Gabriel arborait l'expression sereine, granitique des anges perchés sur le portique des églises, d'une indifférence absolue envers la souffrance humaine alors que Raphaël l'informait du sort du dernier ange à être venu au monde.
Castiel voulait lui faire des reproches. D'un autre côté, vu les circonstances cauchemardesques de la conception d'Ariane… cette conduite n'était que trop compréhensible. Et puis, ça ne se faisait pas de trop s'inquiéter pour un rejeton de son propre sang – ça sous-entendait népotisme et favoritisme. Que Dionysos et Hel soient fous de panique était nettement plus acceptable, ils avaient après tout endossé la charge de gardiens.
Quoique, la soudaine humanité de Dionysos nécessiterait-elle une révision de son statut ? Possible, mais ce n'était pas à l'ordre du jour. Ce serait pour après le sauvetage d'Ariane.
Ariane. Que pouvait bien lui vouloir le Diable ?
« Plein de choses, je suppose » laissa tomber Perséphone. « Prenez-les jeunes, ça les rend tellement plus faciles à endoctriner, et tellement moins susceptibles de remettre en cause l'idéologie que vous prêchez. »
« Combien de temps ça prend à grandir, une graine d'emplumé ? » voulut savoir Hécate. « Histoire de savoir quand il faudra se préparer à l'assaut… Oh ! Et s'il y a un moyen d'amplifier le potentiel combatif ? D'emblée, je peux vous citer une quinzaine de rituels mais réservés aux humains... »
Castiel voulait hurler. À la fois à cause des spéculations et de l'insistance du contingent divin à étiqueter Ariane un danger pour des circonstances sur lesquelles elle n'avait aucun contrôle.
« Pauvre choupette » renifla Yemanja dont les yeux brillaient d'humidité, « j'espère qu'elle n'a pas été maltraitée… au moins, elle est toujours vivante. »
Peut-être qu'il y avait encore espoir pour le contingent divin, après tout.
« Il semble que nous ayons là une opportunité » finit par déclarer Gabriel d'un ton de commandant militaire. « Si le Diable tient tant que cela à obtenir ce nouveau-né, nous pouvons parier qu'il paniquera si nous montons une opération de sauvetage. Et la panique rend vulnérable. »
« Et si c'est lui qui nous tend un piège ? » riposta Isis, le regard belliqueux. « Avec le marmot en guise d'appât ? »
Le sourire de l'Archange ressemblait à la morsure du gel, alors qu'une aube implacable dévoilait l'ampleur de la dévastation des cultures.
« Croyez-moi, l'Étoile du Matin est tout ce qu'il y a de plus irrationnel lorsque quelque chose qu'il tient vraiment à obtenir est en danger de lui échapper. »
