« Vous ne pouvez pas savoir si quelqu'un est handicapé juste en le regardant, bande de crétins arrogants ! » Le ton de l'homme avait un coté vicieusement tranchant et coupa les railleries avec la facilité d'une épée enflammée entamant du beurre.

Le groupe d'étudiants qui essayaient de convaincre l'une d'entre eux d'utiliser les escaliers parce qu'il 'suffisait qu'elle perde un peu de poids' se tourna vers l'ascenseur qui venait d'arriver. Ils blanchirent en rencontrant le regard noir du Dr Crowley et décampèrent, laissant la fille derrière eux. Elle hésita, tout en essayant d'ignorer la douleur qui enserrait de plus en plus le bas de son dos.

Il lui indiqua d'un geste brusque de la tête d'entrer dans l'ascenseur qu'elle venait d'appeler et ajouta : « allez ». A présent, seuls l'exaspération et l'impatience étaient perceptibles dans sa voix.

Si elle n'obéissait pas, se dit-elle, elle serait en retard en cours. Elle tremblait à l'idée de partager l'ascenseur avec le diabolique et vicieux Dr Crowley mais la douleur l'emporta, et elle entra malgré tout. Il était appuyé nonchalamment contre la paroi, les bras le long de la rampe pour s'y tenir. Elle se plaqua dans un coin, aussi loin de lui que possible.

L'ascenseur repartit avec une secousse douloureuse, et les mains du Dr Crowley blanchirent autour de la rampe.

Après un moment, elle ouvrit la bouche pour le remercier.

Les lunettes noires se tournèrent vers elle. « Ne me remerciez pas, cingla-t-il. Personne n'utilise cette vieillerie branlante plus d'une fois sans une bonne raison. »

Elle referma d'un coup la bouche sans un mot et passa le reste du voyage en silence, comptant les secondes jusqu'à ce qu'elle puisse s'asseoir en salle de Littérature.


Ce n'est que lorsque la fille quitta l'ascenseur qu'il se redressa avec précaution et se dirigea vers sa salle de classe, la démarche plus chancelante que d'ordinaire. Son genou tiendrait probablement jusqu'à ce qu'il puisse s'asseoir, même s'il donnait l'impression d'avoir été remplacé par l'épée enflammée d'Aziraphale. Pour penser à autre chose qu'à la douleur, il attrapa son téléphone et envoya un sms à Aziraphale. « Ai tiré une de tes mômes des griffes de la brigade des escaliers. Garde un œil sur elle, elle a l'air diablement secouée. »

Il reçut un message dicté et pouvait presque entendre la tendresse avec laquelle les mots avaient été prononcés. « Tu es trop aimable, mon cher. »

Crowley grogna en remettant le téléphone dans sa poche avant d'atteindre la porte de sa classe. Il était temps d'utiliser la peur pour faire grandir les esprits et les connaissances de ses étudiants.


Que le Dr Crowley se montre de nouveau cruel n'était pas assez notable pour affecter les rumeurs qui, à l'heure actuelle, se concentraient sur les moyens de protéger le Dr Fell dudit Dr Crowley.

La dernière leçon de littérature du jour prit fin avec une dance maladroite entre professeur et étudiants. Ces derniers attendaient qu'Aziraphale parte afin de l'escorter en toute sécurité jusqu'à la voiture. Lui attendait qu'ils partent pour rejoindre la voiture en toute sécurité.

« Mon Cher Anthony me ramène », assura-t-il en appliquant enfin la suggestion de Crowley. « Je serai parfaitement en sécurité avec lui. Il conduit un peu vite à mon goût mais il a de bonnes intentions. » Les étudiants partirent, à contrecœur certes, mais partirent néanmoins et, peu après, le couple rentrait chez eux dans la Bentley de Crowley tandis que ce dernier s'amusait de l'attitude protectrice des étudiants.

Aziraphale serra les lèvres. « Je ne comprends pas pourquoi ils ne t'aident pas aussi. Tu en as plus besoin que moi.

— C'est simple. D'abord, la douleur est invisible. Ils ne la voient pas, comme tu ne l'as toi-même pas vue pendant qui sait combien d'années. Ensuite, à leurs yeux tu es un ange, et moi un démon. Et de toute façon, ils ne m'aiment pas. » Crowley lança un regard en coin et vit le sourire attendri d'Aziraphale. Une affection évidente se glissa dans son propre sourire. « J'ai travaillé dur pour obtenir cette antipathie, mon ange. Ne m'arrête pas maintenant que je l'ai. »