Chapitre 5 : Le Manoir Grimwood
Note : attention dans ce chapitre, il y a beaucoup de descriptions, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. Et merci à ceux qui continuent à lire, à apprécier et à commenter chacune de mes histoires. Bonne lecture.
Résumé : le soir venu, Mlle Parker se rend au manoir hanté, là-bas sur place, elle a une drôle de sensation. À l'intérieur, elle ressent des phénomènes étranges. Elle a des visions, elle entend des voix, des bruits, des pas, elle sent des choses. Elle est terrifiée et plus encore lorsqu'elle aperçoit une personne de son entourage supposé être morte. C'est alors qu'en plus d'être terrorisée, elle doute de sa santé mentale. Deviendrait-elle folle ?
Au Manoir Grimwood (adresse connue seulement de Mlle Parker)
Juchée sur ses escarpins foncés, Mlle Parker se tenait là debout devant la grille fermée du Manoir, vêtue d'une combinaison noire et raffiné qui enveloppait sa silhouette tout en soulignant majestueusement ses courbes si parfaites. Les plis larges du tissu bougeaient près d'elle. Un voile transparent et de même couleur recouvrait ses épaules et venait descendre le long de son cou, là où elle portait la fameuse amulette. Elle s'était maquillée assez naturellement, un trait de liner pour accentuer son regard perçant, du rose sur les joues pour un effet bonne mine et une touche de rouge à lèvres pour les rendre plus désirables qu'elles ne les étaient déjà. La jeune femme ne s'était pas déguisée comme demandé sur le papier, cette invitation aussi bizarre que cet endroit. De plus, ce n'était pas son genre les nuits costumées ! Son apparence, son expression, ainsi que son comportement, dépourvus de joie, suffisent à eux seuls à la métamorphoser. Et la voilà que ce soir-là, elle se retrouva en solitaire à arpenter ces lieux maudits. L'extérieur, un jardin immense, était un spectacle du genre pétrifiant qui défiait les limites du possible. C'était au-delà de ce qu'elle avait pu imaginer. La grille, autrefois imposante et invitante, grinçait sinistrement lorsque Mlle Parker l'ouvrait, émettant des sons provenant des abysses de l'enfer. Elle eut un petit frisson qui lui parcourut les bras quand la ferronnerie rouillée se referma derrière elle, scellant ainsi son destin à cette demeure d'une froideur à la paralyser sur place. Elle prit l'allée sinueuse bordée de feuilles d'automne, de fleurs défraîchies et de lanternes style crânes. Ces derniers étaient d'un vert fluorescent. Et sans crier gare, la demoiselle tomba nez à nez avec des épouvantails en bois ou peut-être en osier. Des choses ridicules, voire effrayantes qui ne servaient qu'à faire fuir les moineaux. Quand soudain, Mlle Parker poussa un hurlement. « Ah, non, mais ce n'est pas vrai, dans quoi me suis-je fourré encore ? ! » Elle recula devant des vignes démoniaques qui s'enroulaient sur les murs. Leurs feuilles noires et tranchantes comme des lames de rasoir et les épines aussi pointues que saisissantes, se défendaient contre tout intrus osant s'y en approcher. Des plantes macabres étaient devenues les gardiennes de l'horreur ! Des gargouilles monstrueuses, des créatures grotesques, malfaisantes figées dans la pierre et disposées sur toute la longueur de la façade du manoir. Leurs yeux suivaient ses moindres mouvements, ou du moins c'était ce qu'elle croyait. Leurs bouches béantes étaient prêtes à cracher leurs flammes. La jolie brune, l'air peu rassurée, continua à avancer. Tout à coup, elle se tourna lorsqu'un drap blanc vint se poser sur sa tête. « Non, mais quel idiot a fait ça ? Si je vous attrape, je… » Il y en avait partout, accroché aux branches des arbres, flottant dans le vent, créant l'illusion de fantômes. Tandis qu'une étincelle jaune diffuse de la lune projetait des ombres de toute sorte sur la demeure, elle marchait sans se presser en direction de l'entrée. Sous son talon, elle sentit un objet plutôt caoutchouteux, elle releva son pied, ses yeux s'élargissaient, la respiration coupée, elle crut mourir. Elle soupira. Ce n'était qu'un vulgaire jouet en plastique échappé de son territoire. Une grande fosse de sable avait été creusée et remplie de faux serpents, même que certains d'entre eux se tortillaient dans un étrange ballet. Quelqu'un s'était donné beaucoup de mal pour la terroriser. Lyle ? Broots ? Sydney ??? Des enceintes dissimulées dans tous les coins répandaient des cris d'insectes stridents et de chauve-souris en haut vol. Mlle Parker bondit de terreur. Et son scepticisme initial céda alors à son angoisse naissante la plus totale serrant sa poitrine trop fort. L'obscurité, en cette nuit de fête des morts, s'étendait tel le vortex aspirant sa raison et son courage. La chair de poule se forma sur sa peau, ses paumes étaient moites et elle commença à transpirer « Oh, non, c'est quoi ça encore ? ! » L'ambiance glauque était désormais cauchemardesque.
Mlle Parker s'approcha lentement de la porte entrouverte, les traits de son visage tendu par une certaine appréhension de ce qu'elle allait y déterrer de l'autre côté. Ses doigts indécis filèrent sur le bois usé. Blème et tremblante, elle faillit. Le crissement de la porte, lorsqu'elle la poussa doucement, résonna dans le silence nocturne. Ses prunelles scrutaient, un instant, la lumière des chandelles qui éclairaient le hall. Le front plissé, son estomac noué, Mlle Parker pénétra à l'intérieur, ses grands yeux d'un bleu azur papillonnèrent dans les alentours. Tout était vide. « Bonjour, je suis Mlle... Eh, oh, il y a quelqu'un ? » Elle appela, mais il n'y eut pas de réponse, il n'y avait rien. Il n'y avait rien, à part son écho. Le vestibule paraissait si long et interminable au vu de ses dimensions étirées et étroites qui l'étouffaient, et ce, malgré elle, avant qu'une bouffée d'anxiété la submergea. Oppressée, elle se sentait prise au piège, subitement, seule et isolée dans cet endroit détestable. Dans la pièce principale, la jeune femme eut la surprise d'y voir des objets plus ou moins habituel que l'on trouvait dans son foyer tels que des arachnides qui dominaient les coins du plafond, des portraits accrochés sur les murs qui semblaient prendre vie où les visages se déformaient en changeant d'expressions et passant du rire à la souffrance. Des squelettes articulés et peu intimidants se balançaient de droite à gauche ou encore d'avant en arrière et le claquement de leurs mouvements saccadés l'agaçaient au plus point tant elle avait fini par en arracher leurs membres. Puis elle s'arrêta devant une grande cage plantée, là au centre de la pièce. Celle-ci contenait un mannequin dont elle actionna machinalement le bouton de la télécommande pour en déclencher le mécanisme. Ce dernier lui hurla dans ses oreilles. Elle éteignit de suite la chose. C'en était assez !
Alors qu'elle s'apprêtait à gravir les marches les menant à l'étage, brusquement Mlle Parker fut stoppée net, ne bougeant plus. Ses doigts, crispés sur la rampe, la lâchèrent en un geste précipité, frappée par un choc d'une intensité inouïe. Immobile apeurée et en transe, elle était tétanisé, elle se vidait de toutes ses couleurs. Ses yeux s'agrandissaient, absorbant la gravité de l'horreur qui se déployait devant elle. Et là, au milieu du salon gisait une vision terrifiante, cinglante, un tableau d'effroi digne des cauchemars les plus sombres. Elle vivait le pire film d'Halloween. C'était une véritable abomination. Une jeune femme suspendue par une corde pendait légèrement inclinée, la tête penchée et tournée sur le côté, les yeux totalement révulsés. Sa langue cachée derrière des lèvres jadis rosées, sortait hors de sa bouche, tuméfiée. Le bout pourpre, enflé, telle une fleur flétrie dépassant d'un vase brisé. Ses si beaux cheveux d'un noir corbeau étaient en lambeaux, enchevêtrés. Ses mèches, elles, entremêlées les unes aux autres, maculées d'un rouge vif. Ses vêtements plutôt luxueux étaient déchirés sauvagement souillés par de la terre. Mlle Parker fut saisie par une réaction physique et émotionnelle si extrême qu'elle ressentit un frémissement remonter le long de son échine, elle se raidit. Cette vision, extraite d'un sordide passé, évoquait une scène atroce d'un crime ancien, peut-être, perpétré, il y avait environ un siècle de cela. Cette femme avait été la victime d'un meurtre horrible, son histoire tragique et bouleversante paraissait-il hanter les générations à venir. Pour ceux qui y croyaient. Enfin, le corps de la défunte avait alors succombé aux ravages du temps et de la putréfaction, signe que la mort s'était abattue sur la malheureuse, il y avait bien longtemps. Sa peau parcheminée, blanchâtre, voire même décomposée à différents endroits. Les os de son visage saillants sous la chair desséchée lui conféraient une expression cadavérique. Des ecchymoses violacées marbrant son petit cou meurtri laissaient présager à une strangulation brutale comme cause de décès. Les traces, les empreintes de doigts, les coupures, de même que les entailles qui avaient disséminé d'antan le cadavre étaient le témoignage de la violence inhumaine qui lui avait ainsi volé son dernier souffle. Le sol, lui, ressemblait à une toile où le sang coulait de ses multiples blessures, une marée écarlate s'était épanchée en une tâche sur le parquet. Il était difficile de dire si Mlle Parker avait assisté à une de ces prémonitions ou si les fantômes de ce manoir habitaient réellement ces murs avec des souvenirs, transformant le lieu-dit en un mémorial lugubre pour les âmes oubliées.
Après s'être remis de ses émotions, Mlle Parker entreprit de monter les escaliers en bois rongé par les années, chaque marche, vibrait comme le soupir d'un esprit errant. Le plancher craquait sous son poids. Une fois en haut, elle s'engagea dans l'obscurité sépulcrale d'un corridor peu illuminé, où les murs tapissés d'un papier peint, auparavant neuf, étaient dorénavant vieux et fanés. Poussant la porte d'une très grande chambre, sûrement celle de la défunte, une brise réfrigérante s'insurgea en elle, s'infiltrant dans ses os, dans ses veines lui provoquant une série de picotements nerveux allant de la tête au pied. Des faibles voix autour d'elle, des chuchotements fugaces, à la limite de l'audible émanaient de la surface de la pièce. Des crépitements, comme un léger grésillement entendu à la radio, rendait le son dissonant et inquiétant. Et à mesure que Mlle Parker s'y aventura, les palpitations dans sa poitrine augmentaient, ses oreilles sifflaient. Des murmures incohérents se rapprochaient, se mélangeant aux cliquetis de pas invisibles sur le parquet craquelé. La jeune femme avait l'impression d'être observée, épiée. Les yeux clos, elle essaya de rassembler ses esprits. Quand elle les ouvrit, elle aperçut un reflet à travers la vitre de la fenêtre. « Qui est là ? » À qui appartenait-il ? « Qui êtes-vous ? » Les lumières, elles, vacillaient, s'éteignant puis se rallumant automatiquement. Sa respiration se faisait courte. Ses jambes flageolaient. Personne ne se manifestait. « Il y a quelqu'un ? Lyle, espèce de cannibale, c'est toi ? » Ses pensées devinrent confuses. Elle ne parvenait plus à réfléchir. Chaque fibre de son être la suppliait de fuir aussi loin que possible, mais une curiosité malsaine l'empêchait de s'abandonner à lafrayeur. Mlle Parker était, à la fois, attirée par la fascination de l'inconnu et troublée par les mystères de ce manoir délabré, où enfin le surnaturel se mêler avec le réel.
Tandis que Mlle Parker courait dans le couloir pour intercepter l'intrus, elle s'embarqua en hâte dans l'escalier. La tension monta en elle. La pénombre engloutissait davantage la jolie brune, brouillant ainsi tous ses sens, regardant derrière son épaule. Son cœur battait à tout rompre, la propulsant avec frénésie, exacerbant chacune de ses perceptions. Une forme furtive, entrevue à la lueur pâle, s'évanouissait au loin. Accélérant sa poursuite, elle s'agrippa à la rampe encore instable, lorsque son pied dérapa. Dans une cascade incontrôlée, elle perdit l'équilibre, son corps dégringolant, dévalant les marches. « AHHHHH ! NON ! »
Étendue sur le sol, Mlle Parker reprenait peu à peu son souffle, une douleur lancinante pulsa dans sa tête. Complètement paniquée, elle essayait de dévisager dans la nuit noire, la personne qui se tenait droit, debout, là devant elle, brandissant un couteau à la lame bien affûté. Elle n'arrivait pas à distinguer clairement son visage... Et là à la lumière de l'une des bougies... Elle le reconnu. C'était lui ! Oui, c'était lui, mais il avait changé. Son air était si malveillant, le regard si cruel, le sourire si sadique. « Non… Ce n'est pas toi. Tu es mort… Tu es mort… Tu es mort… ! » Répéta-t-elle, se convaincant que ce n'était que l'objet de son désir. Une larme coula sur sa joue. Sa respiration saccadée était rythmée par des élancements aigus, ses battements cardiaques s'affolaient laissant place à une transpiration froide perlant sur son front, sur sa nuque et sa colonne vertébrale. Toujours aussi menaçant, il s'avança vers elle, souriant, presque machiavélique. Le doute s'installa en elle : était-ce réel ou le fruit de son imagination délirante, un peu trop débordante, alimentée par la seule crainte de ce qu'il était devenu ou par la simple envie de le revoir encore une dernière fois ? « Je vais me réveiller… ! Je vais me réveiller et toi… Toi, tu seras parti ! Tu seras parti ! » Une peur primale l'envahissait, une sensation de perte de contact avec la réalité. Était-ce un cauchemar ou un cauchemar devenu réel ? Mlle Parker se redressa s'évertuant désespérément de trouver une issue et de s'éloigner de lui. Ses mains, aplaties sur le parterre, s'agitaient pendant que ses doigts prenaient appui et repoussaient le sol dans une autre tentative de recul. Son dos, par réflexe, se cambra dans la recherche d'espace, mais alors qu'elle se déplaçait, son pressentiment resurgit. Le néant derrière elle, l'absence de tout support, aucun objet ou mur proche, lui donnaient la sensation d'être prise dans ses filets. Elle était dans une impasse « Bonsoir, Chère Mlle Parker. Je t'attendais. Hahaha hahaha hahaha hahaha hahaha !!! »
