Bonsoir vous :)
Après des déclarations troublantes, nos deux fauves sont un peu chamboulés et ont chacun trouvé refuge près de leur proche. On vous laisse découvrir la suite des évènements.
Shadow: Contente que ça te plaise toujours. Hâte d'avoir ton ressenti sur celui-là.
Bonne lecture !
Quand il rentre chez lui vers 23h après avoir passé la soirée chez Alex, Kagami découvre le message d'Aomine qui l'informe que la troisième guerre mondiale n'a pas éclaté avec sa meilleure amie. Le rouge est claqué et se met au lit sans tarder, puis, allongé dans son futon, il envoie une réponse au brun :
Kagami - 23h30
Je suis content si ça s'est bien passé. C'est bien que vous ayez pu parler. Moi ça va. Good night.
Il repose son téléphone près de son oreiller et ferme les yeux. Le silence et l'obscurité lui font du bien, après toutes les pensées bruyantes qui ont traversé son esprit aujourd'hui, et le tumulte d'émotions qu'il a vécu. Enfin, il trouve un peu de repos dans la tranquillité de la nuit. Personne ne l'attend, il n'a rien à faire d'urgent, tous les problèmes peuvent attendre demain. Il peut sombrer dans l'engourdissement salvateur du sommeil et se laisser dériver, au chaud sous la couette. Il s'endort rapidement.
Aomine esquisse un sourire en lisant la réponse. Il la trouve brève mais ne se sent pas capable de faire mieux. L'écran lui brûle les yeux déjà meurtris de fatigue alors qu'il rédige un mot que Kagami trouvera au réveil, vu l'heure tardive. À peine a-t-il appuyé sur l'icône 'envoyer' qu'il s'endort dans un profond sommeil aux rêves flous et sans contours.
Aomine - 3h38
Je suis content aussi. Repose-toi bien.
Chose exceptionnelle, Kagami dort jusque tard dans la matinée. Même quand il streame tard, il a tendance à se réveiller tôt, au pire en milieu de matinée. Jamais si près de midi. Mais il a dormi d'un sommeil lourd, sans rêve, et il a l'impression d'avoir à peine bougé dans la nuit. En se réveillant, il se rend compte que c'était salvateur et qu'il était vraiment dans un état d'épuisement avancé la veille.
Il commence sa routine matinale, encore dans le brouillard, puis lit le message d'Aomine alors qu'il avale une gorgée de café. Ce n'est pas grand-chose et pourtant son cœur se pince légèrement, il sent entre les lignes une certaine tendresse, à moins qu'il n'ait juste envie de l'imaginer.
Quand il est habillé et sustenté, il reprend son portable. Il ouvre un message et reste un moment à se mordiller la lèvre, hésitant. Il a envie d'écrire à Aomine, sans être sûr de savoir quoi lui dire. Et puis, est-ce que ce n'est pas trop tôt ? Est-ce qu'il ne va pas se sentir harcelé ? Il se rabroue intérieurement : c'est juste un message.
Kagami - 12h10
Hello. Bien dormi ? Moi, comme une masse... Mais bon, c'est plus ou moins les vacances en ce moment. Pour toi aussi même si t'as pas choisi... Essaie d'en profiter ! À plus tard.
Il envoie vite le message avant de se poser trop de questions sur son contenu, puis en envoie un à Tatsuya pour lui demander si ça lui dit d'aller à la mer aujourd'hui. Le temps n'est pas idéal pour le surf mais il est sûr que son frère de cœur ne dirait pas non à un petit footing en bord de mer.
Le réveil est difficile. Il n'aurait pas dû veiller si tard... Comme si la journée n'avait pas été assez éprouvante. Entre deux mondes, le corps lourd, Aomine reste dans le confort de la couette chaude. Profitant de cet état semi léthargique pour revenir à lui en douceur. Des pensées se télescopent, s'entrechoquent, se mélangent aux souvenirs fugaces de ses rêves qui s'effacent, mais elles résonnent moins fort dans son esprit cotonneux. Il les laisse simplement défiler sans s'y attarder. Lorsque sa conscience émerge, il entend la télé en sourdine. Satsuki. Avant de la rejoindre, il attrape son portable par réflexe. D'un œil il aperçoit la notification et se frotte les yeux pour distinguer plus nettement les mots. Il écrit puis efface une réponse au moins trois fois avant d'être satisfait.
Aomine - 14h18
Hey :) Oui, plutôt bien. C'est que t'en avais besoin. Ouais... je sais pas trop ce que je vais faire encore. Et toi quoi de prévu aujourd'hui ?
Tel un chat paresseux, Daïki s'étire et depuis sa chambre il rejoint la salle de bain pour vivifier un peu son corps alangui. La douche lui fait du bien. Un café n'est cependant pas de trop pour parfaire son réveil. Il en propose un à Satsuki qui a de petits yeux et ensemble ils reprennent la partie qu'elle avait entrepris.
Quand il reçoit le message d'Aomine, Kagami est déjà dans le train avec Tatsuya, et l'océan se profile derrière les vitres, miroitant sous le ciel qui ne semble pas vouloir se décider entre beau temps et nuages. Il aime quand la météo est changeante, imprévisible, créant de nombreux reflets et nuances de couleur sur la mer. Et puis, ça correspond bien à son baromètre moral qui ne cesse d'osciller ces temps-ci... Il détourne le regard de ce paysage invitateur et tape une réponse au brun.
Kagami - 14h20
Je vais à la mer avec Tatsuya. Courir un peu et manger une glace. Enfin, si on se prend pas une averse ;)
Aomine - 14h35
Cool ! Passe-lui le bonjour. Je croise les doigts alors :)
À plus tard.
Il échange téléphone contre manette sous l'œil moqueur de sa meilleure amie et lui tire la langue pour masquer sa gêne. Ils ne se sont rien promis, pourtant de l'avoir à portée de message le rassure. Kagami est bien là et leurs confessions de la veille n'est pas que le fruit de son imagination ou d'un fantasme enfoui.
Au bout d'un moment, le jeu vidéo l'ennuie. Il propose donc à Satsuki d'aller prendre l'air et de trouver un endroit sympa pour manger. C'est vrai que le temps est incertain, mais voilà des jours qu'il reste enfermé chez lui à cogiter. Il a besoin de s'aérer l'esprit et de se reconnecter un peu avec le monde extérieur. S'apitoyer sur son sort ne le fera pas avancer de toute manière.
Kagami et Tatsuya arrivent dans la petite gare balnéaire sous une belle éclaircie, et ils laissent leurs sacs sur la plage avant de se lancer dans un footing près du ressac. Ça fait bien longtemps qu'ils n'ont pas fait de sport ensemble, et Kagami apprécie la sensation revigorante de l'air du large fouettant son visage tandis que sa foulée régulière soulève de petites gerbes de sable. À ses côtés, Tatsuya ne se laisse pas distancer : son travail a beau l'absorber, il ne l'empêche pas de s'entretenir physiquement. Et à voir son expression détendue, lui aussi apprécie cette course au bord de l'horizon, et ce sentiment de liberté qui les porte alors qu'ils luttent contre le vent et le sol un peu traître du rivage.
Au bout d'un moment, ils font demi-tour d'un commun accord et finissent par rejoindre leurs affaires. Ils s'effondrent dans le sable, soulagés et fatigués, et se désaltèrent à grandes goulées. Mais ce moment de répit est rapidement interrompu par de grosses gouttes de pluie qui s'écrasent dans le sable tout autour d'eux en créant de minuscules cratères.
« Shit ! On va être trempés ! s'exclame Tatsuya.
— Y a un resto pas loin ! » répond Kagami en ramassant son sac en toute hâte.
Ils rejoignent le front de mer et se mettent à courir sous une pluie battante sur le trottoir, riant comme des gamins tandis qu'ils filent comme s'ils pouvaient esquiver les gouttes.
Ils arrivent au restaurant hors d'haleine et s'excusent pour leur tenue, mais la propriétaire affiche un sourire indulgent et chaleureux tout en leur indiquant une table où s'installer. Affamés, ils se commandent des bols généreux de ramens qu'ils se mettent à dévorer comme si leur vie en dépendait. Ils sont trop occupés pour converser et échangent de brefs commentaires sur la nourriture, jetant parfois un œil par la vitre pour regarder la pluie faire fuir les derniers promeneurs se pressant sous des parapluies ou détalant à la recherche d'un abri.
Kagami sourit à ce spectacle, apaisé par la nourriture et cette course vivifiante. Cette après-midi lui rappelle celles de son enfance après l'école, où Tatsuya et lui se précipitaient à la mer, le sac à dos encore plein d'affaires de cours battant sur leurs reins. Aujourd'hui, il éprouve une joie similaire, pure et stimulante, quelque chose qui lui fouette de sang, et il réalise qu'il avait vraiment besoin de ça. Un peu de légèreté, une petite escapade en dehors de son quotidien... Et il a l'impression que ça ravit également Tatsuya. Alors même si le temps ne s'y prête pas vraiment, ils fêtent ce moment avec une glace en dessert, comme avant. Et comme avant, Kagami en choisit une à la pistache, tandis que Tatsuya opte pour la fraise.
« Comme quoi, tout ne change pas dans la vie, constate Tatsuya.
— On dirait bien que non », confirme Kagami, et ça lui réchauffe le cœur, même si ce n'est qu'un petit détail. Il est vraiment heureux que son frère de cœur soit venu lui rendre visite, et il n'aurait pas pu choisir un meilleur moment pour le faire.
En ville, l'averse arrive plus tard, poussée par les vents du Sud. Avec Satsuki ils sont déjà à l'abri, il devine le changement de météo aux tenues humides et aux parapluies gouttant sur le sol, marquant le passage de leur propriétaire de trainées de gouttes glissantes.
Il y a longtemps qu'Aomine n'a pas mis les pieds dans une salle d'arcade, et le contraste avec sa semaine morose est presque trop violent. Les couleurs néons brillant sous la lumière noire, les musiques entêtantes et la foule, on est loin de son antre aux volets tirés où il errait telle une ombre solitaire... Il regrette un peu d'avoir cédé, mais le temps maussade avait donné le point à son amie. Cette dernière fait d'ailleurs tout pour le dérider, jusqu'à le provoquer en duel sur un centre de tir. Voilà bien un jeu auquel elle ne fera pas le poids. Ses heures d'entraînement face à des cibles plus ou moins éloignées, bougeant en tous sens rendent l'exercice trop facile pour lui. Il aura au moins eu le mérite de lui remonter un peu le moral. Être doué dans quelque chose fait toujours du bien à l'égo. Voir son score s'afficher au top du classement de la borne lui dessine un petit sourire teinté de fierté, qui s'agrandit face à la mine déconfite de sa meilleure amie.
« C'est pas juste, c'est ton boulot de savoir viser...
— C'est toi qui as insisté pour venir j'te rappelle !
— On verra si tu te débrouilles aussi bien avec tes pieds... » marmonne la rose en le tirant vers un jeu de danse.
D'abord il proteste, clamant l'injustice dans le choix de la borne mais promet de se venger. Très vite, ils attirent une petite foule de curieux. C'est vrai qu'ils sont au-dessus de la moyenne d'âge des autres joueurs. Mais ils se débrouillent plutôt bien. Si on oublie qu'il manque de rythme, sa coordination n'est pas si terrible. Il remercie intérieurement le basket pour ça. Et puis il prend même plus de plaisir qu'il n'aurait cru à se défouler sur les flèches s'illuminant sous lui. Plus le morceau avance, plus il y met de conviction et les rires de Satsuki terminent de lui faire oublier la situation incongrue dans laquelle il est.
Une fois repus, Kagami et Tatsuya ont siroté un thé en parlant de tout et de rien. Ils ont volontairement esquivé tout sujet ayant trait aux relations amoureuses, et c'est définitivement le cœur plus léger que Kagami monte dans le train du retour. Alors qu'il cale comme il peut ses jambes dans l'espace étriqué entre son siège et celui de devant, ses pensées reviennent à Aomine. Il se rappelle leur propre escapade au bord de la mer, et s'aperçoit que ça lui manque. Il pense aussi à cette randonnée que le brun lui a proposée dans la montagne. Il réalise qu'il a toujours envie de faire tout ça avec lui, quoiqu'il puisse se passer entre eux, et cette pensée a quelque chose de réconfortant.
Une fois installé à peu près confortablement, il envoie un message à l'objet de ses pensées.
Kagami - 17h12
Hey. On s'est pris l'averse. Mais c'était marrant. On rentre à Tokyo. J'espère que t'as passé une bonne aprem.
Malgré leur repas tardif, alors qu'ils déambulent à présent dans les allées bondées et inondées de lumière du centre commercial où ils sont venus se divertir, Aomine offre une gaufre à Satsuki. Il se demande vaguement si c'était là son but en le ramenant en enfance, mais il retrouve dans cet après midi un peu d'insouciance. Il réalise alors que ça fait une éternité qu'il n'a pas simplement pris le temps. De s'amuser tout simplement. De faire l'idiot en bonne compagnie. Et ça lui fait un bien fou. En fait, c'est un peu après ça aussi qu'il courait en jouant contre Kagami, ce sentiment de vivre le moment présent sans penser à rien d'autre. Pourtant même avec lui, il finit toujours par regarder sa montre, reprenant conscience du quotidien qui se déroule sans considération et dans un rouage bien huilé qui le ramène invariablement à ses responsabilités. Pas aujourd'hui. Il a tout le temps du monde et aucune urgence ne risque de le faire détaler d'ici. Peut-être que ses amis avaient raison. Il travaille trop. Ces vacances forcées sont peut-être bien ce dont il a besoin au final. Un vrai break pour respirer.
Il lutte tout de même contre ses réflexes durement acquis pour ne pas repérer la moindre sortie, un individu suspect ou même laisser traîner son oreille dans une conversation se voulant discrète. La vibration de son téléphone le sort de son introspection et il retire son bras des épaules de Satsuki pour l'attraper dans sa poche.
Aomine - 17h14
Ah ! Pas trop mouillé ?
Yes. Je profite ;)
Et pour preuve, il joint un selfie de lui mordant généreusement dans sa gaufre pleine de crème chantilly, tandis que Satsuki fait un signe à moitié cachée derrière lui.
Kagami - 17h16
Nice ! Pour nous c'était ramens et glace. On a fui la pluie juste à temps.
Il est content qu'Aomine semble avoir passé un bon après-midi. Lui aussi avait besoin de se détendre et de souffler un peu, et ça le soulage de savoir que le brun n'a pas ruminé et est sorti avec sa meilleure amie. Aucun doute que ça lui a fait du bien, comme lui-même a profité de sa sortie.
Une fois rentré chez lui et Tatsuya ayant regagné son logement chez Alex, Kagami file sous la douche, puis se fait du thé et s'installe sous un plaid, allumant la console pour jouer un peu. Mais ses pensées retournent régulièrement à Aomine, et il ne peut s'empêcher de se demander quand il le reverra. Il ne sait pas s'il doit attendre ou bien lui proposer... Et comme il ne parvient pas à résoudre son dilemme, il se reconcentre sur son jeu, jusqu'à ce qu'il se pose de nouveau la question sans pour autant trouver la réponse, et ainsi de suite.
À contrecœur, Aomine ramène son amie chez elle. Il la remercie une fois encore et comme d'habitude, attend que la fenêtre de sa chambre étudiante se soit allumée pour rentrer. Il appréhende un peu la solitude qui l'attend, mais d'un autre côté, l'intensité de ces deux derniers jours l'ont lessivé. Il a la sensation d'être une serviette éponge qu'on aurait imbibée d'un tas d'émotions, puis essorée jusqu'à ce qu'il ne soit plus capable d'en ressentir aucune. Ce qui étrangement est plutôt reposant.
Un peu de calme ne lui fera pas de mal, et puis même s'il l'a subi parfois, il a toujours aimé ça, la solitude. Pourtant ce soir, il n'arrive pas à l'apprécier. C'est un de ces moments où il pense la désirer et qu'elle l'étouffe plus qu'elle ne l'étreint. Ne sachant plus vraiment si c'est ce qu'il cherche, ou ce qu'il se dit pour mieux accepter la fatalité. Il tente de tromper cette sensation insidieuse qui vient tâcher les effets positifs de sa journée avec divers passe-temps, sans succès.
Comme si ce n'était pas assez difficile, tout ce qu'il essaie le ramène d'une façon ou d'une autre à Kagami. Cédant à son envie de le voir, il le cherche dans ses abonnements Twitch, espérant l'y trouver en ligne. Déçu, il s'arrête sur une autre chaine en jouant nerveusement avec son téléphone. Au bout d'un moment, il se fait une raison. Son envie ne passera pas. Ne sachant trop quoi dire et il faut le dire, un peu nerveux, il opte pour une suite d'émoji qu'il veut équivoque. Une voiture, un ballon, des bulles et un point d'interrogation.
Un sourire se dessine sur les lèvres de Kagami lorsqu'il découvre ce rébus qu'il déchiffre aisément. Il renvoie un simple pouce en l'air et rejoint son PC en s'ouvrant une bière. Il envoie une invitation à Aomine et patiente dans le lobby du jeu, un peu nerveux tout à coup alors qu'il lance un appel vocal. Il a parlé à Aomine hier et pourtant ça lui semble il y a une petite éternité. La conversation qu'ils ont eue a été difficile et décisive, mais on dirait que ni l'un ni l'autre n'a envie de prendre l'air pendant encore longtemps. Quelque part, ça le rassure qu'Aomine recherche sa compagnie, même au travers d'un jeu, car une part de lui craint toujours qu'il ne finisse par fuir et renonce à explorer une relation trop compliquée. Et il ne pourrait pas vraiment l'en blâmer... Mais il repousse ces pensées, sans quoi il va se mettre à déprimer, et c'est trop tôt pour penser à ça. Il s'éclaircit la gorge et choisit son véhicule et le customise en attendant qu'Aomine réponde.
Tandis que son ordinateur démarre, Aomine se prépare un petit encas. Il préfère ne pas anticiper ce qui va se passer, ce qu'ils vont se dire. Il a juste envie de sa présence, de retrouver la légèreté de leurs échanges même s'il se doute au fond de lui que plus rien ne pourra jamais être comme avant.
Il accepte l'invitation et choisit quelques accessoires, dont celui qu'il a débloqué la dernière fois et qu'il rêve d'essayer depuis. Son bolide bleu électrique crachant des paillettes turquoises lui rend le sourire. Ce contraste l'amuse décidément beaucoup et il a hâte de colorier le terrain de ses exploits.
Malgré l'excitation qu'il éprouve de retrouver Kagami, Aomine est fébrile en enfilant son casque. Il décroche, la gorge soudainement sèche. Il se contraint au calme et déglutit avant de lancer un "Hey" qu'il aurait voulu moins timide.
Quand la voix d'Aomine retentit dans ses oreilles, son cœur fait un léger bond. Il a toujours cette impression tenace qu'ils ne se sont pas parlé depuis longtemps... Les choses sont différentes entre eux maintenant. Mais pas complètement différentes, se rappelle-t-il. Ce qu'ils ont partagé jusqu'à maintenant n'a pas disparu, et l'amitié entre eux non plus.
« Hey. Alors ça y est, t'as obtenu tes paillettes ? demande-t-il a pour engager la conversation.
— Yep ! Apelle moi la fée clochette ! »
Aomine se face palm mentalement d'avoir dit un truc aussi débile mais ne peut s'empêcher de rire à sa propre connerie. Ok, il est nerveux. Parce que même s'il ressent des trucs pas nets pour son ami depuis le début, en avoir conscience les rendent aussi plus compliqués à gérer. Il a peur d'oublier comment être naturel avec lui, ce qui accélère un peu plus les battements de son cœur.
Kagami éclate de rire à sa réplique :
« Really ? Tu veux vraiment que je t'appelle "la fée clochette" ? Non parce que ça peut se faire, mais bon... Pas sûr que tu t'habitues très bien au surnom ! »
Et si Aomine est la fée clochette, alors son ami Kuroko est une diva extravertie... Au moins, l'idée a le don de le faire rire et de soulager un peu la tension qu'il éprouve à ces sortes d'étranges retrouvailles qui n'en sont pas vraiment.
Kagami règle ses derniers paramètres et lance la partie à deux contre deux. En face, une voiture arbore un look aussi tape-à-l'œil que celle d'Aomine, mais version dorée, l'autre est plus sobre. La sienne est d'un rouge profond avec des flammes ornant portières et aileron.
Aomine se racle la gorge et saisit l'occasion de se rattraper. Cette entrée en matière lui laisse un sourire dans la voix, même si le rire de Kagami a noué un peu plus son ventre. Quoique... pas de façon désagréable.
« Nan oublie, je préfère encore 'bébé'... mais pas sûr de m'y faire non plus ! »
Le décompte est lancé et sans se consulter, chacun prend sa place. Il laisse Kagami à l'engagement tandis qu'il cherche déjà le parcours optimal pour recharger son turbo boost au maximum.
Kagami sourit en se rappelant l'audace du type à la porte, qui avait rendu Aomine furieux et lui avait donné une bonne rigolade. Au moins, le brun prend ça avec humour.
Il accélère sans hésiter et fauche le ballon à l'engagement, puis l'emporte avec lui en décrivant une courbe plus ou moins maîtrisée, jusqu'à le lâcher à proximité du véhicule bleu électrique, en espérant qu'Aomine parvienne à l'intercepter.
« Momoi t'en veut pas pour hier alors ? » demande-t-il. Il se sent toujours un peu coupable même si Aomine reste le principal responsable de la panique de la jeune femme.
Aomine manœuvre pour placer son véhicule sous l'ombre du ballon géant et parvient à le récupérer. Il galère un peu avec les touches, mais ça lui revient plutôt facilement. Il trésaille à la question de Kagami mais reste concentré sur la partie et ne daigne répondre qu'une fois sa passe envoyée.
« Non ça va elle a compris. Mais le prochain faux pas signera mon arrêt de mort ! » Il ricane mais ajoute plus sérieusement. « Je vais faire plus attention, j'aime pas l'inquiéter.
— Ok. Tant mieux si c'est réglé. Si tu te fâches avec ma chargée de comm, ça va pas aller ! »
Kagami rit un peu et se rend compte qu'il va entrer en collision frontale avec le véhicule doré, braque au dernier moment et perd le ballon aux mains, ou plutôt aux roues de l'adversaire. Il marmonne dans sa barbe et pivote aussi sec pour partir à la poursuite de son bien.
Aomine claque sa langue contre son palais en voyant le pick up bling-bling repartir à toute berzingue. Il utilise son turbo pour éjecter le partenaire du voleur qui lui colle au train et se positionne sur la trajectoire de la balle. Il freine, passe la balle au bolide enflammé puis repart en marche arrière.
« T'as pas à t'en faire, t'inquiète. Et cette glace en bord de mer alors ? s'enquiert-il pour changer de sujet.
— On a eu le temps de faire un petit jogging, mais la glace ça a été à l'intérieur après un bon repas. Ça faisait du bien de se défouler près de la mer. L'air du large, y a que ça de vrai ! »
Kagami crispe la mâchoire inconsciemment tandis qu'il fonce tout droit sur les buts, surveillant ses arrières de coups d'œil furtifs et tâchant de maintenir une trajectoire impeccable. L'un de ses adversaires fond sur lui en remontant le terrain sur sa droite, mais il est certain que ça passe, alors il ne se laisse pas distraire et continue à filer droit. Il parvient à envoyer la balle dans les buts et vire aussitôt de bord, prêt à reprendre les hostilités.
« Yeah bien joué ça ! » admet le brun.
Celui-ci sent que leurs adversaires sont plus agressifs, ce qui le contraint à ne pas s'éloigner trop de son partenaire. Ainsi ils peuvent plus facilement protéger le porteur de balle. En pleine course poursuite pour éviter un but, il revient à la conversation :
« Ouais ça fait du bien y'a pas à dire. Mais l'air de la montagne, y a pas plus pur tu verras. » Aomine se fige une seconde en réalisant ce qu'il dit et ajoute rapidement : « Enfin si t'es toujours partant pour la rando. »
Kagami a un instant d'hésitation et son cœur et sa voiture font une embardée assez similaire. Aomine en a parlé spontanément, alors c'est qu'il en a toujours envie lui aussi. Il reprend le contrôle de son véhicule et hoche la tête en souriant.
« Yes, toujours partant. Tu me l'as si bien vendue, cette randonnée... Maintenant je compte bien y aller ! Mais si tu me laisses y aller tout seul je risque de me perdre alors c'est toi qui vois. »
Il rougit un peu mais assume sa taquinerie, et tant pis si ça peut passer pour du flirt. Il ne va pas contrôler et peser tous ses mots même si la situation est délicate... Car ça ne leur ressemble pas, qu'ils soient amis ou peut-être plus.
Aomine sent ses joues s'étirer dans un sourire incontrôlable. La première fois qu'il lui a proposé, il n'avait pas trop réfléchi. Aujourd'hui il comprend un peu mieux pourquoi il a envie d'emmener Kagami, et pourquoi c'est important pour lui. Son cœur s'emballe en les imaginant sur le parcours. Maintenant qu'il sait que c'est réciproque, il a encore plus hâte.
« J'aime pas vraiment l'idée de te perdre. Je vais voir ce que je peux faire pour t'accompagner, c'est plus sûr... »
Porté par une douce euphorie et peut être aussi l'assurance de Kagami, il ose répondre sur le même ton, parfaitement conscient de son sous-entendu.
Une sensation chaude fait palpiter son estomac aux mots du brun, qui le réjouissent plus qu'ils ne le devraient, probablement. Il a un peu plus de mal à se concentrer sur la partie en cours, son esprit dérivant facilement vers cette randonnée, et vers Aomine dont il imagine les expressions derrière son écran. Mais cette sensation est loin d'être déplaisante, alors tant pis s'il loupe quelques actions. Et puis en plus, ils mènent au score !
Si la partie a démarré sur les chapeaux de roue, Aomine se laisse distraire. Son partenaire ne lui en tient cependant pas rigueur. Leurs adversaires quant à eux prennent un peu trop la confiance à son goût, et un contre plutôt audacieux le ramène dans la partie. Il réussit à se reconcentrer, tout en réfléchissant à l'organisation de cette sortie en montagne.
« Il est censé repartir quand Himuro ? »
Kagami jette un coup d'œil à son calendrier et répond :
« Dans quelques jours. Il sera parti le week-end prochain. »
Il esquive de justesse le bolide qui veut visiblement l'éjecter et après avoir repris le contrôle de son véhicule, il réceptionne une passe d'Aomine et prend un large virage pour échapper au deuxième opposant, semant des bulles dans son sillage pour gêner ses adversaires. Une fois libéré, il trouve son coéquipier pile bien positionné pour marquer, et il tâche de réussir une passe correcte même si ce véhicule lui fait toujours un peu l'effet d'une savonnette. Ce qui est cohérent avec les bulles, remarque.
Aomine fronce les sourcils en réceptionnant la passe puis donne un coup d'accélérateur juste assez dosé pour marquer. Ce dernier point assoit leur supériorité et le chronomètre ne laisse pas assez de temps à leurs rivaux pour remonter au score. Ce match est pour eux.
« Ok. Bin si ça te dit on peut la faire à ce moment-là. Avant de reprendre le boulot et que la météo devienne trop instable. Sinon plus tard, j'ai des congés à poser donc comme ça t'arrange. »
Dans l'excitation du moment, Aomine a oublié ses incertitudes. Préférant mettre en sourdine les interrogations qui viennent grignoter ses tripes. Mais il ne les perd pas de vue. Il se connait, il sait qu'elles reviendront assez vite semer le doute dans son esprit. En fixant d'ores et déjà la date, c'est une façon pour lui de mettre une balise, un point de repère dans la tempête qui menace de lui faire quitter la route. Peu importe ce qui pourra bien se passer entre eux d'ici là, ce rendez-vous le rassure. Une certitude dans un futur incertain. Un objectif à atteindre, un cap à tenir, c'est tout ce dont il a besoin.
Kagami contemple l'écran des scores sans vraiment le voir, son cœur battant fort dans sa poitrine. Le week-end prochain... Ça va arriver très vite. Il éprouve une pointe d'inquiétude, mais l'impatience et l'enthousiasme l'emportent. Il est rassuré qu'Aomine veuille fixer cette excursion dans un avenir si proche.
« Le week-end prochain, ça me va, répond-il avant même d'avoir réellement pris la décision. Faudra juste que j'achète quelques trucs... Des chaussures de randonnée, pour commencer. »
Il commence méthodiquement à faire l'inventaire mental de tout ce dont il aurait besoin pour ce genre d'excursion, et la liste s'allonge vite.
Aomine ricane. Oui, ce n'est pas une mauvaise une idée.
« Ouais c'est le minimum requis. Mais pour le reste j'ai tout ce qu'il faut. Je vérifierai quand même pour être sûr mais te ruine pas en matos. Des vêtements un peu chauds, un sac à dos et un duvet c'est tout. »
Kagami se mordille la lèvre. Confier à Aomine toute l'organisation ? Ça va à l'encontre de son besoin de contrôler... Mais c'est lui l'expert en randonnée. Il doit lâcher un peu de lest.
« Ok, concède-t-il finalement. Je te fais confiance et j'éviterai de dilapider tous mes gains du tournoi ! »
Aomine apprécie l'effort de son ami mais il est quasi sûr qu'il viendra plus équipé quand même.
« Il vaut mieux ! Pas dit que vous remportiez le prochain... taquine le brun, joueur.
— Si je gagne pas, je sais pas si j'aurai encore les moyens de te faire à bouffer... réplique Kagami sur le même ton. Alors à ta place je serais plutôt team supporters !
Aomine rit de l'argument. Il se retrouverais bien bête. Maintenant qu'il a goûté à sa cuisine, il se voit mal s'en passer.
« Ok c'est quand ? Je ferais une banderole. »
Kagami éclate de rire à cette idée d'Aomine dans le public brandissant sa pancarte.
« Bon tout bien réfléchi, je me contenterai du soutien discret ! Et je sais pas encore quand c'est... honnêtement maintenant, je me repose un peu plus sur Momoi pour ce genre de trucs... Et ça me soulage beaucoup ! »
Aomine sourit encore. Il avait peur pour rien finalement. Oui il est nerveux, mais Kagami est son ami avant tout et ça reste facile de lui parler, de le chambrer, de le faire rire malgré le virage qu'ils ont pris. Ce constat le rassure, et la légèreté du moment lui fait du bien.
« J'aurais qu'à lui demander les détails alors. Tant mieux si elle t'aide. Et c'est peut-être pas une mauvaise chose pour moi de connaître ta manageuse en fait ! »
Kagami garde le sourire aux lèvres tandis qu'ils terminent la partie sur une victoire arrachée de peu.
« J'espère juste qu'on pourra lui rendre la pareille. Parce que pour le moment on peut pas la payer... »
Aomine s'est lassé des paillettes. Pas assez visibles à son goût. Pour la partie suivante, il opte pour des flammes. Bleues évidemment.
« Elle m'en a parlé. Mais tant qu'elle n'a pas son entreprise, c'est pas plus mal. Et puis c'est pas comme si elle avait absolument besoin de cet argent pour l'instant. Vous trouverez bien un arrangement d'ici qu'elle ait son diplôme.» Argumente-il-avec les propos de sa meilleure amie.
Plus que l'aspect financier, c'est l'expérience qu'elle cherche le plus dans leur partenariat, il ne doute pas que le reste suivra. C'est du donnant donnant dans cette collaboration.
« Ouais, j'espère. Pour tout te dire c'est assez stressant de se lancer dans un travail à plein temps sans savoir si on va encaisser assez d'argent... Enfin, c'est comme ça depuis longtemps mais à chaque nouvelle étape je me pose les mêmes questions ! »
Kagami lance la partie suivante et fait craquer ses doigts, prêt à tenter la deuxième victoire.
Cette fois Kagami lui laisse l'engagement, il se concentre alors que le décompte défile sur son écran. Il réussit à prendre l'avantage et file à bonne allure vers leur but, puis fait une passe au bolide rouge en meilleure position.
« J'imagine oui. Mais pour cette étape-là t'es pas tout seul. Satsuki est douée, vous aussi, je vois aucune raison pour que ça ne fonctionne pas. Et puis le stress, c'est aussi la preuve que ça te tient à cœur. Même si c'est pas facile, tu fais ce que t'aimes. C'est pas le cas de tout le monde, alors t'as déjà de quoi être fier. »
Kagami rit légèrement, n'attendant pas ce compliment.
« Thanks. Je suis surtout une tête de mule. Toi aussi il me semble, alors tu dois savoir que ça suffit à obtenir pas mal de choses dans la vie, ne serait-ce que par usure ! »
Il fait prendre un virage contrôlé à son véhicule, et a la satisfaction de voir le ballon atterrir souplement entre les poteaux.
Plus à l'aise avec les commandes, Daïki fait faire un looping à son pick-up pour célébrer leur but puis se lance à la poursuite de leurs adversaires. Il ricane aux propos de Kagami. Oui, il voit très bien ce qu'il veut dire.
« Je plaide coupable. Ajoute à sa un peu de fierté et même ce dont j'ai pas vraiment envie je l'obtiens. Suffit qu'on me dise que j'y arriverai pas. Même mes potes ont fini par arrêté de me défier.
— Ah ouais à ce point-là ?! Je les comprends... Tu dois être fatigant quand on te connaît bien ! »
Kagami rigole encore, jouant sans plus trop penser à ce qu'il fait, en pilote automatique, son attention davantage concentrée sur la voix du brun caressant ses oreilles.
— Hey j'te permet pas ! J'suis un gagnant c'est tout ! »
Et toi aussi ... ajoute-t-il mentalement. Sans même le savoir, son ami le challenge tout le temps. Et les défis, il adore ça. C'est sur le terrain que ça se vérifie le plus souvent, car Kagami ne renonce jamais. Un frisson coule dans son dos à ce souvenir. Ça lui manque. Des jours qu'il n'a pas joué, et ça devient dure de rester si longtemps sans toucher le ballon orange. Mais pour l'instant, il tente de récupérer une autre balle avant de prendre un point.
La mauvaise foi d'Aomine le fait sourire, et il esquive un adversaire, fait le tour du terrain en passant par la structure métallique qui le surplombe, s'amusant toujours de voir son bolide défier la gravité.
« Mais faut savoir perdre pour être un vrai gagnant... Du coup faudra qu'on se refasse un one-and-one. »
Il sourit, cette provocation devrait suffisamment énerver le brun pour qu'il obtienne une confrontation sous peu. Car oui, il en a envie. Il a l'impression que sur le terrain, ils ont trouvé une connexion qui échappe aux normes, aux pressions, à leur propre regard sur eux-mêmes, et il a envie de retrouver cette sensation.
« Hmm dis pas des trucs comme ça... À deux doigts de me changer et de débouler sur le terrain pour t'apprendre à perdre. »
Et il ne plaisante même pas. Sa jambe tremble rien qu'à cette idée. Le manque, plus la provocation effrontée occultent tout bon sens.
« Ben vas-y, je t'attends. »
Il sourit, il doute qu'Aomine sorte de chez lui à cette heure pour un basket nocturne, mais peu importe, puisqu'il répond à sa provocation, il continue sans se laisser troubler.
Aomine reste coi une seconde. Il en loupe la passe de Kagami et son cœur s'emballe l'instant suivant. Est ce qu'il est sérieux ? Ne vient-il pas de le mettre en garde ? Est ce qu'il le test ? Sans rien dire, il fonce pour récupérer la balle aux roues de leurs adversaires, mue par une énergie nouvelle. L'adrénaline se déverse dans son corps à la perspective de céder à sa folie. Il sait que ce ne serait pas raisonnable. Pourtant, il doit lui rester trop du sucre de l'insouciance qu'il a goûté plus tôt dans la journée, parce que la perspective devient très vite un projet. Il n'a pas envie de réfléchir, seulement de jouer. De jouer contre Kagami, se reconnecter à lui dans l'effort après les jours tumultueux qu'ils ont traversé.
Il zigzag sur le terrain jusqu'aux cages, marque un but pour faire sa part puis file se changer avant que la voix de la raison ne le retrouve. Toute fatigue envolée, il récupère son casque et sans l'enfiler il annonce dans le micro d'une voix déterminée.
« Dix minutes, douze max. À tout de suite. »
Il abandonne le jeu, et son appartement. Il enferme ses craintes à l'intérieur et file en direction de chez Kagami. En sortant de son immeuble, le sourire aux lèvres, il réalise combien il a besoin de ça. Il se demande même vaguement pourquoi il n'est pas allé jouer avant pour se défouler, plutôt que d'aller boire seul dans un bar.
Malgré le silence qui l'a fait douter, Kagami est surpris par cette réponse, car il s'y attendait... mais sans vraiment y croire pour autant. Il reste le cœur battant devant son écran, fixant la partie inachevée, à s'interroger s'il se passe bien ce qu'il croit qu'il est en train de se passer. Mais le silence dans son casque est éloquent. D'un seul coup, il a l'impression d'être un adolescent qui s'apprête à faire le mur. Il se secoue et quitte la partie, posant son casque sur le bureau. Puis, il va chercher ses affaires de sport et se change, fébrile. Enfin, il quitte son appartement et dévale les escaliers.
