Guest : Eux aussi aiment bien s'isoler ensemble ;)


Drago mit un moment à retrouver pied, à se souvenir de où il se trouvait et de ce qu'il venait de se passer. Il était encore essoufflé, comme s'il venait de courir un marathon, épuisé, couvert de transpiration, à la fois glacé et brûlant.

Il ne se souvenait pas avoir un jour ressenti un tel orgasme après une vulgaire masturbation.

Il se demandait même si ça n'avait pas été encore meilleur que les fellations.

Il fronça les sourcils en se demandant si, s'il avait alors joui entre les lèvres de Potter et non dans sa main, les choses auraient été différentes. Il se sentit à nouveau durcir à cette pensée.

Mal à l'aise, il remua et réalisa que la main de Potter était toujours sous ses fesses, malaxant la chair, et à la limite de le pénétrer. Il ouvrit les yeux avec une espèce de vieille panique, craignant que le couvert ne soit remis immédiatement.

Il croisa aussitôt le regard de Potter. Celui-ci le fixait intensément, et le sourire satisfait s'épanouit sur ses lèvres à la vitesse de l'éclair.

« T'es de retour parmi nous ? »

Une nouvelle angoisse le saisit et il se redressa vivement, ce « nous » pouvant laisser sous-entendre qu'ils n'étaient pas seuls.

Ils l'étaient, pourtant. La salle était minuscule, et bien que la lave, unique source lumineuse de la pièce, n'éclaire que chichement les lieux, elle permettait largement de distinguer chaque mur couvert de givre, la glace formant de jolies arabesques en formes de fougères sur les pierres grises.

« Ça n'a pas encore fondu… » fit-il remarquer, sa langue tenant probablement à énoncer une platitude pour vérifier qu'elle était toujours capable de fonctionner.

« Non, je me suis un peu laissé dépasser quand j'ai lancé les Collaporta, les Assurdiato et les Intrusor Confiterio. Il y avait peu d'humidité dans la pièce, alors ça ne s'est pas vu tout de suite, mais tu nous as tous les deux fait un peu transpirer… »

Drago rougit légèrement et remua, mal à l'aise. La main de Potter quitta ses fesses pour se poser sur sa cuisse.

Une question le taraudait depuis un moment, déjà. Il s'éclaircit la gorge :

« Hum. Tu sais que… que je suis parfaitement remis… Que je peux parfaitement supporter de… » Drago ne parvint pas à finir sa phrase, mais Potter devina où il voulait en venir :

« Oh, tu veux savoir pourquoi tu n'es pas en train de te consumer de plaisir sur ma queue… » déclara-t-il d'un insupportable ton fanfaron. Drago serra les mâchoires sans répondre, et il reprit : « C'est parce que je tiens absolument à ce que la prochaine fois qu'on fasse l'amour, ce soit dans des draps de soie parsemés de pétales de roses, entourées de centaines de putains de bougie, et après avoir bu du champagne devant un feu de cheminée. Il y aurait probablement une peau de bête devant la cheminée, et une musique langoureuse sur le tourne-disque, mais j'en cherche une qui dure des heures, et…

– La ferme, Potter, grinça Drago sans parvenir à cacher son sourire. Je ne crois pas que tu aies jamais eu besoin de ça.

– Moi non, mais je sais que c'est le genre de trucs qui te fait kiffer. Tu es un indécrottable romantique, Drago. »

Potter semblait exulter de prononcer son prénom à chaque instant. On aurait dit qu'il savourait un cadeau offert par le détenu. C'était à la fois frustrant et agréable. Tout lui, en somme.

« Merci d'être venu, soupira-t-il enfin. T'es largement plus agréable que tout ça pour relâcher la pression. »

Il se tordit alors en avant pour poser son front sur l'épaule de Drago, mais celui-ci le repoussa violemment :

« Attention, Bon Sang ! Pense à tes vêtements ! »

La chemise proprette avait failli entrer en contact avec le sperme sur son ventre. Il maintint le torse de Potter à bout de bras tandis qu'il raclait de sa main la saleté qui le maculait.

Quand il leva de nouveau le visage, cherchant de quoi s'essuyer la main, il vit les yeux rieurs.

« Je ne casse pas l'ambiance ! se défendit-il aussitôt, sentant le reproche arriver. Je me soucie de ta réputation, c'est tout ! »

Il repéra les restes de son boxer quelques pas derrière Potter et se pencha en avant, tendit le bras pour s'en emparer, mais un corps lui barra la route, et une main s'empara de la sienne. Potter fit glisser ses doigts entre les siens comme s'ils étaient enduits de lubrifiant, puis posa ses lèvres au creux de la paume dégoutante et y déposa un baiser.

« Si tu essayes de m'exciter, Potter, sache que ce n'est pas du tout un truc qui fonctionne sur moi.

– Hm. Je sais ce qui fonctionne sur toi. Là, je réalise l'un de mes fantasmes. »

Drago vit sa main être doucement nettoyée de toute saleté. Il n'avait pas menti : Il trouvait toujours le sperme sale, malodorant, mauvais en bouche, loin d'être un aphrodisiaque. Ceci mis à part, la bouche de Potter au creux de sa main ou sa langue entre ses doigts, c'était autre chose.

Son sexe était de nouveau complètement bandé quand la dernière goutte eut disparu du dernier doigt.

Potter ne fit aucune remarque, mais son regard était éloquent et son sourire diabolique.

Il tendit la main, et la robe de Drago sauta dans sa main sans qu'un accio n'est été prononcé ou une baguette utilisée. Il fit passer le col sur sa tête, puis aida à l'enfilage en plaisantant :

« Bon, je suppose que tu vas vouloir qu'on quitte les lieux séparément ? Histoire que ma réputation ne soit pas entachée ? Ce serait évidemment un scandale si le monde apprenait que je ne suis plus puceau. »

Drago grinça des dents mais ne répondit pas. Il cherchait comment aborder l'autre sujet. Potter lui tendit un bras pour l'aider à se relever, puis s'occupa à ranger sa chemise dans son pantalon et à réajuster celui-ci. Drago ne remit pas ses chaussettes – il n'avait jamais réalisé en 20 ans d'existence, à quel point deux mains aidaient à la manœuvre – mais réenfila ses bottines en prenant son temps.

« Pourquoi tu n'utilises pas ta baguette pour les lacer ? demanda Potter au bout d'un moment.

– Parce que je doute que tu me l'aies rendue pour des futilités pareilles, répondit-il en haussant les épaules, puis en plantant son regard dans les iris verts : Potter, il faut qu'on parle avant que tu n'y retournes. »

Le Sorcier avait posé sa main sur la poignée de la porte. Il la lâcha et haussa un sourcil interrogateur par-dessus ses lunettes.

« On a déjà plus ou moins évoqué le sujet, mais c'était il y a plus d'une semaine, marmonna Drago en se rapprochant à nouveau du puits en tremblant. Je me dis que tu as peut-être changé d'avis, depuis.

– Viens en au fait… sourit Potter en croisant les bras et en s'adossant à la porte.

– Kenaran », annonça Malfoy en observant sa réaction.

Le sourire se crispa, les sourcils se froncèrent, le visage se ferma.

« Oui ?

– Je… Je suis toujours d'accord pour la légimancie, bafouilla Drago. Mais il n'y a pas que ça. J'ai entendu parler de cette histoire d'appât, et ce n'est pas une mauvaise idée. Je veux bien que…

Qui a parlé de cette histoire d'appât ? » Le regard était glacial, mais Drago savait qu'il ne lui était pas destiné. Il réalisa qu'il avait tout de même fait le tour du puits pour créer comme un obstacle entre eux.

« Personne en particulier. Je veux dire que j'en ai eu l'idée, moi aussi. Je pense pouvoir le…

– C'est non.

– Pourquoi pas ? » s'exclama-t-il en haussant les épaules à nouveau et en levant les yeux au ciel. « J'ai parfaitement confiance en toi pour réagir à temps ! Je ne risque rien de plus que ce qu'a risqué Monsieur Temrah !

– Justement : Temrah peut prendre des décisions qui le concernent et le mettent en danger et je ne peux pas m'y opposer. Toi, c'est différent.

– C'est ça, donc ? Je croyais que je n'étais pas ta propriété. Je pensais que ça pouvait impliquer de prendre, moi aussi, certaines décisions qui me concernent.

– J'ai vécu ça pendant des années, Drago. Des vieux comme Dumbledore ou Kenaran qui te foutent dans la gueule du loup, qui te font croire que tu as pris la décision toi-même mais qui t'ont manipulé tout du long en te cachant le fait qu'il y a toujours d'autres solutions.

– Alors quand c'est Dumbledore ou Kenaran qui prennent les décisions, ça ne va pas, mais quand c'est toi, tout est différent ? »

Potter garda le silence un moment, puis avec un signe de menton, déclara :

« Fais attention à ton bandage. »

Drago baissa les yeux. Ses mains étaient posées sur la margelle du puits. La gaze qui entourait sa main mutilée s'était détendue durant leurs ébats, et un morceau béait, à quelques centimètres de la lave en fusion. Une bulle orangée éclata, et quelques minuscules éclaboussures tombèrent toutes proches.

« J'aimerais faire quelque chose de bien et d'utile dans ma vie », avoua Drago sans s'éloigner.

Il espérait que cette confidence-là fasse résonner quelque chose chez le Survivant, mais ce fut tout l'inverse : Quand Potter reprit la parole, sa voix était glaciale, venimeuse, comme s'il l'avait insulté :

« Ce que tu pourrais faire de bien, c'est arrêter de raconter des conneries. »

Drago ferma les yeux et compta mentalement les respirations.

Potter le manipulait. Potter faisait exprès d'être agressif et insultant pour obtenir de lui ce qu'il voulait. Ce n'était pas nouveau. Potter tenait à lui et n'était cruel que pour le protéger.

Du moins, c'était une possibilité, et il fallait essayer de se convaincre de cela.

« Potter, après demain, tu as ton rendez-vous à Londres, annonça-t-il à voix basse. Tu comptes rater celui-là aussi ? Combien de temps es-tu prêt à faire durer les choses ? Est-ce que tu vas te laisser perdre tes moyens, à nouveau, et redevenir celui que tu étais quand tu as débarqué ici ? »

Un nouveau silence, puis :

« Oui, je vais annuler celui d'après-demain aussi. » Et puisque Drago ne répondait pas, il ajouta même : « Est-ce que ça répond à tes autres questions ? »

Drago continua à se taire, puis finalement, sa sachant observé, répondit d'un haussement d'épaules.

« Est-ce qu'il va falloir que je m'inquiète du fait que tu fasses des conneries ? »

Toujours la même voix froide, teintée de menaces.

« Que tu t'en inquiètes, non », murmura Drago. Qu'il en fasse, en revanche, c'était à prévoir.

« Viens ici et embrasse-moi. »

Drago soupira, abandonna son étude de la lave et du rythme auquel les bulles se formaient et éclataient, et vint rejoindre Potter à la porte. Il posa sa main sur sa joue, puis ses lèvres sur sa bouche.

Sa voix était complètement radoucie quand il annonça :

« Je dis ça pour ton bien. Tu le sais, n'est-ce pas ?

– Bien sûr, Potter. »

Il fut surveillé tout le reste de la journée, et Drago n'osa pas agir davantage ce jour-là.

Le soir venu, quand Potter vint le rejoindre dans son lit, au milieu de la nuit, il lui caressa doucement les cheveux sans laisser paraitre ses émotions contradictoires.

Il n'agit pas plus le lendemain.

Le lundi venu, tous ceux qui n'avaient pu se libérer que pour le weekend repartirent lamentablement chez eux, et organiser les escortes fut aussi compliqué que de dresser les huit murs qui cloisonnaient désormais l'espace de chasse du Détraqueur.

Le mardi, Drago profita de sa promenade rituelle sur la plage pour demander à l'un des petits enfants qui l'accompagnaient de bien vouloir porter un message de sa part au Professore Kenaran.

La missive était courte, et il ne l'avait pas signée :

« Une émeute éclatera bientôt. Il sera occupé. Nous pourrons discuter. »

Le Maléfistinien lui fit parvenir sa réponse, sous la forme de deux petits coquillages ramassés dans la mer. Drago ignorait ce qu'ils représentaient. Peut-être avait-il le droit à deux jours, à deux heures, à deux chances, ou encore que leur entrevue se déroulerait en tête-à-tête.

Drago le savait bien : Comme Johnson, il voyait les signes, il devinait les comportements, il calculait.

Les rixes entre détenus s'étaient intensifiées avant de cesser quasiment tout à fait. Les neuf corridors avaient adopté la même respiration.

Ça ne commencerait pas au corridor 3.

Ça commencerait partout à la fois.