Bonjour à tous ! On se retrouve aujourd'hui pour un nouveau chapitre. Et il est l'heure de choisir un camp à soutenir.

Je veux aussi adresser un message aux joueurs. Dans le jeu, Adda a l'air en parfaite santé (outre son comportement de nymphomane), alors que dans les faits, elle est censée avoir subit un sacré contre-coup de la malédiction de la Strige. Par souci de compromis, j'ai donc modifié l'apparence et la façon de parler de la princesse. Certes, elle n'a pas conservé les séquelles psychologiques dû d'un côté à l'inceste et de l'autre, à tout ce temps qu'elle a « vécu » comme monstre, mais de l'autre, elle a les cheveux qui ont blanchi (qui, si je ne me trompe pas, est dans le canon « livre »), et elle a des difficultés à s'exprimer. J'espère que vous accepterez mes modifications.

Concernant les commentaires :

Misstykata : c'est un choix imposé par le jeu. La mort des coupables et des otages ou on sauve les otages sans chasser les écureuils. Mais Ann n'oublie pas.

Sebfrega : je suis heureuse de te revoir sur cette fic ! Installes-toi et profite de l'histoire ! Elle va durer un petit moment.

Sur ce, bonne lecture et à bientôt.

Ah et, restez chez vous.

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Une troupe de musiciens privée ; de la nourriture et de l'alcool à profusion ; des nobles et des riches qui se faisaient passer pour des gens merveilleux en parlant avec une voix forcée et riant sans humour à des blagues nullement drôles.

Tout dans le paraître.

Dire qu'ils avaient dû laisser leurs glaives à l'aubergiste parce qu'ils n'étaient pas acceptés en haut…

Ça parlait économie et politique dans tous les coins avec des commentaires désobligeants, si ce n'est totalement injurieux et racistes, à leur égard. Après tout, ils ne portaient pas de jolis vêtements ou de bijoux valant la rançon d'un roi, et ils restaient des mutants.

Geralt remarqua que sa camarade se serra dans ses propres bras en jetant des regards noirs à la ronde. Intrigué, il observa les invités en présence et remarqua que plus d'un homme regardait la mutante avec des intentions très claires et pas du tout appréciables.

- Reste à côté de moi.

- Je peux me défendre seule, tu sais, lui rappela-t-elle.

- Mais ils penseront qu'on est ensemble et ça les fera réfléchir à deux fois.

Ann montra la rousse magicienne devant la porte qui les attendait. Triss ne serait peut-être pas de cet avis.

- Vous voilà ! s'exclama cette dernière en les remarquant enfin.

Son sourire s'effaça en une moue en voyant la tête de six pieds de longs qu'ils tiraient.

- Arrêtez de bouder, tout va bien se passer.

La mutante lui adressa un regard noir.

- On peut vraiment pas rentrer ? demanda Geralt. Genre, pour s'assurer que je n'ai pas de blessure interne ?

- Ah bah si tu te casses, je vais voir le concert de Jaskier, commenta sa camarade.

- Tout ça pourra être fait plus tard. Allez, c'est pas si mal ! Allons faire connaissance !

Les deux mutants échangèrent un regard, peu enthousiasmés par l'expérience sociale.

- Ann… commença Triss.

- J'ai dit que pour toi, c'était Portgas, rappela à l'ordre la D. en croisant ses bras.

Triss se tut, la regarda dans les yeux, puis se remit à parler.

- Bien, Portgas… tu veux que je change ta tenue ?

- Pourquoi ?

Les sourcils de la mutante décolèrent sur son front.

- Ce n'est pas vraiment quelque chose qu'une femme porte pour un évènement social avec des invités aussi important.

- Mais je t'emmerde, Merigold ! Si l'idée de montrer ton cul à tout le monde, c'est ton passe-temps favori, fais-toi plaisir. J'ai fait un effort en sortant une armure que j'utilise pratiquement pas, qui est déjà plus correcte que ma tenue habituelle, tu vas pas me transformer en poupée tant que tu y es !

- D'accord… et tes cheveux ?

- En parlant de cheveux, tu as fait quoi des baguettes qu'elle utilisait avant ? demanda Geralt avant qu'Ann ne puisse sortir une nouvelle insulte.

- Je les ai remplacées par deux en or avec des rubis, mais elle les a abandonnées en partant, pourtant, je trouvai que…

- Arrête avec ces initiatives, ce sont des outils de travail, Triss.

Avec un lourd soupir, la belle rousse fit un geste de la main et les baguettes d'origine de la pirate apparurent dans la main de celle-ci qui s'empressa de les remettre dans ses cheveux et ainsi mieux assurer son chignon.

- Merci Merigold. Ouvre donc la marche.

Triss claqua sa langue pour montrer son agacement et passa un bras sous celui de Geralt pour l'embarquer avec elle.

Elle guida le Loup vers une porte à proximité qui s'ouvrait sur un salon de banquet avec un héraut qui nommait chaque personne qui entrait ou sortait.

- La Magicienne Triss Merigold et le Sorceleur Geralt de Riv.

Geralt serra les dents en sentant les regards sur lui. Tout le monde s'intéressait à lui, si bien que la présentation d'Ann passa à la trappe, pour la plus grande joie de celle-ci. En le dépassant, elle lui adressa un petit signe de victoire en lui tirant la langue. La chevelure blanche était tellement plus remarquable que des yeux d'argents. Elle retrouva bien vite son sérieux pour se concentrer sur le banquet. A droite, une table devant laquelle Leuvaarden discutait avec quelqu'un. Juste à la gauche de la porte, quelques notables et riches citoyens s'étaient réunis dans un petit groupe. De l'autre côté de la pièce, surprise surprise, on avait Thaler à côté d'un grand gars en armure complète, discutant avec un homme bien habillé et pourtant d'un âge avancé, avec un beau bide et un bon menton, allongeant plus que nécessaire son visage. Avec le crâne aussi dégarni qu'il avait, ça lui donnait une apparence… eh bien… de pénis. Et enfin, en face, une femme aux cheveux blancs, très belle, avec des lèvres peintes en rouge comme son diadème et sa robe, qui parlait avec quelques difficultés, discutant avec un chevalier de la Rose Ardente typé du sud. Certainement un Nilfgaardien d'origine.

Triss les embarqua en direction de Thaler, du chevalier et de tête de gland.

Quand elle vit que le receleur avait sa tenue habituelle, Ann se dit qu'elle aurait pu se passer de l'effort.

- Geralt, Ann…

- Portgas, rectifia Ann.

- … je vous présente Thaler, continua la magicienne comme si la mutante ne l'avait pas interrompue.

- Thaler ? Ici ? commenta Geralt avec autant de surprise qu'il pouvait laisser paraître pour un homme aussi émotif qu'un bloc de glace.

- Maître Geralt, Dame Portgas, Miss Merigold, laissez-moi vous présentez mon maître, l'honorable Erkin von Blunt, salua le receleur en s'inclinant tout en montrant le chevalier à ses côtés.

- Bonsoir, seigneur, salua Geralt.

Ann se contenta d'un hochement de tête quand Triss fit une impeccable révérence.

Sauf que le chevalier se contenta de s'incliner dans un bruit de métal sans dire un mot.

- Erkin a fait vœu de silence et ne peut donc pas répondre. C'est à se demander ce qu'il fait ici…expliqua Thaler.

- En effet.

- Il a fait de nombreux serments dans sa vie, et l'un d'eux est de protéger la famille royale. Malheureusement, pour des raisons inconnues, la princesse Adda n'a pas beaucoup de respect pour lui. Les serments, cependant, doivent être honorés, peu importe les circonstances.

Ann avala ses lèvres et croisa ses bras avant de lever une main à sa bouche pour s'empêcher de rire.

- Et en quoi es-tu impliqué ? Tu es lié à ces vœux comment ? s'enquit Geralt qui voyait que l'homme voulait cacher quelque chose.

Son histoire était tout sauf crédible.

- Il m'a autorisé à parler en son nom et je lui sers de conseiller.

Vachement crédible son histoire.

- Bien entendu, assura Triss en coupant la conversation avec un sourire poli. On ne vous dérangera pas plus.

Le chevalier en heaume et armure s'inclina de nouveau quand Geralt tendit une main pour serrer celle de Thaler. Triss accepta un baisemain du receleur qui se tourna vers Ann qui lui serra fermement la pince. Ils se tournèrent enfin vers l'autre homme du coin.

- Laissez-moi vous présenter le bourgmestre Velerad, annonça la rousse.

- Enchanté, assura Geralt en tendant une main au représentant du Roi Foltest.

L'homme, presque chauve et bien portant avec son ventre et son double menton, était par contre très heureux de voir Geralt et lui serra la main avec enthousiasme.

- Salutation ! Il y avait longtemps !

- Velerad est le bras droit du roi, explicita Triss.

- Inutile de nous présenter aussi formellement, assura le vieil homme. Si vous souhaitez ouvrir une entreprise, un commerce, tuer un monstre, ou faire parvenir une pétition au Roi, vous pouvez compter sur moi !

- Je m'en souviendrai.

- Je n'ai pas bien entendu votre nom, mademoiselle…

- Anabela D. Portgas, même si je préfère être appelé par mon nom de famille, comme certaine personne ne semble pas l'avoir saisi, répondit la brune en tendant une main. Je suis certainement pas une mademoiselle. Je suis une femme mariée.

- Vous avez un nom très original, vous n'êtes pas du continent, je me trompe ?

- Je viens d'une île des mers du sud. Baterilla, je doute que vous connaissiez. Mais je reste une sorceleuse kaedwenienne à l'instar de Geralt, si on se réfère à l'origine géographique de mon école.

Velerad eut un « oh » silencieux et lui serra la main.

- J'ignorais que nous avions un second sorceleur en ville.

- Le hasard, répondit vaguement Geralt.

- Eh bien je vous souhaite la bienvenue ma chère Portgas.

- Veuillez nous excuser, Bourgmestre, mais nous devons saluer les autres invités, informa Triss.

- Je vous en prie ! Je vois quelqu'un que je devais justement rencontrer. Nous nous parlerons peut-être plus tard.

Et Triss entraîna le duo plus loin.

- Il est très reconnaissant à mon égard, je me trompe ? se fit confirmer Geralt.

- C'est lui qui avait émis le contrat de la strige que Brehen t'a disputé. Je t'en ai parlé plus tôt, tu te souviens ? rappela Ann en assurant que son pendentif soit bien caché dans son col d'armure de cuir.

Les Chats n'étaient pas les plus aimés. L'armure était moins reconnaissable que le médaillon, mais elle ne voulait pas tenter le diable pour autant.

Quand Triss les rapprocha de la princesse, le chevalier jeta un regard supérieur et haineux aux deux mutants, avant de se tourner vers la princesse pour dire avec une voix pompeuse et un lourd accent du sud, confirmant qu'il appartenait à l'empire de Nilfgaard à la base :

- Votre altesse, permettez-moi de vous présenter la magicienne Triss Merigold et…

- De Wett, je sais… qui se tient… devant moi… Nous nous connaissons… déjà… n'est-ce-pas… sorceleur ? coupa la princesse en levant le menton d'un air supérieur et charmeur.

- Nous pouvons dire cela, princesse, répondit Geralt.

Il fallait aussi être aveugle pour ne pas remarquer que son décolleté était ainsi bien mis en valeur. Mais ce n'était pas ça qui attira l'attention d'Ann. Ce fut la légère vibration de son amulette sous son armure. Elle concentra son Haki sur la princesse, Adda la Blanche, seule fille reconnue à l'heure actuelle par le Roi, bien que des rumeurs disaient que la Comtesse de La Valette, une maîtresse de Foltest, ait engendré deux enfants de sang royaux (Ann connaissait la vérité, mais ce n'était pas quelque chose à dire en pleine réunion de ce genre). Mais revenons à Adda, ce qui intéressait Ann, c'était qu'elle portait beaucoup d'amulettes au milieu de sa parure royale. Et ça confirmait le sentiment que la D. ressentait. La bête n'était pas morte, le risque de rechute était à craindre.

- Une princesse… en effet… cependant… je ne me sens pas… toujours comme une. Tant de devoirs… vous ne pouvez pas imaginer… sorceleur.

- Un grand pouvoir implique toujours de grandes responsabilités, marmonna Ann avec froideur et ennui.

- Vous êtes ? s'enquit Adda d'un ton hautain en lui accordant enfin son attention.

- Sorceleuse Anabela D. Portgas. On me surnomme le Chat Noir.

- L'Incendiaire de Rivia, reconnut le chevalier de la Rose Ardente avec un rictus haineux.

- Incendie qui n'aurait pas eu lieu sans les racistes dans votre genre, le Nilfgaardien. Comme on dit chez moi, fuck off, rétorqua Ann. Vous en faîtes pas pour moi, je dégage du décor.

Elle jeta un long regard à Triss et tourna les talons pour aller se prendre à boire et tenir compagnie à Thaler.

- Veuillez l'excuser, les mutations de l'école du Chat ne font pas d'eux les plus agréables des compagnons de conversation, votre altesse, s'excusa Triss en s'inclinant devant la princesse.

Adda eut un vague geste de la main avant de remarquer que Geralt la fixait étrangement.

- Pourquoi… me regardez-vous… ainsi ? Ma tenue est-elle… déplaisante ?

Geralt avait surtout remarqué les amulettes au cou de la princesse, lui aussi, dans un style bien particulier. Mais il savait être assez fin pour savoir quand il devait fouiller et quand il devait faire le charmeur aveugle.

- Mes excuses, votre altesse, mais même la toilette la plus magnifique du monde ne pourrait rivaliser avec vous.

- Surveille ta langue, mutant ! gronda le comte De Wett.

- De Wett ! rabroua la princesse. C'est à moi… de décider… quand me sentir… offensée…

- Votre excellence, il est une aberration !

Si Ann avait vu des hommes comme ça à Rivia, Geralt comprenait un peu mieux qu'elle y ait mis le feu.

- Silence… c'était un compliment… laissez-nous… pour l'instant… sorceleur…

Et Triss en fut plus que ravie.

- Cette chienne n'a même pas fait attention à ma présence à ton bras et elle aurait ignoré Ann si elle n'était pas intervenue en attaquant son petit égo de princesse. Il va falloir faire attention, j'ai la ferme impression qu'elle a quelque chose en tête à ton égard, siffla la rouquine alors qu'ils s'éloignaient.

Triss était jalouse, il en était certain.

- Rien que je ne puisse gérer.

- Il y a quelque chose de mauvais qui rode derrière ses difficultés de langage et son visage innocent.

- Je prendrai garde.

- Allons récupérer Ann, il faut la présenter à Leuvaarden.

- Ce n'est pas nécessaire, ils se connaissent déjà.

- Geralt, il le faut, c'est important !

- Elle ne voudra pas.

- Alors va la persuader !

- Tu as oublié que les sorceleurs ont des sens aiguisés ou tu l'insultes volontairement, Triss, en la traitant comme une gamine ?

- Et pourquoi, toi, tu prends sa défense ?

- Parce qu'elle n'a rien demandé en échange de son aide, et pour traquer la Salamandre, et pour m'entraîner, et pour retrouver ma mémoire sans me concentrer sur ces bêtises d'identité.

- Geralt ! s'indigna la rousse.

Le Loup Blanc l'ignora et se contenta de regarder de l'autre côté de la pièce où était Ann. Celle-ci soupira et laissa Thaler pour rejoindre le duo avec un regard assassin pour Triss.

- Merci d'avoir pris ma défense Geralt, remercia la sorceleuse. Avec ton aide de cet après-midi, je commence à avoir une sacrée dette envers toi, ça va pas le faire.

- Je me suis chargé de ça tout seul, sans que tu me le demandes, tu ne me dois rien, rassura le loup.

Ann lui adressa un sourire bref, avant de s'avancer vers Leuvaarden en ignorant le regard plissé que lui adressa Triss.

- Anabela D. Portgas, Geralt de Riv et Triss Merigold, soyez les bienvenus, salua le gros marchand. Je vous remercie de votre venue. Regardez autour de vous, et vous verrez la totalité du royaume représenté.

La mutante tourna la tête avec surprise, douleur et indignation vers Triss quand elle sentit un talon haut s'enfoncer dans le bout de sa botte. Elle osait lui marcher sur le pied alors qu'elle allait faire une remarque bien acide sur les invités sélect' de cette sauterie ?

- Nous vous remercions pour cette invitation, sourit Triss.

- Je suis navré, je dois retourner à mon devoir d'hôte, j'espère qu'on pourra parler plus tard.

Tout ça pour ça ?

L'homme s'éloignait déjà.

- Eh bien voilà, vous avez rencontré tous ceux qui ont un minimum d'importance. J'ai quelques mots à adresser à Leuvaarden, alors essayez de bien vous tenir.

En réponse, Ann lui adressa un doigt d'honneur et s'éloigna avec un léger déhanché pour revenir à Thaler.

- Comment une femme aussi vulgaire a réussi à trouver quelqu'un qui veuille bien l'épouser ? siffla Triss en laissant enfin ressortir sa colère grandissante contre la brune.

- Peut-être que c'est quelqu'un qui lui ressemblait ou qui n'essayait pas de faire d'elle quelque chose qu'elle n'est pas.

- Hmpf.

Elle se tourna de nouveau vers Geralt.

- Donc, tiens-toi correctement et fait attention à quiconque voulant obtenir des informations de toi.

- Moi ? Mais je suis un sorceleur, pas un marchand ou un politique.

- Ne sois pas naïf, tout ce que tu dis peut avoir des ramifications politiques. Ne fais pas la bêtise de cette femme. Avec ce qu'elle a dit à De Wett, c'est presque comme si elle s'alignait derrière la Scoia'tael.

- Peut-être, mais je suis d'accord avec sa pensée.

- Je commence à me dire que Vesemir a eu une idée stupide en demandant à ce qu'on la retrouve. Il ne reste plus qu'à espérer que Berengar ait un peu plus la tête sur les épaules.

Et elle s'éloigna pour rejoindre Leuvaarden, laissant Geralt libre de mouvement. La première chose qu'il fit, ce fut de rejoindre sa camarade, le coin le plus respirable avec la compagnie la plus agréable de la pièce, après avoir fait un saut à une des tables pour se prendre une assiette de nourriture et un verre d'alcool.

- Alors, on s'amuse bien ? demanda Thaler en le voyant débarquer.

- Enormément, répondit sarcastiquement Geralt. Pas assez de nourriture, pas de chaises pour s'asseoir, et rien d'autre que des petites conversations futiles. Je pense bien être le seul ici, avec Ann, à ne pas être impliqué dans une alliance ou un complot.

- C'est la marque de l'époque, pointa Thaler. Nouvelles coutumes, nouvelles modes. Tu crois que c'est mieux de montrer au Nilfgaardien raciste qu'on est des barbares ? Qu'on ne peut même pas faire la différence entre une fourchette et un peigne ?

Ann regarda Thaler avec surprise. Ce n'était pas dans l'histoire de La Petite Sirène cette affaire de fourchette et de peigne ? Comment il connaissait la référence qui n'était pourtant pas de ce monde ?

- … Que la seule façon que l'on a de célébrer un banquet est de se bourrer la gueule à ne plus pouvoir respirer et rugir des chansons paillardes pendant qu'on claque le fessier de la fille qui fait le service ?

- Vaut mieux pas faire la dernière chose, j'ai épinglé plus d'une main pour ce simple geste, avertit la pirate avec un regard noir derrière son verre. Mais sinon, je suis d'accord que le reste, ça serait toujours mieux que cette mascarade.

- Je suis avec Ann, renchérit Geralt. Nous sommes des reliques, des fantômes du passé, donc, on est plus attachés aux vieilles traditions. Je n'ai, personnellement, jamais compris ni apprécié les nouvelles. Mais soyons honnête, Thaler, pourquoi es-tu là ?

- Je suis un patriote.

Le commentaire fit plonger Ann dans son verre alors qu'elle se mettait à rire.

- Je suis sérieux, protesta le receleur. Je ne veux que le bien de mon royaume. Un royaume menacé par des complots et des alliances comme tu l'as si justement noté.

- Dommage que la chef numéro un des manipulatrices ait mis un sort de silence et qu'ils me tournent le dos. Je serais bien curieuse de savoir ce qu'ils se racontent, marmonna Ann en jetant un regard noir au dos nu de Triss.

Geralt tourna la tête pour voir la magicienne impliquée dans une conversation animée avec le marchand.

- Je crois qu'elle est jalouse de toi, commenta Thaler en donnant un petit coup de coude à Ann.

- Pas moyen. J'ai un faible pour les hommes aux yeux bleus, et je suis une femme mariée et fidèle. Je vise pas Geralt, elle n'a aucune raison de se sentir menacée. Je pense plutôt que je lui rappelle une ancienne amie devenue rivale. Qui doit bien être la seule magicienne qui ne soit pas au ras du sol dans mon estime.

Qui pouvait bien être cette magicienne, c'était une bonne question.

- Et si nous revenions au sujet et que tu parlais clairement, Thaler. Soit direct, comme le ferait Thaler le receleur, réclama Geralt.

- Eh bien, Thaler le receleur ne fait rien gratuitement.

- Mais il est reste un salopard qui n'aimerait pas que le Quartier du Temple sache qu'il a réussi à se dégoter une place dans un banquet parmi la crème de la crème de Wyzima.

Conservant son assiette entamée contre sa poitrine d'une main, le petit homme leva l'autre pour dire qu'il se rendait.

- Comme tu voudras. Laissez-moi vous dire ces choses, en amis. Y'a un sérieux bordel qui se prépare dans le genre qu'il ne laissera rien passer. Et les perdants serviront de nourriture aux corbeaux. Vous serez obligés de combattre pour un ordre nouveau, camarades, ou alors contre celui-ci. Nous allons nous battre pour nos traditions et nos coutumes. Pour nos terres et nos femmes.

- Qui est l'ennemi ? Qui veut voler nos femmes ? demanda Geralt.

Ann se laissa aller contre le mur en se massant les yeux.

- Je vous considère comme des nôtres, donc, je vais vous dire les faits, parce que c'est quelque chose qu'on partage. Je ne connais pas encore l'ennemi, mais je le saurai vite, et quand je le découvrirai… le Temps du Glaive et de l'Epée viendra et le sang ruissèlera dans les rues. Et sachez ceci, camarades, il n'y aura pas de place pour votre neutralité.

- C'est triste, parce que j'en ai rien à foutre de ce continent, soupira Ann. C'est pas chez moi. J'ai fini ici je ne sais comment, j'veux juste rentrer au pays, et récupérer au passage ce qu'on m'a volé. Mais c'est tout !

Elle soupira et se dégagea du mur.

- Continuez vos palabres pour le bien de Temeria. Je vais me chercher à manger.

Elle s'éloigna pour aller chercher quelque chose à se mettre sous la dent.

- Une femme aigrie. Elle aurait besoin de raccrocher ses glaives. Ça lui fait quel âge ?

- Je suis pas certain. Entre cinquante et soixante ans, par-là.

Le mouvement de sourcil du recéleur était impressionné et surpris.

- On peut au moins dire que les mutations sont bonnes pour la conservation. Elle me posait des questions sur la bataille de Brenna avant que tu n'arrives.

- Ah.

Geralt se détourna de sa collègue et le regarda dans les yeux.

- Parlons cartes sur table. Qui es-tu exactement ? Et soit direct avec moi… camarade, demanda Geralt à Thaler.

- Chef des Service de Renseignement Temerien. Je travaille sous les ordres directs du Roi. Je débusque les traîtres, les rats et les agents étrangers. Je suis un espion.

- Un espion haut placé.

- Je vais pas le nier. Je peux te poser une question personnelle ? Les amphibiens que tu traques avec le Chat Noir, c'est une affaire personnelle ou idéologique ?

- Dans mon cas, c'est les deux. Pour Ann, je ne peux pas dire.

- Je peux demander une explication ?

- Ils nous ont volé et ils ont tué un des nôtres. Ce sont des criminels, ils sont profondément mauvais… ils rompent l'équilibre. En tant que Sorceleur, je ne peux pas l'ignorer.

- Je vois. Merci de ton honnêteté.

- Tu peux me dire qui est De Wett exactement ? Ann l'a mouché tout à l'heure quand il lui a parlé de Rivia.

- Elle a brûlé la cité toute entière et n'a laissé vivre que les enfants. Ça a de quoi marquer. Pour ce qui est de De Wett… ce chien de Nilfgaard n'est qu'un pion. Je n'arrive même pas à comprendre pourquoi Adda le tolère.

- Explique.

- Comme beaucoup des chevaliers de l'Ordre, il a peur d'avoir une queue trop petite, donc, il devient agressif quand quelque chose l'effraie, expliqua Thaler. Et bien sûr, c'est un Nilfgaardien. Notre princesse à des difficultés et des faiblesses, mais elle n'est pas stupide.

- Peut-être que la princesse a ses propres projets.

- C'est la chose la plus intelligente que j'ai entendue de la soirée, commenta Ann en revenant avec de quoi manger.

Elle posa son verre sur le rebord de la fenêtre et se tourna vers les hommes.

- Si c'est le cas, elle a tout intérêt à choisir mieux ses alliés, grommela l'humain.

- C'est certain qu'elle fait pas une partie de shogi. Ce qu'elle fait ici peut coûter des vies, pointa la mutante.

- Je crains que quelqu'un l'utilise, soupira l'espion.

- Elle n'est peut-être pas stupide, mais elle peut être naïve.

Le mouvement du doigt du petit homme disait qu'il lui donnait raison.

- Qu'est-ce que le shogi ? se renseigna Geralt.

- C'est un jeu de chez moi qui ressemble de loin aux échecs dans son principe.

Le mutant hocha la tête et se tourna de nouveau vers Thaler pour se renseigner au sujet de Leuvaarden. Dès que Thaler commença à parler de son camarade boite de conserve Erkin, qui était parti s'aventurer du côté de Velerad, Ann manqua de s'étouffer de rire.

- Le fait est que ce qu'il veut pour l'instant, c'est un foutu mystère, continua Thaler en ignorant de son mieux la mutante hilare. Surtout que c'est pas bon signe la façon dont il s'entend si bien avec la magicienne, c'est même assez louche. Pour des inconnus, ils ont certainement beaucoup à se dire.

Triss papotait encore avec Leuvaarden en effet. C'était… effrayant.

- J'ai confiance en elle, mais jusqu'à un certain point, informa Geralt.

- Bonne idée de garder un peu de méfiance sous le coude, même si je suppose que tu la connais mieux que moi. Mais pour revenir à Leuvaarden, on sait qu'il est à la tête d'une organisation marchande transnationale réunissant marchants, banquiers et autres personnes bien riches. Tire toutes les conclusions que tu veux.

- J'peux dire ce que je pense ? demanda Ann.

- Vas-y l'matou.

- J'pense que Leuvaarden bosse avec la Loge et que celle-ci espère que l'incident avec la Salamandre poussera le Roi à reprendre Merigold comme conseillère, raffermissant le pouvoir des magiciennes sur Temeria, alors qu'il avait finalement décidé de ne garder que Keira Metz.

- Tu n'exagères pas un peu ? demanda Geralt.

- Donne-moi un pays qui n'a pas un membre de la Loge dans son gouvernement ou un mage tout simplement.

- L'matou a p't'être raison, c'est quelque chose à craindre, réfléchit Thaler.

- Sinon, je comprends pas la tendance de tout le monde à nous demander de choisir un camp, pointa Geralt. Ce ne sont pas nos affaires. On est des sorceleurs, on chasse des monstres, c'est tout.

- Mais pourtant, ce jeu vous concerne plus que tu ne peux l'imaginer. Va pas me faire croire que tu ne t'intéresses pas au conflit entre l'Ordre et le Scoia'tael. Même Portgas a dit son camp, même si beaucoup diraient que c'est le mauvais. Alors, va pas dire que tu t'en fiches. Et ta minette, Triss Merigold ?

- On est pas amants, on est simplement amis. Et mon seul objectif, c'est la destruction de la Salamandre.

- Eh bien la Salamandre, mon con, a un boss. Soit il est dans cette pièce, soit quelqu'un ici le connait. Vous y êtes profondément, que vous le vouliez ou non tous les deux.

- Nous verrons ça. Je vais toucher quelques mots à Velerad, à plus tard.

Et il s'éloigna.

- Ton pote est un grand naïf qui a du cœur. Tu fais bien d'essayer de le protéger

- Je redécouvre Geralt de Riv, pour être franche. J'aurais peut-être dû faire un effort toutes ces années et essayer de me lier aux loups, soupira Ann. Je peux me permettre de te faire une recommandation ?

- Merigold ? Déjà à l'œil.

- Non. Adda.

Ann prit une gorgée de son verre et jeta un œil à la princesse qui parlait avec De Wett.

- Je pense que la Strige est toujours sous la peau.

- Ouuh… sujet dangereux. Mais je vais garder les yeux ouverts. Sinon, de toi à moi, l'matou, pourquoi tu t'intéresses à Brenna ? T'es dans la catégorie des non-humains, c'est pour ça que t'aide les Scoia'tael, mais tu l'as dit toi-même que le continent peut partir en feu, t'en auras rien à foutre. Alors, pourquoi tu t'intéresses à la bataille ?

- Shani.

- Qu'est-ce qu'il se passe avec elle ?

- Elle a organisé une petite fête y'a quoi ? Une semaine ? Peut-être plus, je sais pas combien de temps je suis restée inconsciente chez Merigold. Ce que je sais, c'est qu'elle m'a parlé d'un vampire supérieur présent là-bas.

- Les suceurs de sang, c'est plus ton rayon que le mien.

Ils regardèrent Geralt laisser Velerad pour aller à la rencontre de Adda qui envoya De Wett à l'autre bout de la pièce pour l'occasion.

- Je sais, mais l'homme a marqué les esprits, puisque Shani s'en souvient en de bons termes. Il jouait le rôle de mercenaire qui protégeait les médecins. Et ça me trotte dans le crâne depuis qu'elle en a parlé.

- Tu le connaitrais personnellement ? devina Thaler.

- Le problème avec les vampires supérieurs, c'est qu'ils se fondent très bien dans la masse, mais je suis certaine que durant tout le temps que j'ai côtoyé ce gars, il aurait dû se trahir. De plus, si c'est l'homme que je crois, je parle d'un gars qui a autant de raison d'être sur ce continent que… pfff… même le Nilfgaardien fait moins bizarre à être ici !

Elle eut un vague geste du bras en montrant le Nilfgaardien.

Le receleur eut un reniflement hilare.

- Tu veux que je te confirme son identité, c'est ça ?

- Si possible.

- Avec tout le ménage que tu fais avec ton pote pour le cas de la Salamandre, j'peux bien t'aider. C'est quoi le nom du bonhomme ?

- Thatch. Grand bonhomme aux yeux ambrés sans être un mutant. C'est plus un effet de lumière. Il a les cheveux auburn, un roux assez foncé, presque marron. La dernière fois que je l'ai vu, il portait une coiffure abominable qui donnait l'impression qu'il avait un rouleau sur le crâne. Il a une sale balafre sur le visage, près d'un œil. Il est de caractère très jovial mais très bon escrimeur. Et cuisinier.

Thaler but une gorgée de son verre alors qu'ils observaient Geralt revenir vers Velerad en prenant à un serveur un verre d'une boisson forte.

- Tu sais quoi, l'matou… J'crois bien qu'ton bonhomme me parle. Faut que j'confirme avec Vernon, mais j'pense que c'est lui qui m'en a parlé. J'te ferais signe si j'ai la réponse. C'est ton homme ?

- Nan. Mais c'est un homme que je considère comme mon meilleur ami et mon frère, sans qu'on ait besoin d'avoir le même sang.

En disant ça, elle passa une main dans le col de son armure pour caresser le bout de son tatouage dans son dos. Ils échangèrent un rire en voyant que l'alcool était pour Velerad qui en but une gorgée avec délice.

- Ohoh, c'est ton tour ! ricana Ann en voyant le geste de la tête du bourgmestre pour désigner Thaler.

L'espion cessa de rire.

- Qu'est-ce qu'il raconte encore sur moi, ce con ? Elle cherche la bagarre, la tête de gland ou quoi ?

- On va le savoir bien vite, Loup Blanc frustré en approche.

En effet, Geralt marchait à présent vers le duo avec l'air fatigué de devoir courir d'un bout à l'autre de la salle. Ann jeta un regard du côté de Adda pour la voir regarder le sorceleur avec amusement et une lueur affamée dans le regard.

- Geralt, la tête de gland a dit quoi ? demanda Thaler.

- Tu connais le plat favori de la princesse ? demanda le mutant.

Dans le top cinquante de tout ce que son camarade de l'école du Loup aurait pu demander, ça n'en faisait pas partie. Le receleur soupira et but une gorgée de son verre avant de le reposer sur le rebord de la fenêtre et de se concentrer sur son assiette avec un air dégoûté.

- On est obligé de savoir des merdes de ce genre. On est des agents spéciaux, des gens de l'ombre…

La mutante à côté de lui roula des yeux en fouillant sa poche.

- Donc… ?

Un sourire de requin apparut sur le visage de l'espion.

- Thaler ne fait rien gratuitement. Dans la pièce d'à côté, tu verras une chambre avec une malle, je sais qu'elle est utilisée pour des échanges dans un complot. Va me rapporter la lettre et sois discret.

- Mais…

- Et je te dirai le plat favori de Adda.

Et il se tourna de nouveau vers Ann laissant Geralt rouler ses yeux de frustrations avant de quitter la pièce.

- C'est amusant de faire courir les gens ? demanda Ann.

- Très, assura Thaler.

- Revenons à notre affaire. Il te faudra combien de temps pour pouvoir avoir la réponse ?

Thaler continua de manger un instant avant de planter sa fourchette dans son morceau de gigot pour l'agiter en direction d'Ann.

- Roche est un chien qui ne lâche pas les informations comme ça, sans compter qu'il n'est pas dans Wyzima. Il me faudra deux mois.

- Ce doit être la première fois que je reste aussi longtemps dans une ville. Mon maximum, ce doit être une semaine.

- Peur de t'ennuyer ?

- J'ai un désenchantement à faire. Généralement, je fais ce qu'il faut, puis je bouge, pour revenir peut-être plus tard, genre, deux semaines ou un mois après pour voir les résultats.

- Ça prend cher, non ?

- Tout dépend de la malédiction et de la tête du client. La demoiselle en question est chanceuse que je l'apprécie, j'vais lui faire ça gratis. Parce qu'avec un coup de pouce, ça peut devenir une belle histoire romantique digne d'une balade du barde Jaskier.

- J'te pensais pas une adepte des romances ! Tu m'en caches des choses l'matou ! J'te voyais plutôt avec un fouet à la main ! Et slchack !

Thaler mima l'action de donner un coup de fouet, faisant rire aux éclats Ann alors que Geralt revenait avec un pas chancelant.

- Quelqu'un a un peu trop bu, taquina l'espion.

Ann posa son assiette à côté de son verre sur le rebord de la fenêtre et se contenta de tendre sa besace à Geralt sans cesser de rire.

- Comment ça s'est passé ? demanda Thaler.

- Bien, bizarrement. La lettre, dit le blanc.

Et il tendit un courrier à l'espion qui le réceptionna. Derrière son hilarité, Ann remarqua néanmoins qu'elle était attachée juste par un ruban. Pas de sceau pour s'assurer que personne ne la lirait. Intéressant. Le mutant attrapa la besace qui lui était tendue, fouilla dedans et en tira un flacon qu'il avala avant de grimacer et de retrouver un peu de cohérence.

- Merci pour le remède anti-gueule de bois.

- Bien, tu ferais un bon agent, complimenta Thaler.

Ann le regarda bizarrement. Il venait de s'acheter une nouvelle personnalité avec son courrier ?

- Bon, d'accord, j'exagère, une chèvre serait capable de faire autant.

Chèvre… ?

Ann repartit dans un fou rire en se rappelant de la chèvre de Sengoku et en l'imaginant essayer de voler une lettre. Le courrier avait plus de chance de finir dans son estomac qu'autre chose.

- Et maintenant, c'est quoi le plat favori de Adda ?

- Catoblépas, répondit Thaler.

- Pardon ? s'étranglèrent les sorceleurs.

- Il y a quelques temps, un barge, qui te ressemblait, a débarqué à Wyzima en clamant que rien ne surpassait la viande finement préparée de catoblépas.

- Tu te fiches de moi ? se fit confirmer Geralt.

- Pas le moins du monde. Depuis, mes hommes chassent en secret, dans tout le continent, du catoblépas. Au marché, ça coûte plus cher que catin de luxe.

Et comment !

Fallait avoir des envies de suicide pour s'approcher de l'un d'eux et le chasser ! Ann avait eu la jambe trouée par la corne de l'un d'eux dix ans en arrière. Et elle s'en souvenait encore. Sans parler de son haleine. Bon sang, les élixirs avaient du bon pour éviter les empoisonnements.

- Elle se fait pas chier la princesse, commenta Ann. T'as dû en perdre des hommes pour ses conneries de gamines pourries gâtées.

- J'te l'fais pas dire, soupira tristement l'espion.

- Et elle le prend comment ? demanda Geralt.

- T'as conscience que tu te fais mener à la baguette ? s'enquit la mutante en regardant son collègue avec sérieux.

- J'essaye d'obtenir des informations, pour ça, je dois lui préparer son plat favori.

- Je fourni la viande, le reste, c'est plus mon souci ! Adresse-toi à la tête de gland qui sert de bourgmestre. Pas la moindre putain de foutue idée de comme ça peut se cuisiner, informa Thalier.

- J'ai de la mouette immaculée, si tu veux te soulager par une nouvelle gueule de bois.

Geralt rendit à Ann sa besace et se détourna.

- Geralt. Fais attention.

Le Loup Blanc se retourna pour voir sa camarade sortir de son cou son amulette de chat et il hocha la tête en réponse pour retourner auprès de Velerad.

Ann reprit son assiette et la termina.

- Je vais me prendre du raisin et je reviens.

Pendant ce temps, Geralt se faisait confirmer la cuisson auprès du bourgmestre pour ensuite rejoindre Triss qui était toujours auprès de Leuvaarden. Il sentit même qu'il passait une bulle de silence qui fit réagir immédiatement la rousse qui coupa la conversation dans l'instant.

- Geralt ?

La façon dont elle dit son prénom disait qu'elle n'appréciait pas l'interruption.

- Humm… c'est important, Triss.

Leuvaarden saisit le message et s'éloigna de lui-même pour aller discuter avec De Wett.

- Qu'est-ce qui est important ?

- Adda sait quelque chose et je pense que je peux obtenir l'information.

- Vraiment ?

Pour être surprise, la magicienne était surprise. Pensait-elle vraiment qu'il n'était qu'un cerveau plein de muscles ?

- Cette renarde pourrie gâtée… elle veut du catoblépas. Saignant de préférence.

- Tu te fiches de moi ?

- Non. Triss, s'il te plaît, tu peux conjurer quelque chose ?

- Faire de la magie à une fête n'est pas bien vu.

- Je peux faire une distraction.

Triss allait dire quelque chose quand un grand bruit suivi d'un hurlement attira l'attention de tout le monde sur l'autre bout de la pièce.

Ann venait de mettre un homme à terre et lui tordait méchamment le bras derrière son dos en appuyant son genou sur sa colonne vertébrale pour le maintenir au sol.

- Tu veux que je t'aide, peut-être ! Ça va, tu t'es bien amusé à me pincer le cul ?! Et l'autorisation, hein, t'en fais quoi, gros porc ! J'ai épinglé des mains et coupé des parties génitales pour moins que ça !

- Au moins, elle est douée pour la diversion, commenta Triss.

Geralt se tourna vers la magicienne qui lui tendit une assiette de catoblépas avec un œuf cru dessus et une pointe de poivre.

- Un steak bleu de catoblépas pour la princesse.

- Merci infiniment, Triss.

- Tu sais que je peux aussi conjurer des orgasmes ? pointa la magicienne avec un regard entendu.

- Je crois que je préfère la méthode traditionnelle. Je viendrais aux nouvelles quand j'en aurais fini avec Adda.

Et ainsi, il alla présenter à la princesse un steak tartare de catoblépas. Viande crue avec une pincée de poivre et un jaune d'œuf.

Réponse de la princesse : Geralt savait comme faire plaisir à une femme et il avait un rendez-vous privé avec elle dans la pièce d'à côté.

- Eh ben l'matou, t'es pas allée d'main morte. La magicienne a pu faire son petit tour grâce à toi, c'est un superbe timing, complimenta Thaler quand Ann revint avec une grappe de raisin. Et je suis certain que cet idiot s'est pissé dessus quand tu lui as cassé l'bras.

- Et ce n'était certainement pas volontaire la diversion. Même mon mec sait qu'il faut pas faire ça sans mon consentement, même s'il avait plus tendance à m'attacher au lit qu'autre chose, grogna Ann.

L'espion renifla et regarda la femme manger son raisin.

- J'vais t'dire une chose, l'matou. Vu la façon dont tu parles de ton homme, c'est évident que c'est un type bien. Donc, s'il est toujours vivant, j'espère franchement qu'il est pas allé voir ailleurs, parce que ça serait très con que tu restes fidèle en pensant à lui pendant qu'il se tape le premier jupon.

- J'ai pas à m'en faire sur le sujet. Sinon, toi, tu vas retenter ta chance avec Shani ou tu as tes yeux sur une autre demoiselle ?

Thaler passa à un tout autre sujet, parlant destination voyage avec la femme qui s'accrocha à la conversation immédiatement. A un moment, Ann adressa un regard blasé à la pièce d'à côté où Geralt avait disparu avec Adda. Thaler dut comprendre pourquoi vu son « putain de chanceux de merde, c'est toujours les mêmes », mais ils restèrent sur le thème des voyages pour ne pas parler sentiments.

Le banquet était presque fini quand Geralt réapparut et vint les rejoindre. Pas loin, puisque Triss l'intercepta et fit un signe à Ann de venir les rejoindre.

- Je pense que c'est le signal pour moi de m'éclipser. Pas trop de crêpage de chignons, l'matou, commenta Thaler en finissant son verre.

Et il s'en alla, laissant les deux mutants avec Triss.

- J'ai parlé avec Declan, dit d'office la magicienne.

- Et ? demanda Geralt.

- Vous devriez lui parler.

- Donne-moi une bonne raison de ne pas avaler cette fiole et ainsi rester sobre durant sa conversation, réclama Ann en montrant une fiole de Mouette Immaculée. Là, je suis à deux doigts de descendre et de me barrer.

- Ne soyez pas si rapide au jugement. Il va vous faire une offre, une que je pense que vous devriez accepter, assura Triss.

- Pour nous ou pour la Loge ? demanda Ann.

- La Loge n'a rien à voir dans cette affaire.

- Ah bon ? Donc tu ne m'utilise pas comme un outil et je ne fais qu'imaginer les choses, pointa Geralt.

- Seulement au lit, Sorceleur, seulement au lit.

Ann roula des yeux. Geralt ouvrit sa propre besace et en sortit une fiole contenant le même liquide blanchâtre que celle dans la main de sa camarade.

- Je pense que je vais en avoir besoin. Au passage, on a placé tes trucs comme tu nous l'as demandé.

- Je suis au courant. Je l'ai senti. Dès que vous en avez eu fini, j'ai scanné tout Wyzima et j'ai trouvé la source, et justement, c'est une Source. Un garçon du nom d'Alvin à l'hôpital St Lebioda.

- Un enfant qui produit une telle interférence ? Pour t'intéresser, il ne doit pas être commun, commenta Ann. Tu comptes en faire quoi de cette Source ? Un autre outil, après le merdier qu'il s'est passé avec Cirilla ?

- Ne parle pas de ce que tu ne sais pas.

- C'est certain, j'ai pas pu rester pour t'empêcher de lui enfoncer des conneries dans le crâne, puisque j'étais certaine que je tuerais la moindre magicienne que je croiserais, mais je me souviens parfaitement de l'adorable fillette à qui j'ai appris le Free Running et le Haki et qui me suivait partout en m'appelant Nii-san quand elle n'était pas dans les pattes de Geralt. Donc, non, je sais pas de quoi je parle. J'ai des oreilles, je sais m'en servir. Genre, l'idée d'utiliser la gamine comme un outil afin de concevoir un enfant magique avec Tankred Thyssen ? Heureusement que ça à l'air d'être un garçon cette fois, si c'était une fille, je n'ose pas imaginer ce qu'il lui arriverait. Oh ! Suis-je bête ! EIlhart est capable de régler ce genre de désagrément !

Geralt se plaça physiquement entre les deux femmes avant qu'elles n'en viennent aux mains.

- On se calme, réclama le Loup Blanc.

- Le fait est qu'on doit le retirer de cet hôpital et dompter ses capacités destructives. En sortant d'ici, il faudra que tu ailles le chercher à l'hôpital, annonça froidement Triss en se tournant vers le blanc. Ton amie Shani a refusé de me le confier. Elle n'a pas la moindre idée de ce qui arrivera à cette cité s'il perd le contrôle. Je n'ai pas réussi à la persuader. Mais c'est ton amie, donc, vois ça avec elle, je t'en serai reconnaissante. Ah et il faut que tu réalises que si c'est une Source, il doit avoir forcément du Sang Ancien, donc, il va attirer toutes les créatures de l'autre monde… fantômes et spectres, donc, tu sais quoi faire.

Pendant ce temps, Ann avait levé les yeux pour se mettre à imiter le maniérisme de la sorcière jusqu'à sa façon de bomber le torse pour faire ressortir sa poitrine devant le nez de Geralt. Effet réduit par la robe verte de la magicienne qui, même si la coupe était originale, n'avait pas de décolleté.

Le Loup Blanc soupira devant le comportement d'adolescente de sa camarade et de toute façon, Triss se détournait pour rejoindre le marchand qui les attendait.

- Bon, qu'est-ce que vous voulez ? demanda le Loup Blanc croisant les bras sur sa poitrine.

Ann se plaça à sa droite, évitant ainsi de se mettre à côté de Triss et de se prendre de nouveau un talon dans les orteils.

- Un vieux diction dit : L'ennemi de mon ennemi est mon ami, annonça le marchand.

- Nan. Allié temporaire, pas ami, rectifia Ann. Tu veux quelque chose de nous. Nos glaives certainement puisqu'un gros lard comme toi préfère payer les autres pour faire le sale boulot à sa place.

- Ann, je recommande de changer de ton et d'écouter ce qu'a à dire Declan, rabroua froidement Triss. Tu n'es plus une enfant.

- Thaessaep varr'he.

- Comment oses-tu !

- Ann, s'il te plaît, ne la cherche pas, demanda Geralt.

- Mais qu'elle s'occupe de son cul ! C'est un grand garçon, s'il est pas content de la façon dont je lui parle, il me le dit tout seul ! Parce que, la rouquine qui comprend pas quand on lui dit de ne pas appeler les gens par leur prénom sans autorisation, elle me court sur le haricot à vouloir me faire un petit dans le dos. Donc, elle se la boucle et vite !

- De toute façon, même si la façon de dire n'était pas des meilleures, c'est prévisible pourquoi on nous demande, coupa Geralt. Il y a du sale boulot à faire et rien de mieux que deux mutants pour ça, un avec une amnésie et l'autre dont le caractère est un volcan prêt à entrer en éruption. Quoi de mieux pour la sale besogne.

- Exactement, confirma Leuvaarden sans chercher à nier. Vous allez nous aider à détruire la Salamandre ?

- J'aide Geralt, parce que c'est le dernier élève d'oncle Vesemir qui est mort, certainement pas pour vous ou la Loge, annonça Ann. Si je peux, je mettrai un bordel monstre dans vos affaires. Déjà, je vais commencer par récupérer toute la nourriture qui n'a pas été consommée ici, et en faire don aux pauvres. Juste pour éviter cette chose dont vous êtes un grand adepte, j'ai nommé, le gaspillage

- Je vous aiderai, mais ne comptez pas sur moi pour le faire tout le temps ou être votre ami, informa Geralt.

- Parfait ! sourit Leuvaarden. Comme on nous l'avait dit !

Ann adressa un regard noir à Triss qui avait un petit sourire satisfait.

- Commençons donc ! continua le gros marchand. Comme vous le savez sans doute, toutes les sociétés secrètes ont besoin d'argent. Dans notre cas, il s'avère que le fisstech est ce qui produit le plus de profit pour la Salamandre. Nos espions disent qu'un nouveau camp de la Salamandre a été aperçu dans les marais. Les herbes y sont ramassées, puis conduites dans une autre base dans le Quartier du Temple à Wyzima.

- Les marais et les bas-fonds. Génial.

- Je pense plus aux égouts. On dirait qu'ils ont peur de se mouiller les pieds ou que l'odeur les dérange, commenta Ann.

La brève respiration par le nez de Geralt disait qu'il était d'accord avec le commentaire.

- Nous sommes certains que vous pouvez détruire les deux camps à vous deux. Si vous découvrez quoi que ce soit, des indices, des preuves pouvant nous aider, revenez me voir.

- Yes sir. Demande permission de commencer la mission, sir.

Ann eut un rire devant le ton froid, presque robotique, que Geralt avait utilisé pour parler. Triss ne sembla pas apprécier leur façon de faire, mais puisque ça devait aller dans son sens, elle ne fit aucun commentaire.

- Les deux camps sont nouveaux, donc…

- Sans protection, ou alors, extrêmement pourave, patati, patata. On est des mutants, des surhommes, de toute façon, comme on est pas humain, c'est pas grave si on crève, coupa la pirate avec une voix presque indifférente.

- Moui, beaucoup plus simple de sacrifier deux sorceleurs, renchérit Geralt. On reviendra… je sais pas quand.

- Allez, on s'casse.

Ann se dirigea vers les tables et hissa autant de nourriture que possible dans ses bras.

- Mais qu'est-ce que vous faîtes !? s'étrangla Leuvaarden.

- Je m'en vais nourrir les fainéants de la cité, mon brave.

- Mais vous pouvez pas ! C'est moi qui ai payé cette nourriture ! Vous n'avez pas le droit !

- Comme je dis toujours, si je devais attendre d'avoir le droit de faire quelque chose, je ne serais même pas venu au monde. Donc, même si je n'ai pas le droit, je vais le prendre.

Elle termina de hisser dans ses bras une montagne de plats la dépassant aisément, avant que Geralt ne vienne lui donner un coup de main pour se faire une nouvelle pile de nourriture.

- Geralt, ce n'est peut-être pas une bonne idée, intervint Triss.

- Oi, le vieux loup lubrique est assez grand pour faire ses choix tout seul, donc, tu lui fiches la paix ou je t'enfonce dans la gorge une fiole d'élixir. Il paraît que tu es allergique aux potions, je me demande comment tu réagiras, menaça Ann.

Et elle passa la porte, suivie de Geralt. Ils descendirent avec précaution l'escalier et traversèrent l'auberge sous l'air surprise des clients. L'aubergiste voulut dire quelque chose, mais Ann lui dit que la facture était couverte par Leuvaarden, faisant taire toute protestation. Quelqu'un eu la gentillesse de leur ouvrir la porte et ils sortirent dans la rue.

- Ah, de l'air frais, soupira Ann. Alors, c'était quoi ce mystérieux message que Thaler voulait que tu récupères ?

A ce stade, Geralt n'était même plus surpris que la femme devine qu'il ait lu le message.

- De ce que j'ai lu, il s'agit de la copie d'un objet assez important pour qu'on fasse disparaître celui qui l'a faîte. Cela se concluait sur un « occupez-vous des sorceleurs ».

- Joyeux.

- Tu sais ce que ça veut dire, n'est-ce pas ?

- La Loi Martiale et tous les nouveaux édits sont des faux. Le sceau a certainement été copié.

- Mh.

Ils n'allèrent pas plus loin qu'ils entendirent des éclats de voix vers la sortie de la placette sur laquelle donnait l'auberge. Thaler et De Wett se disputaient, encerclés par des soldats.

Qu'est-ce qu'il se passait encore ?

Les deux chasseurs de monstres échangèrent un regard et posèrent leur chargement contre le panneau d'affichage pour rejoindre la confrontation.

- Geralt ! Portgas ! N'écoutez pas ce salopard puant plein de merde ! rugit Thaler en les voyant approcher.

- Qu'est-ce qu'il se passe, Thaler ? demanda Geralt alors qu'Ann enfonçait ses mains dans ses poches.

- Il est dans le coup ! Il participe à la contrefaçon des édits royaux !

Les deux sorceleurs échangèrent un regard alors que Thaler accusait le chevalier (avec quelques vulgarités en plus) d'avoir volé le sceau royal.

- Comment oses-tu m'accuser, corniaud ! répliqua le comte.

- Les sceaux sont contrefaits ? se fit confirmer Ann.

- Clairement ! assura Thaler.

Et il se mit à brandir un papier.

- Si ça, c'est un édit royal, où est la signature de Foltest !? C'est de la provocation ! rugit l'espion.

- Le Roi n'a pas à signer tous les décrets royaux ! Le sceau est authentique ! rugit le chevalier dans son armure rouge.

- T'es qu'un sale menteur, De Wett ! Je le prouverai et tu seras pendu !

- Tu ne peux rien prouver. Rends-toi et tu vivras… Restez en dehors de ça, Sorceleurs.

- Jamais ! refusa Thaler. Vous ne me prendrez jamais vivant, bandes de bâtards !

- Geralt ? demanda Ann.

- Hm ?

- Je suis remontée à bloc. Je peux…

Elle fit un geste explicite de la main pour montrer les soldats en armure et De Wett.

- On ne tue pas les humains, rappela le Loup.

- Ils vivront. Ils y réfléchiront juste à deux fois avant de me faire chier.

Le soupir du Loup Blanc voulait tout dire.

- Thaler, tu m'en veux pas si cette bande de couille molle bouffe le pavé, n'est-ce pas ?

- Amuse-toi, l'matou.

Ann s'avança d'un pas sous le regard méfiant des soldats.

Le peu de talon qu'elle avait sous ses bottes de cuir résonna étrangement sur le sol, même pour une nuit si claire et tranquille.

Cling.

Une arbalète tomba sur le sol, puis une hallebarde.

Ann fit un autre pas en avant, et comme si on avait coupé des fils de marionnettes, tous les soldats s'effondrèrent sans connaissance, de la bave moussant hors de leur bouche.

De Wett était à genoux, les yeux ronds d'effroi, de la sueur froide roulant sur sa peau alors qu'il essayait de ne pas trembler.

Par curiosité, Geralt se pencha sur l'un des gardes à proximité et lui prit son pouls. Vivant. Ils s'étaient juste… évanouis.

Thaler regarda le Loup Blanc. L'humain était debout au milieu des autres humains à terre, ne comprenant pas ce qu'il venait de se passer. Le mutant n'avait pas la moindre explication à lui fournir cependant, ne sachant pas ce que sa camarade avait fait.

Ann posa un pied sur l'épaule du chevalier à terre qui releva la tête pour faire face aux prunelles luisantes de la brune.

- M-monstre… siffla le Nilfgardien avec son lourd accent.

- Tsktsktsktsk… Raciste et menteur. Tu as tout pour plaire, De Wett, commenta moqueusement Ann. J'ai pas besoin qu'on me fasse la lecture pour savoir que quelqu'un a pensé que c'était la chose à faire d'utiliser un édit royal pour mettre à la porte Thaler. Eclaire donc ce sympathique gamin en lui disant comment ça se passera si tu dois quitter le service, ami Thaler.

- Le Roi demandera à me voir, me dira que je suis viré et quelqu'un… Roche ou mon remplaçant, me poignardera dans le dos pour que je ne vende aucune information. Affaire classée, répondit l'espion.

La D. se pencha un peu plus vers l'avant et attrapa le menton du comte.

- Politicien et fanatique ne font jamais bon ménage. Mais sache que si tu continues tes conneries, cher chevalier, je me ferai un plaisir de donner raison à la réputation d'assassin de l'école du Chat.

- Vous le regretterez… vous le regretterez tous !

- Chose très marante à dire quand tu es à genoux comme le chien que tu es. Tu abois beaucoup. J'attends de voir si tu mords.

Elle se redressa et repoussa d'un coup de pied le chevalier qui roula sur un côté.

- Affaire classée, annonça Ann en s'époussetant les mains.

Ses yeux cessèrent de luire alors qu'elle regardait avec une certaine satisfaction son travail.

- C'est un don impressionnant, commenta Geralt.

- On est peu à l'avoir. Et parmi ceux qui l'ont, on est encore moins nombreux à avoir l'entraînement adapté pour le manier.

Et elle alla récupérer sa part de nourriture pour le Quartier Pauvre.

- Merci pour votre aide en tout cas. J'ai à vous parler, si vous n'avez rien à faire, annonça Thaler

Geralt alla récupérer sa pile faisant froncer les sourcils au receleur.

- C'était au banquet de Leuvaarden, ça, non ?

- Et j'ai décidé que ce gros porc ne le mangerait pas alors autant le donner à ceux qui en ont besoin, informa tranquillement Ann.

- Ah bah je vous suis, on parlera en route pendant que je rentre chez moi.

Le trio se mit donc en route en enjambant les corps des soldats qui pavaient encore la route dans leur inconscience. Thaler les regarda un instant en fronçant les sourcils, avant de regarder Ann.

- Ta magie, là, elle va durer encore longtemps ?

- Ce n'est pas de la magie, c'est ma volonté, et ils se réveilleront quand ils se seront remis de la claque monumentale. C'est comme se prendre une très grosse vague en pleine tête. Tu sais y faire face ou tu as la force de l'ignorer… sinon, eh bien, tu te fais emporter plus ou moins rudement. Ils se réveilleront et auront peur des brunes désormais.

- Tu nous expliques, Thaler ? demanda Geralt.

- Déjà, encore merci d'avoir sauvé mon cul de ce fanatique.

- Je suis toujours pas certain que ce soit une bonne idée de s'en prendre à De Wett.

- Eh bien, c'est la chose à faire si tu as les meilleurs intérêts de Temeria à cœur.

Ils contournèrent une autre placette juste devant chez Triss et remontèrent une autre rue.

- Y'a quelque chose qui se prépare.

- Y'a toujours quelque chose qui se prépare, pointa justement Ann.

- Pas trop lourd ?

- A sept ans, je chassais des ours de plusieurs centaines de kilos avec juste une barre de fer et je les ramenais pour le dîner. Et c'était avant mes mutations. Quand je dis que mon barge de grand-père aurait pu s'entendre comme un larron en foire avec Schrödinger pour l'entraînement… Dis-nous ce qui se mijote cette fois, en te rappelant qu'on est pas des politiciens, mais des sorceleurs.

- Et j'apprécie ça, croyez-le. Au moins, vous êtes francs. Donc, voilà, avant de partir, le Roi m'a dit qu'il me confiait Wyzima, vous voyez.

- Quelque chose comme « durant mon absence, je te confie… » blablablabla… abrégea Geralt.

- J'ai un document ici.

De sa tunique, il sortit un parchemin qu'il déroula. Les deux sorceleurs y jetèrent un œil.

- Et ? s'enquit Ann.

- Regardez en bas. Il y a le sceau royal… et sa signature.

- Je vois, et les nouveaux édits ne l'ont pas.

- On peut toujours voler un sceau, mais imiter une signature est toujours plus difficile. Il y aura toujours des experts qui peuvent placer le doute et remettre en cause l'authenticité des documents qui les portent. Même moi qui ai déjà imité quelques signatures dans ma vie, je me risquerais pas à faire celle de Foltest, réfléchit Ann en jetant un nouveau coup d'œil derrière sa pile de plats.

- Donc, ces édits sont faux, conclut le Loup Blanc.

Ils arrivèrent enfin devant chez Thaler.

- Merci pour la balade et faîtes attention à vous. Portgas, t'en fais pas, j't'ai pas oubliée.

Et le receleur disparut dans sa boutique.

Ann marcha jusqu'au quartier non-humain et se mit à siffler de toute ses forces.

- Distribution de nourritures ! Si vous avez faim, venez vous servir ! Soyez pas con, oubliez votre égo pour une nuit et venez manger !

.


.

Ann se réveilla en sursaut, trempée de sueur, quand on frappa à sa porte.

Elle appuya ses paumes contre ses yeux en essayant de retrouver son calme.

Un cauchemar.

L'Epreuve des Herbes, qui faisait partie de la formation des Sorceleurs, continuait de hanter ses souvenirs. Elle se rappelait de la table d'expérience à laquelle on l'avait ligotée pendant qu'on la forçait à consommer les substances alchimiques. La douleur, la fièvre et les délires l'avaient poursuivie pendant sept jours, parce qu'elle n'avait montré que de faibles signes des effets de l'élixir durant la première injection et qu'on avait dû lui remettre une couche. Elle n'y pouvait rien si elle était solide au mal ou si Philippa l'avait déjà bien modifiée en faisant joujou avec elle. Mais rien ne pouvait la libérer de la douleur qui revenait à la charge quand le souvenir de l'Epreuve remontait à la surface. Combien de fois avait-elle failli se noyer dans le sang qu'elle avait vomi à gros flots ? Pas étonnant que la majorité des Chats deviennent sociopathes et que les autres développent des tendances psychotiques.

Elle sursauta en entendant de nouveau quelqu'un toquer à la porte.

- Je vais ouvrir, lui dit Geralt quelque part à sa gauche en se levant de son sac de couchage.

- D'accord… murmura-t-elle en se massant frénétiquement les poignets comme pour chasser le fantôme des liens de cuir qui l'avaient attachée à la table durant les mutations.

Geralt enfila son pantalon et alla ouvrir la porte pour voir qu'il était question d'un enfant.

- Maître Sorceleur ! s'exclama l'enfant.

- Quoi gamin ?

- Quelqu'un est en train d'attaquer la banque ! Maître Velerad a demandé à ce qu'on vienne vous chercher !

- Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Ann en cherchant son propre pantalon pour l'enfiler sous sa tunique.

- Maître Velerad m'a demandé de vous escorter jusqu'à lui, maître sorceleur !

- On arrive, laisse-nous nous préparer, répondit le Loup Blanc.

Et Geralt referma la porte.

Ann avait presque envie de rire. Pour une fois que ce n'était pas elle qui braquait une banque. Elle termina de se préparer en tournant le dos à Geralt qui en faisant autant de son côté, avant d'attraper les armes et de sortir. Ils coururent dans la rue et passèrent dans le Quartier Marchand pour rejoindre la banque Vivaldi. Il y avait pas mal de monde devant les portes et les gardes de la ville s'assuraient que les citoyens ne s'approchaient pas trop.

Ils trouvèrent Velerad devant la banque, en panique, les mains sur le crâne, ne sachant que faire.

- Ah ! Dieu merci, Geralt ! C'est terrible ! Les Scoia'tael volent la banque !

- Qu'est-ce qu'il se passe exactement ? demanda le sorceleur.

- Des bandits armés ont attaqué la banque et ils retiennent le personnel en otage. Nous avons averti le chevalier Siegfried qui va mener l'assaut !

- Le rôle de héros lui va comme un gant.

Ann se racla la gorge pour ne pas rire.

- Ils auront besoin d'aide, Geralt !

- Il y a un autre moyen d'entrer ? demanda Ann.

- Dame Portgas, je doute que ce soit…

Le Chat Noir brandit un doigt menaçant sur le bourgmestre.

- Un mot, dîtes un seul mot, sur mon genre, et je vous coupe les couilles, menaça-t-elle.

- Alors, est-ce qu'il y a un autre moyen d'entrer ? demanda Geralt en se mettant entre Ann et le bras droit du roi.

- L'assaut frontal, à moins d'avoir une armée en armure, n'est pas recommandable.

- Dépêchez-vous, Velerad, pressa le mutant.

- Il y a bien le passage par l'entrepôt. C'est connecté par ce couloir surélevé à l'hôtel de ville qui a une porte menant dans la banque. Plus personne ne l'utilise, mais j'ai la clef…

- Pourquoi c'est inutilisé ? demanda Ann.

- Eh bien, les femmes que l'hôtel de ville disent que c'est hanté…

Les deux sorceleurs se regardèrent et hochèrent la tête. A deux, ils pouvaient bien gérer quelques fantômes. Geralt attrapa la clef et Velerard leur montra la porte de l'entrepôt en question qui donnait droit sur le marché. Les deux mutants passèrent la discrète porte en bois et sentirent immédiatement leur médaillon respectif se mettre en marche.

Ann tapota le bras de son camarade et lui montra le plafond. Le Loup-Blanc se pencha vers l'avant et vit ce qu'elle lui pointait.

Une noctule.

Ce n'était pas hanté. C'était habité par une espèce de vampire.

Le Chat Noir leva ensuite deux doigts pour ensuite les orienter vers le fond de l'entrepôt, entre les étagères remplies de papiers et de caisses.

Il y en avait un second au fond. Le Loup hocha la tête et leva trois doigts. Lentement, il les baissa un par un avant de partir vers l'avant en une roulade, lui permettant de se remettre debout en dégainant en même temps son arme.

Comme il s'y attendait, la noctule se laissa tomber du plafond et l'attaqua, oubliant ainsi Ann qui en profita pour le décapiter proprement par derrière. Les mutations lui avaient donné sacrément de force pour une femme. S'il s'avait.

Geralt continua néanmoins sur sa lancée pour esquiver une seconde noctule qui tomba du plafond droit sur lui. Le mutant usa de son élan pour courir sur le mur avant de se projeter en arrière vers la créature, passant au-dessus d'elle pour atterrir souplement dans son dos et l'empaler sur sa lame d'argent. En s'aidant de son pied, il fit glisser la lame vers le haut, l'ouvrant proprement en deux.

- On en a cinq autres là-haut, annonça Ann en se dirigeant vers l'escalier.

- Il faut combien de temps avant que le Haki ne se manifeste vraiment ? demanda Geralt.

- Tu commences à montrer des signes sans même que tu le réalises. Tu n'as pas remarqué que tu anticipais les mouvements adversaires ? C'est la première étape. L'instinct qui te dit d'où vient le danger immédiat. Ensuite, il te dira où est le potentiel danger dans des zones de plus en plus éloignées.

Elle se retourna dans l'escalier et se colla à un des murs.

- Passe devant, je te les laisse si tu veux t'entraîner. J'ai eu tout le temps pour me remettre à jour.

- Ca te fait quel âge ? demanda Geralt en passant devant.

- Je sais pas combien de temps je suis restée chez Philippa. Je pense que je dois avoir dans les soixante et un, soixante-deux, par-là.

Geralt pénétra dans la pièce à l'étage et se retrouva rapidement encerclé par les chauves-souris géantes anthropomorphes. Ann s'adossa à un mur et le regarda faire. Il ne fallut pas bien longtemps pour que les monstres tombent au sol.

- Tu vas faire quoi ? demanda la D. en se penchant sur les cadavres pour voir ce qu'elle pouvait récolter sur eux. Je veux dire, une fois dans la banque, tu comptes faire quoi ?

- Tenter de négocier pour éviter un massacre.

- Tu crois que ça marchera ?

- On peut toujours essayer.

Ils se dirigèrent enfin vers la porte qui se détachait au fond de la pièce et elle s'ouvrit sur une pièce richement boisée de l'hôtel de ville. Il y avait des femmes dans cette pièce qui les regardèrent avec surprise et inquiétude. Ann passa la porte en mettant un doigt sur ses lèvres avant de murmurer :

- L'entrepôt n'a plus aucun danger. Dépêchez-vous de sortir et en silence.

Les femmes ne se le firent pas dire deux fois et quittèrent l'hôtel de ville par la porte que Geralt gardait ouverte. Il la referma derrière les dames et se dirigea vers l'escalier, une main sur son glaive au cas où il faudrait se défendre. Des elfes attendaient à l'étage d'en bas, les gardant en joue de leurs flèches.

- On est ici pour négocier. Où est Yaevinn ? demanda Geralt.

- Vous voulez négocier, dh'oine ? se moqua l'un d'eux. Yaevinn est dans les coffres, dans le sous-sol de la banque.

Et il montra la porte en lambris juste à côté de l'escalier en bois ciré qu'ils descendaient.

Geralt hocha la tête et termina de descendre les dernières marches. Ann, comme à son habitude, avait toujours quelque chose à redire :

- On dit pas dh'oine on dit vatt'ghern, ça la fout mal que quelqu'un d'un autre peuple doive vous apprendre des mots de votre propre langue !

- Ann, s'il te plaît, ne les asticote pas quand on vient négocier, gronda calmement Geralt.

Il ouvrit la porte qui permettait de passer de la partie Hôtel de Ville à la zone banque.

Et de l'autre côté de la porte, il y avait un nain assez familier qu'il reconnut comme celui qu'il avait rencontré dans les égouts pour l'affaire de la brouxe. Il leur demande ce qu'ils foutaient ici avant de leur redire que Yaevinn était en bas.

En regardant autour d'eux, ils pouvaient voir que le personnel de la banque n'était pas blessé. Personne ne jouait les héros. Tout le monde était au sol, les mains sur la tête, évitant de remuer la moindre oreille qui leur serait raccourcie d'un coup d'épée, de hache, ou d'une flèche. Une ligne d'elfes, armés d'arcs, faisaient face à l'entrée de la banque, la surveillant. Un corps de garde de la ville gisait sur le sol, explicitant pourquoi personne ne s'était encore risqué à l'intérieur.

Les deux mutants descendirent rapidement les marches pour rejoindre la cave et ainsi, la salle des coffres. Encore une fois, le personnel était à terre et non blessé

Les elfes finissaient de remplir des sacs et discutaient.

Visiblement, le braquage était sur sa fin, pourtant, ils n'avaient pas l'air pressé de partir. Yaevinn était un peu plus loin en train de consulter des papiers. Il ne sembla même pas surpris de les voir arriver.

- Aelirenn. Vous connaissez l'histoire d'Aelirenn, sorceleurs ?

- Non, mais je pense qu'il y a plus important dans l'immédiat que ça, lui dit Geralt.

- La rose blanche de Shaerrawaedd, connue par les nains et les hommes sous le nom de Eliren. Il y a deux siècles, elle a mené la jeunesse elfique en guerre, alors que les anciens s'y opposaient. Ils savaient que la victoire ne pouvait être acquise. Qu'ils ne pourraient pas se relever après la défaite.

- Yaevinn, on est pas ici pour une leçon d'histoire. Tu as la Rose Ardente qui va faire éruption dans la banque d'une minute à l'autre, rappela à l'ordre Ann.

Pourtant, l'elfe continua :

- Aelirenn… la Rose Blanche…. elle a incité la jeunesse elfique à se battre. Ils ont pris leurs armes et l'ont suivie dans leur ultime bataille. Ils ont été massacrés. Sans merci.

- Yaevinn, la banque est encerclée, insista Geralt en laissant passer l'urgence de la situation dans sa voix.

- Ils sont morts en disant son nom, en répétant son cri. Ils sont morts pour Shaerrawaedd… et pour Aelirenn. Ils sont morts comme elle l'avait promis. Dans la dignité, l'héroïsme et l'honneur.

Elfe stupide qui ne trouvait pas mieux que de faire un cours d'histoire elfique en plein braquage. Il devrait revoir son sens des priorités, l'Ecureuil.

- T'étais là-bas, peut-être ? demanda Ann d'un air fatigué.

- Avez-vous pris votre décision, Loup ? demanda Yaevinn sans répondre à leur question.

- Quelle décision ? se renseigna Geralt.

- Vous ne pouvez pas rester éternellement à cheval sur la barrière. Surtout si cette barrière se retrouve au beau milieu d'un champ de bataille.

- Laisse-le en dehors de ça, Yaevinn ! siffla d'un air menaçant Ann.

- Tu essayes de me recruter ? se fit confirmer le Loup Blanc.

- Non, votre conscience fait de vous un piètre révolutionnaire. Deith Ichaer en revanche, c'est une toute autre histoire.

Ann croisa les bras en adressant son regard le plus noir à l'elfe.

- Donc ? pressa Geralt.

- J'ai une bonne raison pour vous avoir parlé de Aelirenn. Il y a une bataille en ce moment même. Pour la survie, pour la liberté. Vous n'avez pas besoin d'être un des nôtres pour nous aider, beaucoup servent via leur domaine de prédilection. Portgas est un parfait exemple. Là où vous excellez, c'est dans la chasse des monstres.

- Geralt. Tu es un loup, tu es neutre, rappela Ann en regardant son camarade avec sérieux. Tu ne vas pas te laisser embarquer dans un combat de ce genre ! Tu peux encore faire demi-tour et laissez les choses ainsi ! Tu es neutre ! Ne sois pas stupide ! Tu seras pendu si tu les aides !

- Et toi ?

- Moi, j'ai déjà fini une fois sur l'échafaud. C'est pas ça qui me fait peur. Cependant, même si je suis une sympathisante, je ne l'aiderai pas. Le Chat Noir n'oublie pas.

Ann se rapprocha de Yaevinn et le regarda dans les yeux, lui adressant son regard le plus noir qui n'impressionna pas le vieil elfe le moins du monde.

- Si on me veut dans ce combat, il faudra payer pour. Et je ne parle pas d'argents, je parle de sang.

Geralt soupira en se pinçant le nez. D'un côté, il avait des elfes qui se rebellaient contre le racisme et la persécution, tout en étant eux aussi racistes. De l'autre, il avait la Rose Ardente, une armée sainte visant à éradiquer tout ce qui n'est pas conforme au standard humain, mais qui protégeait les citoyens.

Ann avait raison, il pouvait remonter la banque et refuser de s'impliquer, mais cela reviendrait aussi à choisir un camp. Si les elfes étaient encore là, c'est que leur issue n'était plus accessible. Ils seraient donc des proies faciles pour les chevaliers en rouge.

Le choix était vite fait.

- Je suis avec vous, mais je vous aiderai à la façon d'un sorceleur, donc, hors de question que je brandisse la moindre queue d'écureuil ou que je me plonge dans votre combat. Je chasse des monstres, pas des soldats de l'Ordre.

Ann se frappa le front d'exaspération. Et pauvre Vesemir qui n'arrêtait pas de dire qu'ils ne devaient pas s'impliquer.

- Et donc, la sympathisante d'origine ne l'est plus ? commenta Yaevinn.

- Je veux la vie des connards qui ont enfermé des enfants dans la crypte du cimetière.

- Eh bien, nous nous passerons de ton aide. Loup Blanc, laisse-moi te…

- Non, Yaevinn. Ann a raison d'être en colère. Une de tes escouades a causé la mort d'innocents. Si tu veux notre aide, ils doivent être punis. C'est notre condition.

- Vois ça de façon rationnelle, soit c'est toute ton escouade qui y passe parce que vous n'aurez pas réussi à fuir, soit tu apprends à tes hommes par l'exemple à ne pas impliquer des innocents, et surtout des enfants. Que ce soit des humains, des nains, des elfes ou que sais-je… ça reste des enfants, ils ont encore le temps d'apprendre. La gamine qui a survécu à cet épisode ne sera qu'un ennemi en plus avec des bonnes raisons, alors qu'elle aurait pu devenir une alliée, lui dit froidement Ann. Les enfants ne naissent pas avec des préjugés.

- Je ne peux pas sacrifier ainsi la vie de mes hommes pour ton bon vouloir.

- Tu ne réclames pas vengeance quand un enfant elfique meurt ? Moi, je réclame vengeance parce que tes hommes ont condamné une gamine à mort. Tes hommes auraient très bien pu lui trancher la gorge avec leur propre lame, ça en serait revenu au même.

- Il n'y a aucun moyen que je puisse te détourner de cette idée folle ?

- Sauf peut-être si tu veux mourir toi, mais je doute que ça soit suffisant pour pardonner la mort d'innocents.

Un elfe interpella le chef en Ancien Langage, essayant de le convaincre de quelque chose, pour se faire remettre à sa place par un Aard d'Ann qui l'envoya voler plus loin cul par-dessus tête.

- Quand je parle au boucher, les andouilles, elles se la bouclent. Je veux que les coupables paient pour ce qu'ils ont fait à cet enfant et qu'aucun autre idiot ne recommence. On ne touche pas aux enfants.

Yaevinn plissa les yeux, affrontant le regard en colère. Il regarda ses hommes, certainement les coupables en question qui se faisaient petits dans leurs bottes, avant de revenir vers la sorceleuse.

- Je t'offre ma vie en échange de la leur. Je t'offre une dette de sang en réparation pour l'affront. Epargne-les et tu auras le droit de vie ou de mort sur moi.

- C'est un bon marché ; accepte Ann et sortons d'ici avant que la Rose Ardente ne donne l'assaut, recommanda Geralt.

La D. regarda son camarade, puis Yaevinn, avant de sortir un de ses poignards et de le brandir vers les individus dont elle voulait la mort.

- Remerciez votre chef, si vous vivez un jour de plus, c'est grâce à lui et Geralt.

Elle retira son gant et le coinça entre deux doigts de la main qui tenait son arme. Elle se trancha la paume et cracha dedans avant de la tendre vers Yaevinn qui eut un rictus de dégoût. Il imita néanmoins son geste et lui serra la main, mélangeant le sang et la bave, avant de reculer et d'essuyer sa main avec un mouchoir qu'un de ses camarades lui donna.

- Je n'ai pas l'intention d'oublier, Yaevinn. N'essaye pas de me doubler, je pourrai te traquer jusqu'au bout du monde. Il n'existe pas un trou de souris en ce monde où tu pourras te cacher. Le Chat Noir est un chasseur.

- Maintenant que ça, c'est fait, qu'est-ce qui bloque le passage ? intervint Geralt.

- Notre mission était de trouver des documents permettant à Vivaldi de reprendre le contrôle de sa banque. Ce n'est que justice, après tout, non ? Cependant, nous nous retrouvons prisonniers ici à cause de kikimores qui nous bloquent la route. Nous voulions fuir par les égouts.

Les deux sorceleurs se regardèrent avec perplexité.

Des kikimores ?

Ils regardèrent Yaevinn. Il n'avait tout de même pas peur de quelques kikimores ouvrières en quête de nourriture pour leur reine ? Il devait y avoir un nid sous le Quartier Marchand, c'est tout. Après tout, il semblait courant de croiser des kikimores dans les rues à la tombée de la nuit.

Ils suivirent Yaevinn qui les mena jusqu'à une ouverture dans le sol menant à des ruines elfiques que Geralt reconnut aisément comme celles où il avait tué la brouxe. Du moins, ils étaient un étage au-dessus. L'elfe leur montra une terrasse, plus bas dans la tour souterraine et agilement, les deux mutant sautèrent pour finir plus bas sur la terrasse de destination en ignorant les cordes et les grapins qui avaient permis d'escalader jusqu'ici.

- Faîtes attention, les kikimores sont dans le couloir menant aux égouts, leur dit Yaevinn depuis la terrasse précédente.

- Si ce sont des ouvrières, je démissionne, annonça Ann alors que Geralt s'avançait avec prudence vers le couloir en question.

Il jeta un œil dans le couloir en question et fronça les sourcils.

- Kikimores guerrières.

- Eh ?

Elle se dépêcha de rejoindre son camarade et regarda à son tour dans le couloir. Il y avait bien des tas de kikimores dedans. Elles étaient un mélange contre nature entre l'araignée et le crabe, en plus mauve, et puisqu'il est question des guerrières, eh bien, la bestiole puante faisait la taille d'un éléphant (pas que les nordiques sachent ce que c'est, après tout, pour eux, le zèbre n'est qu'un cheval à rayure, mais Ann avait cette référence grâce à la Grand Line).

- Que font des kikimores guerrières aussi loin de leur nid ?

- Honto ni wakaranai… lui répondit Ann.

Geralt la regarda sans comprendre.

- Je n'en ai pas la moindre foutue idée, traduisit-elle.

Le Loup Blanc se redressa et se tourna vers les Scoia'tael.

- Restez où vous êtes, on va nettoyer le passage.

- Y'avait pas un contrat pour des trachées de kikimores ? demanda Ann en ouvrant sa sacoche à élixir.

- Je crois. On sait où en trouver maintenant. Tu as de l'huile pour les insectes ?

Ann avala un premier élixir et secoua la tête.

- Non, j'allais utiliser de l'Argentia, mais si tu as, je dis pas non.

Geralt frotta un chiffon de cuir contre sa lame d'argent, laissant un enduit vert clair sur la lame, avant de passer le chiffon à Ann et de prendre ses élixirs. Pour l'instant, les kikimores étaient calmes. Les deux sorceleurs étaient derrière un mur, hors de vue, devant se pencher par une arche pour voir les insectes chitineux géants. Aucun risque de les rendre hostiles. Après leur ingestion des élixirs d'Hirondelles et de Chat-Huant, ils passèrent à l'attaque, Geralt en profitant pour avaler au passage une fiole de Liseron pour se protéger des effets du poison acide que crachaient ces créatures.

Il y en avait quatre et heureusement que le couloir était étroit, ils pouvaient les affronter une par une… jusqu'à ce que l'une des kikimores ait l'idée géniale de grimper sur son camarade, causant un bordel phénoménal qui ne pouvait pas être rectifié via une bonne dose de Aard, puisque les guerrières étaient trop lourdes pour être renversées ainsi. Pour les affronter, il fallait y aller lourdement à grands coups de lame pour trancher profondément la carapace des bêtes qui empestaient les marécages.

C'est donc avec un soulagement évident que les monstres finirent par s'effondrer.

- Beau travail, complimenta Yaevinn. Cette petite démonstration était impressionnante.

- C'est un travail permanent, répondit Geralt en rangeant son arme au fourreau. Pourquoi n'avez-vous pas utilisé le téléporteur dans l'autre salle ?

- On a réalisé trop tard qu'il a été neutralisé. Nous l'avons pris pour venir, mais quand nous avons voulu partir, il s'est avéré qu'il était impossible de le réactiver.

- Donc, vous avez été piégé, conclut Ann. J'espère que notre aide aura servi à quelque chose.

- Je vais donner ces documents à Vivaldi, ça l'aidera peut-être à retrouver sa banque.

- Je n'oublie pas ta dette, Yaevinn, crois-moi, je saurai te le rappeler.

- En attendant, il faut nous débarrasser des corps des kikimores. Si on réalise que ce sont des glaives de sorceleurs qui les ont tués, ceux qui ont posé le piège réaliseront qu'on vous a aidés, pointa Geralt.

- Si vous me cherchez, je serai chez Vivaldi, j'ai beaucoup à faire à Wyzima, leur dit l'elfe.

Et avec son escouade, il s'en alla, laissant les deux sorceleurs avec les cadavres.

- Putain, ça schelingue… bougonna Ann en recouvrant son nez de sa manche.

Geralt se contenta de froncer les sourcils.

Lentement, ils tirèrent les corps le long du couloir pour revenir vers la terrasse et les envoyer par-dessus le rebord où ils chutèrent tout au fond, dans l'obscurité de la ruine elfique. Avec un peu de chance, on supposerait que les kikimores avaient quitté les lieux pour retrouver leur nid.

Ils devraient faire profil bas pour éviter de se faire prendre. La complicité avec la Scoia'tael était passible de la pendaison.

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Profitant de la nuit, Ann retourna voir la grand-mère à qui elle avait rendu visite à midi.

S'assurant que la garde ne la remarque pas, elle força la serrure de la maison et s'introduisit dans la demeure. Comme elle s'y attendait, la vieille mémé était assoupie. La mutante referma la porte derrière elle et se glissa en silence le long des murs à la recherche de la porte menant à la cave suspecte, avant de tomber sur un escalier caché derrière une cloison.

Elle ferma les yeux de lassitude en reconnaissant ce qu'il y avait en bas.

Forcément que la grand-mère se comportait bizarrement. Tout ce qui appartenait à la famille des vampires avait un minimum d'intelligence et ils étaient doués pour les suggestions télépathiques. Et elle savait que dans cette cave, elle trouverait une foutue noctule, son Haki le lui disait.

La sorceleuse jeta un bref regard vers le lit de la grand-mère pour s'assurer qu'elle dormait profondément et descendit rapidement les marches.

Comme elle s'en doutait, la chauve-souris anthropomorphe qu'était la noctule l'attendait en bas. Et dommage pour elle, elle avait une lourde dose de frustration à évacuer. Le glaive d'argent n'en fit qu'une bouchée. Un coup de pied dans la face et deux enchaînements de trois coups de lame eurent raison de la bête.

Malheureusement, la grand-mère fut réveillée par le bruit et elle n'apprécia pas ce qu'elle vit.

- Espèce de monstre ! Vous avez tué mon cher fils ! Je vais appeler la garde ! siffla la vieille femme.

Vu qu'elle donnait toujours l'impression de parler bas, elle devait avoir la voix simplement cassée.

- Toujours un plaisir de rendre service. D'ici les prochaines quarante-huit heures, l'hypnose de la noctule devrait ne plus faire effet et vous réaliserez que ce qu'il y avait en bas, c'était tout sauf votre fils.

- Pour qui vous vous prenez ! Fichez le camp de chez moi !

- Avec joie, 'baa-san.

Elle ferait le rapport demain à l'infirmière.

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Pendant ce temps, Geralt avait cuisiné gentiment l'alpyre pour savoir si des vampires ne traîneraient pas dans les environs, à part elle. Albina avait eu du mal à lâcher le morceau, seulement avec la promesse que le sorceleur ne tuerait pas les créatures en question.

Le « on verra » ne l'avait pas rassuré des masses, mais elle avait fini par céder. C'est pourquoi le Loup Blanc était de retour dans le quartier marchand. Il régla l'affaire de quelques bandits de la Salamandre qui tentèrent de le prendre en embuscade avant d'arriver à sa destination : la maison close La Demeure de la Nuit.

Dès son entrée dans la ravissante demeure, il comprit que ce n'était pas un bordel classique. Tout était basé sur le jeu du charme et des apparences, avec des meubles et des fleurs habillant de luxe les alcôves, de ravissantes femmes portant de belles robes moulantes et de beaux bijoux. Les clients étaient tous des hommes riches qui maintenaient le jeu des apparences avant de s'éloigner dans des chambres adjacentes pour profiter des charmes de leur belle en toute intimité.

Le sorceleur allait se renseigner auprès d'un gros bras qui montait la garde devant un escalier, pour essayer de débusquer le vampire, quand il remarqua une femme qui disait au revoir à son visiteur.

Une blonde dans la fleur de la jeunesse, ses longs cheveux cascadant dans le dos de sa robe bleue en bustier. Et des yeux d'un bleu étincelant, étaient tels deux saphirs, soulignés par ses bijoux en or et un maquillage très délicat. Il s'agissait très certainement de la sœur de ce chevalier de la Rose Ardente.

Tranquillement, il alla à sa rencontre et elle l'accueillit avec un sourire charmeur.

- Bonsoir, salua la demoiselle en jouant avec une de ses mèches blondes.

- Bonsoir à vous, beauté aux yeux bleus.

- Que puis-je pour vous, seigneur aux cheveux blancs ?

- Pouvons-nous commencer par une conversation ?

- Bien entendu, sourit la ravissante demoiselle. Giacomo Cassano assure que rien de vaut une conversation intelligente comme préliminaire.

- Quel est votre rêve, beauté aux yeux bleus ?

Un soupir de ravissement et d'espoir langoureux s'échappa d'entre les lèvres de la jeune femme.

- Ah… J'aimerai que la nuit ne s'arrête jamais…

- Pas de chevalier en cheval blanc et autres stupidités ?

- Je ne suis pas une femme ordinaire.

Un sourire mystérieux et aguicheur prit position sur le visage de la blonde.

- Je peux le prouver.

Elle se rapprocha de Geralt et posa une main délicate sur sa poitrine.

- Il suffit de le demander… chuchota-t-elle.

- Je crois que votre frère vous cherche.

La fille recula d'un bond comme si elle venait d'être brûlée. Rien ne pouvait effacer la peur dans son regard.

- Vous faîtes erreur, je n'ai pas de famille, assura la fille.

- Certaine ?

- Certaine. Ceci est chez moi ! Je suis une des Sœurs de la Nuit.

- Alors mes excuses, j'ai dû faire erreur.

Non, il était certain que c'était la bonne personne, il devait le prouver à présent. Trouver cette marque. Elle était méfiante, mais il devrait pouvoir s'en sortir.

- Que dois-je faire pour passer le reste de la nuit avec vous ?

- Ce serait avec plaisir, assura-t-elle. Mais avant ça, vous devez faire une contribution à la Demeure de la Nuit. Quelques cinq cents orins.

Cher, très cher, pas étonnant quand on voyait le décor et la tenue des filles, loin des catins des bas-fonds. Ce n'était pas gagné. Mais c'était pour la bonne cause, n'est-ce pas ?

Il sortit sa bourse et compta l'argent, reversant à la blonde tout ce qu'il avait gagné de son travail avec Kalkstein puisqu'ils avaient fait du moitié-moitié dans le partage, avec Ann. La blonde accepta l'argent et le guida jusqu'à une porte à proximité. Une chambre avec une baignoire de bois contenant de l'eau chaude.

- D'abord un bain chaud, lui dit la femme en déposant l'argent dans un coffre dédié. Puis, tous vos rêves se réaliseront.

Et elle vint aider le sorceleur à se débarrasser de son armure.

Le reste de la nuit, tout le monde peut le deviner. Mais la marque de crocs dans le cou de la jeune femme confirmait les soupçons de Loup Blanc.

Le frère de la belle serait surpris de voir ce qu'était devenue sa jeune sœur bonne à marier.

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