Hé bien l'bonsoir ! Voici l'affrontement de nos deux fauves. J'espère qu'il sera à la hauteur de vos attentes :) On s'est bien amusées à l'écrire en tout cas.
Shadow: Hahah la fameuse réplique... je n'ai pas pu m'empêcher de la caser ^^
Ju: pari enregistré ! xD Tu ne vas pas un peu vite là ? héhé
Bonne lecture ;)
Le cœur d'Aomine s'emballe un peu. Au meilleur des cas, il aurait pensé que Kagami proposerait de le tester demain. Mais là tout de suite, c'est encore mieux. Depuis la dernière fois, ça va bien faire dix jours qu'il n'a pas joué et c'est au moins neuf de trop. Heureusement, il a toujours un sac dans le coffre de sa voiture avec ses affaires de sport, une balle et des rechanges, précisément pour ce genre de situations. Il n'a donc aucune raison et surtout aucune envie de dire non.
« Donne-moi cinq minutes, je vais chercher mon sac. »
Kagami acquiesce avec un sourire, à moitié surpris qu'Aomine relève son défi aussitôt. Il ne s'attendait sûrement pas à disputer un one-and-one quand il est venu lui déposer le matos pour sécuriser sa porte. Quoique s'il se trimballe avec son sac de sport, il doit toujours s'attendre à faire un basket.
Pendant qu'Aomine va chercher ses affaires, il se change. Il réalise qu'il revient tout juste du terrain, mais qu'importe, il a encore de l'énergie à dépenser. Il est juste rentré parce qu'Alex avait un rendez-vous en ville, après tout. Il fourre ses affaires dans son sac, impatient et un peu fébrile à l'idée de jouer avec un nouvel adversaire. Depuis le temps, il connaît toutes les personnes qui fréquentent le terrain. Il y a de tout, tous les profils, tous les âges. Mais à part Alex, personne n'a un niveau aussi bon ou supérieur au sien. Alors il espère vraiment qu'Aomine n'est pas juste un beau parleur.
Aomine dévale les escaliers au pas de course. Pressé comme un gamin au matin de Noël. Ce n'est pas seulement la perspective de jouer qui l'excite autant mais ce qu'il a cru desceller chez Kagami. Il va prendre son pied, il en est certain. C'est vrai que sans la pression qu'il s'était mise pour réussir dans le milieu, il avait fini par retrouver le goût de jouer, et l'envie de progresser. Pourtant, il le pense quand il dit que personne ne peut le battre. Tout simplement parce que depuis ce qui lui semble une éternité, il n'a trouvé personne qui en soit capable. Les seuls adversaires qui lui offraient de la résistance, c'étaient ses anciens coéquipiers du collège avec qui les relations n'ont malheureusement pas toujours été au beau fixe. Mais contrairement à lui, les lascars se sont lassés, ou n'ont plus eu de temps pour entretenir leur niveau. Ce n'est pas rare qu'ils se retrouvent entre potes, un peu plus qu'ils s'affrontent comme avant. Ils sont toujours bons bien sûr, mais le fossé a fini par se creuser. Alors oui, la perspective d'être tombé sur quelqu'un capable de le faire frissonner d'incertitude, ça le rend heureux.
À quelques mètres de sa voiture, il la déverrouille à distance et ouvre directement le coffre. Il saisit son sac, le jette sur son épaule et referme la voiture. Aussi vite qu'il les a descendues, il remonte les marches des étages et s'adosse au mur en face de la porte après y avoir toqué trois coups.
C'est la première fois depuis une semaine que Kagami est content qu'on toque à sa porte. Il ouvre et désigne à Aomine la petite salle de bain coincée du côté du vestibule opposé au salon. Une fois le flic en tenue de sport, ils quittent l'appartement. Kagami n'a pas pu s'empêcher de détailler son adversaire du jour. Ça doit être un joueur rapide. Probablement une bonne détente. Sûrement un scoreur en série. Ça va être intéressant de le voir sur le terrain. Quand il rencontre un nouveau joueur, il fait toujours attention aux petits détails. Il analyse la façon de bouger sur le terrain, les manies, les habitudes, bonnes ou mauvaises. Il suffit de quelques minutes pour se faire une idée du genre de joueur à qui on a affaire.
Alors qu'ils remontent la rue ensoleillée, il demande d'un ton sarcastique :
« Alors du coup, tu fais partie de l'équipe de basket de l'amicale des flics ou un truc comme ça ? Tu joues avec les pères de famille le dimanche ? »
En voyant apparaître son improbable adversaire en tenue de sport, Aomine s'est demandé comment il n'a pas pu le voir avant. Ce mec est taillé pour ... non, par le basket. Longues jambes robustes, grande envergure de bras, épaules musculeuses et démarche souple. Il lui fait l'effet d'un félin, avec sa puissance discrète. Elle est évidente, mais c'est l'attitude de Kagami qui la rend subtile. Il n'en joue pas, il la maîtrise. Pas comme ces mecs qui passent leur temps à faire de la gonflette mais qui s'essoufflent au bout de dix minutes de match. Il était en train de se demander quel pouvait être le point fort de son acolyte sur un terrain, le voyant plutôt du genre polyvalent, touche à tout, comme pour les jeux vidéo, lorsqu'il se fait tirer de sa réflexion. La mention des pères de famille lui fait perdre le fil des rotations de la balle sur son doigt et manque de la faire tomber. Grâce à ses réflexes, Aomine la récupère dans un geste qu'on pourrait croire totalement volontaire. Il n'a pas envie de se rembrunir, pas maintenant... Alors il décide de se concentrer sur la première partie de la question.
« Ouais, un truc comme ça. On organise un tournois pour lever des fonds une fois par an pour des associations. À la fin de l'été en général. En dehors de ça, on s'organise des petits matchs amicaux avec les autres équipes du service public de la ville. D'ailleurs le prochain, ce sera contre les ambulanciers. Ils se défendent », explique-t-il en reprenant le ballet de sa balle sur ses doigts.
Kagami rigole un peu :
« Ah ouais, ça existe ce genre de trucs ? Sympa. Moi j'ai plutôt l'habitude de jouer avec les gosses du quartier, et quelques vieux aussi. Ils se défendent bien aussi. Enfin... Certains. »
Il rit de nouveau, alors qu'ils arrivent en vue du terrain, coincé entre un restaurant à sobas et une ruelle poussiéreuse descendant vers un petit parc.
« Et voilà, c'est ici ! C'est pas le terrain le mieux entretenu du monde, mais ça fait l'affaire. »
En avisant le terrain et ses deux paniers fièrement dressés, quoiqu'un peu rouillés, Aomine se détend et son sourire revient. Carrément que ça fait l'affaire. En vue du quartier, il imagine très bien le genre d'adversaires que Kagami croise d'ordinaire. Celui qu'il squatte le plus en ce moment est proche du poste, alors c'est souvent des collègues qu'il affronte. Mais dans sa vie d'avant, c'est un terrain semblable à celui-ci qu'il arpentait et usait au rythme de ses entraînements.
« Bien sûr que ça existe. Mêler l'utile à l'agréable, tu connais ? haha ! » Il ricane avant d'ajouter dans un clin d'œil effronté : « Ça va te changer de m'affronter alors. »
Kagami hausse les épaules. Il ne le prendra pas au sérieux tant qu'il n'aura pas vu ce qu'il sait faire. Il commence donc à s'échauffer soigneusement. Alex lui a bien appris à ne jamais sous-estimer cette étape. Et il s'est déjà blessé, alors il n'a pas envie de risquer que ça se reproduise juste parce qu'il n'aura pas pris ses précautions. Fin prêt, il met quelques paniers pour se mettre en jambe, puis se place au centre du terrain, mains posées sur les genoux.
« OK, montre-moi ce que tu sais faire », déclare-t-il, son regard planté dans celui de son adversaire du jour.
Sans grande conviction, Aomine l'imite. La préparation, il n'y passe jamais des heures. Lui ce qu'il veut, c'est jouer. Il respecte tout de même le rituel de son adversaire et l'attend au centre du terrain désert. Quand il le rejoint enfin, il trouve son aura changée. Il en tressaille d'impatience. Kagami prend ce sport aussi sérieusement que lui et il le défie même de prouver sa valeur, prêt à donner le meilleur de lui-même. Il ne lui en faut pas plus pour se concentrer intensément, faisant abstraction de tout ce qui se trouve hors des limites du terrain.
Observateur, il jauge Kagami en faisant tourner lentement la balle entre ses mains. Il surveille ses micros-mouvements, et dans son regard, il voit que son adversaire fait de même. Alors il se contraint à une immobilité parfaite, plaquant son air impassible sur son visage puis sans crier gare, il s'élance sur la gauche en driblant.
Kagami avait beau s'attendre à une attaque rapide, il n'en est pas moins surpris par les réflexes acérés et l'habileté d'Aomine, qui s'élance en le frôlant dans un mouvement leste et presque trop vif pour le suivre. Il pivote et se précipite à sa poursuite. Hors de question de le laisser marquer le premier panier aussi facilement.
L'effet de surprise... Aomine adore peindre cet air ahuri sur la figure de ses adversaires. Mais Kagami réagit vite, il peut entendre ses pas non loin de lui. Au lieu d'accélérer pour le distancer, il ralentit à l'approche de la raquette. Juste avant que la distance ne permette à son assaillant de lui voler le ballon, il pivote sur sa droite pour se mettre hors de portée, dans son dos. De là, avant que Kagami comprenne, il shoote, et il marque.
Kagami hoche la tête. OK, ça lui change de ses camarades de jeu habituels. Aucun n'a cette rapidité, ni cette souplesse. Mais il sent que c'est en partie son assurance qui rend possible ce jeu assez exceptionnel, et c'est à la fois une bonne et une mauvaise chose : il faut toujours avoir confiance en soi sur le terrain, mais un excès d'arrogance fait oublier ses points faibles. Et Aomine a l'air persuadé qu'il n'en a aucun.
Kagami récupère le ballon et observe son adversaire. Il dribble d'une main à l'autre, attentif, et s'élance dès qu'il voit une ouverture, fonçant vers le panier alors qu'il sent Aomine sur ses talons, près, très près. Mais va-t-il pouvoir défendre son panier ? Kagami bondit et s'arrache à la gravité. Pendant quelques secondes, il a l'impression de flotter. Il dunke des deux mains, restant accroché au panier qui crisse méchamment, menaçant de s'effondrer. Ce ne serait pas la première fois qu'il éclate un panier, mais celui-ci est un vétéran qui continue bataille après bataille à endurer ses assauts. Puis, il se laisse retomber au sol, satisfait.
Alors là... Aomine reste coi face au sourire fier de Kagami. Il voudrait bien trouver une réplique sarcastique dont il a le secret à lui balancer mais rien ne lui vient, encore un peu sous le choc de ce dunk sorti tout droit de Amazing Land. Kagami a réussi à exploiter une de ses failles défensives. Pourtant plus rapide, il était sur le point de le rattraper lorsque son adversaire a décollé. Normalement, il serait allé au contre mais l'explosivité du geste l'a surpris et il n'a pu que l'admirer engouffrer un point au fond des chaînes, depuis le sol. Ce type a une détente de barge. Monté sur ressort, à peine échauffé.
Ok, Kagami n'est pas là pour compter les graviers. Il en a dans le bide et ça tombe bien, lui aussi. Maintenant prévenu, il s'approche pour l'engagement, plus méfiant. Il drible un peu, ouvre son pied droit pour feinter son départ, esquisse un mouvement bref à gauche et s'élance à droite. La rapidité est sa force, mais l'agilité rend ses gestes si fluides, qu'elle en devient redoutable. Il bouge comme si lui-même ne savait pas où il avait prévu d'aller. Et parfois, c'est un peu le cas. Son corps agissant sans réfléchir. Il comprend que ça ne suffira pas aujourd'hui, car Kagami se dresse entre lui et le panier malgré sa feinte. Aomine avance tout de même, tente le passage en force en protégeant la balle de son corps. Le contact est dur, les appuis solides, les failles peu nombreuses. Il en repère tout de même une. Dans un dribble il fait passer le ballon entre les jambes fléchies du défenseur, et le contourne agilement dans une pirouette pour éviter son emprise. Libéré, il sprint en direction du panier, récupérant la balle au passage et saute en avant. Il se croit sortit d'affaire lorsque soudain, la main de Kagami surgit sous le panier. In extrémis, il évite le contre en changeant de main. La balle rechigne à entrer mais elle passe l'arceau.
Kagami sourit, le cœur battant, pompant l'adrénaline à travers son système.
« Joli » approuve-t-il avant de récupérer le ballon pour reprendre les hostilités.
Il a conscience qu'Aomine a compris qu'il n'avait pas affaire à un ambulancier disputant un match amical, mais à un joueur endurci qui a affronté son lot d'adversaires. Et de son côté, il a tout de suite réalisé qu'il avait en face de lui un joueur hors normes, à la gestuelle difficile à déchiffrer, à l'aisance implacable même mis en difficulté. Aomine joue au basket comme s'il était né une balle dans les mains. Il n'hésite pas, il a un feeling avec le ballon, le bitume, l'arceau, comme si c'était son environnement naturel. Et ça lui plaît.
Ils reprennent les échanges, rapides, incisifs, explosifs. Quand l'un met un panier, l'autre réplique aussi sec. Il ne lui suffit qu'une ou deux minutes pour se retrouver en nage, tous les sens aux affûts. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas ressenti ça sur le terrain, cette acuité extrême nécessaire face à un adversaire de taille. Il retrouve les sensations de la compétition en ligne, où baisser sa garde signifie une défaite assurée, et avoir ce frisson sur un terrain de basket, pour lui, c'est incomparable.
Aomine a hoché la tête pour toute réponse au compliment. Il ne parle pas. Se laissant absorber complètement par le match et dévorer tout entier par les sensations qui envahissent son corps. Bien trop heureux de les retrouver si puissantes. Des muscles sur lesquels il n'a pas l'habitude de forcer se réveil, l'adrénaline inonde ses veines aussi vivement que s'il était pris dans un échange de tir entre gangs, où une seule seconde d'inattention signifierait la mort, aiguisant ses sens, améliorant ses réflexes. Son rythme cardiaque est élevé à présent, mais il se contraint au calme. Ils ont même cessé de compter les points. Ils sont ex aequo, et rien que ça, il ne le pensait pas possible. Dix points d'avance, il aurait déjà trouvé ça admirable. Aucun, ça force le respect. Quand Kagami lui a sorti un alley-oop en solo avec le panneau du panier, il s'est demandé qui était ce mec, où était-il, et pourquoi ne l'avait-il jamais croisé avant ? Son adversaire est un compétiteur né, en plus d'un excellent joueur. Il ne lâche rien, se faisant un devoir de lui rendre chacun des points qu'il lui met. D'ailleurs c'est à lui de défendre. La sueur dégouline et fait coller son débardeur à son dos. D'un geste un peu rageur, il le retire et le jette près de leurs affaires en rejoignant le centre du terrain. D'une main, il remonte un peu la jambe de son short qui le gêne, tandis que de l'autre il fait signe à Kagami de s'amener, les yeux braqués dans les siens, défiant. Amène-toi...
OK, ça, c'est déloyal. La sueur fait briller la musculature tout en finesse d'Aomine, son regard intense ressemble à celui d'un amant tant il est focalisé sur lui, dévorant, concentré. Bon, ce n'est pas déloyal consciemment. Kagami n'a pas caché où allaient ses goûts en matière de partenaires – encore un bon conseil d'Alex. Il ne s'agit pas de le déclarer en préambule, seulement, de ne pas contourner ou éviter le sujet s'il se présente. Juste être direct et honnête. "Un bon moyen de trier le bon grain de l'ivraie, et en bonus s'éviter des déceptions", dit-elle. Pour autant, la plupart des gens n'agissent pas en ayant conscience de pouvoir séduire quand ils sont avec des personnes de leur sexe. Ils n'ont pas les mêmes barrières, conscientes ou inconscientes, qui pourraient les retenir avec le sexe opposé. Donc ce n'est probablement pas pour le déstabiliser volontairement, et pourtant ça fonctionne.
Alors il prend le temps de se ressaisir, de se recentrer sur le jeu, sur la balle qui rebondit régulièrement sur le bitume et revient se loger dans la paume de sa main. Il inspire une fois. Deux fois. Puis, aussi subtil et fin que soit son adversaire, il décide de tenter le passage en force. Sur un terrain de streetball, personne ne vous réprimande pour avoir un peu bousculé votre adversaire. Alors il ne va pas s'en priver, comme l'indique son sourire carnassier tandis qu'il s'élance.
Aomine occulte l'étrange sensation que provoque ce sourire dans ses tripes. Un brin différent des autres qu'ils ont échangé jusque-là, sans savoir exactement en quoi. Il n'a pas le temps d'y réfléchir de toute façon, Kagami lui fonce dessus, oubliant toutes stratégies de passages dans les règles de l'art. Rien d'étonnant pourtant sur un terrain de street. Il encaisse le choc, fléchissant un peu plus les genoux, verrouillant son bassin écartant les bras pour encercler son assaillant. L'avant-bras de Kagami repose sur son torse tandis qu'il dribble le plus loin possible de lui de l'autre main. En évitant soigneusement de laisser un trop grand espace qui lui permettrait de s'enfuir, il tente de lui dérober son bien. Ainsi coller l'un à l'autre, ils avancent un peu, se tournent autour, chacun cherchant son angle d'attaque. Un bref instant, le parfum corsé par l'effort de Kagami vient chatouiller ses sens. L'effluve plus douce que dérangeante le déstabilise une fraction de seconde. Juste assez longtemps pour qu'il relâche la pression sur lui. Vif, son adversaire recule d'un bon et tente un trois points. Il s'élance comme un diable sur la trajectoire de la balle et réussit à la dévier du bout du doigt. Il se retourne pour être sûr mais celui-ci ne rentrera pas. Avec satisfaction, il observe la bedaine de cuir rebondir sur l'arceau et tomber du mauvais côté.
Dans une longue expiration, il pose les mains sur les hanches puis ricane. En allant récupérer le ballon durement gagner il énumère, mi-admiratif-mi-moqueur :
« Défense solide, attaques puissantes, détente de l'espace, lecture et compréhension du jeu impeccable... Et c'est les trois points ton point faible ? » De nouveau face à lui il avoue: « Un peu plus et j'aurais pu croire que t'étais parfait.»
Peu sensible à la flatterie, Kagami s'essuie le visage dans son t-shirt avant de répondre :
« Je connais pas de joueur parfait. On peut pas être sur tous les postes à la fois. On a toujours un point fort, même quand on est polyvalent. Toi par exemple, t'es un excellent attaquant, mais t'es focalisé là-dessus. Tu sais défendre, je dis pas le contraire. Mais c'est pas ton point fort. »
Kagami sourit et hausse les épaules, guettant la réaction de son adversaire si sûr de lui.
Et en plus il a du répondant... Évidemment que personne n'est parfait. Aussi bien sur le terrain que dans la vie. Et certainement pas lui. Malgré ce qu'il peut laisser croire de son estime de lui à travers son arrogance, il en a pleinement conscience. C'était une petite provocation de plus pour tester Kagami, bien qu'il pense chacun de ses compliments, mais ce dernier ne s'est pas laissé distraire.
Il commence à dribbler en réfléchissant à sa réponse. D'une main à l'autre, entre ses jambes, dans son dos. Ils se déplacent ainsi à bonne distance l'un de l'autre, suivant mutuellement leurs gestes dans un balais improvisé d'une précision pourtant millimétrée. Il s'élance d'un côté furtivement, et son vis-à-vis bouge, comme s'il était son reflet. Mais un autre de ses points forts, c'est le changement de rythme, alors il stoppe net, et Kagami, emporté par son élan ne revient pas assez vite sur lui. Aomine en profite pour s'élancer à l'opposé et une fois sûr d'être hors d'atteinte, il shoot un trois points – dans le seul but de le narguer – dans un angle improbable, presque de derrière le panneau.
« Je connais mes atouts, je ne fais que m'en servir. Ma défense, je compte bien l'améliorer, mais c'était difficile sans personne pour me faire peur en face... Quant à la perfection, je sais qu'elle est utopique, mais rien ne m'empêche de la viser. »
Le panier rentre.
Kagami a suivi des yeux ce tir qui semble défier les lois de la physique, le genre de tir qui ne devrait même pas toucher l'arceau, et qui pourtant se révèle impeccable et maîtrisé. Il doit bien avouer qu'Aomine a un style unique. Il hoche la tête comme en réponse à une question muette, puis se dirige vers son sac pour en sortir une serviette et une bouteille d'eau. Il prend le temps de se désaltérer et de s'éponger le visage avant de répondre :
« Viser la perfection, c'est un noble objectif. Cela dit, à mon avis si tu perfectionnes pas la défense, c'est surtout parce que pour toi c'est l'aspect le moins important du jeu. C'est pas un jugement, t'es juste plus du genre scoreur. Chacun son style. »
Aomine le rejoint, ballon sous le bras et prend sa propre serviette et sa bouteille. Comme Kagami il bois une longue rasade, laissant couler un peu d'eau le long de son cou dans la hâte de se désaltérer.
« Moins important je sais pas. Mais c'est l'aspect qui m'éclate le moins, j'imagine. »
Il s'éponge un peu le torse et dans un sourire amusé il demande :
« Alors ? Beau parleur ou pas ?»
Kagami s'efforce de ne pas trop regarder dans sa direction pour ne pas se laisser distraire par ce torse tanné moiré de sueur et la serviette qui y glisse sensuellement. Son cœur cogne fort dans sa poitrine, et ce n'est pas seulement dû à l'effort qu'il vient de fournir.
« Hm... Beau parleur. Mais avec des raisons de l'être, tranche-t-il finalement.
— Haha, ça me va je prends. Tant que tu ne me traites pas de menteur... »
Aomine ricane. Il se sent un peu soulagé. Et c'est seulement maintenant qu'il réalise que l'avis de Kagami lui importe sincèrement. Alors qu'il ne le connait même pas, il cherche son approbation. Lui qui d'ordinaire se fiche pas mal de ce qu'on peut penser de lui, encore plus au basket. En fait il n'accorde du crédit qu'aux personnes qu'il estime, ou qui le surpassent dans le domaine où il les côtoie. Et Kagami lui a fait forte impression aujourd'hui. Alors que ce dernier boit de nouveau, il attire son attention d'un petit coup amical dans le bras et lui confesse plus sérieusement, à quel point il a aimé leur match.
« Hé, merci pour le match. C'est parti d'un défi un peu bête mais... j'ai vraiment apprécié. En fait il y avait longtemps que je ne m'étais pas autant éclaté. On remet ça quand tu veux. »
Cette fois, Kagami pose son regard sur Aomine, touché par ces mots. Il est content d'avoir plu au beau flic, du moins par son basket. D'avoir pu lui prouver qu'il était un adversaire digne de ce nom, capable de lui résister et même de le surprendre. Il esquisse un sourire et hoche la tête.
« Ouais, OK. Moi aussi je me suis éclaté. D'ailleurs, si tu repasses dans le coin pour jouer... Tu rencontreras une autre adversaire de taille », annonce-t-il, son sourire s'élargissant à l'évocation d'Alex.
À l'évocation de cette mystérieuse adversaire, Aomine ne peut que remarquer la tendresse que semble lui porter Kagami. Il se souvient pourtant très bien de leur première rencontre et de son honnêteté sur le sujet, depuis, il est à peu près certain que ce mec est gay. Ou alors bi ? Ça lui importe peu, mais surtout il pense que ça ne le regarde pas. Du coup c'est surement sa déformation professionnelle d'enquêteur qui parle, ou sa curiosité pour son nouveau rival. Il ne saurait le dire.
« Ah ouais ? Une amie à toi ?
— Ouais... En quelques sortes. Elle a été une sorte de mentor pour moi quand j'étais gosse. Elle s'appelle Alex, c'est une ancienne de la WNBA, et elle m'a appris tout ce que je sais sur le basket. »
Il y a une certaine fierté dans sa voix à son évocation, et c'est vrai qu'il est fier de connaître une joueuse comme elle, d'avoir été son élève, et d'être parvenu à ce niveau grâce à elle.
« Sérieux ? La classe ! J'avoue ne pas trop m'y connaître en WNBA, mais je suis admiratif. Et du coup, tu n'as jamais voulu passer pro ? »
Aomine observe Kagami, ébahi. Avec une entraîneuse de ce calibre, il comprend mieux son niveau. Il n'est pas de ceux qui croient aux dons. Pour lui, il y a des prédispositions naturelles, mais le talent n'est pas inné. Il se travaille. Sur la durée, et dans la sueur. Vu celui dont son adversaire a fait preuve, il n'est pas étonné de découvrir la formation d'une pro en dessous. En revanche ce qui l'étonne c'est que ce joueur passionné avait, à première vu tout ce qu'il faut, jusqu'au contact, pour faire carrière. Alors il se demande pourquoi il a choisi une autre voie que celle qui lui semblait toute tracée.
Kagami hésite. C'est une question qu'il s'est souvent posé, évidemment. Et il y a de nombreuses raisons derrière son choix, qu'on ne peut résumer en une seule conversation. Il hausse les épaules.
« J'y ai pensé, mais le côté star-system, très peu pour moi. Au moins, les champions d'e-sport, personne les connaît, ajoute-t-il avec un sourire en coin.
— T'es fait pour la compétition mec, ça se voit. Tant mieux si tu as trouvé ton bonheur dans le e-sport. »
Aomine lui sourit, et puisqu'il est sec, enfile son t-shirt de rechange. Kagami n'a pas besoin de lui en dire plus. C'est vrai que c'est un univers particulier. Et avoir tout ce qu'il faut ne suffit pas toujours. Il faut pouvoir accepter ce qui va avec, faire une croix sur l'anonymat. Lui-même l'aurait très mal vécu s'il était allé au bout de son rêve. C'est d'ailleurs cette conviction qui l'empêche de regretter son choix, qui n'en était pas vraiment un. Et puis la NBA ou tout autre league professionnelle n'est pas une fin en soi. Ils n'ont pas besoin de ça pour aimer le basket ou être doué. Leur place est ailleurs voilà tout.
Kagami dissimule un petit soupir de soulagement quand il voit Aomine remettre son t-shirt. Il est plus facile à regarder maintenant. Et quand il l'observe, ça lui fait bizarre de se dire qu'il y a deux heures à peine, c'était juste un flic en civil étrangement zélé qui sonnait à sa porte, et maintenant, un partenaire de basket. Pour un peu, il remercierait presque ses harceleurs. À cette pensée d'ailleurs, il s'assombrit un peu. Il espère que son problème va se régler de lui-même, et pourtant quelque chose lui dit que ça ne sera pas si facile.
Puis, il remet ses affaires dans son sac et cale ce dernier sur son épaule.
« C'était vraiment sympa. Bon, j'imagine que t'as ton service à prendre ou un truc comme ça, mais pour la prochaine fois, tu sais où et comment me trouver !
— Ouais dans quelques heures , concède Aomine en vérifiant l'heure sur son téléphone. « Je repasserai, compte sur moi. Et j'espère bien tomber sur cette fameuse Alex un de ces quatre », ajoute-il dans un sourire franc.
Et il le pense. Ça lui changera de ses adversaires habituels de sortir de son quartier. En plus, si ça lui donne l'occasion d'affronter Kagami de nouveau, il ne va pas s'en priver. Il préfèrerait le revoir sur un terrain qu'au poste de police, mais il n'exclut pas cette possibilité pour autant.
Ils refont le trajet jusqu'à l'immeuble de Kagami, en bas duquel est garée la voiture d'Aomine. Au moment de se séparer, Kagami se rend compte qu'il aurait bien passé encore un moment avec lui, pouvoir mieux le connaître, mais il se raisonne : ils sont déjà passés du statut de parfaits inconnus à partenaires de basket. C'est bien assez pour une seule après-midi. D'autant qu'il faut qu'il aille travailler, maintenant. Il ouvre la porte de son immeuble et se tourne vers Aomine :
« À la prochaine. Bon courage pour le boulot.
— Merci toi aussi. »
Il accompagne ses mots d'un bref signe de main avant de monter dans sa voiture. Aomine a le sentiment de partir un peu brusquement après le moment qu'ils ont passé, lui faisant tout oublier du contexte de leur rencontre et de sa venue ici aujourd'hui. Il se surprend à espérer le revoir au plus vite, se languissant déjà d'un autre match, ou même d'un simple café. Tout ce qu'il souhaite c'est que ce soit dans un cadre différent de ses ennuis nocturnes. Parce qu'il n'a jamais été très doué pour tisser des liens, plutôt réservé et fermé comme on dit. Pourtant avec Kagami, c'est facile. Il l'a tutoyé naturellement sans se poser de question, et ils se sont déjà découvert deux centres d'intérêt communs. Alors c'est peut-être un peu égoïste de sa part, mais il n'a pas envie que des problèmes externes viennent perturber le début de ce qu'il pense pouvoir devenir à terme une belle amitié ou tout du moins, une saine rivalité sportive.
