Et bonsoir ! Un nouveau chapitre dans cette histoire pour la moitié (ou presque) de l'Aokagamonth ! Un an déjà que nous prenons plaisir à faire avancer cette histoire avec Maloriel. Merci de nous accompagner dans cette aventure.
La dernière fois, on laissait nos fauves en plein doute, des questions et des angoisses plein la tête. On vous laisse découvrir la suite, en espérant que ça vous plaise.
Shadow: Merci pour tes retours. Non, c'est vrai la communication n'est pas leur fort... Pourtant il va bien falloir à un moment ou un autre.
Bonne lecture !
En rentrant chez lui, Aomine tremble presque de tous ses membres. Il a mal au ventre. C'est la pagaille dans ses émotions et elles se mélangent en un gros sac de nœud étouffant. Il aimerait pouvoir se l'arracher de la poitrine pour s'en débarrasser et ne plus rien ressentir du tout, tellement ça devient encombrant. Son estomac a l'air de trouver l'idée intéressante, parce ce qu'il se soulève dans un spasme qui l'oblige à se ruer dans sa salle de bain. Il reste un moment sans que rien ne se décide à sortir à part de nouveaux cris, un peu de bile et des larmes. Sentant la migraine débarquer pour parfaire le tableau, il prend une aspirine. Mentalement épuisé, il sait qu'il ne trouvera pas le sommeil dans cet état. Il se change, prend son vieux carnet à idées noires et un plaid. Un instant il hésite mais décide de laisser son portable ici pour éviter toutes tentations, puis rejoint le toit et l'air frais de la nuit.
Kagami dort mal cette nuit-là, un sommeil superficiel, entrecoupé, et hanté de mauvais rêves. Aussi, c'est presque avec soulagement qu'il voit le jour se lever. Lui qui pensait traîner aujourd'hui ne peut pas rester en place, une énergie négative sature son système, le rendant nerveux et agité. Alors il se lève, effectue sa routine matinale, et commence à faire son ménage en attendant l'heure d'accompagner Tatsuya à l'aéroport. Il se vide la tête en récurant tout son appartement, ne se laissant presque aucun instant de répit pour ne pas que son esprit se remette à carburer, ignorant la fatigue, son estomac barbouillé et son mal de tête.
Enfin, il se met en route pour rejoindre Alex et Tatsuya. Il déteste dire au revoir à son frère de cœur à l'aéroport, mais il n'allait pas le laisser repartir sans l'accompagner. Il s'installe à l'arrière de la voiture et écoute les discussions des deux autres tandis qu'ils traversent la ville. Dans cet instant de calme, il repense à la soirée de la veille et se dit qu'il devrait envoyer un message à Aomine. Le brun a raison, ils doivent parler. Il espérait qu'ils n'aient pas à le faire, que les choses seraient plus naturelles et aisées, mais ce n'est pas le cas… Et la culpabilité s'accroche à lui en se disant que c'est en partie de sa faute. Alors il doit au moins essayer d'arranger les choses. Il regarde son portable nerveusement, il lui semble que jamais de sa vie il n'a été si hésitant.
Il y a longtemps que ça n'était pas arrivé à Aomine de s'endormir sur le perchoir où il était allé se réfugier. Sur celui-ci, c'est même la première fois. La fatigue l'a emportée seulement depuis quelques heures lorsque le soleil le réveil. Aomine a mal partout et grelotte de froid, pourtant il n'arrive pas à se résoudre à bouger. Il admire le spectacle encore un peu avant qu'il ne devienne trop aveuglant. Il récupère son carnet dont il a noirci des pages entières. D'abord rageusement pour évacuer ce magma noir et innommable torturant son corps, puis plus sporadiquement, dès qu'une pensée, une question ou un raisonnement lui venait. C'est une habitude qu'il a perdu avec le temps, mais écrire l'avait aidé au pire moment de sa vie. C'est par réflexe s'il s'est tourné sur cette solution à défaut d'en connaître une autre.
Groggy et courbaturé, il rejoint son appartement. Il se réchauffe à l'aide d'une douche brûlante qui termine de l'apaiser. Les mots et les doutes ne sont plus dans sa tête, dans son ventre ni dans sa poitrine à prendre toute la place. Il les a déposé hors de lui, ne laissant qu'une coquille vide et épuisée, anesthésiée. Au radar, Aomine s'effondre dans son lit, pas certain de retrouver le sommeil, mais au moins un peu de confort et de sérénité. Il n'a pas la force de relire ce qu'il a dégobillé sur les pages blanches à la lueur d'une ville qui ne dort jamais, il a même un peu peur de ce qu'il pourrait y trouver. Transcendé par l'exercice, il ne se souvient pas exactement de tout. Et il préfère retarder encore le moment, parce que ce silence intérieur lui fait du bien.
C'est le cœur serré que Kagami étreint brièvement Tatsuya, dans le grand hall impersonnel de l'aéroport.
« Prends soin de toi, murmure-t-il, la gorge un peu nouée.
— Toi aussi, lil'bro. Et reste pas à ruminer des trucs tout seul, OK ? Y a une solution pour tout même si tu la vois pas forcément sur le moment.
— Yeah... I know. Thanks. »
Il sourit au brun, puis regarde Alex, un peu émue elle aussi, lui donner une étreinte beaucoup plus franche et plus longue. Puis, ils laissent partir Tatsuya qui se retourne une dernière fois avant de franchir la douane.
« Merde... Je déteste vraiment ce genre de moments, murmure Alex.
—Moi aussi. »
Ils retournent dans la voiture, et cette fois, Kagami prend son courage à deux mains et rédige un message :
Kagami - 13h30
Hey... T'as dit qu'on devrait parler et t'as sans doute raison. Alors si t'es dispo ajd... Dis-moi où et quand.
À son second réveil, Aomine se sent déjà mieux. Pas assez pour manger, mais il avale quand même un grand café en relisant ses notes. C'est brouillon, ça part dans tous les sens, mais au fil des pages ça s'éclaircit, l'écriture est plus régulière, plus lisible. Maintenant qu'il peut les voir écrites noir sur blanc, ses pensées lui semblent moins effrayantes. Comme si le fait de pouvoir les déchirer ou les brûler lui donnait le pouvoir qui lui manquait dessus. Maintenant qu'il a réussi à s'en détacher, il aimerait avoir le temps de prendre un peu plus de recul avant de les partager avec Kagami. Il remplit son sac de sport avec quelques affaires, enfile son casque, et file à la salle. Il répond au texto sur le chemin avec une pointe d'appréhension.
Aomine - 14h13
Salut... Si tu veux oui. Chez moi fin d'aprèm ? Ou chez toi, comme ça t'arrange.
Kagami arrive juste chez lui quand il reçoit la réponse d'Aomine. Il est soulagé et en même temps, il éprouve un regain de stress.
Kagami - 14h15
Ok, je te rejoins chez toi tout à l'heure.
Son appartement est déjà tout propre, Tatsuya est dans son avion. Il se laisse tomber dans son canapé sans savoir quoi faire de lui-même. Puis, il se rappelle qu'il n'a pas mangé et que ça explique aussi pourquoi il se sent aussi faible. Alors il se prépare rapidement quelque chose et mange devant une série à laquelle il ne prête pas grande attention, mais qui a au moins le mérite de le faire penser à autre chose.
Quand il a terminé son repas, il réfléchit à ce qu'il va dire à Aomine, mais rien ne lui vient. On dirait que son esprit si bouillonnant la veille est aujourd'hui une page blanche. Peut-être que ce n'est pas plus mal, il a trop cogité et s'est embrouillé. Peut-être vaut-il mieux maintenant retrouver un peu de spontanéité et éviter de s'embourber à nouveau dans des spéculations.
Il finit par somnoler, engoncé dans son plaid, écoutant d'une oreille peu attentive la télévision bruisser à la lisière de sa conscience.
Aomine s'essuie dans sa serviette et boit un coup. Il mange deux barres de céréales pour faire le plein, enfin, pour ne pas s'effondrer d'hypoglycémie puis délaisse le tapis pour le rameur. La course ne lui a pas laissé le temps de réfléchir, il a profité de la musique, se laissant encore un peu de répit.
Au fil de ses allées et venues sur la machine, Aomine visualise les pages de son carnet. Ça lui permet de traiter ses inquiétudes séparément, sans se disperser. Au bout d'un moment il s'arrête net. Il vient de mettre le doigt sur la raison pour laquelle il ressentait ce besoin étrange et presque sadique de disséquer tout ça. Sa vue d'ensemble s'élargie et le réconforte, lui donne du courage. Il réalise avec stupéfaction que chacune des questions qu'il s'est posé vont dans le même sens. Un peu sonné il reprend ses mouvements en douceur, jusqu'à avoir fait le tour de ce qu'il voulait.
Léger, rasséréné et prêt à avancer, Aomine retrouve son appartement. La sensation de rentrer chez lui qu'il n'avait plus éprouvé depuis quelques temps, sans arriver à définir depuis quand exactement, lui tire un sourire. Il prend le temps de rincer toute cette sueur et de manger quelque chose de consistant avant d'écrire un message à Kagami.
Aomine - 16h57
Je suis chez moi, passe quand tu veux.
Le vibreur de son téléphone le fait sursauter, l'arrachant à son sommeil précaire. Il se redresse et se frotte le visage. Il va se passer le visage sous l'eau et se change rapidement. Puis, il prend son téléphone.
Kagami - 17h06
Je suis en route.
Il attrape sa veste et enfile ses chaussures. Il est nerveux, manque de faire tomber ses clés en voulant refermer sa porte. « Damn it... » marmonne-t-il, puis il dévale les escaliers. Son cœur cogne durement dans sa poitrine, il se sent désorienté, à peine réveillé. Il profite du trajet pour s'éclaircir l'esprit, marchant d'un pas vif, les mains enfoncées dans ses poches.
Au message de Kagami, la nervosité le guette. Si lui a fait le point et y voit plus clair, il n'a pas pensé une minute que Kagami pourrait faire marche arrière. Il ouvre rapidement son carnet pour griffonner cette idée, se rappelant que s'ils se voient, c'est pour répondre à tout ça. Il ferme avec énergie le cahier.
« Là, pas bouger ! » ordonne-t-il à son vilain doute.
Quand il arrive finalement à l'immeuble d'Aomine, il se dirige directement vers l'escalier et se fait rabrouer par le concierge qui agite un stylo dans sa direction. Ah oui, signer le registre... Il revient sur ses pas et appose sa signature, puis monte les escaliers quatre à quatre. Il arrive enfin devant la porte du brun et inspire un grand coup, se passant une main dans les cheveux. Puis, il frappe trois coups.
Un cri lui répond :
« Vas-y entre, c'est ouvert ! »
Kagami ouvre la porte et l'odeur de l'appartement lui saute à la figure, familière et terriblement réconfortante. Son cœur se serre, il se sent idiot et vulnérable. Mais tant pis... il peut faire avec. Il retire ses chaussures et s'avance dans le salon. Il aperçoit Aomine dans la cuisine et un léger sourire se dessine sur ses lèvres.
« Salut... »
Aomine se tourne vers lui et lui rend son sourire. Kagami n'a pas bonne mine mais il a évité son propre reflet toute la journée alors il ne dit rien.
« Hey... tu veux boire un truc ? J'ai fait du thé mais j'ai un peu de tout.
— Du thé ça ira... Thanks. »
Il fait le tour du salon, ne sachant quoi faire de lui-même, puis se plante devant la fenêtre et contemple le paysage urbain de l'autre côté, éclairé par un soleil oblique. Finalement, quand il voit Aomine arriver avec le thé, il s'assoit dans le canapé, le cœur battant la chamade, les mains moites.
Aomine se doute de la réponse mais il ne peut s'empêcher de demander...
« Ça va ? Pas trop durs les au revoir ?
— Je déteste ce genre de moment... Mais ça va. Et puis, on se reverra bientôt. »
Kagami se masse la nuque, gêné. Le poids des non-dits alourdit son estomac. Il inspire profondément, puis expire. Il faut qu'il se détende un peu... Il jette un coup d'œil de biais à Aomine :
« Et toi ça va ?
—En comparaison des derniers jours... mieux », assure-t-il dans un demi sourire.
Kagami le regarde un peu plus franchement, surpris par cette réponse.
« Well... Je suis content alors. » Il se mordille la lèvre, hésitant, cherchant ses mots.
« Look... » Il s'interrompt, se rappelant de parler japonais, puis reprend :
« Écoute... Je sais que j'ai foiré. Au départ, je voulais te faciliter les choses, mais... Tout ça... ça s'est avéré plus difficile que je le pensais. Alors... j'ai eu des doutes et j'ai paniqué », avoue-t-il, la gorge nouée.
Aomine le scrute. Il avait cru comprendre que Kagami n'était plus si sûr, sans savoir pourquoi. Alimentant ses propres doutes et insécurités.
« Je pensais que s'était plus simple pour toi, je me suis inquiété que de mon cas. Et quand j'ai voulu faire un pas vers toi, je m'attendais pas à cette distance. Maintenant je me dis que t'as peut-être aussi de bonnes raisons qui font que c'est pas si simple. Et c'est pas grave. Je peux pas vraiment te blâmer pour ça... T'as rien foiré du tout, puisqu'on est là.
— Yeah... J'imagine. » Il se sert un thé et enveloppe son mug des deux mains, avouant dans un souffle : « Je sais pas vraiment par quoi commencer... »
Le brun l'imite s'installant en tailleur se laissant le temps de la réflexion.
« Hm tu pourrais me dire de quoi t'as peur ...
Kagami hoche la tête et regarde son thé, puis prend une petite gorgée. Le goût légèrement fumé, la rondeur des arômes, ainsi que la chaleur du liquide dans sa gorge contribuent à le détendre.
« J'ai compris que je te plaisais, commence-t-il, que tu t'y attendais pas, et que tu t'interroges là-dessus. Jusqu'ici, ça paraît assez naturel. Mais... je me dis... t'aurais sans doute préféré que ce soit pas le cas. J'ai eu peur que tu fuies parce que... ça en vaut pas la peine. De prendre ces risques... D'autant que... t'étais peut-être pas si sûr. Peut-être qu'au fond, tout ça, ça te dégoûte. Peut-être que tu te dis : ce que je ressens pour ce mec c'est fort, mais du coup, ça signifie qu'on doit coucher ensemble ? Et là... c'est le moment où tu t'en vas. Ou pire, plus tard, quand t'auras trouvé quelqu'un d'autre, une fille, et que je serai plus utile... »
Il repose son thé et se prend la tête dans les mains. Ses propres paroles sonnent ridicules à ses oreilles et il s'en veut d'être incapable de maîtriser les angoisses qui le rattrapent.
« Fuck... I'm sorry... Dit comme ça... bien sûr tu ferais pas tous ces trucs, enfin pas comme ça, mais... »
Il laisse sa phrase en suspens, secouant la tête, son cœur battant frénétiquement dans sa poitrine.
Son cœur se serre violement en écoutant les craintes de Kagami et la déchirure dans sa voix. Il réalise que ses peurs sont loin d'être ridicules. Pourtant, quelque part il se sent blessé aussi. Il décide de faire abstraction, de ne pas le prendre pour lui, puisqu'après tout, il ne lui a pas donné de raisons tangibles de penser le contraire. Il se souvient de ce que son ami lui a offert quand il s'est livré à lui, complètement perdu et n'hésite qu'une seconde. La gorge nouée il pose sa tasse et glisse sa main chaude sur la nuque de Kagami pour le masser doucement, lui laissant le choix de se rapprocher de lui ou non.
« Hé... t'excuse pas Kagami. Ce sont des questions légitimes vu les circonstances.
— Yeah... Mais surtout, je l'ai déjà vécu, Ao... Alors ça me hante... C'est pas rationnel, chaque personne est différente, mais... ça m'a vraiment blessé, alors... »
Il ferme les yeux, laissant retomber ses mains sur ses genoux, et prend une inspiration tremblante alors qu'il tente de lutter contre l'overdose d'émotions.
Les doigts d'Aomine se figent un instant à ces mots. Ok... s'il a déjà été blessé par un hétéro incertain, il comprend mieux pourquoi Kagami a fait ce qu'il voit comme un pas en arrière. Il passe son pouce sur le muscle tendu de sa nuque, sentant son pouls battre sous la pulpe de son doigt.
« Est ce que j'aurais préféré ne rien ressentir pour toi ? ... répète-t-il dans un souffle. J'en sais rien, ça aurait sûrement été plus facile, mais c'est pas le cas alors, la question ne se pose pas. Est-ce que j'ai pensé à fuir ? Bien sûr, j'ai même essayé... on sait tous les deux où ça m'a conduit... belle réussite ! Est-ce que ça me dégoute de coucher avec toi ? Honnêtement, je suis pas encore allé jusque-là. Mais je suis bien conscient que le sexe ça fait aussi partie de tout ça et que la question reviendra. Et pourtant, je suis là... »
Kagami se concentre sur sa voix, sur ses mots, sur son pouce qui masse sa nuque endolorie par le stress, et peu à peu il lâche prise. Il pose une main sur le genou d'Aomine et le serre doucement dans sa paume. Il se laisse un peu de temps, pleure un peu puisqu'il ne peut pas faire autrement, puis hoche la tête et s'essuyant le visage.
« Ok... J'avais besoin d'entendre ça. C'est pas que je voulais pas aborder le sujet, mais... j'avais peur de te braquer en en parlant alors j'ai essayé de mettre de ça côté... avec le succès que tu vois ! »
Il rit un peu en effaçant ses larmes, soulagé d'avoir enfin posé des mots sur ce poids énorme qui le paralysait. C'est dur de reconnaître qu'on ne s'en sort pas si bien que ça quand on essaie d'être un soutien pour les autres…
Aomine presse sa nuque, se permettant de glisser un doigt à la frontière de ses cheveux pour l'aider à se calmer. Puis il ricane avec lui.
« On est super doués pour tenir nos résolutions, tu trouves pas ? plaisante-t-il.
— Yeah... Il paraît que c'est le problème des résolutions : on se surestime toujours quand on en prend... »
Kagami se redresse et reprend sa tasse, puis murmure :
« C'était ça qui me tracassait hier... Mais... J'ai toujours pas envie de faire marche arrière... Et je suis reconnaissant que tu sois là. »
Si tout remonte en lui avec une telle intensité, c'est parce qu'il tient à Aomine. Qu'il veut que ça marche. Et à cause de ça, il s'est mis trop de pression.
Il sent Kagami se détendre et ça lui fait plaisir. Marcher sur des œufs, avoir peur de chaque mot qu'on pourrait dire, c'est épuisant. Et surtout il n'a pas envie que Kagami soit différent avec lui.
« Je comprends mieux les signaux contradictoires », pense-t-il à voix haute.
Aomine avale un peu de thé pour dissiper son angoisse grandissante. Il sent que son tour approche et même s'il est plus calme vis à vis de ce qui l'effraie, ça reste un exercice difficile de se livrer. Alors il commence par ouvrir une brèche, sentant la chaleur envahir son visage.
« Je... j'ai pas envie de faire marche arrière non plus... »
Kagami relève la tête et regarde le brun, percevant son trouble. Il hoche la tête et presse de nouveau son genou.
« OK... C'est quoi qui t'inquiète ou te dérange ? » demande-t-il sans détours, comme Aomine l'a fait tout à l'heure. Il trouve que c'est bien plus facile de répondre à une question directe, tant qu'elle est posée avec gentillesse.
Aomine considère la main sur son genou et la fixe comme point de repère. Cherchant à mettre de l'ordre dans ses idées. Il inspire puis se lance.
« Comme je te l'ai dit hier, j'ai beau me poser des questions, quand on se voit c'est plus facile. Surmonter ça et arriver à être complice malgré tout c'est rassurant. Ça me prouve que je cogite trop. Mais ça m'empêche pas de le faire quand je suis tout seul... En fait, je n'ai jamais eu de vraie relation. La plus sérieuse a duré quelques mois au plus. Je pensais pas être du genre à vouloir me poser avec une meuf, être en couple. Alors… avec un mec ? J'ai paniqué. Je me suis torturé avec des questions du genre : est-ce que c'est pareil ? Est-ce que je saurais faire ? Est-ce que je suis prêt pour ça ? Est-ce que le sexe va poser un problème ? Est-ce que Kagami ne mérite pas mieux qu'un gars qui se pose ce genre de questions ? »
Il fait une pause pour respirer, se rendant compte qu'il parle trop vite. Mais la main pressant son genou l'apaise et l'encourage à poursuivre.
« Bordel, tu… tu voulais avancer avant que je débarque et casse tes plans... J'ai pas envie d'être un boulet pour toi, de te retenir dans une relation qui te conviendrait pas. Et pourtant je me sens incapable de renoncer à toi. Alors ouais... j'imagine qu'entre nous, si ça ne peut plus être comme avant, ce sera ou tout ou rien. Mais tout, je sais pas faire. J'ai jamais fait », confesse-t-il presque honteux de l'admettre.
Kagami écoute attentivement, l'esprit beaucoup plus clair maintenant qu'il a confié ses craintes à Aomine. Il se reconnaît dans plusieurs choses que dit le brun, et ses inquiétudes, paradoxalement le rassurent. Il lui semble bien mieux comprendre ce qui est en jeu et à quoi pense le brun.
« OK... Je comprends. Y a plein de questions que je me suis posées aussi... Y a quelques nuances mais au fond ça revient au même... »
Il le regarde dans les yeux, sentant enfin revenir sa détermination.
«La vérité c'est que ni toi ni moi on sait encore ce que ça signifie, d'être ensemble. J'attends pas de toi que tu correspondes à un idéal de relation parce que honnêtement... J'en ai pas. J'ai déjà été en couple et oui j'avais envie de me poser, mais ça n'a pas fonctionné au final. Je cherche pas à retrouver quelque chose que j'ai déjà eu... Et je cherche pas non plus quelque chose qui serait déjà défini dans ma tête. Je veux qu'on découvre ce que c'est, pour nous. Tu peux pas être sûr de toi à tous les points de vue et ça je le comprends, c'est pareil pour moi. Mais si c'est "juste" ça... Alors je veux essayer. Et cette fois je suis sûr de moi. »
Aomine soutient son regard. Hypnotisé par la lueur qui danse au fond de ses prunelles. Il sent les siennes s'embrumer au fil de son discours qui lui ôte mots après mots, le poids énorme qui croupit au fond de ses tripes. Kagami n'a pas d'attentes qu'il sera incapable de combler. Peut-être que ça viendra, mais il a envie de les découvrir avec lui. Voilà un concept qu'il n'avait pas envisagé et qu'il trouve plutôt séduisant. Ça, il pense pouvoir gérer. À ce moment-là il aimerait dire un truc intelligent, qui déborde de maturité mais une image d'aventurier s'impose à lui et étire un coin de sa bouche.
« Ok... Donc si je comprends bien, on embarque dans la même bagnole mais sans carte, sans boussole et juste avec une vague idée de la destination. »
Kagami lâche un petit rire à cette métaphore.
« Yeah... Je crois que c'est à peu près ça. Alors y a plus qu'à se guider au soleil et aux étoiles... »
Maintenant qu'il a retrouvé l'espoir, Aomine lui semble soudain plus beau, plus attirant que jamais. Il écoute son cœur pulser, cette émotion plus pure et plus nette envahir sa poitrine tandis qu'il contemple le brun. Il attrape sa main et la serre dans la sienne, éprouvant le besoin de se rassurer par ce contact, et de transmettre ses émotions à Aomine peau contre peau.
Le cœur d'Aomine s'emballe. Le soleil, les étoiles... Pas de soucis, Satsuki a été scout, il lui demandera des infos. Il note vaguement que ses idées divaguent, s'étiolent et s'entrechoquent pour ne former plus qu'un brouhaha lointain. Avec tout ce qu'ils se sont dit, il est plus que conscient de la présence de Kagami, de son parfum entêtant et de ce contact. Il a toujours été tactile, c'est un langage qu'il comprend... et il se retient depuis si longtemps avec Kagami, que son attention lui envoie une décharge électrique tout le long de son bras. Sans réfléchir, puisqu'il en est momentanément incapable, il croise ses doigts entre les siens sans pouvoir détacher son regard de leurs mains liées, aussi fasciné qu'affolé.
Une sensation presque douloureuse enveloppe le cœur de Kagami lorsqu'Aomine imprime une pression sur sa main. Il laisse passer quelques instants comme pour apprivoiser ce contact, puis il porte la main halée à sa bouche et y presse ses lèvres doucement. Enfin, il relève la tête sourit au brun.
« Alors... Ça va bien entre nous ? »
Aomine regarde ses doigts se faire embrasser sans les retirer. Il a soudain très chaud. Comme si le souffle de Kagami venait d'un désert brûlant. La gorge sèche il n'arrive pas à dire grand-chose. Alors il hoche la tête en souriant bêtement.
« Hm hm »
Kagami répond à son sourire, heureux de voir cette expression sur son visage. Il rit de soulagement, même, alors que la tension épuisante de ces deux derniers jours se relâche enfin. Il garde la main d'Aomine dans la sienne, caressant délicatement ses doigts.
« Et tu étais vraiment sexy dans cette chemise hier soir », murmure-t-il en souriant.
Le rire de Kagami et son sourire rayonnant lui chatouille le ventre. Aomine découvre que les sensations sont familières, amplifiées peut-être parce qu'il y prête attention, et qu'il sait leur donner un nom. Le compliment le touche alors qu'il connait son potentiel séduction. Mais plaire à Kagami c'est différent des regards d'inconnus qui se retournent sur lui... c'est ce qu'il veut.
« Content qu'elle t'ait plu... je la mettrai peut être plus souvent.
— Yeah... Bonne idée. »
Kagami se cale au fond du canapé, sirotant son thé sans lâcher la main d'Aomine. Il ne veut plus rompre le contact maintenant, et il espère qu'ils ont passé le plus dur. En réalisant qu'il aurait pu le perdre, son ventre se noue d'appréhension. Mais à présent, les incertitudes qui lui restent ne sont plus si terribles et oppressantes.
« J'ai vraiment hâte de faire cette randonnée avec toi. J'aimerais déjà y être ! remarque-t-il avec un petit rire.
— Ouais ? Plus que quelques jours... le temps de se préparer. J'ai hâte aussi, c'est un de mes endroits préférés. »
Avec toute cette pression, Aomine avait presque oublié leur sortie. Il se félicite intérieurement d'avoir fixé la date dans un moment de lucidité. L'idée seule de changer de décors, se ressourcer dans un lieu familier et pourtant hors du temps a déjà des biens faits. Et le faire accompagné l'enthousiasme encore plus. Il voit ça comme un challenge, en plus de gravir une montagne, ce sera l'opportunité de répondre à quelques-unes de ses questions. Leurs... questions. Ça a quelque chose d'intimidant, mais savoir qu'ils vont pouvoir avancer est toujours mieux que ce statu quo malaisant.
« Et puis, si t'en as marre de moi à un moment donné, ce sera facile de me semer ! » reprend Kagami, le tirant de ses pensées.
Aomine rit à la perspective. Il se voit bien planquer dans la forêt à attendre que Kagami finisse par appeler à l'aide.
« Me tente pas... Mais je vois pas trop pourquoi j'en aurais marre de toi ... » Il fronce un peu les sourcils. « À moins que tu comptes gâcher tous les poissons que je vais pêcher ! »
Kagami éclate de rire.
« Non, j'ai hâte de les cuisiner. D'ailleurs, j'amènerai aussi les sandwichs, je ferai la popote... Donc tout bien réfléchi, je suis pas sûr que ce soit une bonne idée de me semer. »
Le brun tourne la tête vers lui, renversant un peu de thé dans la manœuvre.
« Les mêmes qu'à la plage ? T'as raison... je vais peut-être nous attacher finalement, genre lien de survie.
— C'est bien ce qui me semblait, tu es du genre à penser avec ton estomac... J'en prends bonne note ! rit Kagami.
— Je vois pas de quoi tu parles. J'aime les bonnes choses c'est tout... » ment Aomine avec aplomb.
Kagami l'ignore et poursuit :
« Non mais plus sérieusement, j'ai pas l'habitude de randonner en montagne, mais je devrais pas avoir de mal à suivre ton rythme. Ça t'a peut-être échappé mais je suis plutôt du genre sportif !
—J'ai bien noté ça, crois-moi... admet Aomine en lui jetant un coup d'œil, sourire en coin. L'endurance c'est une chose, mais l'altitude s'en est une autre. Le moindre essoufflement, il ne faut pas le prendre à la légère. On reparlera des règles de sécurité mais tu pars avec de bons avantages.
— Oui, chef ! s'amuse Kagami. D'ailleurs, cette randonnée, tu l'as déjà faite avec Momoi ? »
Aomine se tend légèrement à la question. Il plonge dans sa tasse avant de répondre et sert un peu les doigts de Kagami toujours rivés aux siens.
« Nan... tu seras le premier que j'emmène en fait.
— Really ?! » Cette nouvelle lui fait plus plaisir qu'elle ne le devrait. « Je suis un privilégié alors... Je te cache pas que l'idée me plaît ! ajoute-t-il dans un sourire.
— Ouais vraiment. Je sais pas, jusqu'à maintenant ça me semblait pas... c'était un truc entre mon père et moi tu vois. Mais je me dis que la refaire en duo ce sera aussi une étape de franchie pour le laisser partir. »
Il ne l'avait pas encore dit à voix haute et ça donne une dimension un peu trop fataliste à ce qu'il aimerait être un bon moment. Aomine attend bien plus de ce week-end qu'il ne le pensait au départ. Il en espère une espèce de transition. Comme si la montagne allait le délester de tous ses problèmes et le rendre changer à son quotidien.
Kagami est touché par ses paroles, qui le font se sentir encore plus privilégié. Il hoche la tête, caressant le dos de la main d'Aomine de son pouce.
« Je comprends. J'espère que ça t'apportera un peu d'apaisement. »
Aomine observe les doigts de Kagami danser sur sa peau, peinant encore à croire ce contact doux. Il acquiesce doucement, un rictus au coin des lèvres. C'est vrai qu'il se sent toujours bien là-haut. Et il espère que Kagami appréciera aussi.
« T'as raison, changer un peu d'air ça fera du bien. »
Kagami renverse la tête sur le dossier du canapé, fermant les yeux quelques instants, se concentrant sur la sensation chaude de la main d'Aomine dans sa main. Un sentiment d'irréalité l'enveloppe, mais il aime le bien-être que ça lui fait ressentir. L'espoir est revenu et tout est possible, ça rend les choses un peu vertigineuses, mais pour le moment, ça lui est égal. Il rouvre les yeux et regarde Aomine sans bouger la tête. Il éprouve le besoin de dire ce qu'il a sur le cœur, et accueille sans le repousser le sentiment de vulnérabilité que cela fait naître en lui.
« Je suis content qu'on ait pu parler... J'étais inquiet, avoue-t-il. Je voulais pas te perdre. »
Aomine accueille la confession avec un pincement au cœur. Lui non plus ne voulait pas le perdre. C'est même précisément pour ça qu'ils en sont là aujourd'hui... Il aurait pu ignorer ses drôles de sentiments, faire comme s'ils ne voulaient rien dire de plus que ce qu'il a cru au départ. Mais le fossé qui s'est creusé entre eux lorsqu'il a essayé de fuir lui a finalement fait plus peur que son attirance pour lui. Il sait que ce ne sera pas toujours facile à accepter, ni à gérer, pourtant il a sincèrement envie d'essayer. Ne pas fermer la porte à cette relation qui semble les dépasser. Nerveux, il serre un peu plus ses doigts entre les siens et ose rendre ses caresses à Kagami. Sans parvenir à détacher son regard des iris qui le fixent il murmure presque :
« J'étais pas serein non plus. Et je sais bien que ce sera pas une promenade de santé tous les jours mais... je suis content aussi de moins être dans le flou. Savoir que tu veux essayer aussi. »
Un sourire se dessine sur les lèvres de Kagami alors qu'il écoute le brun.
« Yeah... Et puis, y a encore beaucoup de choses qu'on sait pas l'un sur l'autre. Je pense que... ça sera peut-être plus facile en se connaissant mieux. Tout est intense et va vite depuis le début, et ça me va... Mais en ce qui me concerne je sais qu'à cause de ce truc ambigu entre nous... C'était pas facile de m'ouvrir non plus. Alors j'espère que ça va changer un peu. »
Le brun reste pensif un moment. Réalisant que pour lui, ça a plutôt été l'inverse. Il s'est en effet à sa grande surprise et celle de ses proches, très vite attaché et ouvert à Kagami. Quand son instinct l'a poussé sans qu'il ne prenne le temps de réfléchir, plus conscient de la situation, Kagami a pensé d'abord. Ce constat lui fait froncer les sourcils.
« J'avais pas pensé à ça... admet-il. J'avais pas conscience que t'étais sur la réserve... Je_ j'ai pas envie que tu te retiennes.
— Moi non plus... C'est fatiguant de faire ça. Mais c'est aussi dans mon caractère... Disons que c'est une vieille habitude. »
Il a du mal à expliquer... Avec certaines personnes, et Aomine en fait partie, sa réserve peut tomber et il a l'impression par moments d'être vraiment lui-même. Mais de nombreuses choses dans sa vie l'ont poussé à prendre de la distance et il a développé un caractère peu sociable et réservé. Un mauvais caractère, diraient certains, car ça ne l'empêche pas d'être aussi impulsif et parfois colérique.
Les vieilles habitudes... Aomine voit le genre, et malgré le peu qu'il en sait, imagine très bien quelques-unes des raisons qui l'ont mené à se protéger de la sorte. C'est même plutôt logique quand il y pense. Alors comment lui en vouloir... Après tout, avant lui, il n'a pas vraiment tissé de nouveaux liens non plus. Il s'entend bien avec certains collègues, accepte une invitation de temps à autre mais ne s'est jamais confié à eux comme à des amis. Même à ses amis, il ne se confie que rarement. Non vraiment, Kagami fait office d'exception... Le brun soupire pour la forme, mais adresse un sourire qu'il veut encourageant à Kagami.
« Et bien j'imagine que je vais devoir être patient. Le temps que tu laisses tomber ta carapace. »
Le rouge laisse échapper un léger rire puis lui lance un regard taquin :
« Okay... Il va falloir qu'on passe beaucoup de temps ensemble, alors ! »
Aomine ricane à son tour.
« Oh... plus que d'habitude tu veux dire ?
— Ouais, pourquoi pas ! T'as des objections ? Je te fatigue déjà ? Parce que j'suis à peu près sûr que c'est toi le plus fatiguant de nous deux !
— Eeeeen MOI ?! T'avais pas trop l'air de t'en plaindre jusqu'ici pourtant ! s'offusque le brun en retenant difficilement son sourire.
— C'est parce que je suis résistant et endurant, ça prend du temps pour m'user totalement ! » rigole Kagami.
Un image déconcertante lui traverse l'esprit à cette déclaration. Une part de lui préfèrerait la repousser, occulter cet aspect-là pour le moment. Mais l'air taquin de Kagami attise son esprit joueur.
« J'aurais plutôt dit borné, voire carrément têtu, se moque-t-il. Mais... je prends note, sous-entend Aomine en haussant un sourcil, goguenard.
— Bah, c'est la même chose ! grommelle Kagami en haussant les épaules. Mais j'imagine que trouver nos limites mutuelles, ça fait partie du processus pour faire connaissance...
— Ouais, j'imagine... »
Aomine observe Kagami en biais, un sourire amusé collé au visage. Il se penche pour boire un peu de son thé presque froid, sans lâcher cette main ancrée dans la sienne.
« Du coup, se voir plus me paraît indispensable. Pour le processus j'veux dire.
— Yeah... C'est important de suivre le processus. Je suis sûr que Momoi validerait. De la méthodologie en toute chose, non ? En tout cas Tatsuya valide.
— Elle nous ferait même un planning si on le lui demandait... Mais j'irais pas jusque-là non plus. ricane-t-il. Je préfère notre méthode.
— Hm ouais... Le planning ça va trop loin, admet Kagami. J'ai rien contre un peu d'impro. »
Il sourit au brun, il a oublié depuis combien de temps il est là, il a oublié son thé qui est froid, il a oublié le mal-être qu'il ressentait encore juste avant de toquer à sa porte. Mais il y a une chose qu'il n'oublie pas : son estomac, qui commence à sa manifester.
« Je crois que c'est bientôt l'heure du dîner... » remarque-t-il.
À cette remarque, Aomine sent son ventre se réveiller. Maintenant que le gros du nœud est démêlé, la faim se rappelle à lui. Avec d'autant plus de force qu'il n'a pas très bien mangé ces derniers jours... Il se relève du canapé, invitant Kagami à faire de même.
« Et il me semble que tu m'en dois un... J'ai gagné la dernière fois, tu te souviens ? »
— Hmpf... Ouais... Ok, tu veux manger quoi ? demande Kagami en se levant.
— Ce que tu pourras faire avec ce que j'ai. Et si besoin on peut toujours descendre faire trois courses. »
Kagami se dirige donc vers la cuisine pour mener une inspection en règle des placards et du frigo.
« Ça ira, je peux bricoler quelque chose », conclut-il.
Il se met immédiatement au travail, méthodiquement, avec des gestes emprunts d'une longue habitude. Il constate qu'il se sent comme chez lui dans la cuisine d'Aomine, comme la dernière fois, ça lui semble aussi naturel de préparer le repas ici que chez lui ou chez Alex. Comme si d'une certaine façon, il avait déjà sa place ici, et cette sensation lui réchauffe le cœur.
Aomine en profite pour mettre un fond de musique, débarrasser le thé puis vient s'installer sur un des tabourets pour observer Kagami s'activer de l'autre côté du comptoir. Il le regarde faire, admirant la précision et la rapidité des gestes. Après avoir autant parlé, il trouve ça reposant, ce silence partiel. Il ne le trouve ni gênant, ni pesant comme ça a pu être le cas ces derniers jours. Il lui semble qu'un cap a été franchi ce soir et il s'en réjouit. Où que ça puisse les mener, tant qu'ils sont sur la même longueur d'onde... ça ira. Au bout d'un moment il brise pourtant la tranquillité ambiante, trop curieux et impatient.
« Alors, qu'est-ce que tu nous prépares chef ?
— Je rends hommage à l'un de mes coéquipiers en faisant un okonomiyaki à ma façon. C'est un des premiers plats que j'ai appris à faire, c'est facile et y a plein de variations possibles. Alors j'ai tout testé jusqu'à mettre au point ma recette idéale !
— Okonomiyaki façon Kagami ? demande -t-il plus pour lui-même. Ça sent déjà super bon. Je crois que je ne m'en lasserais pas... Et pourquoi tu dis rendre hommage à un de tes coéquipiers ? Il y a déjà gouté ?
— Non, c'est son pseudo. C'est naze, hein ? » Il rigole et ajoute : « Mais je reconnais que c'est un très bon plat. Et un bon joueur, en l'occurrence. »
Aomine se marre. Il se demande vaguement pourquoi choisir un nom pareil mais bon...
« J'en ai déjà goûté. C'est vrai que c'est pas mal. »
Il profite que Kagami ait la tête dans son frigo pour chiper un peu d'une des préparations qui lui fait de l'œil, en attente sur le plan de travail.
Quand il se retourne, Kagami remarque immédiatement que quelque chose ne tourne pas rond. Il identifie rapidement le problème et fixe un regard sévère et flamboyant sur le brun.
« On ne touche pas ! Mes proportions sont précises ! »
La bouche pleine, Aomine se contente de sourire pour masquer son crime. Ça l'amuse de voir Kagami s'énerver et se demande où se trouve sa limite dans ce domaine... Néanmoins, il ne cherche pas à récidiver et cale sa tête sur son poing pour suivre la suite des préparatifs. Il essuie quelques regards méfiants du cuistot mais reste sage, préférant éviter de voir son bon repas lui filer sous le nez.
Un quart d'heure plus tard, le plat est fin prêt et ils s'installent dans le salon pour manger.
« J'espère que ça te plaira », dit Kagami, tout à coup un peu nerveux. C'est naturel pour lui de cuisiner, mais il ne connaît pas encore bien les goûts d'Aomine et ça lui tient à cœur qu'il aime ce qu'il prépare. Et puis... il veut lui faire plaisir.
L'eau à la bouche face à son assiette, il remercie Kagami pour le repas et sans plus attendre, plante ses baguettes dans la crêpe moelleuse. C'est si bon qu'il en ferme les yeux pour deviner chacune des différentes saveurs. Un gémissement de contentement lui échappe lorsqu'elles se mélangent et explosent sur son palais.
« Hmm c'est une tuerie ta recette ! Les épices restent un peu en fin de bouche mais pas trop non plus. J'adore ! »
Un grand sourire se dessine sur les lèvres de Kagami tandis que la chaleur lui monte au visage, ravi du compliment.
« Je suis content que ça te plaise... Un moment j'ai douté de la perfection de ma recette ! »
Il rit un peu et dévore sa part, c'est un plat qui réconforte et qui tient au corps, qu'il se fait souvent lorsqu'il n'a pas trop d'idées et besoin de quelque chose de solide.
« J'ai pas de comparaison avec tes autres essais, mais c'est clairement au-dessus de celles que j'ai gouté ailleurs. »
Aomine replonge dans son assiette, se forçant à ne pas tout dévorer en trois minutes. Il s'étonne encore de constater qu'on peut faire du très bon avec si peu et sans y passer des heures. Même s'il se doute qu'étant moins aguerri que Kagami, ça lui prendrait plus de temps s'il s'y essayait.
« Tu crois que tu pourrais m'apprendre celle-ci ou c'est top secret ? Ce serait bien pratique avec le boulot et tout de savoir faire ça...
— Really ? Tu veux un cours de cuisine ? » Kagami le regarde incrédule et sourit. « C'est pas secret, donc ouais je peux t'apprendre si tu veux. »
Aomine détourne le regard en s'enfilant une autre bouchée. À choisir, il préférerait que Kagami devienne son cuisinier exclusif et attitré, mais il se dit que c'est quand même plus raisonnable d'apprendre. D'autant que cuisiner autre chose que du riz et des œufs lui serait vraiment utile...
« Bin ouais pourquoi pas ... Tu pourras pas toujours me faire à manger, et il serait temps que j'apprenne. Alors autant que ça me plaise.
— Comme c'est raisonnable de ta part ! s'amuse Kagami. Mais t'as raison, si tu te nourris pas bien, tu pourras pas rattraper les gangsters... Donc j'approuve ce projet !
— Raisonnable, c'est tout moi ! se vante-t-il en carrant les épaules. Le gangsters n'ont qu'à bien se tenir... et puis ça nous fera une raison de plus pour se voir plus souvent », conclut il clin d'œil à l'appui.
Kagami se marre doucement devant ce numéro et ne peut s'empêcher d'être séduit, y compris par ce clin d'œil. Il faut dire qu'Aomine a beaucoup de charme, et du bagout, et qu'il sait certainement en jouer...
« Okay, marché conclu alors. » Il termine rapidement sa part et soupire de plaisir. « Pfou... Ça va mieux maintenant. »
Satisfait, Aomine l'imite en prenant un peu plus son temps, savourant jusqu'à la dernière miette. L'idée lui est venue sur un coup de tête, mais il s'y voit déjà. Tandis qu'il s'affaisse dans son canapé, repus, il laisse son imagination divaguer à différents scénarios et lui tirer un sourire.
Après s'être laissé aller quelques minutes au plaisir d'avoir le ventre bien rempli, Kagami se lève pour faire un peu de rangement. Même s'il n'est pas chez lui, ça lui déplaît de laisser des choses traîner, ça lui donne l'impression tenace d'avoir oublié quelque chose. Alors il met la vaisselle dans l'évier et range tout ce qu'il a sorti, puis s'attèle à nettoyer le plan de travail.
Malgré la gêne de le voir faire le ménage chez lui, Aomine ne proteste pas. Il sent que ce serait de toute façon peine perdue. Se doutant que son invité risque de la faire ensuite, il le devance et s'occupe de la vaisselle, toujours pensif. Cette impression de facilité entre eux lui revient dans la fluidité de leur conversation, les rires partagés, leurs silences aussi. Et ça le rassure de retrouver cette complicité, cette légèreté apparente quand il sait qu'au fond rien n'est simple, ni si léger... D'ailleurs, la proximité de Kagami dans sa cuisine, partageant une tâche quotidienne des plus banales, emballe son cœur, lui rappelant instantanément la force de ce qu'il éprouve à son égard.
Faire le ménage à deux après avoir partagé un repas, ça a quelque chose de presque intime que Kagami apprécie, surtout après la tension des derniers jours. Mais quand il repense à la soirée de la veille, c'est un souvenir amusant qui lui traverse l'esprit, et il demande à Aomine par-dessus son épaule :
« Au fait, Momoi a réussi à émerger aujourd'hui ? Déjà moi j'ai pas trop hésité à lever le coude, mais elle, elle m'a battu à plate couture hier ! »
La question le tire de ses réflexions et le fait rire. C'est vrai qu'il a rarement vue Satsuki lâcher autant prise. Trop perturbé par sa propre condition, il n'y a pas porté trop d'attention sur le moment mais elle n'y est effectivement pas allée avec le dos de la cuillère.
« Ouais elle m'a écrit en début d'aprèm. C'est rare de la voire comme ça ! On dirait pas mais elle encaisse la fourbe. Faut pas se fier aux apparences avec Satsu, jamais. Mais je crois qu'elle s'est bien amusée hier, admet-il en souriant.
— Ouais, je crois que Tatsuya y est pas pour rien... On dirait qu'ils s'apprécient pas mal ces deux-là, remarque Kagami en essuyant une assiette.
— Quoi ? Comment ça ? Il t'a dit quelque chose ? demande Aomine en lâchant presque une tasse sous la surprise.
— Panique pas, rigole Kagami devant sa réaction. Non, il m'a rien dit. En les regardant interagir, j'ai juste eu l'impression qu'ils se plaisaient, quoi... Mais bon, avec Tatsuya je suis jamais sûr de rien. »
Aomine plisse les yeux, suspicieux. Il ne connait pas bien Himuro alors il ne peut pas savoir ce qu'il en est. Son cerveau turbine sur les souvenirs de la veille. Si c'est vrai que Satsuki a été très amicale avec l'Américain, il n'estime pas plus qu'avec n'importe qui d'autre. Elle est de nature joviale et assez extravertie, alors comment être sûr... Surtout que s'il y a bien un domaine sur lequel elle lui fait des cachoteries, ce sont ses amours, à son grand damne. Depuis qu'elle a compris que Tetsu ne lui retournerait jamais ses sentiments, il ne l'a pas entendu parler d'un autre. Il a donc simplement supposé qu'il n'y avait personne. Et ce constat l'effraie. Aurait-il là aussi, vu ce qui l'arrangeait de voir ?
« J'aurais aimé pouvoir dire le contraire de Satsuki mais ce serait mentir. J'en sais foutrement rien non plus.
— J'imagine que tu le lui fais pas savoir non plus dans la minute chaque fois que y a quelqu'un qui te plaît, le taquine Kagami, amusé par son air mortifié. Faut bien avoir son jardin secret.
— Non évidemment... »
Il tente un demi sourire, mais il vient de réaliser que le jardin de sa sœur est peut-être beaucoup plus secret que ce qu'il pensait. Après tout ils ont le même âge... ce serait logique qu'elle ait aussi son lot d'expériences dans le domaine, surtout vue le nombre de prétendants qu'elle laisse dans son sillage. Aomine secoue la tête pour dissiper la panique qui accompagne sa prise de conscience, préférant changer de sujet.
« D'ailleurs, en parlant de Himuro, il ne devrait pas tarder d'atterrir non ?»
Kagami a fini son ménage et se sèche les mains avant d'attraper son téléphone.
« Hm ouais ça devrait plus tarder. Il m'a pas encore envoyé de message en tout cas. »
Aomine range les derniers ustensiles dans l'égouttoir puis se calle sur son plan de travail, bras croisé en observant Kagami.
« Ça te manque pas trop ? L.A...
— Hm... Parfois. Ça va, ça vient. Mais je me suis fait à la vie ici. C'est aussi chez moi... J'ai mis du temps à avoir ce sentiment... Mais ça commence à venir. »
Il sourit légèrement, c'est vrai qu'au lycée, il ne pensait qu'à repartir... Jamais son lui de seize ans n'aurait cru que son diplôme en poche et son indépendance acquise, il serait toujours là. Et pourtant...
Il ne peut s'empêcher d'être attendri par la réponse. Daïki a du mal à s'imaginer la situation. Avoir deux chez soi... Tout ce qu'il sait, c'est que l'unique endroit où il a éprouvé ce sentiment sans jamais le remettre en cause lui manque. Alors il peut comprendre un peu.
« Content de l'entendre. Ton jeu de piste doit aider un peu non ? suppose-t-il en repensant à la photo sur le bureau de Kagami.
— Ouais... J'ai essayé de retrouver un disquaire, l'autre jour. Évidemment, ça existait plus... » Il hésite un peu et ajoute : « Mais j'ai trouvé un parc où ma mère allait souvent et j'ai écouté sa musique préférée là-bas. C'était un peu triste... mais c'était bien aussi », conclut-il pensivement.
Aomine sourit malgré son cœur qui se serre à la mélancolie qui s'invite dans le regard de son ami.
« C'est dommage pour le disquaire... Tu t'es renseigné ? Ils ont peut-être simplement déménagé.
— Possible, mais j'en doute. C'était y a longtemps et les disques c'est plus vraiment à la mode... M'enfin, c'est pas grave. Il me reste pas mal d'autres endroits à visiter.
— C'est pas faux... J'te souhaite d'y trouver ce que tu cherches alors », déclare Aomine sincère, en lui posant une main sur l'épaule qu'il presse doucement.
« Thanks... Ça me fait penser que je t'ai pas encore emmené au resto que j'ai découvert. On peut faire ça demain si tu veux. »
Aomine acquiesce souriant.
« Ouais bien sûr, quand tu veux .
— Nice. »
Kagami sourit, se sentant embarrassé tout à coup. Il se passe une main dans les cheveux et ajoute :
« Il commence à se faire tard... Peut-être que je ferais mieux d'y aller. »
Un peu surpris, Aomine laisse tomber sa main mais ne proteste pas. Il n'a pas spécialement envie de le voir partir, mais ne tient pas à retenir Kagami non plus, ça fait encore pas mal de chose à digérer et s'ils se voient demain...
« Comme tu veux, je te mets pas dehors. Mais je comprends...
— Je sais que tu me mets pas dehors, baka. »
Kagami sourit et rejoint le vestibule pour enfiler ses chaussures et sa veste. Puis, il regarde Aomine qui l'a suivi. Son cœur se met à battre très vite. Mais il laisse faire. L'adrénaline s'engouffre dans son système. Il surfe la vague. Il fait un pas en avant. Pose ses mains en coupe sur le visage d'Aomine. Un autre pas en avant... Et ses lèvres rencontrent celles du brun. Furtivement... mais pas assez pour ne pas marquer le baiser. Puis, il se recule, sourit encore au brun. Et avant de se laisser tourner la tête, il ouvre la porte, et s'enfuit pratiquement, la texture et la chaleur des lèvres d'Aomine encore imprimées sur les siennes.
