurs arrivants. Smaug fit son apparition théâtrale, ricanant au réflexe d'arrêt et de recul des elfes. Il se posa en lieu et place de son trône, éclairé par les flammes éternelles de l'endroit. Nefrea le rejoignit avec joie alors qu'il s'installait confortablement. Les elfes regardèrent le Roi sous la Montagne placer son aile au dessus de lui, clairement protecteur. Nefrea fit les présentations, prenant son temps pour que tous puissent s'observer. Puis il resta tranquille, laissant faire son compagnon et ses visiteurs.
- Et bien, susurra Smaug de sa voix sifflante. Que voilà une charmante assemblée de petites créatures. J'espère que vous avez une bonne raison de venir sur mes terres.
- Pour la paix et les bonnes relations, répondit Thranduil plus composé que les autres se retrouvant pour la première fois face au dragon.
- La dernière fois que tu es venu petit elfe, je t'ai dit que je préférais la franchise et que je n'aimais pas que l'on tourne autour du pot, que l'on mente, trancha-t-il durement. Ce que vous voulez c'est vous assurer que moi et mon peuple ne prendrons pas part pour Sauron, pour les disciples de Morgoth ou pour tout autre mal. Vous espérez que nous n'entrerons pas en guerre, que nous ne sommes pas un danger pour vous, que nous n'attaquerons pas vos royaumes ou ceux des peuples libres. Vous voulez vous rassurer, connaître nos secrets. Vous espérez nous contenir.
- Ce n'est pas…, tenta Elrond.
- Mesure tes paroles avec soin elfe, claqua Smaug. Vos effets de langages et vos intentions apparentes ne sont rien pour moi. Cela fait des siècles que je saisi les natures et les intentions. Et je déteste que l'on cherche à me berner.
- Ce n'est pas le cas, tenta Thranduil.
- Cela l'est de son point de vu, intervint doucement Nefrea. Et je le vois de la sorte aussi.
- Seigneur Nefrea…
- N'essayez même pas de le contredire, claqua Smaug furieux. Nefrea est le seul est unique depuis le tout premier dragon à réellement nous voir. En des millénaires, il est le seul. Il nous comprend alors il sait comment nous pensons. Il sait pourquoi je dis cela et il le comprend. Ne cherchez pas ici, en ces lieux, dans la première véritable maison que les dragons ont acquis en des millénaires d'existence, à imposer votre façon de penser comme vous aimez le faire avec les autres, elfes ! Les dragons ne seront jamais comme vous ni comme les autres et ne penseront jamais comme vous. Alors épargnez moi ces discours pacifistes et dégoulinant d'envie de paix et d'amitié radieuse. Soyez directs et francs même si cela ne devait pas être beau à dire à vos yeux. La vérité n'est pas toujours belle mais elle est préférable au mensonge doucereux.
Il marqua une pause, un silence lourd tombant. Smaug échangea un regard avec Nefrea qui lui sourit avec douceur.
- Tu devrais tout leur dire, poussant son compagnon en passant au fourchelang.
Ce haut fourchelang acquis ici était la véritable langue des dragons, une langue qu'ils possédaient naturellement, qu'ils comprenaient et parlaient tous. Mais ils ne l'utilisaient presque jamais parce que Morgoth l'avait interdis dés le début, ne pouvant parler et comprendre ce langage. Avec le temps, ils avaient pris l'habitude de la langue commune. Nefrea aimait pourtant l'utiliser avec eux et ils commençaient à la réemployer aussi sous son impulsion. Les sons de cette langue attirèrent l'attention des elfes surpris et perdus.
- Tu devrais leur dire ce que tu en penses complètement. Ils doivent comprendre et il vaut mieux que cela sorte de ta bouche que de la mienne.
- Qu'est-ce que cela pourrais bien changer ? demanda-t-il avec amertume.
- Cela pourrait les aider à comprendre. S'ils comprennent, peut-être pourront-ils réellement faire les efforts nécessaires et cela pourrait déboucher sur quelque chose de bien pour nous, pour notre peuple et pour cette terre.
Smaug le regarda, s'apaisant ensuite en retournant son attention sur les elfes se demandant ce qu'ils se disaient puisqu'il était évident qu'ils se parlaient.
- Vous elfes, reprit le roi dragon, vous n'êtes ici pour parler que parce que vous y êtes contrains par la situation. Vous n'avez pas le choix. Vous auriez tous préféré que je reste mort et que la Montagne revienne aux nains sans considération pour le mal que cela causerait. Vous n'êtes là à parler que parce que vous y êtes forcés pour assurer vos arrières. En des millénaires pas un de vous n'a jamais voulu nous parler. Vous ne l'auriez jamais imaginé. Nous ne sommes pour vous que des servants de Morgoth, vos ennemis et des monstres à abattre. Des monstres sans esprit ni sentiment ni rêve ni espoir ni place dans ce monde ni droit de vivre. Nous n'avons jamais été que des créatures immondes à vos yeux.
Il stoppa un instant pour contenir sa colère, s'apaisant quand Nefrea vint s'appuyer contre lui. Les elfes étaient silencieux, semblant graves et commençant à réaliser qu'il y avait beaucoup plus à découvrir que ce qu'ils pensaient, que tout cela était plus complexe.
- Vous ne venez parler avec moi que parce que c'est votre seule option en dehors d'une guerre que vous seriez assurés de perdre face à nous, claqua Smaug. Vous voulez la paix certes mais pas pour la bonne entente ou les bonnes relations, pour votre sécurité uniquement. Vous vous fichez bien de nous. Nefrea a été le seul et unique à venir vers nous, à venir vers moi avec pour seule intention réelle de me parler véritablement, de me connaître sans aucun jugement ni exigence. Il a été le seul à faire attention à nous, à nous demander pourquoi nous étions ce que nous étions, à l'accepter, à le comprendre. Il a été le seul à parler pour nous, à nous défendre, à nous aimer. Vous ignorez ce qu'est avoir une réelle intention amicale pour un dragon alors ne faîte pas semblant et soyez francs. N'importe quel dragon descelle le mensonge le plus infime. Mettez les bons mots sur les bonnes intentions si vous souhaitez réellement que nous nous entendions. Les dragons ne sont pas de petits héros mielleux comme vous. Nous assumons fièrement même nos plus noirs désirs alors quoi que vous vouliez en venant à nous, dîtes le.
Il y eut un moment de silence lourd dans la salle du trône, Smaug s'enroulant un peu plus autour de Nefrea, protecteur.
- Pourquoi nous parler aujourd'hui ? demanda Glorfindel. J'ai croisé bien des fois des dragons. J'en conviens, nous n'avons jamais tenté de vous parler, admit-il. Je réalise que cela était certainement une erreur. Mais vous n'avez pas parlé non plus.
- Nous n'en n'avions pas la liberté, rétorqua froidement Smaug. Et aucune envie réelle de le faire. Pour nous, tout les peuples qu'ils soient noirs ou blancs, bienveillants ou maléfiques, libres ou corrompus… Tous sont nos ennemis naturels. Pourquoi ? Peut-être l'apprendrez vous un jour. La seule raison pour laquelle j'accepte de vous parler c'est parce que Nefrea croit que cela pourrait nous être bénéfiques à tous et j'ai foi en lui. Je ne sais pas ce qui serait le pire pour vous : qu'il ait tord ou que vous déceviez les espoirs qu'il place en vous. En faîte je le sais : que vous confirmiez l'idée que je me fais de vous m'est égal mais si vous le décevez, vous me décevez, vous décevez mon peuple et moi comme les autres ici préférons voir notre istar sourire plutôt que d'être préoccupé. Les dragons n'ont pas besoin de vous, sous aucun aspect. En conséquence, vous avez deux possibilités : vous contenter de savoir que nous ne serons du côté de personne et que rien ne profitera ou ne passera ce royaume ou réellement vous investir avec sincérité.
Il y eut un instant de silence, les elfes méditant son discours sous le regard exaspéré du dragon et doux de l'istar.
- Quoi qu'il en soit, soyez rassurés, reprit le roi en maugréant. Respectez ce royaume et vous n'aurez pas de problème avec nous. Nous ne prendrons jamais part pour les ténèbres et rien ne passera ces terres. Maintenant dehors et cessez de lorgner Ornel, prévint-il dangereusement. Il appartient à Nefrea. Vous n'avez ni droit, ni prétention à avoir sur lui. Il est né de l'âme de Nefrea, de sa magie, c'est comme s'il était son enfant. Alors faîte très attention au moindre regard à son égard, prévint-il.
Il s'en alla ensuite, plongeant dans le vide derrière lui. Nefrea s'en amusa simplement, avançant à nouveau vers les elfes encore perturbés par cet échange. Il les invita à le suivre et ils lui emboîtèrent le pas. L'istar profita du chemin pour faire apparaître deux nouveaux insignes de messagers : un pour Elrond et Imladris, l'autre pour Celeborn et Caras Galadhon. Il ne manquerait plus que les Havres Gris et ils auraient eu la visite de toutes les grandes villes elfiques de la Terre du Milieu. Il leur expliqua ce dont-il s'agissait et comment cela fonctionnerait. Ils furent bientôt à nouveau dans la galerie et Nefrea consentit à s'arrêter devant celle d'Ornel, les laissant regarder.
- Si je peux me permettre un conseil : soyez toujours francs quand vous parlez à un dragon, dit l'istar. Vos intentions d'amitié, par exemple, ne sont pas encore véritables et ils le sauront. Ils détestent qu'on leur mente. Si ce n'est pas avec une idée néfaste que vous l'avez dit, cela reste une parole fausse. N'exposez ce genre d'intention que si elle est véritable. Pour le moment, vous souhaitiez juste vous assurer de la sécurité ou du danger que ce royaume et les dragons représentent. Ils le savent bien. La franchise marche mieux que n'importe quoi d'autre avec les dragons.
- Que voulait-il dire au sujet de n'avoir pas pu nous parler ? questionna Glorfindel réellement intéressé.
- Ce n'est pas à moi de vous le dire. Gagnez leur confiance, réellement, et ils vous répondront.
- Quel était cette langue étrange ? Était-ce seulement une langue ? demanda le seigneur blond.
- Là encore, ce n'est pas à moi de répondre. J'agis en intermédiaire mais vous devrez vous débrouiller si vous souhaitez en apprendre plus sur eux. Soyez cependant certains que les dragons ne sont pas du côté du mal loin de là et ils ont une bonne raison pour ça. Laissez leur une chance de vous le prouver et vous pourrez apprendre des choses intéressantes. Sortons maintenant.
Ils suivirent à contre cœur et regagnèrent tranquillement le kiosque, les elfes y retrouvant leurs montures. Nefrea les salua et leur conseilla de bien réfléchir à tout cela. Puis ils s'en allèrent, en ayant vu et entendu bien assez pour mesurer un peu mieux les choses. On les suivit jusqu'à ce qu'ils quittent leurs terres, ce qu'ils firent sans causer le moindre problème. Cela fait, ils reprirent leur vie comme bon leur semblait.
Le temps se remit à couler doucement, les dragons vivants leurs vie. Nefrea continuait ses projets et les modifications de la Montagne et ses occupations habituelles. Dans le même temps, lui, Smaug et tout les dragons surveillaient de loin ce qu'il se passait en dehors de leur royaume. Les mois passèrent et Nefrea ne fut pas vraiment surpris de voir le seigneur Glorfindel revenir avec l'insigne d'Imladris. Sans conteste, il était celui qui était le plus intrigué par tout cela. Il était ancien, érudit, guerrier, courageux, curieux… Il avait assurément affronté les dragons autrefois. Il devait être intéressé par tout cela. Il revint et Nefrea le laissa se débrouiller avec les dragons. Il expliqua vouloir faire connaissance et si ce fut difficilement et après bien des jours d'interrogatoires et de discussions, Smaug et les siens consentirent à le laisser rester un moment avec eux. L'istar en fut ravi et dressa lui même une tente ensorcelée pour qu'il puisse s'installer. Ils choisirent ensemble un coin agréable de la vallée. Ensuite, le magicien le laissa se débrouiller et il laissa les dragons l'appréhender à leur manière. Il surveillait à distance mais il n'était pas inquiet. Il ne l'était pas parce qu'il voyait dans l'âme et l'aura de Glorfindel qu'il était sincère dans sa démarche.
Si cela lui prit un peu de temps, la patience de l'elfe aux cheveux d'or finit par payer. Après quelques mois, les dragons commencèrent à trouver amusant de discuter avec lui. Aucun d'entre eux, si ce n'était Smaug, ne parvenait à l'impressionner vraiment et c'était devenu un défi entre eux, un jeu de faire peur au seigneur elfe qui s'y pliait avec amusement. Régulièrement, Nefrea et Glorfindel se rendaient ensemble chez Thranduil, passant aussi par Esgaroth reconstruite et embellie, plus grande. Le commerce y avait repris sous la direction de Bard et plus de monde y venait. Ce n'était souvent que par attractivité pour la Montagne, certains peinant à croire la résurrection de Smaug et l'arrivée des dragons. Ils venaient en pensant qu'un petit malin usait de magie pour tenir une illusion et s'approprier le trésor. Seulement, voir les dragons voler au dessus de leur royaume jusqu'à la limite de leur frontière en avait refroidi plus d'un, surtout quand le roi d'Esgaroth, Bard, et ses habitants, leur disaient que c'était la vérité. Mais cela avait remis en route le commerce de la ville alors c'était une bonne chose.
Parfois, Thranduil et d'autres elfes venaient rendre visite à Glorfindel chez les dragons. Cela avait vite commencé à déclencher des discussions entre eux, Glorfindel jouant les intermédiaires. Smaug se tenait à l'écart de cela, n'ayant pas envie de leur parler tant qu'il ne serait pas certain de leur investissement. Nefrea voyant cela avec plaisir, y découvrant les débuts des relations des dragons avec les autres. Il faudrait du temps mais c'était un bon début.
Glorfindel passant du temps à Erebor, il avait fini par voir ce dragon de mithril perché haut sur la montagne certaines nuits. Il était impossible de le manquer lorsqu'il brillait tel une puissante étoile lorsqu'il absorbait la magie astrale. On le voyait certainement de très loin lorsqu'il était installé sur le promontoire de la lune. On devait pouvoir le voir d'aussi loin que l'on pouvait voir la montagne et plus encore. Mais il fallait être près d'Erebor pour voir qu'il s'agissait d'un dragon irradiant de lumière d'argent. Il n'avait pas fallu très longtemps au seigneur elfe pour comprendre que ce dragon et l'istar n'étaient qu'un seul et même être. Il n'avait rien dit ni posé la moindre question. Tout deux savaient que l'autre savait mais ils n'en parlaient pas. Seulement, Nefrea ne pouvait pas manquer de remarquer que Glorfindel aimait le regarder depuis le kiosque lorsqu'il était sur le promontoire à absorber cette énergie. Même lorsqu'il faisait cela en forme primordiale, les elfes aimaient le regarder, parce qu'ils adoraient la lumière des étoiles et de la lune.
Le temps se remit à passer aussi paisible et agréable que celui qui avait précédé la mort de Smaug. Nefrea continuait toutes ses activités entre la magie, les visites à son protecteur et son épouse, son remodelage d'Erebor et de son royaume, les soins de son jardin, d'Ornel, ses études dans la grande bibliothèque, ses vol et ses promenades… Mais surtout, il passait du temps avec Smaug, beaucoup de temps, restant collé à lui autant qu'il était possible et le Roi Sous la Montagne était loin de s'en plaindre bien au contraire. Ils dormaient, batifolaient, allaient manger, voler, s'amuser, se promener… Ils faisaient tout ensemble et rares étaient les fois où ils étaient séparés.
Ce jour là était un grand jour pour leur communauté. Asgaldan était venu les chercher un peu en catastrophe alors qu'ils dormaient sous leur forme de dragon dans leur nid. Il était entré via le corridor menant au Berceau et il avait tambouriné à leur porte comme jamais aucun dragon ne s'était permis de le faire. Aucun n'entrait même dans la montagne sans demander la permission avant. Aussi, ils avaient compris que c'était important. Tout deux toujours en dragon, ils l'avaient accompagné au Berceau pour voir qu'un œuf était en train de se former. Les perles de magie qui dansaient au centre avaient changé leur ballet, attiré par une autre au centre beaucoup plus lumineuse. Elles s'aggloméraient autour d'elle en prenant la forme d'un œuf. Tout les dragons de la vallée s'étaient agglutinés là pour voir ça. Cela faisait un peu plus de trois ans que le Berceau était né et enfin, leur premier œuf semblait arriver. Tous étaient excités à cette idée. Ils laissèrent passer leur roi et son compagnon sans qu'ils n'aient à le demander. Ils s'approchèrent pour voir ça, Nefrea confirmant rapidement :
- Nous aurons bientôt un œuf, dit-il en faisant sauter de joie les autres autour de lui.
- Combien de temps avant qu'il ne soit vraiment là ? demanda Lokyn.
- Ce devrait être assez rapide, répondit le mage. Peut-être un jour ou deux. Je vais regarder ça de plus près.
Il commença alors à changer pour reprendre sa forme primordiale et ainsi user de sa magie avec plus de précision. Pourtant, il n'y parvint pas. Sa forme vacilla un instant et il s'écroula au sol en gémissant de douleur, le grand dragon de mithril respirant plus brutalement.
- Nefrea ? appela Smaug en venant vers lui.
Tous eurent d'ailleurs ce réflexe, reculant pourtant bien vite quand leur roi bondit devant son compagnon, le couvrant d'une aile et grondant contre eux. Ils restèrent à distance, observant leur istar avec angoisse. Smaug se retourna vers lui, effleurant sa tête de la sienne :
- Nefrea ? Que se passe-t-il ? demanda-t-il.
- Je ne sais pas, répondit-il en redressant la tête. Je n'arrive pas à me transformer. Ça fait mal, dit-il en respirant.
- Comment est-ce possible ? questionna son compagnon.
- Je n'en sais rien. Ce n'est jamais arrivé.
- Cela pourrait-il avoir un rapport avec l'œuf ?
- Non. Je ne pense pas. Je ne suis pas lié au Berceau. C'est la Terre qui lui donne naissance. Je n'ai rien à voir là dedans. Il y a autre chose. Je vais réessayer.
Il respira et retenta pour obtenir le même résultat, posant sa tête au sol sous la douleur.
- Je ne comprend pas, bredouilla-t-il en respirant lourdement.
- Ne le fait plus, exigea Smaug. Repose toi.
Nefrea obtempéra, se demandant ce qu'il se passait. Dans son angoisse, il se rapprocha de son compagnon, cherchant refuge auprès de lui. Doucement, il parvint à retrouver une respiration normale, la douleur s'estompant même s'il se sentait secoué. Smaug entreprit alors de le ramener à leur nid, en sécurité au calme, mais Nefrea tint à expliquer pour l'œuf avant de partir. Selon lui, il serait totalement formé dans un ou deux jours. Ils le sauraient instinctivement lorsque ce serait le cas et il faudrait l'emmener doucement dans la couveuse pour le laisser évoluer à son rythme en sécurité et dans un nid approprié. Tous lui promirent de s'en charger, lui conseillant de prendre soin de lui. Le roi le ramena à leur nid, s'installant dans l'or avec lui.
- Te sens tu mieux ? demanda-t-il en le couvrant d'une aile pour le serrer contre lui.
- Juste un peu secoué, répondit-il.
- Alors repose toi. As-tu une idée de ce qu'il se passe ? Non pas que je ne serai pas disposé à ce que tu restes constamment en dragon mais je sais que ce n'est pas bon pour toi.
Nefrea réfléchit un moment, pensant à ce qu'il avait pu entendre d'animagus ne pouvant revenir à leur forme primordiale. Puis il se figea :
- Il y a une possibilité, remarqua-t-il. Dans mon ancien monde, certains animagus ne pouvaient revenir à leur forme humanoïde parce qu'ils étaient… enceints, dit-il en stupéfiant son compagnon. C'est le seul cas que je connaisse en dehors de puissantes magies de scellement qu'il n'y a pas eu ici. Je le saurai. L'animagus ne peut pas revenir à sa forme primordiale parce que ce corps là ne convient pas à la gestation.
Il avait lu cela dans ses livres sur les animagus. Cela arrivait lorsque les animagus tombaient enceint dans leur forme animagus. Les cas répertoriés faisaient état de couple ayant un animagus de la même espèce avec qui c'était arrivé. On ne pouvait alors plus retourner dans sa forme primordiale le temps de la grossesse puisque le corps d'origine n'était pas adapté. La magie du mage évoluait pour convenir à la situation et si les enfants naissaient animaux ils revenaient ensuite à la forme sorcière. Cela avait la particularité de doter les enfants du don de métamorphose naturel pour prendre la forme de l'animal concerné.
- Tu serais en train d'avoir des œufs de petits ? demanda son compagnon ahuris.
- Peut-être. C'est la seule chose qui me vient à l'esprit, dit-il avec hésitation.
- Si c'est le cas, je le saurai vite. Ton odeur va changer très vite.
- Qu'est-ce qu'on fait si c'est ça ? questionna-t-il. Tu… tu veux bien des petits ?
- Bien sûr, ronronna-t-il en venant le câliner pour le rassurer. Pas toi ?
- Si, si bien sûr, répondit-il en se détendant contre lui. J'avais juste abandonné l'idée d'une famille depuis longtemps alors c'est inattendu.
- Tout ira bien drakian. Des petits dragonneaux rien qu'à nous, ronronna-t-il avec joie.
- Tu sais comment ça se passe ? On n'a jamais parlé de ça. Les dragons ont des œufs normalement non ?
- Oui mais ils mettent quelques temps à se former dans le corps avant de pouvoir être pondus. Environ un mois pour les dragons de feu. Ton odeur devrait vite changer si c'est bien ça. Nous nous sommes unis pour la dernière fois i peine deux jours. Cela devrait donc arriver dans les deux ou trois jours. Tu vas avoir envie de faire un lit de ponte dans notre trésor et tu auras envie de te reposer. Je veillerai sur toi, tu n'as pas à t'en faire. Puis tu pondras nos œufs, de un à trois et nous nous occuperons d'eux jusqu'à leur éclosion. Cela prend une année pour les dragons de feu, il faudra voir si c'est toujours le cas pour les dragnir. Tout se passera bien ne t'en fait pas. Je ne te quitterai pas une seconde. Repose toi pour le moment. Si cette hypothèse est la bonne, nous le saurons vite avec ton odeur.
