Il est là, je sens sa présence. Mon flingue est dans ma main, j'ai déjà le doigt sur la gâchette. J'ai enlevé la sécurité. Je suis prêt à tirer, je suis prêt à le tuer.

On finit toujours dans cette maison, cette ruine qui sent la pourriture et que la végétation mange petit à petit. Chaque année, chaque Halloween : on est là. Sans rendez-vous, sans prévenir nos proches. On finit ici par se traquer toute la nuit.

Des années qu'il m'échappe, aucun de nous n'a réussi à tuer l'autre. Ce n'est pas faute d'essayer. Mais cette fois, mes tripes se tournent inlassablement et elles me disent que cette année, c'est la bonne. Et ce n'est pas moi qui vais y passer.

Ce soir, cet enfoiré sera mort.

Mon sweat noir est foutu, je l'ai déjà déchiré pour monter à l'étage. Je sais qu'il a récupéré le morceau de tissu. Il doit certainement le sniffer comme un chien pour me traquer à l'odeur.

Il n'est pas minuit que nous sommes déjà tous deux essoufflés. Ses pas sont de plus en plus proches, j'entends son souffle irrégulier si bien que je pourrai croire qu'il respire au creux de mon oreille.

Nous avons rarement été face à face, il faut dire qu'on est des pros. On se dissimule dans la nuit comme personne : si on nous repère, c'est qu'on la choisit. Le peu d'années où c'est arrivé, nous étions tous les deux masqués. Impossible de savoir qui je traque depuis tout ce temps.

Chaque fois, c'est la même chose, on cherche à se tuer, on n'y arrive pas, je passe une année entière à y penser, à m'entraîner toujours plus dur, et je recommence. C'est devenu ma drogue.

La première fois, je faisais de l'urbex avec des potes. Je suis militaire alors les permissions sont rares et j'explore des endroits abandonnés pendant mon temps libre. Mes potes ont fui lorsqu'ils l'ont vu. Pas moi.

Il m'a laissé la vie sauve après une nuit de jeu. Je me suis plongé dedans à corps perdu. L'année d'après, je suis revenu, je ne pensais trouver personne.

Mais il était là. Alors on a recommencé. Chaque année. Le même frisson d'appréhension, le même feu qui court dans mes veines. Ce mec me procure un plaisir fou.

Je sais qu'il est armé, et je le suis aussi depuis la deuxième année. Je ne devrais pas faire ça, c'est illégal. Mais je suis piqué, ce genre de choses… C'est ce qui me branche. C'est pour la peur et l'adrénaline que je me lève chaque matin.

La nuit d'Halloween est la sucette que je suce farouchement, mais sans jamais me laisser arriver à la fin : je veux qu'elle ne s'arrête jamais de laisser ce goût délicieusement amer dans ma bouche.

Mon jogging noir est trop serré et me gêne pour courir, c'est une erreur stratégique que je ne ferai plus. Après tout, je suis à deux doigts de commettre un homicide, alors ce n'est pas si grave si je ne peux pas courir correctement. Le plus important, c'est de savoir s'effacer au point que l'autre doute de votre existence.

Ses pas s'arrêtent. Il m'a repéré ?

Sa respiration redevient silencieuse et je sais qu'on ne joue plus. Tout devient plus sérieux. Le tressautement de ma cuisse me confirme qu'il sait que je suis là. Mon instinct ne me trompe que rarement.

Je pensais logiquement qu'il allait avancer jusqu'à atteindre ma hauteur, mais je l'entends faire demi-tour.

Dommage : j'étais prêt à le recevoir. Mais il est trop intelligent pour se laisser tuer comme ça, alors que la nuit ne fait que commencer.

Il a dû trouver ça trop simple, le jeu n'a pas encore assez duré. Je suis plutôt d'accord avec lui. Savoir que son ombre cherche la mienne pourrait presque me faire bander.

Je ne reste pas statique plus longtemps et pénètre dans le couloir à sa suite. Je reste le plus possible à couvert tout de même et finit par m'engouffrer dans une grande pièce de vie dans laquelle trône encore un canapé défoncé derrière lequel je m'accroupis.

Je suis seul, même les fantômes ne me suivent pas jusque dans cette pièce. Le parquet y est parsemé de trous et quasiment impraticable. Peu m'importe. Je ne reste en vie que pour le tuer, ou pour qu'il me tue.

Je remets mes cheveux bruns dans ma cagoule pour ne pas qu'ils me couvrent les yeux et écoute attentivement les bruits de la maison. Je veux le localiser.

Et s'il était dans un coin de la pièce à m'observer ?

Je caresse la pièce du regard, je ne serai même pas fâché de me retrouver face à lui. Ce n'est pas arrivé depuis au moins deux ans.

Personne.

Je me décide à aller en bas, et reprends le même couloir pour retrouver l'unique trou qui permet encore de passer d'un étage à l'autre. Il va m'entendre sauter : je le sais. Je sais qu'il est toujours à l'étage.

Putain, faites qu'il me suive jusqu'en bas. Je veux le sentir derrière moi, sentir qu'il joue lui aussi.

Je retombe sur mes pieds et m'enfonce dans le hall de la maison jusqu'à l'ancienne cuisine dont je connais les cachettes par cœur. À peine une minute plus tard, je l'entends sauter à son tour et mon cœur prend le rythme de ses pas.

Soudain, il se met à siffler. Il l'a déjà fait plusieurs fois, lorsqu'il veut que je sache ce qu'il fait. Dans ces moments-là, j'ai une conscience aiguë de cet homme fort, malin, sadique et complètement dérangé avec qui je m'amuse à jouer au chat et à la souris.

Le mieux dans ce jeu, c'est que les rôles changent régulièrement. Je ne suis pas fâchée d'être la petite souris : je ne vais pas le rester très longtemps.

Il sifflote une mélodie populaire, le genre qui te rentre dans la tête et que tout le monde connaît par cœur. Souriant dans le renfoncement qui me dissimule, je me permets de marmonner les paroles. On forme un joli petit duo.

J'enlève à nouveau la sécurité de mon arme et la colle contre mon torse, prêt à dégainer dès que ses pieds frôleront le sol de la cuisine.

- Je t'entends chanter avec moi, petit lion.

Mon sourire se fige alors que j'entends sa voix pour la première fois. Elle est si rauque, si enrouée : on dirait qu'il ne l'utilise jamais.

Je réalise alors qu'il est relativement proche de moi et finalement, mon sourire s'agrandit. Viens, rejoins-moi.

Je le savais, je le savais lorsque je suis arrivé vers vingt-deux heures : cette année est différente. Pour notre septième année de traque, ce sera la dernière, l'apothéose.

Ses pas se font brouillons, il cherche à me perdre, il est fourbe. Si je suis un lion, alors il est un serpent. Je fonce dans le tas, lorsque je chasse, je ne me cache pas de ma proie. Lui veut me perdre, me rendre fou, m'amener à me livrer et à supplier.

Je ne sais pas pourquoi ce malade m'a choisi pour jouer, mais je suis ravi d'être l'élu. Je dois être fou, moi aussi.

J'enlève ma capuche de ma tête, elle cache une partie de ma vision en biais. Je m'attends à le voir apparaître d'un moment à l'autre. Si ça se trouve, nous aurons un nouveau face à face dans quelques secondes. Alors, il n'y aura plus de chat et de souris. Il n'y aura plus que le lion face au serpent.

Putain, dépêche-toi un peu. J'attends. Je t'attends.

Le cadran de la porte d'entrée de la pièce vient de se fracasser sur le sol. Je ne sursaute pas, je sais qu'il l'a fait exprès. Il reproduit le mode de chasse du lion : il fait savoir qu'il est là. Comme si je ne sentais pas sa présence dans la moindre de mes terminaisons nerveuses.

Je pourrai me dévoiler tout de suite, après tout, je ne lui apprendrai rien. Mais ma fierté m'en empêche. Ça, et le fait qu'il a beau savoir que je suis dans la pièce, il ne sait sûrement pas quel renfoncement j'ai choisi pour me cacher.

Je dirige mon flingue vers la porte : c'est un risque. S'il a une bonne vue, il verra le bout de mon arme dépasser. Mon sang bat dans mes tempes, ça altère ce que j'entends : tout semble déformé. J'ai tellement envie de tirer que le bout de mes doigts démange.

- Je sais que tu es là.

Je sais que tu le sais. C'est ce que je voudrais répondre, mais je m'abstiens : il ne faudrait pas lui offrir ma position sur un plateau d'argent.

L'euphorie me provoque presque un malaise tant elle est présente dans tout mon être, tant elle me contrôle. Je pourrai éclater de rire, j'en meurs d'envie. Ce moment n'est pas le mien, c'est enfin le nôtre.

Cet enfoiré m'excite depuis sept ans, il me fait triper chaque jour rien qu'à l'idée de lui ôter la vie. Il me fait tellement plaisir chaque année que je voudrais mélanger ses cris de douleur et ses cris de plaisir.

Le serpent avance dans la pièce, sans prendre la peine de se rendre silencieux : il cherche. Il me cherche. Cette fois, c'est sûr que je vais bander.

Finalement, il arrive jusqu'au coin droit de la pièce et je peux enfin l'apercevoir. Il est habillé tout en noir, comme moi. Sauf sa cagoule, elle semble verte. Sa carrure n'a pas tant changé en deux ans, mais il a l'air plus stock. J'espère que lui aussi passe son année à s'entraîner en pensant à notre prochaine rencontre.

Le fou… Son arme est rangée sur sa hanche, ses mains sont vides. Me pense-t-il si faible ? Il me suffirait de deux secondes pour l'achever, là, maintenant.

Putain.

Il le sait. Il sait que je ne le ferai pas. Que je ne veux pas d'une mort prise par derrière, comme un lâche. Ce salaud sait qu'il mérite mieux, qu'il doit avoir une mort à sa hauteur.

- Sors de là petit lion, qu'on s'amuse. Je pense que tu as assez regardé.

Va savoir pourquoi j'obéis. Le jeu semble avoir changé. Après tout, on ne se cherche plus : on s'est trouvé.

- Enfin face à face. je murmure

Je peux voir qu'il sourit à travers le tissu lorsqu'il se retourne pour me faire face. Désireux de l'imiter, je range mon arme à feu et lui rend son sourire. Un sourire amusé et un peu trop chaleureux pour deux hommes qui essaient de se tuer depuis sept ans.

Il prend le temps de m'observer, comme je l'ai fait plus tôt pour lui. Joueur, je fais même un rapide tour sur moi-même pour lui donner une idée complète de mon corps.

- Tu vas être exquis à tuer. Tu as déjà été délicieux à traquer toutes ces années. Il dit

- Ne pars pas gagnant, ta confiance pourrait te jouer des tours : des tours qui sont dans mon sac.

- Je n'attends que ça, que tu me montres ce que tu as dans les couilles.

Bordel de merde. Cet homme est meilleur que toutes les drogues que j'ai pu essayer. Planer est un mot trop faible pour décrire l'effet qu'il produit. S'en est presque dommage que le jeu finisse aujourd'hui : celui qui va survivre ce soir aura perdu le meilleur des compagnons de jeu.

Nous n'avons jamais autant parlé, j'en avais oublié le son de sa voix avant ce soir. Nous ne sommes jamais restés aussi longtemps face à face sans tenter quelque chose.

Je veux qu'il bouge, qu'il agisse. Alors, sans toucher à mon flingue, je prends un des poignards attaché à ma cuisse et le fait tourner entre mes doigts. Il comprend le message et je pourrai presque voir ses yeux devenir ceux d'un serpent tellement la tension est forte dans cette maudite cuisine.

Comme moi, il choisit une de ses armes blanches et fond sur moi, comme pour m'entourer, comme pour m'étouffer sous sa supériorité. Sans me laisser attraper, je fonds sur le côté et tends ma jambe pour le déséquilibrer. Évidemment, il ne tombe pas ; mais j'ai une seconde d'avance sur lui alors je me déplace pour être derrière lui et tente un premier coup de poignard qui, grâce à son inattention, effleure sa cagoule.

Il saute pour s'éloigner et me fait face avec une rapidité remarquable. Si cet homme n'a pas suivi de formation militaire, alors il est un pro des arts martiaux.

Toujours souriant, quoique de façon plus sournoise, il se laisse glisser jusqu'à moi et au dernier moment se laisse tomber au sol. J'avais préparé ma défense pour le haut de mon corps, mais ce n'est pas ce qu'il a choisi. Alors son couteau atteint sa cible et je souffle de douleur lorsque la pointe entre légèrement dans la peau de mon pénis. Il y est allé fort l'enfoiré.

J'imagine que mon jogging aussi est foutu maintenant.

Sans attendre, je frappe vers le bas et bingo : sa cagoule ne tient plus qu'à un fil. Ma lame parfaitement aiguisée a fendu comme du beurre le tissu du haut de son crâne jusqu'au bas de sa nuque.

J'ai toujours voulu voir son visage. J'espère qu'il est aussi bandant que son attitude l'est.

Il me frappe aux genoux avec son bras pour me déstabiliser et se relever, ce que j'aurai pu prévoir si je n'avais pas été déconcentré à ce point. Sa cagoule laisse déjà apparaître des cheveux blonds coupés courts.

Nous sommes à nouveau à un bon mètre l'un de l'autre, tous deux penchés vers l'avant, nos mains en position d'attaque, quand le miracle se produit. Il ne montre aucune émotion lorsqu'enfin, sa cagoule tombe par terre.

Putain.

Son blond va si parfaitement avec ses yeux. Mais aussi avec ses lèvres étrangement rouges et sa peau extrêmement pâle. Il est si beau. Définitivement, c'est du gâchis de tuer un tel homme. Le seul réconfort sera de se dire que la vie que je verrai partir de ses beaux yeux gris sera mon œuvre.

- J'ai l'air de te plaire. Et si tu nous mettais à égalité ?

On la joue comme ça maintenant ? Très bien. Jouons cette finale à 100%.

Je glisse ma lame dans l'espace entre ma peau et mon jogging et saisit mon masque pour le faire passer au-dessus de ma tête et le jeter par terre. Je sais ce qui va le frapper, ça ne va pas être mes cheveux emmêlés ni mes yeux verts, non. Ce qu'il va voir en premier, ça va être la cicatrice qui va de mon front à mon menton en passant par mon œil droit. Les risques du métier.

- Un homme qui a du vécu. Tu n'as rien à m'envier de ce que je vois. Si seulement tes yeux ne transpiraient pas à ce point l'innocence.

Je réponds par un sourire en coin, et je récupère ma lame pour l'attaquer.

Nous avons joué sans jamais s'y mettre vraiment une bonne heure, je pense. Nous avons tellement d'occasions de nous tuer : que ce soit lui ou moi, aucun n'a tenté. Nous faisons vraiment durer le moment.

Alors qu'il est derrière moi et que je me prépare à parer sa lame avec mon coude, je sens mon corps partir en arrière. Son bras gauche enserre mon cou et sa main droite plaque son arme à feu contre ma tempe. Très bien, on est passé à la vitesse supérieure.

- À genoux, petit lion.

À genoux ? Très bien, je veux bien voir ce qu'il me réserve.

Je m'empresse de faire ce qu'il m'a ordonné et laisse au passage glisser ma main jusqu'à la sécurité de mon flingue que j'enlève le plus discrètement possible.

Je le sens se mettre à genoux derrière moi et son dos se colle au mien. Une idée me vient en tête, mais je la chasse. Enfin… Pendant quelques secondes avant de céder. Lâchant un rire, toujours menacé de son arme, je me permets de me pencher en avant ; faisant reculer mon cul contre son bassin.

Au vu de sa réaction : je pense qu'il ne s'y attendait pas.

- Ne provoque pas des choses que tu ne voudrais pas.

- Qui a dit que je ne voulais pas ?

Je n'y avais jamais vraiment pensé, mais baiser avec lui ne me dérangerait pas. Maintenant, que je connais son visage, encore moins. Techniquement, ce soir sera la seule et unique fois. Ce serait une fin sacrément ironique à notre petit jeu. J'adore quand ça n'a aucun sens. J'adore quand c'est sombre et extrême. En réalité, qu'on couche ensemble est vraiment une bonne idée.

- Tu es sûr de toi ?

Je rêve où il vient de réclamer mon consentement ?

- Bien sûr. On sait qu'on est dérangé tous les deux, alors autant y aller à fond. T'es un enfoiré sacrément bandant.

Il me répond par un rire et retire son flingue de ma tempe. Même pas une seconde après, j'étais allongé sur le ventre contre le sol poussiéreux et délabré avec un couteau contre ma nuque.

Le message est reçu cinq sur cinq : le combat continu.

J'arrive à lui donner un coup de pied maladroit qui suffit à le faire alléger sa prise sur ma nuque et je roule sur moi-même pour m'échapper. M'échapper oui, mais sans le fuir. Alors face à son attaque à la lame, j'attrape un couteau suisse dans ma poche et je l'embrasse. Je prends ses lèvres en appuyant mon couteau si fort près de sa pomme d'Adam que je perce la peau et qu'un filet de sang s' échappe. Je le sens sur mes doigts.

Il ne cherche pas à se défaire, au contraire, il me rend si fort mon baiser qu'il s'empale lui-même sur ma lame. J'ai bien fait d'en prendre une petite, je ne veux pas le tuer tout de suite.

À bout de souffle, je m'éloigne et retire mon couteau dont la lame tachée de rouge fait tressauter ma bite : ce sang, c'est moi qui l'ai fait couler.

Sans un regard, il se lève et commence à se déshabiller sous mes yeux. Je ne perds rien du spectacle, ni de son corps parfaitement sculpté qui se révèle petit à petit, ni de toutes les armes qui tombent au sol en même temps que ses vêtements.

- Je n'avais pas prévu de baiser ce soir.

- C'est ce qui va rendre l'événement meilleur. Je réponds

Il garde évidemment ses chaussures, et je me dis que j'aurai bien gardé mon pull aussi. Mais par envie de sentir sa peau contre la mienne, je me décide à l'imiter. Je sais qu'il a des armes dans ses chaussures et je ne suis pas assez débile pour tout enlever, alors je secoue mes jambes, comme si je voulais me débarrasser de la poussière. En vérité, je viens de faire tomber trois couteaux contre mes chevilles. Mon visage ne trahit aucune douleur et je ne pense pas qu'il se méfie lorsque je me baisse pour décrocher les boutons de mon jogging, faisant ainsi entrer mes lames dans mes chaussures.

Nous n'avons aucun souci avec la nudité, ce serait vraiment étrange qu'il y en ait. On ne va pas non plus se consoler dans une baise sensuelle et amoureuse.

Je vois qu'il observe mon anatomie alors j'en profite pour me rapprocher de lui. J'y pense depuis cinq bonnes minutes et je sens que c'est le moment. J'attrape son membre et le prends dans la bouche. Je le fais tant et si bien qu'il ne prend pas la peine de me menacer pendant que je le suce.

Lui non, moi, si. Je viens de blesser sa jambe gauche sur toute la longueur, de sa cheville et son genou sans qu'il esquisse un geste pour esquiver. Je sais qu'il ressent de la douleur. Elle doit se mélanger si bien avec le plaisir… Il est magnifique. J'ai pris le soin qu'elle ressemble à celle de la nuque.

Cet homme aurait pu rester mon obsession toute ma vie, quel dommage que tout se finisse ce soir.

Je le sens se crisper sous mes doigts, et quelques secondes plus tard, je me prends un coup de genoux qui me fait tomber en arrière, une méchante douleur au pectoral droit : là où il a tapé.

Je me lèche les lèvres, rien que parce qu'il me regarde faire. J'ignore la sensation désagréable des débris sous mon corps, rien que parce qu'il se penche doucement sur moi. Je frappe alors et lui ouvre le torse dans la largeur. Deux coupures verticales et une horizontale.

Il reprend ma bouche, j'écarte les jambes, l'entoure. Je sens vaguement qu'une forme est dessinée sur mon flanc pendant ce temps. Sa main lâche son arme et prend place contre mon anus.

Il me prépare pendant que je m'acharne à rendre ses lèvres encore plus rouges qu'elles ne l'étaient déjà. Je le mords, tire dessus, lèche les plaies que j'ouvre au fur et à mesure.

Putain.

Très vite, tout s'enchaîne. Il me pénètre et au lieu de chercher à me défiler sous la douleur, je cherche à ce qu'il aille jusqu'au bout. Qu'il me fasse mal, c'est tout ce que je veux. On est complètement taré, il serait un partenaire tellement parfait. Tellement parfait que je refuse qu'il voit à nouveau le soleil se lever.

- Je m'appelle Draco.

- Pourquoi tu me le dis ?

- Pour que tu saches quoi crier dans quelques minutes.

J'enfonce violemment ma chaussure contre son dos, en réponse et il me sourit. Je lui rends et lui donne un coup de poing dans la mâchoire. Son sourire m'agace. Il ne se laisse pas démonter et accélère même ses coups de reins que j'accompagne joyeusement. Il baise bien, encore une qualité.

- Si jamais, je m'appelle Harry.

- Pourquoi tu me le dis ?

- Pour que tu saches quelle sera ta dernière parole avant de crever.

Il se fige à la fin de ma phrase et éjacule, poussant un long râle en même temps. Cette vision accentue encore mon érection, si c'est possible, et je prends le temps d'admirer sa beauté. Cette fois-ci sans l'imaginer mort. Je profite de la beauté de sa vie.

Voyant que je n'ai pas terminé, il se retire et prend à son tour mon sexe en bouche. Je pensais qu'il allait me finir comme ça, avec sa langue. Mais non.

Je sens vite quelque chose me pénétrer et je comprends au bout de quelques va-et-vient qu'il s'agit de son flingue. Bordel de merde. Il me baise avec son putain de flingue.

- Je manque de matériel ici.

J'entends à peine sa remarque tellement ma vision est floue et mon esprit cotonneux. Pourquoi il m'excite à ce point ?

Je jouis même pas une minute plus tard d'une éjaculation renversante aux sensations extrêmes. Ce bâtard. J'ai pris la peine de soupirer son prénom plusieurs, pour le plaisir de voir sa bite tressauter à chaque répétition.

Pendant quelques minutes, il ne passe rien. On reste l'un contre l'autre, on échange même quelques baisers. Puis enfin, je lui pose la fameuse question.

- Pourquoi tu étais là le premier soir ?

- Je voulais trouver de quoi m'amuser. Je traînais dans tous les lieux abandonnés depuis un moment. Ici, je t'ai trouvé toi.

- Pourquoi être revenu l'année d'après ?

- Mon instinct me disait que tu y avais pris goût.

- Que j'avais pris goût à quoi ?

- À ce que je réveille chez toi.

On se sépare, on enfile chacun nos joggings, rien de plus. On ne se lâche pas du regard et je pense qu'on est sur la même longueur d'onde. La fin, elle est tellement proche que mon sang me brûle rien qu'en traversant mes veines.

Je suis comme anesthésié et ça me frustre, je veux sentir chacune des marques qu'il a laissé sur moi, chacune des douleurs qu'on s'est offertes.

En récupérant mon pantalon, je récupère mon arme à feu, dont la sécurité ne s'est pas remise. Je l'ai bien bidouillée.

Lui, il récupère ses lames. Nos yeux se remercient, ils crient leur reconnaissance pour ces sept années de plaisir et cette apothéose en ce 31 octobre. On s'est attaché l'un à l'autre, d'une certaine manière. C'est sûrement ce qui va motiver notre dernier combat.

À peine prêts, l'impatience nous pousse l'un vers l'autre et sans chercher à esquiver sa lame, je lui tranche grossièrement la poitrine. Son couteau est enfoncé jusqu'à la garde en dessous de mes côtes et je le retire nonchalamment pendant qu'il se tient le cœur.

Je le plaque au mur, une partie de la pièce s'écroule derrière nous face à la violence du choc. Ce n'est pas grave, personne ne compte partir d'ici.

Je prends mon arme à feu et la place contre sa tempe, comme il l'a fait avec moi. Mais de face, ses yeux plongés dans les miens.

C'est tellement délicieux que ma tête tourne ; je suis heureux d'avoir mêlé la luxure de la traque à celle du sexe.

On sourit au même moment quand sa dague glisse de ma clavicule à l'endroit entre mes deux côtes sous lesquelles mon cœur est le plus accessible. Il fait même exprès d'effleurer mon téton au passage, et je le taquine en me pressant un peu plus contre son armement.

Il sait que je laisserai faire le mouvement fatal, loin de moi l'idée de lui enlever cette satisfaction. Au milieu de ce chaos et de la poussière volante, on s'embrasse une dernière fois. Je soupire de bien-être face au goût ensanglanté de sa bouche qui est mélangé à celui de la poussière.

Au moment où je sens que sa lame est assez enfoncée pour me pousser vers l'abîme de l'inconscience et de la mort, je tire. La balle entre dans son crâne, sa main tourne sa lame dans mon corps pour maximiser les dégâts. On s'écroule par terre tous les deux, pas encore tout à fait morts. On est des coriaces.

- Harry.

Il tombe définitivement et je me bats pour rester vivant le temps de voir ses yeux se vider de toute émotion. Je souris juste après, car mon prénom est vraiment la dernière chose qu'il aura dite. Je pars en paix.

Plusieurs mois plus tard, lorsque les corps furent découverts, les policiers purent voir un D et un M gravés sur le torse du cadavre brun. Le blond n'était pas en reste, si on assemblait chacune de ses coupures, on pouvait voir un H.