Hello ! Nous voici de retour après les aventures de nos deux compères.
Bonne lecture !

Shadow: J'espère que celui là te plaira autant :D


Aomine est rincé. Il n'a pas vu passer sa journée, et pourtant il en ressent toute la fatigue. Tellement, qu'il a un peu de mal à se réjouir de leur victoire ce soir. Peut-être aussi parce qu'il ne réalise toujours pas. Même posé chez lui, dans le calme et le silence il lui semble que son esprit est encore coincé sur les docks. Ou quelque part dans une salle de débriefing. Allongé sur son lit, il se refait le film de ces derniers jours sans parvenir à trouver le sommeil malgré son épuisement. Lorsqu'il entend son téléphone vibrer près de lui, il est un peu étonné. Il pense d'abord que Satsuki a oublié de lui dire quelque chose, mais le contact qu'il découvre sur son écran le détrompe. Un sourire aux lèvres, il répond.

Aomine - 23h17

Hey !
Ah... tu as vu ça ? Merci, j'espère aussi.
T'inquiète pas, Prudence est mon deuxième prénom ;)

Kagami - 23h18

Prudence ? Je sais pas pourquoi j'ai du mal à croire ça. Alex t'as vu aussi, elle a dit que t'étais "badass".

Aomine - 23h18

haha pourquoi ? Je suis raisonnable pourtant.
Venant d'une autre badass, je suis flatté ^^

Kagami - 23h19

Yeah, en tout cas ils vont peut-être te donner un peu de repos maintenant ? Si tu veux passer bouffer demain...

Aomine se redresse un peu sur son oreiller, salivant déjà rien qu'à cette idée. Son dernier vrai repas doit remonter à plus de deux jours et il ne saurait même pas dire ce que c'était. Demain, il est effectivement de repos. Et ce week-end en astreinte. La proposition est trop alléchante... mais une idée lui vient. Il se mordille le pouce tandis que l'autre hésite à appuyer sur l'icône "envoyer".

Aomine - 23h21

Puisque t'en parle... Si ta proposition de me préparer à manger tient toujours, je te prête ma cuisine si tu veux. Je dois avoir un sachet de nouilles au fond d'un placard pour survivre ce week-end.

Dans son lit, Kagami se redresse jusqu'au s'assoir tout à fait et hausse les sourcils, intrigué par cette proposition. Aomine, l'inviter chez lui ? Il avait presque cru que le brun tenait à garder cet endroit secret, comme s'il était réticent à voir quelqu'un d'autre que son amie Satsuki y entrer. Et peut-être qu'il y a de ça, après tout. Cela dit, c'est plus que tentant… Il est très curieux de découvrir l'endroit où vit le brun.

Kagami - 23h22

Un paquet de nouilles, tu dis ? Imagine la tête que je fais maintenant. (j'ai pas l'air content, si ça peut te mettre sur la voie. Un brin scandalisé, aussi). Bon... OK. Envoie-moi ton adresse alors !

Aomine ricane en imaginant la tête de Kagami. Il se souvient son air sérieux quand il évoquait la possibilité de préparer à manger pour sa meilleure amie qu'il ne connait même pas, et il admet profiter un peu de sa gentillesse et de son obsession pour la nourriture. Il se surprend lui-même à lui demander de venir. Mais il n'a pas la force d'y réfléchir, il a seulement suivi son impulsion du moment, heureux d'avoir de ses nouvelles.

Aomine - 23h23

J'imagine très bien. Et ça me fait marrer ! Je t'envoie ça. Tu as besoin de quoi ? Envoie-moi une liste j'irais faire des courses.

Kagami considère la question un moment, et se dit que tant qu'à faire, autant mettre les petits plats dans les grands et prévoir large, comme ça Aomine aura à manger pour plusieurs repas. Il lui prépare donc une liste longue comme le bras et l'envoie avec satisfaction. Puis, il repose son portable sur la table de nuit et ne tarde pas à trouver le sommeil, la tête déjà dans ses préparations du lendemain.

À son réveil, Aomine s'étire longuement. Allongeant ses membres au maximum pour éveiller chaque fibre de son corps encore engourdi de sommeil. Il ne se souvient pas d'avoir sombré, et sa nuit était sans rêve. Juste paisible, reposante et réparatrice. Tout ce dont il avait besoin après ces derniers jours. Il se frotte les yeux et cherche son téléphone à tâtons. En parcourant la liste de Kagami, il comprend aisément qu'il ait eu le temps de s'endormir sur son smartphone... Elle est aussi longue que le générique de la guerre des clones ! Il se passe une main sur le visage, ahuri, regrettant presque d'avoir joué avec la serviabilité de son ami. Le karma...

Kagami se réveille de bonne humeur ce matin-là, heureux à la perspective d'aller chez Aomine et de lui concocter un bon repas. En plus, il va lui faire les courses, et ça, c'est un avantage dont il bénéficie rarement : Izumi prétend ne pas avoir le temps de s'en charger et Alex... est juste trop flemmarde. Ça ne le dérange pas vraiment, les deux femmes lui rendent bien ses attentions, juste d'une façon différente.

Alors qu'il pense à son repas, il s'inquiète tout à coup qu'Aomine ne sache pas choisir les ingrédients les plus sensibles, comme le poisson où les légumes. Il s'assoit dans son futon et sans attendre, il prend son téléphone pour envoyer une liste d'instructions supplémentaires et ainsi s'assurer de la qualité des matières premières.

La tête où le soleil ne se lève pas, Aomine sirote son premier café. Il serait bien resté au lit mais avec sa super idée, il se retrouve de corvée courses. Alors qu'il est en train de se demander où il peut trouver ne serait-ce que la moitié de ce qu'il y a sur la liste, il reçoit un texto. S'il n'était pas un brin inquiet de la tournure que prennent les évènements, il s'amuserait du côté autoritaire des instructions supplémentaires qu'il lit en écarquillant un peu plus les yeux à chaque ligne. Il a peut-être un tout petit peu sous-estimé l'implication de son pote dans le projet... Incrédule, ses lèvres s'étirent tout de même en tapant une réponse.

Aomine - 10h47

Ok... tu déconnes vraiment zéro avec ça. Je me suis engagé alors je vais rien dire, mais là je lève les yeux au ciel de consternation si tu veux savoir. Tant qu'à faire, est ce que tu as des magasins à me conseiller ? Je ne sais pas où trouver la moitié de ta liste !

Ah... et bonjour à toi aussi au passage !

Kagami découvre la réponse du brun en sortant de la douche et réalise qu'il s'est peut-être montré un peu trop directif… Il pianote un message pour tenter d'y remédier.

Kagami - 11h00

Yeah... Sorry. C'est juste que j'ai mes petites habitudes... Ouais pour le konbini tu peux aller à celui à côté de la gare, celle à côté du ciné où on est allés l'autre jour. Y a toujours tout ce qu'il faut là-bas ! Je passe chez toi vers quelle heure ?

Aomine - 11h01

Ok c'est pas trop loin. D'ici une heure ? Je pars pour ma quête !

Il termine de s'habiller et avant de sortir, il pense à lui envoyer son adresse et le prévient du registre qu'il aura à signer à l'entrée de l'immeuble.

Kagami se prépare et s'occupe comme il peut en attendant que ce soit l'heure de partir, réprimant son impatience. Il hésite à faire un peu de sport, puis se rappelle qu'il vient de prendre une douche, et renonce. Il fait un peu de ménage, répond à ses mails, et enfin attrape sa veste et quitte l'appartement. Un quart d'heure plus tard, il arrive à la résidence d'Aomine. En se présentant à l'accueil, il se dit que plus aucun inconnu louche n'arriverait jusqu'à lui s'ils devaient signer un registre. Mais enfin, il n'a pas eu d'ennuis récemment... Peut-être que cette histoire est terminée ? Il a quelques doutes, mais profite du répit.

Une fois cette petite formalité achevée, il se hâte en direction de l'escalier et le grimpe quatre à quatre jusqu'à l'étage d'Aomine. Une fois devant sa porte, il réarrange sa chevelure d'une main nerveuse, puis toque à sa porte d'un geste résolu.

Aomine est en train d'arranger le dernier coussin sur le canapé quand il entend frapper à la porte. Il sursaute un peu. Il n'a pas l'habitude, c'est plutôt rare. Les seules personnes qui viennent ici sont accompagnées par lui, ou possèdent la clef et ne s'encombrent pas de la formalité de s'annoncer. D'un pas pressé, vérifiant l'état de son appartement en chemin il va ouvrir à son ami, s'étonnant de ce qu'il éprouve à l'idée de l'introduire chez lui.

Kagami sourit en apercevant son ami. Il est vraiment content de le revoir. Comme toujours, son cœur fait un petit bond, puis il se rappelle de ne pas trop s'enthousiasmer, et s'ensuit un pincement douloureux.

« Hey. Ma liste de courses t'a pas trop donné de fil à retordre ? »

La bouffé de stress inexplicable qui s'est emparé d'Aomine depuis son retour s'estompe face au sourire chaleureux qu'il trouve derrière le battant. Il a soudain l'impression de ne pas avoir vu Kagami depuis plusieurs semaines et se réjouit de sa présence. Il lui rend son sourire en s'écartant pour lui laisser le passage, ouvrant grand sa porte.

« Étonnamment non. Elle faisait peur au début mais tu as répondu à toutes les questions avec tes instructions. J'espères que ça te conviendra.

— Right ! Je savais bien que ces instructions seraient nécessaires ! »

Kagami entre et se déchausse, jetant un coup d'œil autour de lui. C'est un appartement assez modeste, mais propre. Ça manque peut-être un peu de décorations. Il attend que son hôte l'introduise dans le salon et surtout lui présente la pièce la plus importante : la cuisine !

Aomine s'avance dans la pièce principale, vérifiant d'un petit coup d'œil en arrière que Kagami le suit, et aussi pour s'assurer de sa véritable présence. Il trouve ça très étrange de le voir chez lui mais pas de façon désagréable. D'un geste du menton, il lui désigne la cuisine toute équipée qui n'est séparée du salon que par un demi mur, faisant office de plan de travail, comptoir et plus rarement table.

« N'hésite pas à fouiller, je pense avoir tout ce qu'il faut dans les placards. Sinon, la porte là-bas c'est la salle de bain et celle à droite c'est ma chambre. Bienvenue », ajoute-t-il dans un sourire en se massant la nuque.

Kagami hoche la tête en souriant et s'avance dans la cuisine pour ouvrir tous les placards et tous les tiroirs afin de faire un état des lieux rapide.

« Hm... Ouais je devrais avoir tout ce qu'il me faut. » Il inspecte ensuite le frigo et commence à sortir tout ce dont il a besoin. « T'es bien équipé pour un type qui se retrouve avec un paquet de nouilles pour toute nourriture. »

Aomine ricane à la remarque et explique :

« Appartement de fonction, c'est un meublé. J'ai quasiment rien acheté et le peu qui manquait, ma mère me l'a offert quand j'ai emménagé.

— Ah je vois. Pratique ! »

Kagami se lave les mains puis farine le plan de travail avant de commencer à faire sa pâte à gyozas. Il relève la tête pour regarder le brun.

« Bien remis de ton intervention, au fait ? Ça avait l'air d'une grosse opération. » Il fronce les sourcils et après une hésitation, il ajoute : « T'as pas été blessé ? »

Il se doute bien que même si c'était le cas, ça n'aurait été rien de grave puisqu'il a vu Aomine emmener le suspect au commissariat et qu'il se tient devant lui apparemment en forme, mais il a tout de même besoin de demander.

Fasciné par la rapidité avec laquelle son ami s'est emparé de l'espace, Aomine observe ses gestes en se demandant bêtement si son plan de travail a déjà été recouvert de farine. La question de Kagami le tire de ses pensées et il s'installe sur une chaise haute au comptoir.

« Je sais pas trop en vérité. J'ai un peu le sentiment de l'avoir rêvé. C'était tellement intense... Et plutôt imprévu. J'ai su deux jours avant ce qui se tramait et que je serais de la partie. » Le regard perdu au loin, il le reporte sur son invité pour le rassurer, touché par son inquiétude. « Et non je n'ai pas été blessé. Un collègue a été salement touché mais j'ai appris ce matin qu'il allait s'en sortir alors c'est officiellement une immense réussite. »

Kagami sourit, reportant son attention sur sa pâte.

« Tant mieux. C'était ta première grosse intervention ?

— Avec autant de monde et pour un si gros poisson, ouais c'était une première. J'en ai encore la chair de poule. »

Et comme pour se justifier, incapable de trouver les bons mots pour décrire ce qu'il ressent il lève son avant-bras parcouru de frissons à l'évocation de cette nuit. Son corps se remémorant l'adrénaline, la concentration extrême et le puissant sentiment d'être utile, à sa place.

Kagami écarquille les yeux :

« Ah ouais... T'es vraiment fan de ton métier. » Il rigole un peu, cherchant à intégrer les paroles du brun, et ajoute tout en pétrissant sa pâte : « Mais j'imagine que je peux comprendre... J'aime l'adrénaline aussi. Les situations intenses. Alors les miennes en général ne sont pas dangereuses... Mais le principe est sans doute le même. »

C'est vrai qu'il aime son métier. Et puis même si Tadashi lui en a voulu de courir au-devant du danger, seul, pour arrêter le fuyard il ne peut s'empêcher d'être fier de lui. De sa réussite personnelle dans cette victoire commune. Même si un il ne sait quoi lui chatouille la conscience...

« Ouais c'est une sensation assez dingue... L'impression d'être hors de son corps, et d'en avoir pourtant le contrôle absolu.

— Yeah, comme dans un bon match de basket, hein ? »

Kagami met sa pâte de côté pour la laisser reposer, puis nettoie le plan de travail avant de commencer la découpe des légumes.

Rêveur, Aomine acquiesce et pose sa tête sur son poing. Il revient à l'instant présent, délaissant les images de l'arrestation au fond de son crâne.

« Et toi alors ? Quoi de neuf. Pas trop harcelé par les sponsors ?

— Si... répond Kagami dans un soupir. La comm c'est pas mon truc... Mais avec les gars de la team... On pense à prendre un agent. Ça nous facilitera le travail. Aucun de nous n'est très à l'aise avec ce genre de trucs, alors...

— Sérieux ? » demande-t-il en se redressant, son intérêt piqué au vif.

Kagami relève les yeux, amusé par son enthousiasme.

« Ouais... Un agent pourrait s'occuper de nous trouver des contrats et gérer la paperasse. Donc on va sans doute essayer d'en trouver un, faut qu'on en reparle. »

Aomine hésite. Mais en y réfléchissant bien, il se ferait surement tuer s'il elle l'apprenait...

« Bin tu me diras dans ce cas... je connais quelqu'un que ça pourrait intéresser. Et que je recommanderais les yeux fermés.

— Ah bon ? Qui ça ? demande Kagami, intrigué.

— Satsuki. Elle a pas encore son diplôme mais elle aimerait être community manager. Elle est tout le temps connectée sur tout. Les tendances ça la connait et les jeux vidéo, elle y joue plus que moi. Enfin, c'est pas un milieu inconnu pour elle quoi. C'était la manageuse de notre équipe au collège. Elle s'organise comme elle respire... Bref, je veux pas te faire son CV mais si elle apprend ça et que je n'ai pas parlé d'elle... » Il rit un peu en imaginant ce que Satsuki serait capable de lui faire s'il ne la mentionnait pas.

Kagami hausse les sourcils devant ce portrait très flatteur. C'est l'amie d'Aomine alors c'est normal, mais tout de même, ça vaut le coup de creuser cette piste.

« Vraiment ? Oh, bah dans ce cas, faudrait que je la rencontre pour qu'on en parle... »

En plus, si elle débute, la commission qu'elle prendra ne les ruinera pas, et c'est déjà un très bon point, puisqu'à leur niveau on ne peut pas dire que l'argent coule à flots.

Sincèrement heureux qu'il considère l'option avec intérêt, Aomine sourit à Kagami de toute ses dents, imaginant déjà le bonheur de sa meilleure amie. S'il peut les aider tous les deux en les mettant simplement en relation, ce serait génial.

« Quand tu veux ! Si ta team est OK je te filerai son numéro avec grand plaisir », affirme-t-il, très enthousiaste à cette perspective. Puis, d'un bond il descend de son tabouret et demande, affolé de manquer à ses devoirs : « Au fait, je t'ai rien proposé ! Tu veux boire un truc ?

— Yeah, si t'as une bière j'en veux bien une. Pour Satsuki, pas besoin d'en parler à mes coéquipiers avant, si je lui passe un coup de fil et que je la rencontre, je l'aurai pas encore embauchée ! Donc ouais je veux bien son téléphone. »

Kagami assaisonne ses petits légumes et les réserve dans un bol, puis attaque une marinade pour la viande. C'est agréable de cuisiner ici, il y a de la place et c'est bien organisé. Il se sent comme un poisson dans l'eau.

Il ne lui en faut pas plus. Aomine ouvre son frigo d'une main tandis qu'il pianote le numéro de sa meilleure amie de l'autre.

« Envoyé ! » Claironne-t-il satisfait en saisissant deux bières.

Puis, il s'approche de Kagami et se faufile derrière lui pour accéder à un tiroir. Il attrape son décapsuleur, déleste les boissons de leur protection et referme le tiroir d'un coup de hanche. À parler de tout et rien, voir son ami si à l'aise chez lui, il a fini par se détendre et il oublie que c'est la première fois que Kagami vient ici, la première fois qu'on se sert vraiment de sa cuisine aussi. Il tend sa bouteille au jeune chef et lui présente la sienne dans l'attente qu'il trinque avec lui. Il ne sait pas trop à quoi exactement, mais l'atmosphère et son cœur sont à la fête.

Kagami l'observe avec un sourire en coin, amusé de le voir d'aussi bonne humeur. Il trinque avec lui et boit une gorgée.

« Thanks. » Il repose la bouteille et se remet au travail. Il s'est fixé un objectif ambitieux, mais il est sûr de pouvoir tout cuisiner avec que son ami ne s'impatiente trop.

« Tiens au fait... J'ai trouvé... ou presque 'retrouvé' une chouette resto en ville. Ma mère avait l'habitude d'y aller... Y avait une photo d'elle là-bas dans un album que j'ai. J'y suis allé... Et figure-toi que le proprio se souvenait d'elle ! J'ai mangé gratos... »

Tout en buvant, Aomine observe Kagami revenir à ses préparations. Il reste un instant silencieux, prenant le temps d'analyser ce qu'il lui raconte. Il lui semble entendre d'autres mots entre les lignes enjouées et presque trop anodines. Il trouve l'histoire très touchante et il ne peut qu'imaginer l'effet que ça a dû lui faire de partir sur les traces de sa mère. Pensif, il cale son dos au plan de travail et se penche un peu en arrière pour capter les expressions sur son visage concentré.

« Et ça va ? Ça n'a pas dû être facile... »

Kagami relève la tête et lui lance un coup d'œil surpris.

« Oh euh... Ouais. C'est... un sentiment doux-amer, j'imagine. Mais j'étais content. D'en savoir un peu plus sur elle, de rencontrer quelqu'un qui la connaissait... Ça m'a fait du bien. J'aurais dû faire ça y a longtemps... Mais j'imagine que j'étais pas prêt. »

Aomine lui sourit doucement. Rassuré de l'entendre. La chasse aux fantômes, il sait ce que c'est, et combien ça peut être décevant ou douloureux. Sans y penser, il pose une main sur l'avant-bras de Kagami, stoppant sa découpe méticuleuse.

« Dans ce cas je suis content pour toi. Tu penses y retourner ? »

Kagami regarde la main posée sur son bras, étonné par la gentillesse et la compassion d'Aomine. Il en a déjà fait preuve auparavant... Mais en fait, ça l'étonne à chaque fois. Il hoche la tête et sourit.

« Ouais, sûrement. J'pourrais t'y emmener, je pense que ça te plairait. C'est un peu old school, mais chaleureux, et on y mange très bien. »

La proposition surprend un peu Aomine. Peut-être qu'il attache trop d'importance à ce que représente ce lieu pour son ami, transférant sa propre affection à certains endroits où vivent encore les souvenirs de son père. Mais au fond, il se doute que ce n'est pas son imagination. Sa poitrine se réchauffe à la pensée qui l'effleure. Tant pis s'il se méprend, ça lui fait plaisir d'y croire. En l'invitant à partager un repas là-bas, il a le sentiment que Kagami l'invite à rencontrer sa mère, à le rencontrer lui un peu plus. Il lui sourit de nouveaux et avale une gorgée de bière pour dénouer un peu sa gorge.

« Sur la bouffe j'te fais confiance. Emmène-moi où tu veux. D'ailleurs... tu sais la rando dont je t'ai parlé. Le lac qu'on trouve en chemin, c'est là-bas que mon père m'a appris à pêcher », confesse-t-il en se passant une main dans les cheveux.

Il avait pensé lui avouer une fois là-bas, éventuellement, comme une anecdote de voyage sans en faire toute une histoire. Mais Kagami a le don de lui faire dire des choses qu'il ne s'autorise parfois même pas à penser.

Le sourire de Kagami s'accentue en entendant ça. Aomine semble si réservé sur le sujet de sa famille... Il l'interprète comme une marque de confiance de sa part, et ça lui donne encore plus envie d'aller faire cette randonnée.

« Ah ouais ? C'est super ! Et tu pratiques toujours ? Parce que si oui, j'te mets au défi de nous pêcher un super poisson qu'on pourra donner à la cuisine de l'auberge en arrivant !

— Ah ouais un défi ? Je dis jamais non à un défi, s'amuse-t-il dans un rire. J'ai moins le temps avec le taf mais quand je me fais une virée nature, je fais en sorte de pouvoir pêcher. Alors, pari tenu ! Et si on fait ça sur deux jours, je te défie de le cuisiner toi-même au bivouac mon super poisson !

— Hm... Je suis pas vraiment spécialiste en poissons d'eau douce... Mais j'suis sûr que je pourrai improviser un truc ! Au feu de bois, à l'ancienne ! »

Kagami rigole à cette perspective, mais ça serait très intéressant de cuisiner avec le strict minimum. D'ailleurs, en parlant de cuisson... Pour l'instant, il bénéficie de la technologie dernier cri, des plaques à induction. Et il est temps de commencer à faire cuire ses préparations. Il s'y attèle, et très vite, des arômes appétissants s'élèvent de ses poêles.

« Hmm mon appart' n'a jamais senti aussi bon ! Ça donne super faim ton truc. »

De retour sur sa chaise, Aomine est au meilleur poste pour admirer la caramélisation des légumes et capter les effluves qui font gargouiller son estomac d'impatience. Il a hâte de gouter.

Kagami sourit en remuant ses préparations, sûr de lui : « Ouais, je suis presque sûr que ça va être bon. » Il met du riz dans l'autocuiseur et lui lance par-dessus son épaule : « C'est prêt dans une dizaine de minutes. » Puis, il reprend sa bière et reste près de ses poêles pour les surveiller, buvant quelques gorgées. Voilà un jour off comme il les aime.

À cette annonce, l'affamé s'affaire à mettre la table sur le comptoir. Appréciant particulièrement l'ambiance que Kagami a apporté dans sa cuisine, d'ordinaire vide et sans âme. Il sort deux nouvelles bières après avoir demandé d'un geste si Kagami en voulait une autre. Sa tâche accomplie, il revient s'assoir en attendant sagement que les plats soient prêts. Il en profite pour observer son ami à la dérobée, aussi à l'aise dans sa cuisine avec des poêles que sur un terrain de street avec un ballon. Les gestes sont différents, mais tout aussi sur, précis et empreint d'une volonté qu'il peut presque voir dans la tension de ses muscles en action. Le mot qui lui vient pour résumer ce qu'il capte de sa gestuelle, c'est la maîtrise. Kagami sait ce qu'il fait, et pour lui qui a tout juste dompté l'autocuiseur et amadoué le four, c'est un peu impressionnant.

Kagami commence à servir et bientôt, tout est fin prêt et tous les plats sont disposés sur le comptoir. Il a fait vite, mais il y a beaucoup à manger, et même avec eux deux comme convives, il est certain qu'il en restera. Il s'assoit, boit une gorgée de bière et s'empare de ses baguettes :

« Bon app ! »

Émerveillé par la quantité, Aomine répond vaguement, se demandant par où commencer. Il se saisit d'un gyosa et ne peut retenir un soupir de délice lorsque les saveurs se diffusent sur son palais.

« Hum c'est trop bon ! Et dire que ça sort de ma cuisine... Incroyable ! »

Kagami éclate de rire devant cette réaction, mais ça lui fait chaud au cœur. Il n'aurait pas aimé qu'Aomine soit déçu, surtout après l'avoir fait courir avec une liste de courses longue comme le bras. Et puis, il méritait bien ça après sa victoire au boulot.

« Ta cuisine est idéale, explique-t-il. Bien équipée et pratique ! Ici je peux être au summum de mon art ! Je suis content que ça te plaise, je suis plutôt satisfait moi aussi ! »

Même s'il n'a absolument rien à voir avec la conception ou l'agencement de sa cuisine, Aomine prend le compliment pour lui, se rengorgeant d'avoir participé un tant soit peu à un tel chef d'œuvre gustatif.

« Merci, merci... j'peux te la louer si elle t'inspire tant. Tu me paieras avec ce qui en sort. »

Amusé, il croque avec entrain dans une boulette de viande pannée, délicieuse.

« Ouais, ça me paraît un bon deal, rétorque Kagami. Tes voisins vont croire que t'as embauché un chef à domicile en me voyant faire des allers retours à l'heure des repas ! »

Il enfourne un gyoza avec appétit, c'est vrai qu'ils sont plutôt réussis. Toutes ses recettes sont simples, mais elles sont efficaces, et il a ses techniques et ses secrets pour y apporter le plus de saveurs possibles.

Aomine fronce les sourcils en imaginant ses collègues se pointer à l'improviste pour en profiter. Peut-être pas un si bon plan finalement... Il savoure en silence les différents plats, tous meilleurs les uns que les autres, puis entre deux bouchées demande à Kagami :

« T'as un truc de prévu cette aprèm ?

— Non, rien de particulier. T'as envie de faire un truc ? »

Avec un grand sourire, Aomine ne prend même pas la peine de parler. Il attrape une balle imaginaire, la fait tourner sur son index et l'envoie à son voisin, curieux de voir sa réponse.

Kagami hoche la tête vigoureusement, avalant sa bouchée avant de répondre :

« Yeah, carrément. Toujours chaud pour un basket !

— J'en étais sûr ! Tu veux tester celui d'ici ou tu préfères ton terrain ?

— Allons ici, c'est plus simple. Peut-être que cette fois ce sera moi qui aurai l'occasion de tester tes voisins !

— Peut être. Ça fait un moment que j'ai vu personne, ça me plairait bien moi aussi. »

Il réalise en l'énonçant que c'est vrai. Depuis qu'il connait Kagami, il n'est plus allé jouer que contre lui, désertant son terrain habituel.

Kagami rigole doucement en secouant la tête :

« Jouer contre une bande de flics... Honnêtement, c'est un peu flippant. Heureusement que j'ai pas de casier.

— Haha flippant ? Comparé à toi ils sont nuls ! Et c'est plus souvent leurs gosses qui viennent squatter le terrain. T'as pas à t'en faire. »

Il ne l'ajoute pas, mais les flics sont comme tout le monde, ils ne mordent pas. Mais ça l'amuse que ça impressionne son ami, c'est vrai que ce n'est pas commun comme situation.

« Bon je vais pas me faire arrêter si je leur dunke dans la figure alors ? Parce que... j'aime bien faire ça... » avoue Kagami avec un demi sourire.

Aomine sourit en retour. Oui, il a cru remarquer cette petite manie.

« Je vais pas te mentir, il y a quelques mauvais perdants. Mais ils ont l'habitude avec moi, ça devrait aller. Au pire je te protégerai », conclut-il avec un clin d'œil complice.

Embarquer son rival... qu'ils essaient tiens !

Kagami éclate de rire en imaginant ça.

« Bon ! J'ai pas à m'en faire alors. »

Il pioche dans un autre plat et leur conversation se centre sur l'un de leur sujet préféré, le basket. Et notamment la saison de NBA en cours. Ils commentent les résultats et les matchs à venir, se livrant à des pronostics plus ou moins basés sur leurs propres souhaits.

Le repas terminé, du moins… son estomac rassasié Aomine commence à débarrasser, indiquant à Kagami où il peut ranger les restes de ce qu'il a préparé. Il le laisse le temps de se changer et en revenant il avise son jean et lui demande s'il a besoin d'en faire autant, précisant qu'au cas où, il a d'autres survêtements qui pourrait certainement lui aller.

Kagami accepte son offre et quelques instants plus tard, il réapparaît dans un jogging et un t-shirt du brun. Ils font pratiquement la même taille, et même si Kagami et un peu plus large d'épaules, ça lui va tout de même. Il est un peu embarrassé, ça lui fait bizarre de porter les fringues de son crush... mais ça lui plaît aussi. Il sourit et se racle la gorge :

« Bon ! Bah je suis prêt. J'aurais dû me douter qu'on ferait un basket et prendre des fringues au cas où... »

Satisfait, et bêtement content de voir Kagami porter son jogging aux couleurs des forces de l'ordre, Aomine récupère sa balle dans l'entrée. Ils se chaussent et descendent au terrain quasiment au pied de son immeuble. Il n'y a pas grand monde. Et il est même surpris de ne pas le trouver totalement vide à cette heure-ci. En s'approchant il remarque que c'est Haru. Un partenaire régulier, plutôt bon, mais qui ne travaille pas dans le même service que lui. Il s'étonne d'ailleurs de ne pas voir sa fidèle complice en allant le saluer.

« Hey ! C'est rare de te voir sans Yami... elle va bien ?

— Mais regardez qui voilà ! Oui t'inquiète, elle est en promenade avec Neko. » le rassure-t-il en lui serrant la main puis ajoute en avisant Kagami. « Salut ! »

Kagami s'approche, un peu intimidé. S'il peut se montrer un peu rude parfois, déterminé et fixé sur ses objectifs, il a toujours eu un côté timide, mal à l'aise auprès des gens qu'il ne connaît pas. Plus jeune, on se moquait de lui pour ses traits asiatiques et sa chevelure flamboyante, et il lui avait fallu la force tranquille de Tatsuya pour y puiser un peu de sérénité et faire face à ses détracteurs. Et bien sûr, le basket lui permettait de canaliser, d'affronter quelqu'un dans un univers qu'il maîtrisait, plutôt que dans des joutes verbales qui le dépassaient. Il n'a jamais perdu cette réserve confinant à la méfiance, même si à l'âge adulte, il tâche de combattre ses peurs plutôt que de se renfermer sur lui-même. Il adresse un sourire un peu crispé au collègue d'Aomine et serre sa main tendue.

« Salut. Kagami. »

Aomine sent la tension dans la voix de son ami. Il s'étonne un peu, il ne l'a jamais vu froid auparavant. Il ne s'en formalise pas pour autant. Inconsciemment il pose une main sur l'épaule de son ami et la serre un peu en faisant les présentations.

« Un ami du basket, précise-t-il au flic. Kagami, je te présente Haru. Il est maître-chien aux stup'. »

Involontairement, Kagami se raidit d'autant plus et par réflexe, balaie les alentours pour s'assurer qu'aucun chien ne traîne dans les parages. Comme il n'en voit pas, il se détend légèrement, reportant son attention sur le dénommé Haru.

« Enchanté. »

Sous ses doigts, Aomine peut sentir les épaules de Kagami se crisper. Inquiet, il fronce les sourcils et se note de lui demander plus tard. En attendant il connait un moyen efficace de le détendre. Il lui sourit et lui tend son ballon.

« Tu attends quelqu'un où tu veux jouer avec nous ? demande-t-il en allant piquer celui de Haru à la place.

— Tadashi devait me rejoindre, il sera content de te voir ! Ou pas en fait... »

Il rit en mettant un premier panier.

Kagami fait rebondir la balle sur l'asphalte, prenant ses marques sur ce nouveau terrain. Il évalue d'un coup d'œil les paniers, qui ont l'air plus solides que ceux du terrain à côté de chez lui. Il approche de l'un d'entre eux et décide de vérifier par lui-même, bondissant pour mettre un dunk en s'accrochant à l'arceau. La structure métallique se plaint en supportant son poids, mais tient bon. Il retombe sur ses pieds, satisfait.

Alors qu'Aomine nargue Haru qui tentait de lui reprendre sa balle, il entend une voix derrière lui, faisant étrangement écho à l'expression de surprise imprimée sur le visage de son adversaire, qui fixe Kagami du regard.

« Bordel, mais c'est qui ce mec ?

— Ton nouveau pire cauchemar ! Haha » se moque le brun en se retournant vers le nouveau venu.

Tadashi lui donne l'accolade en entrant sur le terrain.

Kagami remarque le nouvel arrivant et s'approche pour se présenter. Soudain, il se demande si ce collègue-là bosse avec Aomine... Parce que dans ce cas, peut-être qu'il est au courant pour ses petits déboires, à cette idée, une bouffée d'embarras lui monte au visage, le faisant rougir malgré lui.

Tadashi le lâche pour saluer Haru puis il s'approche de son ami.

« C'est la première fois que je te vois ici, t'es nouveau ? » demande son collègue en désignant le logo sur le jogging qu'il a prêté à Kagami. Aomine ricane et secoue la tête, répondant pour lui, préférant éviter le quiproquos.

« Nan Baka ! C'est Kagami.

— Oh ! Kagami hein... Donc tu es la raison de l'absence de cet Aho de malheur dans les parages. Enchanté ! »

Kagami lâche un petit rire embarrassé, soulagé que le flic ne semble rien savoir de plus sur lui.

« Justement... Cette fois je viens jouer sur son propre terrain, histoire d'équilibrer les choses. »

Aomine se renfrogne un peu à la pique à peine voilée de Tadashi. Pas de sa faute s'il a trouvé meilleur joueur ailleurs... Mais il est plutôt content d'avoir ramené Kagami. C'est un peu ... incongru, comme si deux de ses univers jusqu'alors nettement distincts entraient en collision, pourtant ça lui semble normal. La suite logique de leur relation. Équilibre... c'est exactement ça. C'est à son tour de lui ouvrir un peu son monde. Donnant donnant. Il sourit à cette idée et de plus en plus impatient il propose :

« Deux v deux les gars ? Qui veut venir avec le gagnant ?

— Du coup... Tu parles de toi ou de moi, là ? demande Kagami, amusé par son assurance.

— Hahah ! Toi, j't'aime bien ! déclare Tadashi dans un éclat de rire. Viens, on lui fait ravaler sa fierté... »

Aomine lève les yeux au ciel en voyant la coalition qui se forme sous ses yeux, mais Haru a l'air ravi d'être son coéquipier. Ce dernier lui donne un petit coup dans l'épaule en rejoignant le centre du terrain, prêt à en découdre.

« Laisses-les parler, Ao. Rappelle-lui qui est le patron ici. »

Kagami sourit en constatant comme les collègues d'Aomine se prennent au jeu. Il a toujours le ballon dans la main et décide donc d'ouvrir les hostilités. Il jette un coup d'œil à Tadashi puis fléchit les jambes, driblant d'une main à l'autre en observant ses adversaires, puis s'élance, fonçant directement sur le duo sans chercher à les esquiver. Il a l'intention de passer en force.

Aomine ne se laisse pas surprendre. Les attaques frontales dès le départ, Kagami en est friand. Et il adore cette façon d'entrer dans le jeu, corps et âme. Ça a le don d'exacerber son instinct de riposte. Il se place sur sa trajectoire, pas du tout prêt à le laisser faire son show tout de suite. Le fauve lancé ne s'arrête pas et lui rentre dedans, le poussant à ancrer ses appuis tandis que Kagami protège son drible de l'autre main. Du coin de l'œil il voit Haru aux prises avec Tadashi, minimisant les opportunités de passe.

Kagami recule d'un pas, mais Aomine suit son mouvement exactement en même temps, comme s'il était connecté à lui, lisant en lui comme dans un livre ouvert. Il pivote de côté, cherchant une échappatoire. Il danse d'un pied sur l'autre, luttant pour se défaire de l'emprise d'Aomine, quitte à le bousculer un peu. Il parvient finalement à se dégager une marge de manœuvre suffisante pour tenter le premier tir.

Aomine change d'appuis aussi vite que son corps froid le lui permet et bondit. Il effleure la balle du bout des doigts mais la trajectoire était parfaite. Il se retourne pour voir si son geste a suffi à la dévier. Elle touche l'arceau, rebondit, et tombe à côté. Il a eu chaud. Kagami lui offre un sourire provocant, lui rappelant qu'il ne doit jamais le sous-estimer, même s'il joue "à domicile". Il fait craquer sa nuque et réceptionne la passe de Haru. Il drible pour se placer à l'attaque, avec puissance et détermination, faisant résonner le rebond sur le bitume au rythme de son pouls, calme et régulier. Il avance lentement, sans lâcher Kagami du regard. Son corps massif légèrement courbé vers l'avant suit le moindre de ses gestes, prêt à réagir. Il remarque le tressaillement de ses doigts impatients et il retient son sourire. Il feinte une percée mais revient aussitôt en retrait, driblant toujours calmement. Il réitère la manœuvre en s'approchant un peu plus cette fois et il obtient ce qu'il cherchait. Titillé, Kagami amorce un pas vers lui et il en profite pour accélérer, filant comme une flèche sur le côté entrouvert de sa garde, surveillant la position de son partenaire.

Kagami tend une main pour lui voler le ballon dans sa course, mais en vain. Il se retourne et court sous le panier, où est déjà positionné Tadashi. Celui-ci observe Aomine approcher, sourcils froncés, apparemment bien déterminé à ne pas lui faciliter la tâche. Kagami reste dans le dos du brun, décidé à le prendre en sandwich. Malgré sa marge de manœuvre réduite, Aomine reste souple et parvient à s'extraire du barrage tout en protégeant sa balle. Mais Kagami ne se laisse pas démonter : au basket, aucune situation ne reste statique bien longtemps. C'est un sport sans impasses, en perpétuel mouvement. Il suit Aomine et quand il bondit pour marquer, il saute dans son dos et tape dans le ballon, qui atterrit directement dans les mains de Tadashi.

Placé un peu en retrait de la mêlée Haru intercepte Tadashi et, presque surpris de s'être emparé du ballon, tire à la hâte. Aomine n'a pas besoin d'attendre pour savoir qu'elle ne passera pas. Trop à gauche. Alors il s'élance dans un nouveau saut pour s'en saisir au vol et l'accompagner au fond du filet. Il apprécie toujours d'ouvrir le score mais délaisse vite cette mini victoire pour rester concentré dans le jeu qui a pris une tournure bien plus sérieuse que d'ordinaire sur ce terrain. Intensité qui a l'air de déstabiliser un peu ses collègues. Il s'excuse mentalement auprès d'eux. Contre Kagami, impossible de faire autrement.

Le rouge grogne un peu en voyant leurs efforts échouer, et il récupère le ballon avant de l'envoyer à Tadashi, le laissant mener l'offensive. Il recule sur le terrain, restant toujours à portée de son coéquipier, qui lui fait la passe dès qu'Aomine vient le menacer d'un peu trop près. Kagami se retourne et trouve Haru sur sa trajectoire, mais il le contourne facilement et profite de son ouverture pour marquer sans attendre, satisfait en entendant le léger "swish" alors que le ballon passe dans le filet sans toucher l'arceau.

Aomine sent que ce match va encore être serré ... Et c'est bien pour ça qu'il aime tant l'affronter. Il devrait s'offusquer de voir le score s'égaliser mais c'est avec un immense sourire qu'il récupère la balle pour préparer le prochain assaut. Cette fois, il le tente plus coopératif et multiplie les passes avec Haru pour qu'il prenne la confiance. Il l'observe affronter Tadashi et se place dans le bon angle pour recevoir le ballon au cas où. Il sent un regard peser sur lui et tourne la tête pour tomber dans les yeux de Kagami, positionné en support lui aussi mais qui n'oublie jamais de le surveiller. Quand il voit son partenaire en difficulté avec Tadashi, qui use de sa taille supérieure pour faire pression, il s'approche pour faire écran et lui permettre de prendre le large. Avant de se faire stopper par Kagami. Sachant que Haru n'a aucune chance face à lui, il le regarde tenter un nouveau tir de loin.

Kagami regarde le ballon partir avec un sourire amusé. Ça lui rappelle ses tous premiers matchs, où il avait le même réflexe de tenter de marquer même s'il était trop loin ou savait qu'il n'était pas prêt. "Un tir de panique", comme disait Alex. Il a ensuite appris à temporiser, à garder le ballon en attendant une configuration plus propice. Sans surprise, le ballon ne passe pas. Ils se repositionnent et reprennent aussitôt les hostilités. L'avantage de jouer avec des flics, c'est qu'ils sont bien entraînés physiquement et peuvent suivre le rythme qu'Aomine et lui leur imposent. Du moins, pour l'instant !

Comme à chaque fois, Aomine perd la notion du temps et c'est son coéquipier qui demande un temps mort pour boire un coup. Il s'éponge le front dans son t-shirt et cale son ballon sous le bras en acquiesçant, un brin déçu d'être coupé dans son élan. Il se désaltère aussi, silencieux, toujours dans le match. Tadashi reprend un peu son souffle près de lui et l'observe en coin.

« Si y a bien un jour où je pensais pas te trouver c'était aujourd'hui.

— Pourquoi ça ? s'étonne-t-il.

— Semaine plutôt hard, je pensais que tu aurais préféré dormir. »

Une ride se creuse sur son front au raisonnement de son aîné.

« Parce que tu te reposes toi peut être ?

— Hahah ouais, pas faux. Disons que j'avais besoin de me vider la tête... »

L'air soudain un peu absent de son collègue le tracasse. Pour avoir vécu la même nuit que lui, il se doute de ce qui le tourmente. Certaines images restent aussi gravées sur ses rétines. Notamment cette arme braquée sur eux, et leur pare-brise criblé d'impacts.

« C'est normal que ça prenne du temps. Sur le moment on y pense pas mais après t'as tout le temps de réaliser. »

Kagami entend de loin la conversation et sent un frisson le parcourir malgré le fait qu'il est en sueur. Il imagine qu'après ce genre d'expérience, on doit se prendre un contrecoup. C'est vraiment un drôle de métier, mais il peut comprendre ce qui attire Aomine là-dedans. Au cœur de l'action, en accomplissant quelque chose d'utile. Malgré ça, il n'aime pas trop l'idée qu'Aomine s'expose ainsi... Et pourtant il n'a guère le choix. Ça ne le concerne en rien. Il chasse ces pensées et boit un peu d'eau avant de retourner mettre quelques paniers histoire de ne pas perdre le rythme.

Tadashi sourit à Aomine et il lui cogne l'épaule amicalement quand Haru prend part à la conversation :

« D'ailleurs, de ce que j'en ai l'occasion félicitations les gars. Hier à l'aéroport, même les gardes de sécu' parlaient de vos exploits.

— Nos ? C'est le sien ! J'étais encore agrippé à mon volant à essayer de comprendre ce qui se passait que ce taré là, il courait derrière un mafieux comme il fait son jogging.

— Haha ! Ça m'étonnait aussi que tu ais vraiment participé à cette arrestation légendaire.

— Enfoiré... » grogne Tadashi en arrosant Haru avec le fond de sa gourde.

Aomine secoue la tête de dépit devant leurs gamineries. Il lui semble pourtant n'avoir fait que son devoir. Avant de rejoindre Kagami à petite foulées il leur lance avec sarcasme :

« Le gentil flic a arrêté un méchant, tu parles d'une légende... »

Kagami n'a pas tout compris à la suite de la conversation, mais ça ne lui a pas échappé qu'Aomine a pris des risques. Des risques inconsidérés ? Difficile à savoir. Mais ça lui fait peur. Est-ce que son ami n'irait pas trop loin, influencé par son rêve d'intégrer les forces spéciales ? Une nouvelle fois, il se débarrasse de ces pensées, les oubliant en bondissant pour remettre un panier.

Aomine récupère la balle qui roule au sol d'un dribble rapide et bas puis s'élance pour dunker à son tour. En atterrissant aux côtés de son ami il lui demande si ça va, le trouvant un peu distant.

« Yeah... I'm good. » Kagami récupère le ballon et dribble en le passant d'une main à l'autre, puis il regarde Aomine : « Ils se débrouillent pas mal tes collègues, remarque-t-il. Même si Haru a tendance à paniquer un peu. »

Aomine ricane et jette un regard à ses potes encore en train de se chamailler sur le bord du terrain.

« Ouais, mais ils font ça pour se détendre. Ils jouent jamais sérieusement très longtemps. »

Naturellement, il se place face à Kagami, laissant son corps prendre une posture défensive comme pour lui démontrer que ce n'est pas son cas, et qu'il en veut encore.

Kagami esquisse un sourire en le voyant se positionner, prêt à faire barrage. Il jette un coup d'œil aux deux autres toujours en train de rigoler, hausse les épaules, puis s'élance de front une nouvelle fois, dribblant d'abord à gauche puis à droite tandis qu'il fait un pas de côté et fonce pour dépasser Aomine. La première partie du match ne lui a pas suffi, il a toujours la bougeotte, d'autant plus pour effacer l'inquiétude qui s'accroche à lui.

Kagami a la sensation que très tôt, il a eu conscience qu'on ne peut pas changer certaines choses. Une sorte de fatalisme né à la suite de la mort de sa mère, sans doute. Cette idée l'a plongé dans une grande tristesse... Mais Tatsuya, puis Alex, lui ont enseigné que ça ne signifiait pas qu'on était totalement impuissant. Alors même si ça n'a pas été facile, il s'est concentré pour agir, sans jamais abandonner, sur toutes les parties de sa vie sur lesquelles il avait effectivement une influence. Sa rigueur et sa discipline sont peut-être nées de là. En tout cas, c'est grâce à ça qu'il a atteint cette maîtrise en basket qui lui permet de s'exprimer à travers le sport.

Une fois Aomine dans son dos, il accélère. Il se sait moins rapide que son rival, mais ça ne l'empêche pas de sprinter en se donnant à fond.

Aomine ne sait pas trop si c'est à mettre sur le compte du terrain inconnu, ou de quelque chose qu'il a en tête, mais il sent Kagami loin de lui. Ou alors, c'est son propre esprit qui n'est pas vraiment là, rappelé sur les docks par sa discussion avec Tadashi. Plus il prend de recul sur cette soirée, plus elle le met mal à l'aise. Pourtant il n'a pas envie d'y penser maintenant, ce n'est pas le moment de démêler tout ça. D'autant que Kagami s'éloigne physiquement maintenant et il ne lui en faut pas plus pour replonger dans la partie, désireux de combler cette distance et de se reconnecter à lui, à leur manière.

Alors il s'élance sur ses talons. D'un mouvement leste il dépasse son adversaire qui se décale dès qu'il entre dans son champ de vision, protégeant la balle en driblant à présent dans son dos. Aomine n'attend pas qu'il tente le passage en force et vient au contact, essayant d'attraper le ballon en encerclant Kagami. Leur corps se frôlent et s'entrechoquent dans la lutte. Et dans l'effort, il ne pense à plus rien d'autre que cette balle, toujours aux mains de son adversaire.

Kagami essaie de se dégager de la zone d'influence d'Aomine mais celui-ci semble partout autour de lui, ne lui laissant aucun répit. Il contracte les mâchoires et se concentre, suivant les mouvements du brun, et quand il tente une percée, il voit le ballon lui échapper et s'écarte aussitôt pour se repositionner et défendre son panier. Aomine parvient à se faufiler derrière lui et il est trop lent pour parvenir à le gêner dans son tir. Il regarde le ballon entrer dans l'arceau et lâche un grognement de frustration.

Aomine ne se préoccupe plus de savoir s'il doit faire une passe, changer son marquage ou porter secours. Seul avec son rival il se sent plus libre. Libre de jouer son basket et ça lui fait un bien fou. Plus qu'une simple distraction, ou une passion, ce sport est son point de repère. C'est là qu'il se ressource et lave son corps de ce qui s'accroche à lui. Pour la première fois depuis longtemps, des années, il n'est pas obligé de le faire seul. Même si Kagami ne se doute pas de ce qui le préoccupe, il est là et l'aide à s'en délester tandis qu'il passe sous sa garde dans un crossover mal anticipé. Si proche du panier, il sait que Kagami va sauter. Plutôt que d'essayer en vain de le contrer il court vers l'arceau, lève les yeux et saute pour basher la balle dans sa courbe avant qu'elle n'entre dans le filet.

Kagami passe en force, en y mettant tout son poids et toute sa rage. Celle-là, elle est pour lui ! Un frisson de plaisir le traverse tandis qu'il réussit à faire passer le ballon dans le cercle. Il s'est souvent senti impuissant sur un terrain de basket, mais chaque fois ça ne fait que souligner le bonheur de surmonter la difficulté. Ils reprennent les échanges sans tarder, ils aiment tous les deux quand ça va vite, quand ils doivent puiser dans leurs réserves et se pousser toujours plus loin pour exacerber leurs facultés sur le terrain. Et ils oublient le temps qui passe, suspendus dans leur propre temporalité, dans un monde où seuls comptent le prochain drible, le prochain panier.

Aomine a perdu le compte. Il sait juste que ça fait un de plus. Pour son adversaire. Il n'a pas envie d'arrêter mais on dirait que la fatigue le rattrape. Il secoue la tête, inspire profondément et reprend son dribble en s'essuyant le front. Il n'écoute pas ses jambes qui tiraillent et passe le ballon entre elles, variant le rythme pour empêcher Kagami de lire son jeu. Mais même ses accélérations ne semblent plus le surprendre. Il tente tout de même le passage, malmenant ses articulations lorsqu'il pivote sur la droite pour se décaler de l'amplitude défensive de son opposant. Il grimace et grogne de douleur mais il donne tout ce qui lui reste d'énergie dans son saut. Lançant la balle dans un geste désynchronisé dont il a le secret avec un certain désespoir. Il ne prend pas la peine de vérifier si elle rentre et s'écroule d'épuisement en atterrissant sur l'asphalte, le souffle court.

Kagami n'a pas réussi à arrêter son dernier tir. En voyant Aomine s'effondrer, il prend toute la mesure de l'effort intense qu'il vient de fournir et s'appuie sur ses genoux quelques instants pour reprendre haleine. Puis, il essuie son visage dans son t-shirt – enfin, celui d'Aomine – et relève la tête pour le regarder.

« Ouais... Moi aussi je suis crevé », constate-t-il avec un léger sourire.

Aomine n'a pas la force de répondre, et à peine celle de sourire. Les bras écartés, les yeux clos, il a l'impression de pouvoir sentir les rotations de la Terre. Ou bien c'est sa tête qui tourne, il ne saurait dire. Un crissement près de lui attire son attention et il peut voir Kagami s'assoir, vaincu par la gravité lui aussi.

Ça fait longtemps que Kagami ne s'est pas autant épuisé au basket et il se demande un peu quelle mouche l'a piqué aujourd'hui. Peut-être les émotions troubles suscitées par l'évocation de l'intervention d'Aomine et Tadashi. Un besoin de se venger sur ce qu'il pouvait contrôler. Et Aomine, lui, avait peut-être besoin de se nettoyer la tête pour éloigner ses souvenirs récents.

Il relève les yeux pour regarder le ciel. Il fait beau aujourd'hui mais l'azur a pris une teinte un peu plus profonde, indiquant que l'après-midi est bien avancé. Peu à peu les battements de son cœur qui résonnaient avec force dans ses oreilles s'apaisent pour faire place à un calme relatif.

Toujours allongé, Aomine laisse ses pupilles suivre un vol d'oiseaux et croise les bras sous sa tête. Il a retrouvé son souffle mais il est toujours incapable de parler. Il se doutait que ça finirait par arriver, qu'il réaliserait un moment ou à un autre mais il pensait être seul quand ça le frapperait. Maintenant qu'il n'y a plus le match pour l'en détourner, un tas de questions et de sentiments confus l'assaillent. Il tourne la tête pour observer Kagami, perdu dans la contemplation du ciel aussi. Un doux sourire étire le coin de sa bouche. Finalement, c'est peut-être mieux. S'il n'avait pas été sur le terrain, ou sans Kagami, il n'aurait pas eu ce moment de quiétude pour mettre le flot de ses pensées sur pause, lui laissant quelques heures de répit. Son esprit privé d'endorphines aurait certainement été plus affuté, plus fourbe et mesquin. Là, malgré tout il est relativement calme et la présence de son ami l'empêche de se laisser aller à des tourments grandissants.

« Merci... » s'entend il souffler.

Étonné par ce murmure, Kagami se détache de sa contemplation du ciel pour reporter son attention sur le brun. Il fronce les sourcils, puis hausse légèrement les épaules.

« Eh bah... Y a pas de quoi. Mais pour quoi au juste ? »

Ayant pensé tout haut, il est un peu confus maintenant que Kagami lui demande de s'expliquer. Il reporte son regard sur le ciel et après hésitation il répond :

« D'être là je suppose. De pas avoir déserté comme les deux bons à rien qui me servent de frères d'arme », se moque-t-il en avisant le terrain vide.

Kagami suit son regard et constate effectivement l'absence des deux autres. En même temps, c'est vrai que ça doit faire un bon moment qu'ils sont là... Il lâche un rire bref.

« Mets-toi à leur place, ils pouvaient pas suivre... » Il s'étire en grimaçant, puis se relève avant de se sentir fusionner avec le goudron. Il tend la main à Aomine : « Allez, reste pas là à te refroidir ! »

Il saisit son avant-bras et se laisse tracter en poussant sur ses jambes meurtries. Déséquilibré et flageolant, il tangue un peu mais Kagami le stabilise. Il lui sourit, un peu gêné de son état et s'écarte doucement avant d'étirer son dos engourdi. Ils récupèrent leurs affaires et il vérifie son portable. Deux messages l'attendent et lui arrachent un ricanement.

« Ils te saluent. Ils n'ont pas voulu nous interrompre et Tadashi a dû récupérer sa fille à l'école. Ça va je leur pardonne... »

D'un geste du menton il fait signe à Kagami de le suivre. Il est temps de rentrer. Il rêve d'une douche chaude et d'une bière fraîche.

Kagami le suit sans protester, lui aussi aurait bien besoin d'une bonne douche. L'avantage, c'est qu'ils n'ont pas à faire beaucoup de chemin avant de retrouver l'appartement. En se déchaussant dans l'entrée, Kagami se dit qu'une fois de plus, le temps a filé en compagnie d'Aomine... Et clairement, ça fait longtemps qu'il n'a pas joué un match aussi épuisant. Il ignore pourquoi, mais un drôle de sentiment chatouille son cœur, l'impression tenace qu'Aomine en avait besoin, même s'il ne peut pas comprendre ce qui lui traverse la tête. Il lui demandera peut-être, plus tard, quand ils auront pris un peu de repos.