Drago avait finalement récupéré assez rapidement, mais même s'il semblait en pleine forme, Harry ne pouvait s'empêcher de le surveiller de près.

Il se rendait compte qu'il avait ignoré l'inquiétude de ses amis autrefois, les balayant d'un rire amusé et d'un haussement d'épaules, et il leur devrait peut-être des excuses sur son inconscience.

Harry était resté près de Drago alors que ce dernier brassait une nouvelle version de la potion destinée à Voldemort, alors que la potion destinée à affaiblir sa magie refroidissait juste à côté.

Il l'observait en silence, amusé de le voir aussi concentré et aussi sérieux. Il se rappelait surtout d'un élève chahuteur à Poudlard, prêt à lancer tout et n'importe quoi dans les chaudrons des Gryffondor. À l'époque, il n'aurait jamais imaginé que Drago deviendrait potionniste, si bien qu'il finit par poser la question qui lui brûlait les lèvres.

— Tu voulais devenir potionniste à Poudlard ?

Drago cligna des yeux signe qu'il l'avait entendu et il termina de remuer la mixture bouillonnante dans son chaudron avant de poser la spatule qu'il utilisait. Puis, il haussa les épaules.

— Non. C'était juste le moyen le plus sûr pour ne pas être… impliqué dans ses massacres. Enfin, selon ma mère. Elle avait raison, bien sûr. Je n'ai pas eu à participer à leurs… expéditions punitives.

Harry hocha la tête, perdu dans ses pensées. Après quelques instants, il reprit, doucement.

— Tu imaginais faire quoi après Poudlard ?

Drago hésita brièvement et il tourna la tête vers lui, avant de hausser les épaules avec nonchalance.

— Je l'ignore. Je n'ai jamais eu l'occasion d'y penser en fait. Mon avenir était tout tracé, puisque je devais prendre la suite de mon père.

Harry se tendit à la mention de Lucius.

— Ce n'est pas ce que tu voulais, n'est-ce pas ?

Drago soupira et lui fit face, rencontrant son regard sans hésiter.

— Non. Bien sûr que non. Même avant que je comprenne qui était cet homme, je n'étais pas vraiment emballé par l'idée. Cependant, c'est un genre de tradition familiale. Apparemment, les Malefoy sont plus ou moins impliqués dans la politique sorcière depuis plusieurs générations, tout en gérant le domaine Malefoy et quelques investissements soigneusement choisis. Je ne vais pas me plaindre d'être né dans une famille outrageusement riche, mais je suppose que les gobelins sont plus aptes que moi à gérer tout ce bordel. Et je n'ai pas l'âme d'un politicien…

Harry sourit, amusé.

— Alors quoi ?

Drago renifla et retourna à son chaudron.

— Je n'ai jamais… Je ne sais pas. À quoi bon réfléchir si on sait que c'est en vain ? Je veux dire, je n'ai pas le choix de ma destinée, quoi qu'il arrive.

Harry fronça les sourcils.

— Bien sûr que si. Quand tout sera terminé, tu pourrais faire tout ce que tu veux. Tu n'auras plus à suivre les ordres et…

Drago secoua la tête.

— Non, Harry. Si mon père est… mis hors jeu, je ne peux pas tout laisser à ma mère. S'il reste libre, il trouvera le moyen de m'obliger à obéir.

Harry pinça les lèvres, sans insister, même s'il n'était pas d'accord avec Drago. Il était certain qu'il existait une autre possibilité qui permettrait à Drago de vivre sa vie librement et de réaliser ses rêves. Tous ses rêves.

Sans tourner les yeux vers lui, Drago demanda tranquillement.

— Et toi ?

Harry hésita.

— C'est… compliqué.

Drago laissa échapper un petit ricanement.

— Compliqué ? Comment ça ?

Harry souffla, avant de répondre, un peu nerveusement.

— Quand McGonagall m'a posé cette question, pour le choix des options après les Buses, je n'y avais jamais pensé. Déjà, j'essayais de survivre, année après année, tu vois ? Alors l'avenir, ça me semblait un peu… surréaliste de l'envisager. Bien évidemment, elle n'aurait pas accepté un truc du genre « je prévois de mourir » ou « affronter le mage noir qui sème la terreur ». Face à elle, je me suis souvenu des Aurors qui étaient venus chez ma famille moldue pour m'escorter et j'ai affirmé que je voulais être Auror. J'ai appris plus tard que mon parrain et mon père étaient Aurors et je m'y suis accroché.

Drago grogna légèrement et murmura.

— Mais ?

Harry sourit, amusé de voir une preuve de plus que Drago le connaissait bien. Il haussa les épaules.

— Mais je ne suis pas vraiment certain que ce soit ce que j'aimerais vraiment faire. C'est juste que maintenant que je l'ai dit, tout le monde semble… déterminé à me pousser dans cette voie.

Drago renifla, moqueur.

— Tu sais que nos choix d'options ne sont pas un engagement à vie ? D'autres métiers sont possibles…

Harry haussa les épaules avec une pointe de résignation.

— C'est juste que ça semble être… ce que je dois faire. Un peu comme si je devais vivre la vie que mes parents n'ont pas eu la chance d'avoir, tu vois ?

Drago garda le silence longuement, puis il murmura, tristement.

— Je vois exactement ce que tu veux dire. Tu n'as jamais pensé à faire autre chose ?

Harry gloussa.

— Je n'y ai jamais réfléchi. Je veux dire, je ne peux pas être déçu si je n'ai pas d'autre option, n'est-ce pas ?

Drago tourna la tête vers lui et ils échangèrent un regard complice. Drago finit par lever les yeux au ciel et il retourna à sa potion, tandis que Harry se replongeait dans ses pensées.

Lorsque Harry reprit la parole, Drago était penché au-dessus du chaudron, tournant lentement la cuillère dans le chaudron, les sourcils légèrement froncés.

— Je devrais emmener ta mère auprès de Rogue.

Drago sursauta violemment et il échappa sa cuillère. Il jura avant de la rattraper et d'éteindre brutalement le feu sous le chaudron.

— Bon sang, Harry ! Essaies-tu de nous tuer ? J'aurais pu faire exploser ce chaudron !

Harry surprit, cligna des yeux, son regard passant de Drago au chaudron intact et fumant. Il haussa les épaules avec une moue contrite.

— Je suis désolé. Je ne pensais pas que tu serais distrait à ce point.

Drago soupira et il se frotta le visage, avant de marmonner, agacé.

— Ce n'est rien. J'ai terminé, il faut juste qu'elle refroidisse tranquillement.

Harry hocha la tête, tout en gardant prudemment le silence, en se demandant pour quelle raison Drago semblait tant hésiter à confier leurs secrets à sa mère. Narcissa lui avait paru tout à fait digne de confiance et il espérait ne pas avoir fait d'erreur en se dévoilant devant elle.

Il observa Drago ranger son matériel en silence, admirant ses gestes sûrs et l'assurance qu'il dégageait, comme s'il avait été potionniste toute sa vie.