Bonsoir bonsoir ! Déjà bientôt la fin du mois d'Août... ça passe trop vite !
Ju: Si le dernier chapitre a comblé tes attentes tant mieux ! Merci pour ton soutien :)
(Ps: j'ai adoré aussi ! ^^)
Shadow: Hahah, on ne pouvait pas manquer ces traits de caractère quand même ^^. On te laisse découvrir s'ils vont arriver à se parler ;)
Bonne lecture !
Le sang échauffé par la colère, Aomine rentre chez lui. Il se connaît. Il ne trouvera pas le sommeil dans cet état. Alors il ne fait qu'un passage express, le temps de se changer, et file à la salle de sport de la résidence. Elle est plus petite et moins bien équipée que celle où il a ses habitudes, mais ça ira. Étant le seul gars à se foutre dans des états pareils au beau milieu de la nuit, il la trouve évidemment vide. Il entame quelques étirements pour détendre ses muscles crispés sans grands résultats puis commence à se défouler sur un des sacs de sable. Rapidement, la chaîne à laquelle il est suspendu grince sous ses coups de poings rageux.
Aomine frappe le sac jusqu'à ce que la tempête se calme. À chaque coup, il dépose un peu de sa frustration sur le cuir en expirant. Ses inspirations, à défaut de lui apporter des réponses, lui éclaircissent l'esprit, évacuant le poison qui le ronge tel le courant d'air qui rafraîchit votre intérieur sans vraiment le nettoyer. Il ne sait pas combien de temps il reste là mais il ne cesse que lorsque la fatigue le gagne. Repoussant toutes pensées et tous souvenirs de cette fin de soirée au risque d'avoir de nouveau la moutarde qui lui monte au nez, il rentre, se lave et se couche comme un automate bien rodé.
Dans son sommeil, alors que le jour fait déjà pâlir la nuit, Aomine s'agite. Plongé dans un rêve qu'il connaît bien pour l'avoir souvent arpenté. Un songe aux allures de cauchemar où il court sans avancer. Malgré ses efforts, ses jambes semblent peser une tonne. Il fait du sur place. Puis lentement, au même rythme que son environnement flou s'assombrit, des tentacules noirs s'enroulent autour de lui. L'immobilisant pour de bon. Il a beau essayer de se dégager, il ne fait que déplacer la fumée qui trouvera bientôt le chemin de ses poumons pour l'étouffer. Aomine a vaguement conscience que tout ça est irréel, qu'il l'a déjà vécu lors de nombreuses nuits, et que le jour à toujours fini par se lever. Pourtant l'angoisse l'étreint désormais aussi fermement que les ténèbres. Dans une nouvelle tentative désespérée d'y échapper, il remarque une silhouette à quelques pas devant lui, qu'il n'avait jamais vue avant. Inaccessible. L'affolement se mue en terreur lorsqu' il réalise qu'elle n'est pas là pour l'aider. Qu'elle se détourne même pour ne pas entendre ses cris d'agonie, ni le voir sombrer. Seul. Comme toujours, Aomine se réveille en sursaut quand il commence à manquer d'air, se libérant ainsi des brumes meurtrières. Malgré les battements de son cœur trop rapides, il parvient à se rendormir, épuisé par sa lutte.
À son réveil quelques heures plus tard, Aomine ne se rappelle pas son cauchemar. Seule l'impression étouffante d'être prisonnier dans sa propre tête s'arrime à lui. C'est pourquoi il ne traîne pas au lit comme il aime à le faire d'ordinaire. Il a besoin d'air. Son humeur maussade s'assombrit un peu plus quand il repense à la visite de Kagami à son bureau. La nuit l'aura au moins débarrassé de sa fureur. Mais à ce souvenir, l'amertume de son café qui coule et embaume l'air fait écho à la sienne. Aomine ne se reconnaît pas. Bien qu'il se considère comme quelqu'un avec un certain tempérament, ce qui le caractérise surtout c'est son sang-froid à toute épreuve. Qu'il se promet d'aller chercher aux objets perdus du commissariat dès son arrivée. Il soupir de lassitude. Perturbé par sa réaction puérile, il boit son millésime pour dissiper les dernières brumes du repos.
Le lendemain, Kagami se réveille avec difficulté. Il a eu le plus grand mal à s'endormir, ressassant sa fin de soirée désastreuse. Il était en colère et déçu et tournait en rond dans sa tête, répétant inutilement en boucle le souvenir de son passage au commissariat. Ce matin, il se sent plus déprimé qu'autre chose, et il se dit qu'il a vraiment merdé. Il aurait dû se montrer plus prudent. Son intérêt pour Aomine était trop évident. Il connaît bien cette gêne, ces paroles douces mais blessantes qu'il reçoit lorsqu'un homme hétérosexuel remarque une attirance de sa part. C'est pourquoi il tâche en général d'être prudent, à plus forte raison quand il souhaite se lier d'amitié avec quelqu'un… Mais voilà, pour lui la prudence est un peu contre-nature, c'est peut-être pour ça que ça foire toujours quand il essaie d'en faire preuve. Dans ce cas… Faut assumer, suppose-t-il. Seulement, aujourd'hui il n'a pas tellement le cœur à tout ça, et surtout pas à passer sur ce terrain de streetball affronter la hargne d'Aomine. Lui-même est peut-être du genre à se mettre en boule facilement aussi, mais des jours comme celui-là, il se sent surtout vulnérable et il n'a aucune envie d'être l'objet de l'ire de quiconque, et surtout pas de celle d'Aomine. Il a juste envie de rester chez lui et soigner son ego blessé, se terrer dans son antre le temps de retrouver son optimisme habituel. Alors il s'occupe de ses affaires courantes, compta, administratif, ménage, courses. Lance une session de jeu pour s'entraîner. Passe à la salle de sport. Puis, il se rend directement chez Alex. Il n'a pas décidé s'il allait lui raconter ses récents déboires… Mais en tout cas il a bien besoin de passer une soirée à l'extérieur, éviter la solitude de son appartement où il va encore ruminer.
Alex a mis un point d'honneur à ce qu'il comprenne bien qu'il pouvait venir quand il voulait. Elle lui réserve toujours une chambre, qu'elle appelle même « la chambre de Taiga », comme si c'était son fils dont elle aurait conservé la piaule d'ado après son départ pour la vie active. Au début, Kagami n'osait pas trop venir, parce qu'il avait peur de déranger Izumi. Izumi, c'est la raison pour laquelle Alex s'est installée au Japon. Une mangaka quarantenaire mordue de travail qui est rapidement devenue son amie, et qu'il ne dérange finalement pas souvent puisqu'elle est la plupart du temps enfermée dans son atelier. Et il a fini par comprendre qu'Alex appréciait aussi sa compagnie quand elle se sentait esseulée à cause des horaires à rallonge de sa compagne. Alors même si c'est la maison d'Izumi, il a compris qu'il n'y est pas plus un squatteur que ne l'est Alex, seulement une sorte de troisième habitant à temps partiel. Izumi l'a accueilli à bras ouverts, et, n'ayant elle-même pas d'enfants, il n'a pas l'impression de voler la place de quelqu'un d'autre. Il a un double des clés, et quand il a envie de venir, il ne prend pas la peine de prévenir en avance. Comme ce soir, où il ne s'annonce qu'une fois le seuil franchi.
À l'approche du lieu de rendez-vous, le jeune homme ne se sent plus si sûr de lui que cette nuit lorsqu'il a défié Kagami. À vrai dire, il a même hésité à venir. Mais il n'a qu'une parole, il ne peut pas prendre le risque de le faire attendre. Aomine sait qu'il est un peu tôt pour son rival, néanmoins il espère mettre ce temps à profit pour prendre du recul et s'éclaircir les idées. Il dribble un peu, sans conviction, machinalement. L'esprit occupé à revisionner la scène et rejouer leur dialogue. Mettant sur pause et reculant comme il le ferait avec un épisode d'une série pour mieux comprendre. Calmé et reposé, au grand air et sous la lumière d'une belle journée, ça lui saute aux yeux. Il s'est énervé tout seul. La culpabilité renforce ses gestes, et sa balle rebondit avec plus d'entrain. Il est confus. Kagami ne lui a donné aucune raison de s'emporter de la sorte. Ni dans ses mots, ni même ses gestes. Bien sûr que ça l'a frustré de le voir partir déçu et remonté contre lui. Mais cette rage… Cette vieille compagne qu'il garde comme un animal dans l'enclos de ses intimes pensées a réussi à le posséder, le surprenant au passage de sa force. Ce constat le déboussole tellement qu'il en rate son tir. Il grimace et file récupérer sa balle, reprenant les dribbles autour d'adversaires imaginaires. Le son du cuir embrassant le bitume résonne dans la rue et comble un peu le silence, bruit familier et rassurant qui l'invite à approfondir ses réflexions, malgré sa déconvenue.
Sans savoir s'il se pose les bonnes questions, il essaie sincèrement d'y répondre. Il s'est surpris à réagir violemment lorsque Kagami l'a repoussé. Parce qu'il ne s'y attendait vraiment pas. Toujours en dribblant, il arpente le terrain en cogitant, sourcils froncés, hermétique à l'extérieur de sa psyché. Décidément, il ne comprend pas ce qu'il a dit de travers. Si sa théorie s'avère exacte, il veut bien croire que Kagami ait été déçu. Cependant, même s'il n'a pas répondu favorablement à sa démarche qu'il soupçonne intéressée, Aomine n'a pas l'impression de l'avoir rejeté complètement. En fait, s'il est un peu honnête avec lui-même, bien que la perspective de le revoir l'avait réjoui sur le moment, il était mécontent que leurs retrouvailles se fassent au poste. Il aurait tellement aimé le croiser sur ce terrain, comme il se l'était proposé. Cette rencontre surprise le frustre au plus haut point, sans pour autant être certain de ce qu'il aurait voulu à la place, ni de ce qu'il en attendait… Et peut-être bien que cette contrariété toute personnelle est en partie la cause de sa réaction démesurée.
Petit à petit, dribble après dribble, il démêle le sac de nœud qui lui noue les tripes depuis qu'il s'est levé. Et lorsqu'il aperçoit un bout de réponse, plus confiant, il retente un shoot. Le ballon rebondit sur l'arceau mais se décide finalement, faisant teinter les chaînes sur son passage. Aomine esquisse un faible sourire. Il en conclut que ses espoirs déçus et sa nervosité face à un Kagami entreprenant sont certainement la source de son instabilité émotionnelle. Il l'avait cru en colère, alimentant la sienne. Avec le recul, il se rend compte qu'elle était illusoire. Son absence aujourd'hui en est pour lui une preuve d'ailleurs. Si Kagami lui en voulait, il suppose qu'il serait déjà venu régler ses comptes avec lui. Là, Kagami n'a pas l'air d'être pressé de le rejoindre. Ce qui est pire en un sens. Il aurait préféré affronter ses remontrances que son indifférence. Qu'à cela ne tienne ! Aomine peut attendre. Il n'a rien de mieux à faire, et il lui doit bien ça. Alors il joue encore, seul d'abord, puis avec des gamins du quartier qui finissent par se montrer. C'est à une heure plus tardive qu'il ne pensait qu'il sort du playground, toutefois plus serein qu'en y pénétrant. En buvant un coup, il jette un regard alentour avec un pincement au cœur, comprenant que Kagami ne viendra pas aujourd'hui.
Rapidement, il répond à Satsuki qui le cherche et a tenté de le joindre. Puis il salue les gamins d'un check amical et de quelques encouragements avant de rassembler ses affaires. En allant se coucher au petit matin, il s'était endormi avec la rage au corps et l'envie d'en découdre avec Kagami. En ce début de soirée, il est plutôt désemparé et convaincu qu'il lui doit des excuses, même s'il ne sait pas encore exactement pourquoi. Décidé à le découvrir, devant la porte de son appartement, il n'hésite qu'une seconde avant de toquer. Rien. Il attend un peu et réitère. L'appelle. Toujours rien. Il tend l'oreille pour être sûr mais non, personne. Ou bien Kagami fait le mort pour l'éviter. Il n'espère pas que ce soit le cas, mais si jamais, il bat en retraite. Se refusant à le contacter s'il a besoin d'espace pour l'instant.
La voix claire d'Alex lui répond depuis le salon. Kagami enlève ses baskets et dépose son sac de sport dans le vestibule avant de la rejoindre.
« Hey Tai ! s'illumine Alex en le voyant. Tu travailles pas ce soir ? »
Il est un peu embêté par la question… Parce qu'il est censé travailler. Mais il a inventé une excuse. Normalement, il ne loupe jamais aucune session, mais cette fois, les autres se débrouilleront sans lui. Ce n'est pas très raisonnable, et il le sait, mais il n'a pas la tête à jouer ce soir. Parfois, il vaut mieux s'aérer la tête que d'accumuler les bêtises par manque de concentration.
« J'ai, hm… Pris ma soirée.
— Ah ! Tu pourrais peut-être aller dire à Izumi de faire pareil ! »
Il rigole en se laissant tomber sur le canapé.
« Oh, non. Je ne mettrai pas les pieds dans l'antre du dragon, tu le sais.
— Mais si ! Elle oserait pas te dévorer tout cru, toi !
— Bien sûr que si elle oserait ! »
Il s'étire et ouvre la bière que lui tend son amie.
« Deadline serrée ? demande-t-il après avoir bu une gorgée.
— Je crois qu'on sait tous les deux que c'est un pléonasme…
— Exact.
— Enfin, elle a promis de ne pas y passer la soirée. Alors, quoi de neuf, Tai ? »
Il se frotte le crâne, un peu hésitant. Beaucoup de choses, à vrai dire… Et il ne sait pas trop par où commencer. Finalement, il soupire et dit :
« Il se passe un truc bizarre chez moi depuis quelques jours… »
Alex écoute tout son récit, les yeux ronds comme des soucoupes.
« Alors tu veux dire que le beau gosse du basket est flic et s'occupe de ton cas ? » demande-t-elle au terme de son histoire.
Il laisse échapper un son indistinct, entre rire et grognement.
« C'est tout ce que t'as retenu ?! Ouais, c'est ça. Enfin, 's'occuper de mon affaire', c'est un bien grand mot. Il dit que y a rien à faire. À moins de porter plainte et de partir à la poursuite de tous les gens qui se pointent devant ma porte. »
Alex réfléchit, le menton dans la main.
« Peut-être, mais c'est sans doute vrai. C'est pas qu'il veut rien faire, sinon il serait pas passé avec son matos. »
Kagami hausse les épaules.
« Ouais, j'imagine. Peu importe, de toute façon. Je me suis fait griller, sa réaction m'a pas plu, résultat je me suis énervé, et du coup il s'est énervé aussi.
—Vu comme ça, ça a pas l'air si grave que ça, tempère Alex.
— Sans doute pas, t'as raison. C'est juste… » Il soupire et s'adosse contre le canapé, bras croisés derrière la tête. « J'en ai marre de prendre sur moi dans ce genre de cas… D'expliquer aux gens, de faire en sorte qu'ils soient pas mal à l'aise… C'est usant, tu vois ? Et là, ça m'a soulé. Je préfère qu'on en reste là. »
Elle hoche la tête, la mine un peu triste.
« Je comprends, Tai. Mais pour le basket… »
Il pousse un soupir un peu rageur et reprend une gorgée de bière.
« Je vais pas me mettre à éviter le seul terrain de streetball du quartier juste à cause de lui… Donc s'il veut pas lâcher l'affaire, j'imagine qu'on se reverra.
— Et si on y allait demain ? »
Il hausse les épaules.
« Si on y va et qu'il est là, je te le laisse. »
Alex rigole un peu devant sa moue dépitée et vexée, et lui ébouriffe les cheveux.
« Très bien, je serai ta championne, et je te vengerai !
— Mais arrête ! J'ai pas dit ça… » grommelle Kagami en tentant d'échapper à la main qui dérange sa chevelure déjà en pétard.
Leurs chamailleries attirent le dragon, qui apparaît sur le seuil et s'adoucit en voyant Kagami :
« Hello Taiga ! Ça fait longtemps qu'on t'a pas vu ! »
Kagami se redresse et réarrange ses cheveux, souriant à Izumi :
« Ouais, tu sais ce que c'est, le boulot est prenant !
— Ne m'en parle pas ! » s'exclame théâtralement la belle brune avant de les rejoindre.
De retour chez lui, Aomine trouve une note de Satsuki. Elle a dû passer pensant le trouver là. Il n'aime pas l'inquiéter, mais il n'a pas le temps d'aller la voir maintenant. Il doit bientôt retourner au poste. Trop préoccupé par leur "altercation", Aomine a failli en oublier l'essentiel. Kagami lui a donné une piste à poursuivre. Alors en se préparant pour son service il appelle Katashi, un collègue de la cybercriminalité qui lui en doit une.
« T'es sûr Aomine ? C'est risqué.
— Je sais. Je comprendrais si tu ne veux pas mais…
— Non pas de soucis, je peux chercher. Mais juste un pseudo c'est mince. T'attends pas à grand-chose, surtout hors des radars, le prévient son complice.
— Je me doute. Mais c'est tout ce que j'ai pour l'instant.
— Ok. J'te préviens si je trouve quelque chose. »
Aomine le remercie d'accepter la faveur qu'il lui demande, conscient de la menace que ça laisse planer sur leurs carrières. L'affaire est non officielle, il est hors procédure et avance à l'aveugle. Sans le filet de protection qu'est censée représenter la paperasse et les autorisations nécessaires à ce genre de démarche. Mais plus encore que de sortir des clous, il déteste se sentir impuissant. Le contrôle lui échappe, Kagami ne le lui laisse pas en préférant ne pas porter plainte, tout en attendant qu'il fasse plus que de lui apporter du bricolage à faire. Les accessoires qu'il lui a apportés sont un maigre pansement sur la situation, ils doivent trouver la cause pour que les visites douteuses s'arrêtent. Si possible, avant que ça ne devienne plus grave, ou dangereux. Il aimerait faire plus, mais il n'a pas encore de marge de manœuvre. Pourtant, il veut prouver sa bonne foi à Kagami, qu'il le prend au sérieux. Même s'il n'est pas sûr à ce stade d'avoir l'occasion de lui en parler, et puis il ne voudrait pas lui donner de faux espoirs si jamais les recherches ne donnaient rien.
C'est un peu soulagé d'avoir agir concrètement dans cette histoire qu'il arrive à la gendarmerie. Mais à peine a t'il le temps de rejoindre le parking et sa voiture de patrouille qu'il est appelé dans le bureau du big boss. Et merde…
Il grogne dans sa barbe, anxieux mais se contraint au calme. Impossible qu'il sache… Masato est un flic respecté. Il a gravi les échelons jusqu'à celui de commissaire qu'il exerce depuis une bonne dizaine d'années. Il toque à la porte de son bureau et attend d'y être invité pour entrer dans l'espace feutré, sobre mais étonnement chaleureux.
« Un problème chef ? demande-t-il en premier.
— À toi de me le dire Aomine… »
Étonné, l'interpellé cherche quoi répondre. Devant son silence, son boss soupire et dénoue un peu sa cravate.
« On est venu me rapporter que tu as perdu ton calme hier. Ça ne te ressemble pas. »
Aomine déglutit. S'il retrouve le cafteur… Il se masse la nuque et évite le regard qui pèse sur lui.
« Je sais… ça ne se reproduira plus. C'était… plus personnel que professionnel, se justifie-t-il.
— Hum… Je vois. Si tu veux en parler, ma porte reste ouverte. »
Un frisson coule dans son dos lorsqu'il croise le regard compatissant cerné de pattes d'oie. Aomine croit comprendre et se raidit instantanément, le sang glacé.
« Ce… ce n'est pas ce que tu crois, bégaye-t-il en oubliant le respect de la hiérarchie tant il est nerveux d'aborder le sujet.
— Peu importe ce que je crois fiston. C'est une drôle de période. Je peux comprendre que tu sois à cran. Je te dis juste que si tu as besoin, je suis là. Je ne suis pas que ton patron après tout.
— Je peux y aller ? » demande-t-il, pressé de quitter ce bureau.
Masato l'observe en silence, menton posé sur ses mains croisées. Puis d'un geste il le libère, l'autorisant à sortir. Mais avant qu'il n'ait franchi le seuil de la porte, la voix redevenue autoritaire retentit.
« Pas de patrouille ce soir, tu restes au poste. Et n'essaye même pas de protester », l'interrompt son patron avant même qu'un son ne sorte de sa bouche pourtant prête à le faire.
Il grogne en fermant la porte un peu plus abruptement que prévu. Privé de sortie, comme un gosse ! Aomine serre les poings. Pas besoin qu'on lui rappelle la date qui s'approche, comme s'il pouvait l'oublier... Mais pour une fois, ce n'est pas la cause de son état et ça le fout en rogne qu'on croit que ça puisse l'écarter du droit chemin, alors que pour lui, c'est tout le contraire. C'est justement dans ces moments-là, où les souvenirs se font plus forts, et plus douloureux aussi, que son travail lui tient le plus à cœur. Masato devrait le comprendre mieux que personne.
Aomine rumine à son bureau entre dépositions et enregistrement d'arrestations. Aller savoir pourquoi, les jeudi soirs, c'est toujours la folie au poste. Lors d'une pause-café, il prend le temps de souffler un peu et c'est là, perdu dans la mousse de son double expresso qu'il percute. Il réalise avec effroi ce qui a dû blesser Kagami la veille. Parce que c'est exactement ce que vient de faire Masato avec lui. Avec sa gentillesse à la con, il a essayé de le consoler pour un truc dont il n'a pas idée, et qu'il a peut-être tout bonnement imaginé ou extrapoler. Si lui a du mal à digérer la condescendance sous couvert de bienveillance d'un homme qu'il connaît depuis toujours, il comprend facilement que celle dont il a fait preuve avec Kagami soit mal passée aussi. Aomine termine son café, assemblant la dernière pièce du puzzle qu'il pense avoir trouvé. Cette fois c'est certain, il lui doit des excuses. Demain il retournera au terrain de basket pour s'expliquer. Parce qu'il trouve ça dommage de gâcher cette relation naissante à cause de sa bêtise, mais aussi et avant tout parce que c'est inexplicablement important pour lui.
Quand vient l'heure du dîner, Alex ni Izumi étant de grandes cuisinières, et Kagami n'éprouvant pas un grand désir de préparer le repas pour tout le monde, ils décident de commander au chinois du coin. Les deux femmes ont leurs habitudes là-bas, et d'ailleurs, si Kagami ne prenait pas la peine de temps à autre de leur faire à manger – il passe même parfois remplir leur frigo avec des plats qu'il a préparés chez lui – elles vivraient probablement des resto alentours, bien que, comme Kagami le leur fait observer avec une régularité aussi infaillible qu'inutile, ce n'est pas très économique. D'autant que, il en est certain, sa cuisine à lui est beaucoup plus saine.
Une fois leurs plats disposés sur la table basse du salon, ils s'installent confortablement dans le canapé pour passer la soirée devant Netflix, à commenter une série plutôt sympathique mais aux personnages provoquant régulièrement l'ire d'Izumi, qui les trouve « peu crédibles ». Kagami aime bien l'entendre râler. Parce que quand elle le fait, il se sent comme à la maison. Et il sait que d'une certaine façon, c'est le cas. Il est chez lui, au moins autant que dans son petit studio.
Quand il va se coucher, il se sent mieux. Il a bien fait de prendre cette soirée en off pour se remettre les idées en place, et de parler à Alex de ce qui le préoccupait. Elle l'aide toujours à prendre du recul, et se montre de bon conseil sans pour autant être insistante ou lui dire quoi faire. Le lendemain, il se paie le luxe d'une grasse matinée, et après avoir préparé un brunch pour toute la maisonnée en guise de déjeuner, il se prépare pour aller jouer. Alex et lui quittent la maison en début d'après-midi, et c'est avec une certaine appréhension qu'il rejoint le terrain. Mais il a bien besoin de se défouler, et pour le reste… Advienne que pourra.
