TU PEUX TOI AUSSI COMMANDER TA FICTION
Oui tu peux toi aussi commander une fiction en te rendant sur notre histoire "Commandes de fictions" ou sur notre forum, et review le mois en cours !
Hé ! Bien le bonjour (ou le bonsoir) à toi qui arrive sur cette histoire ! JesusPS3 nous a demandé " Dans lequel Sheldon se rend dans des écoles primaires avec Missy pendant un mois. Voici les détails 1- Que presque toutes les filles de la classe sont amoureuses de Sheldon. 2- L'idée vient de George, selon ses propres termes, d'apprendre l'humilité et l'amitié. 3- Allez dans la même salle de classe que Missy. 4- Sheldon n'a pas d'amis au début, puis il s'en fait quelques-uns, mais ce sont plus des filles que des gar3çons. 5- Les brutes s'en prenaient à Sheldon en raison de son autisme et de son intelligence. Cela respecte la saison 1 de la série"
Marina Ka-Fai, une des auteurs de notre collectif, a décidé répondre à cette commande.
Disclaimer : Young Sheldon est l'oeuvre de Chuck Lorre et de Steven Molaro.
Résumé : Ou comment Sheldon, malgré son intelligence, ne saute pas de classe.
L'expérience de George Cooper
Il est de plus en plus commun d'entendre ses parents se disputer, ce qui ne manque jamais de l'angoisser : Sheldon déteste les cris. Il ne sait pas pourquoi mais cela lui cause une angoisse, une panique, quelque chose qui résonne en lui de manière désagréable, comme le crissement d'une craie sur une ardoise. Et aujourd'hui, les Cooper se querellent sur un sujet particulier : lui. Ou plutôt, son instruction. L'enfant n'est pas sans ignorer qu'il est intelligent. On le lui dit assez et il a une excellente mémoire. On a proposé qu'il saute plusieurs classes pour qu'il se retrouve au lycée avec Georgie, ce qu'il aimerait bien : des choses plus dures à étudier! Un challenge! Ne plus s'ennuyer en classe et s'en vouloir de s'ennuyer car l'étude est le passe-temps le plus beau! Sauf que si sa mère dit oui, son père dit non.
-Je veux que notre fils ait une enfance normale, Mary!
-Tu insinues que Sheldon n'est pas normal?
-Ne déforme pas mes mots! C'est un petit garçon extraordinaire mais coincé dans un monde plus qu'ordinaire! Il en bavera bien assez à l'avenir, je veux qu'il puisse au moins se dire que son enfance n'a pas été un de ces moments où il a dû batailler!
-Il bataille déjà! Il s'ennuie en classe!
-Et dans quatre mois, il s'ennuiera au lycée et on lui proposera d'aller directement à l'université! Peut-être même à l'étranger! Mary, c'est un gamin! Il a le droit d'avoir une enfance comme celle de tous les autres enfants!
-Je refuse de signer ça.
-Et tu n'es pas la seule à avoir le droit de décider pour notre fils! Moi aussi, j'ai l'autorité parentale!
Missy ne peut s'empêcher de glisser à son jumeau qu'encore une fois, ils "s'engueulent" à cause de lui, parce qu'il est "bizarre". Il le sait. C'est pour ça qu'il a le coeur en miettes. Le garçon prend une grande inspiration et va voir les auteurs de ses jours.
-Papa, Maman...
Ils s'arrêtent aussitôt.
-Shelly! Sourit faussement sa mère
-Je vous ai entendus, je n'aime pas quand vous vous disputez...
-On ne se dispute pas, on parle un peu fort, c'est tout.
Il observe son père.
-Papa, serais-tu prêt à faire un accord signé avec moi?
George trouve cela trop pompeux mais si cela peut le rassurer.
-Je veux bien ne pas sauter une classe.
Mary semble tomber des nues.
-Je t'ai entendu et ta théorie est intéressante, j'aimerais la tester. Mais j'aimerais quelque chose en échange.
-Je t'écoute.
-La science demande certes des sacrifices mais elle doit être une source de bonheur. Je suis la classe normale pendant une nouvelle année scolaire mais si je suis trop malheureux, j'arrête et je saute des classes pour l'année d'après.
George sourit.
-C'est un deal. Je te laisse le soin de rédiger le contrat, je sais que tu aimes ça.
C'est étonnant, se dit-il, ce mélange encore enfantin mais aussi adulte et terriblement américain.
Sheldon comprend mieux Missy et Georgie quand ils disent que l'école, c'est l'Enfer. Ils font certes un raccourci : l'Enfer, c'est les autres selon Sartre. Et les autres ruinent l'expérience superbe de l'école. Ils ont son âge ou sont à peine plus grands et ils se comportent déjà comme les pires des brutes!
-Oh le loser, il a un noeud papillon!
-Hey, l'intello, tu as des copains en dehors de tes cahiers!
Le pire, c'est que la maîtresse, la gardienne des lieux, celle qui devrait préserver la sainteté de ce lieu d'études, ne fait rien. Même quand il le lui rapporte car il est dans son bon droit, elle soupire, ne fait rien. Pourquoi le corps professoral prend-il cause pour les perturbateurs?! Ne veulent-ils pas que la classe soit un lieu sécure pour ceux qui ont envie de devenir quelque chose plus tard?!
-Ta mère t'a bercé trop près du mur.
Il observe son camarade de classe, le regard dénué de cruauté.
-J'en doute, j'aurais alors des capacités cognitives amoindries et au vu de mes résultats scolaires, ce n'est pas le cas.
Il est évident que l'enfant n'a rien compris au discours de Sheldon. Cela ne m'empêche pas de frapper dans sa chaise.
Voilà le lot des personnes savantes : célébrées dans la mort, elles vivent pourtant un enfer...
-Et comment cela se passe à l'école, Shelly?
Sheldon refuse d'admettre sa défaite et surtout de faire appel à la clause d'arrêt de l'expérience aussi tôt. Marie Curie a-t-elle abandonné au premier échec?
-Je m'ennuie un peu. Avoue-t-il. Ce qu'on apprend aux autres, je le sais déjà. Mais c'est bien de réviser les acquis.
-Oui, c'est pour ça que la prof ne t'interroge plus quand tu lèves la main... Commente Missy
-C'est vrai? S'inquiète Mary
-Oui, il lève la main tout le temps, que ce soit pour corriger ou répondre, la maîtresse en a marre de l'entendre et pense qu'il empêche les autres de participer.
L'enfant fixe sa jumelle d'un regard noir.
-S'ils voulaient participer, ils n'avaient qu'à le faire, ce n'est pas de ma faute s'ils sont des faux élèves.
-Qu'est-ce que ça veut dire? S'emporte la fillette
-Il faut que je te donne la définition de faux?
-Ca suffit! Intervient George. Sheldon, tu as des élèves qui n'osent pas participer parce qu'ils ont peur de dire une mauvaise réponse et qu'on se moque d'eux. Ils sont timides. Missy, ce n'est pas bien de se moquer des élèves qui participent. Ils le font souvent parce qu'ils s'ennuient en cours et ils veulent que cela avance parce que sinon, ils ne voient pas l'intérêt d'aller en classe.
-Je ne participe pas et je ne vous pas l'intérêt d'aller en classe. Tout ce que j'apprends, Maman, Meemaw ou toi pourraient me l'apprendre.
-La loi demande que tu y ailles et je ne tiens pas à aller en prison.
-Il y a l'école à la maison.
Sheldon a un petit sourire.
-L'instruction en famille est une approche pédagogique intéressante mais également suivie de près par le ministère de l'éducation, imagine être instruite par quelqu'un qui ne sait pas que deux plus deux font quatre!
-Ca suffit! Répète leur père. Profitons plutôt du délicieux pain de viande que votre mère a mis des heures à préparer, d'accord?
Ils obéissent car il est vrai que le pain de viande est bon. Et parce qu'ils ne veulent pas être punis.
-Tu ne dors pas, Sheldon? S'étonne George
Mary est partie se coucher, épuisée par un rhume soudain.
-Je n'y arrive pas...
L'homme lui indique de s'asseoir sur le canapé et lui prépare un verre de lait chaud, tentant de respecter le ratio lait-miel de son épouse.
-Tiens. Raconte-moi ce qui t'embête.
-Comment sais-tu que je suis embêté?
-Quand tu ne dors pas, c'est que tu es embêté. Je te connais.
L'enfant le regarde droit dans les yeux.
-Est-ce que tu me détestes?
-Quoi?!
La nuque de George a craqué tant il a tourné sa tête rapidement.
-Sheldon...
-Est-ce que tu me détestes? C'est pour ça que tu voulais que j'aille dans la même classe que Missy? Pour que j'y sois malheureux?
L'adulte quitte son fauteuil favori, s'installe à côté de son cadet, l'enlace aussitôt.
-Je déteste la classe de Missy. Je m'ennuie, je n'apprends rien, les élèves sont méchants avec moi et la maîtresse ne prend pas ma défense, quand on se moque de moi, je ne le vois pas parce que je n'identifie pas les marqueurs du sarcasme, ce qui fait qu'ils se moquent encore plus...
Le coach sportif soupire: il se doutait que cela arriverait, même s'il espérait le contraire.
-Sheldon, tu es mon fils. Je t'aime de tout mon coeur. Je me couperai un bras pour toi, je tuerai pour toi.
-Alors pourquoi tu ne voulais pas que je saute des classes? Tu as honte de moi?
-Tu es ma fierté, Sheldon. Ton frère, ta soeur et toi êtes les plus beaux cadeaux de l'existence. Je suis infiniment fier de toi.
-Alors pourquoi?
Il lui sourit.
-Tu nous as entendus. Tu es un petit garçon extraordinaire dans un monde trop ordinaire pour lui. Je voulais que tu puisses avoir une enfance aussi normale que possible. Et j'avais aussi une crainte.
-Tu avais peur pour moi? Pourtant, je ne pense pas que je tournerai mal. Je suis intelligent, j'aurais des diplômes, un bon travail et un jour, je serai Prix Nobel.
-Même les gens les mieux insérés tournent mal. Et tourner mal ne veut pas dire défier la loi. Ca veut aussi dire ne pas être un bon être humain. Sheldon, tu es un petit garçon très intelligent et oui, tu auras sans doute plein de diplômes, un travail qui payera bien et tu deviendras sans doute Prix Nobel un jour. Et c'est important d'être fier de soi, d'avoir confiance en ses capacités. Mais il y a une frontière mince entre avoir confiance en soi et devenir arrogant. On la traverse souvent sans s'en rendre compte. Une vie réussie, ce n'est pas que les diplômes et l'argent, c'est aussi les amis. La vraie richesse, c'est l'amitié, la famille. J'ai voulu que tu ailles dans une classe de ton âge parce que j'avais peur qu'à avoir trop confiance en tes capacités, tu n'en deviennes prétentieux et hautain. Tu n'as pas à t'en vouloir d'être intelligent mais je ne veux pas que tu penses mal de ceux qui sont plus ordinaires que toi. Je voulais qu'en plus d'avoir l'intelligence de la tête, tu aies l'intelligence du coeur en étant modeste. Tu comprends?
-Je pense que oui... Mais je n'ai pas d'amis. On se moque de moi.
-Et si tu essayais d'aller vers les autres? Bien sûr, pas ceux qui se moquent de toi. D'ailleurs, si on se moque de toi et qu'on t'embête, tu dois me le dire. J'en référerai au directeur puisque ta prof ne veut rien faire. Mais va vers les autres. Intéresse-toi à ce qui les intéresse. On ne sait jamais, peut-être que tu as des points communs avec certains.
-Et si je n'en ai pas?
-Tu auras essayé.
Il le laisse regarder un épisode tardif du Professeur Proton. Après tout, demain, c'est samedi, il n'y a pas classe.
-Est-ce que tu voudrais de l'aide?
La fillette lève les yeux vers Sheldon, étonnée.
-Tu as l'air en difficulté. Mais je me trompe peut-être. Si oui, je suis désolé de t'avoir dérangée.
-Je ne comprends pas pourquoi 3 x 3, ça fait neuf...
-Je peux m'asseoir?
Elle acquiesce, il s'installe à ses côtés. De mémoire, l'enfant s'appelle Heather. Elle est très douée pour l'Histoire mais les maths, ce n'est pas son truc. Et la sanction de la maîtresse est impitoyable: "il n'y a rien à comprendre, c'est comme ça et c'est tout". Comment mieux frustrer un cerveau, organe conçu pour faire du sens?
-Regarde. Dit-il. Là, je trace trois bâtons. Tu en as donc bien trois.
-Oui.
-Et je ne les ai tracés qu'une fois. Là, j'en trace trois une deuxième fois.
-Tu en as six.
-Oui. Et là, j'en trace trois une troisième fois. Tu en a combien.
Elle les compte rapidement.
-Neuf?
-Oui. Quand j'ai tracé mes trois bâtons une fois, j'en ai eu trois. Quand j'ai tracé une seconde fois trois bâtons, ça m'a ajouté trois bâtons à mes trois premiers bâtons.
-Et quand tu as encore tracé trois bâtons, ça a ajouté trois bâtons au six!
-Exactement! En fait, la multiplication, c'est assez simple : c'est une manière de réduire tes additions. Au lieu de dire que trois plus trois font six et six plus trois font neuf, on dit que trois multiplié par trois, ça fait neuf, parce que trois plus trois plus trois.
-Donc... Si je ne sais plus combien fait neuf fois neuf... Je fais neuf fois dix, c'est facile, j'ajoute un zéro donc j'ai quatre-vingt-dix. Et j'enlève neuf pour avoir neuf fois neuf, ce qui me fait quatre-vingt-un?
-Oui, c'est ça, tu as compris!
-Mais c'est trop simple en fait! Merci, Sheldon! Tu es trop intelligent! Si je ne comprends pas quelque chose, je peux te le demander?
-Bien sûr.
Dans leur dos, on se moque d'eux.
-Sheldon a une petite-amie!
Heather se retourne.
-Et toi, t'es un gros nul, t'en as pas! Sheldon est très gentil et les filles, ça veut des petits-amis gentils!
Le garçon s'étonne de ressentir comme une chaleur dans son coeur: c'est cela, ce que l'on ressent, quand on est défendu par quelqu'un?
-Sheldon?
L'enfant lève les yeux vers Gwyneth, l'une de ses camarades.
-Heather m'a dit que tu l'as aidée en maths. Je ne comprends pas comment on trouve le coefficient quand on veut faire un pourcentage? On m'a juste dit que c'était ce chiffre-là, que je n'ai qu'à les apprendre par coeur...
Décidément, cette maîtresse doit avoir perdu le feu sacré!
-Assieds-toi, je vais te montrer.
Il sort une feuille.
-Imaginons que tu veux faire une réduction sur un vinyle parce que ce sont les soldes. Ton vinyle, en temps normal, coûte vingt dollars.
Il dessine le disque et inscrit le prix.
-Tu veux faire une réduction de 55%.
-C'est là que je bloque, je sais que ce sera moins de dix dollars puisque dix, c'est la moitié de vingt et 50%, c'est faire la moitié de.
-C'est déjà bien! Dis-moi, pour aller de cinquante-cinq à cent, il manque combien?
Il lui laisse le temps de calculer.
-Trente-cinq?
-Un peu plus.
-Quarante-cinq.
-Oui. Et tu veux faire une réduction. Donc, tu ajoutes un zéro avec sa virgule avant. Pour calculer ta réduction : tu calcules d'abord la différence entre cent et cinquante-cinq, ça te fait quarante-cinq dont 0,45. Tu multiplies ton prix de départ, vingt dollars, par ton coefficient : 0,45. Ca te fait 9. Ton vinyle coûtera alors neuf dollars et tu auras économisé onze dollars.
-Je vois! C'est simple en fait! Et pour l'augmentation, c'est pareil?
-Pas tout à fait, regarde...
Il a hâte d'être au repas du soir pour dire qu'il a pu de nouveau expliquer des formules de maths à des camarades.
Le téléphone sonne, Sheldon décroche aussitôt. Mary sourit, son petit bonhomme semble avoir retrouvé l'entrain qui lui faisait défaut il y a quelques semaines. Peut-être que George avait raison : il fallait peut-être laisser Shelly avoir une enfance la plus normale possible?
-Je demande à ma mère, attends un instant.
Il pose le combiné.
-Maman?
-Oui, Shelly?
-Heather voudrait m'inviter pour sa fête d'anniversaire qui a lieu dans deux semaines. Ce serait le dimanche, après les cours du Pasteur Jeff.
Le dimanche entamant les vacances.
-C'est bien sa maman qui tient le magasin d'antiquités?
-Oui.
-Tu peux y aller, d'ailleurs si sa maman a besoin d'aide pour organiser, elle n'a qu'un coup de fil à passer.
-Gwyneth est avec Heather, elle demande si tu serais d'accord pour que l'on aille ensemble voir le Disney qui vient de sortir. Heather sera là, avec Ivy et Osman.
-Osman?
-C'est un nouveau. Il vient d'arriver de Turquie, son père a été muté. C'est mon premier ami musulman, j'apprends l'islam et je lui apprends ce que je sais sur ta foi.
Meemaw a l'air amusée.
-Mais c'est que mon petit homme est populaire!
-Il y aura qui avec vous, pour le Disney?
-Gwyneth, Heather, Ivy, Osman et c'est la belle-mère d'Osman qui se propose de nous accompagner pour que l'on ait un adulte. Elle dit que Missy peut se joindre à nous si elle le souhaite.
Elle devra passer voir les nouveaux arrivants, ils ont l'air excentriques mais très gentils.
-Eh bien, c'est d'accord. Je téléphonerai à la belle-mère d'Osman avant mais je ne m'y oppose pas.
Il faudra qu'elle voit pour organiser une journée jeux de société ou autre à la maison, histoire de rendre aux amis de son fils la pareille.
-Il se passe quoi? Demande Georgie en se servant un thé glacé
-Sheldon est invité par une fille au cinéma et par une autre à son anniversaire, ce tombeur! Plaisante sa grand-mère
-Sérieux? Wow, Maman, t'as dû prier le bon dieu vachement fort!
-Georgie, ton langage. Et ton frère a lié des amitiés tout seul.
Même si oui, ses prières ont dû aider un peu.
-Tu as l'air contrariée, Missy. Dit George
Il est rare qu'il puisse passer du temps seul à seul avec elle, ce qu'il regrette. Elle est son unique fille, il aurait pu la perdre. Georgie est au cinéma avec des amis et a exceptionnellement la permission de minuit. Meemaw est partie en weekend avec son nouvel amoureux. Sheldon, fait exceptionnel, a sa première soirée pyjama chez Ivy avec toutes ses copines. Osman, le pauvre, est cloué au lit par la varicelle. Mary, quant à elle, travaille d'arrache-pied à l'église pour préparer la prochaine fête paroissiale. De ce fait, le père de famille est en charge de la maison et de sa benjamine. Il s'était approché pour lui demander si elle voulait qu'il commande des pizzas et l'aurait laissée choisir celle qui lui faisait le plus plaisir, même l'hawaïenne alors que l'ananas n'a rien à faire sur une pizza.
-Je suis jalouse et je m'en veux d'être jalouse.
L'adulte s'assoit à côté de sa fille.
-C'est déjà bien de le reconnaître, certains adultes ne le font pas. De quoi es-tu jalouse?
-De Sheldon.
Ce qui n'est pas si rare que cela. Sheldon réclame beaucoup d'attention et lui, il a le sentiment de négliger son aîné car c'est un ado qui peut se gérer un minimum et aussi de négliger la plus jeune, ce qui est criminel dans les deux cas.
-Il t'a piqué des amis?
-Non, ses amis ne sont pas le genre de personne avec qui je serais amie. Ils sont gentils, on discuterait sans problème mais il n'y a pas d'affinités.
-Alors quoi?
Elle soupire.
-Je déteste qu'il partage ma classe. A la maison, on ne parle quasiment que de lui et à l'école, avant, même si je n'aimais pas les cours, je n'entendais pas parler de lui. Là, c'est tout le temps. Et en plus, même les filles ne parlent que de lui!
-Les filles?
-Tu ne le savais pas? Elles sont presque toutes amoureuses de Sheldon!
George écarquille les yeux.
-Ah ça non, je ne le savais pas.
Un sacré tombeur, Sheldon... M'enfin, si on peut qualifier un enfant de tombeur.
-Elles me posent plein de questions sur lui : qu'est-ce qu'il aime? Sa couleur préférée? Ce qu'il lit? Elles me disent toutes qu'elles le trouvent trop classe parce qu'il est habillé classe comme Gomez Addams dans la série télé. Ou comme le mari de Samantha de Ma Sorcière Bien-Aimée. Elles le trouvent trop classe, super intelligent et le fait qu'il ne comprenne rien, ça ne les dérange pas parce que ça le rend unique. Elles aiment qu'il ne soit pas comme les autres garçons à aimer les choses sales et le sport.
-Et toi, tu aimerais qu'on te parle pour toi et non comme la soeur de Sheldon. Je te comprends, ça m'ennuierait aussi.
Il la connaît assez pour savoir qu'elle est contente pour son jumeau et le tableau dépeint est très beau : malgré sa différence mentale, car George est persuadé que Sheldon a une différence mentale que Mary nie en refusant d'aller au bout des tests, les autres enfants arrivent à accepter son fils tout entier, avec ses particularités, ses défauts. Mais il comprend aussi Missy. Vivre dans l'ombre de quelqu'un est pénible, épuisant et surtout, cela affecte la confiance en soi.
-Ca serait différent s'il n'était pas dans ta classe?
-Oui. On me parlerait moins de lui. Tu en as parlé à Sheldon?
-Oui, mais il ne comprend pas où est le problème, il me dit que lui, il serait content qu'on lui parle de moi.
Du Sheldon tout craché.
-Je suis content que tu m'en aies parlé. Ce n'est pas mal de ressentir ce que tu ressens. Dis, est-ce que tu voudrais qu'on mette en place un rituel? Le vendredi soir, après tes cours, je t'emmène quelque part et on fait quelque chose d'amusant rien que tous les deux et sans parler de Sheldon, sauf si tu veux m'en parler?
-Ouah, on irait au kiosque ou manger une glace?
-Si tu veux!
-J'adorerai ça!
-Papa, je peux te parler de notre contrat?
George pose son journal et Mary cesse de couper sa viande.
-Oui, Sheldon?
-J'aimerais ajouter un codicille.
-Un... un quoi?
-Un codicille. C'est un terme de notaire qui signifie ajouter quelque chose à un texte rédigé alors qu'il ne s'y trouvait pas avant.
-Que voudrais-tu ajouter au contrat, Sheldon?
-J'aimerais ajouter des renouvellements d'année.
Les parents échangent un regard.
-Je n'aurais pas cru ça possible mais j'aime être dans une classe "en-dessous" de mes capacités. Je m'ennuie un peu mais je peux aider mes amis et si je saute des classes, je les verrai moins, je ne grandirai pas avec eux, ce serait dommage.
Il pense notamment à la nouvelle arrivante, Amy Farrah-Fowler, qui est venue de Californie avec le divorce de ses parents. Fait rare: son père a obtenu sa garde après avoir mis en lumière le comportement toxique de sa mère.
-Si possible, je parlerai au directeur, ou Maman et toi. Moi, ça ne me dérange pas mais je crois que Missy n'aime pas m'avoir en classe et à la maison, je ne veux pas qu'elle soit malheureuse à cause de moi.
-On lui parlera, Shelly. Promet sa mère
-Et on ajoute ton codicille sans problème.
-Tu sais, tu avais raison. C'est bien d'être intelligent. Mais ça ne fait pas de moi quelqu'un de mieux ou de supérieur aux autres. Comme j'étais avant, je n'aurais pas autant d'amis aujourd'hui. J'apprends plein de choses.
Ils ignorent que Sheldon épousera Amy.
Qu'il gardera les amis qu'il s'est fait jusque dans ses vieux jours, s'ajoutant à la joyeuse bande qu'il se fera à Passadena.
Qu'il sera, en effet, Prix Nobel.
La seule chose qu'ils savent, la seule chose qui compte, c'est que Sheldon est heureux.
Et pour eux, c'est là le signe que leur mission en tant que parent est sur le bon chemin.
