Bonjour, aujourd'hui, on termine un autre « chapitre » du jeu 2 et donc, de l'enquête sur la Salamandre. Bientôt, les retomber de leurs actes vont se faire sentir très sévèrement.
Ah, et que le coupable n'est pas toujours celui que l'on pense.
Passez une très bonne lecture et à bientôt.
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Ils arrivèrent enfin dans la taverne et rejoignirent Leuvaarden à l'étage avec Triss ; à croire qu'ils ne rentraient plus chez eux.
- Bien le bonjour, chers sorceleurs ! Vos affaires se sont-elles bien passées ?
- Parfaitement bien, sourit joyeusement Ann.
- Comment se porte Vesemir ? demanda Triss.
- Il a envoyé des messages pour Eskel et Lambert afin de leur faire signe qu'ils vont dans la mauvaise direction. S'ils nous rejoindront ou retourneront passer le reste de l'hiver à Kaer Morhen, nul ne le sait, répondit placidement Geralt. J'y pense, Triss, as-tu réussi à trouver d'où provenait la dernière communication.
- Oui, c'était assez simple, et je t'ai même indiqué où sur un plan. C'est quelque chose que je dois savoir ?
- Juste un pressentiment.
- Si vous êtes encore là, c'est que vous voulez économiser de l'argent et ne pas vous payer des mercenaires. Donc, quel est le boulot qui nous attend ? demanda Ann en accrochant ses mains derrière sa nuque.
Leuvaarden et Triss se regardèrent.
- Nous n'avons pas de très bonnes nouvelles concernant la Salamandre, commença le marchand. Malheureusement, leur influence s'étend bien plus loin que nous l'avions anticipé.
- Et vous avez donc une offre pour nous, compléta Geralt avec sarcasme.
- Pourquoi êtes-vous sarcastique ?! La Salamandre a un support politique très fort ! Il nous est impossible de demander à la ville ou à l'armée de les attaquer.
- Comment est-ce possible ? s'étonna Ann.
- Nous pensons que cela à voir avec les récents et suspicieux édits royaux.
Encore eux.
- Donc ?
- Nous avons besoin de support. Une armée ou une unité, quelque chose comme ça…
- Et c'est à nous de les trouver ? Vous vous faîtes vraiment pas chier ! s'indigna Ann.
- Vous avez perdu la tête, Leuvaarden, approuva Geralt avec froideur.
- Non. C'est la dernière solution qu'il reste à notre problème. Si vous trouvez quelqu'un pour nous aider, je serais heureux de les rencontrer ici.
Geralt se tourna vers Ann qui fronça les sourcils devant l'attention de son camarade.
- Il a bien quelqu'un qui pourrait nous aider. Dans d'autres circonstances, j'aurais songé à Siegfried, mais vu comme ça s'est fini à la banque Vivaldi, il refusera, pointa le Loup Blanc.
- Et pourquoi tu me regardes comme ça ? s'enquit la sorceleuse.
- Parce qu'on connait tous les deux quelqu'un qui a une dette envers toi et qui a des forces armées.
La pirate eut besoin d'un moment avant de percuter.
- Mais tu es fou ! Personne ne le voudra et lui-même refusera !
- Peut-être, peut-être pas. Mais il t'en doit une, admets-le, Ann. Alors, s'il a une once d'honneur, il peut faire ça pour payer sa dette. Va lui demander, ça ne coûte rien.
- C'est bien parce que c'est toi qui me le demandes, de Riv, garde-le en tête.
Elle se tourna vers les deux autres.
- Je vais vous trouver des gars, mais ne venez pas pleurer devant mon choix.
- Essaye de trouver des gens compétents, Portgas, lui dit froidement Triss.
- Ils le seront déjà bien plus que toi, Merigold.
- J'ai quelque chose à régler, je reviens, informa Geralt.
Et il tourna les talons pour suivre Ann au dehors.
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L'adresse que lui avait notée Triss menait vers une maison donnant sur la place du marché, devant la banque. Un petit coin de rien du tout, qui ne payait même pas de mine. L'intérieur non plus, d'ailleurs.
Difficile de se dire qu'un roi se cachait ici.
En entendant la porte, la silhouette en armure se détourna de la table à laquelle elle était assise et fit face au sorceleur, se levant pour se rapprocher de sa taille.
Maintenant qu'ils étaient face à face et sans la magie du miroir, il était plus facile de voir la taille plus petite et les traits plus jeunes du souverain. Et en effet, l'armure et sa petite moustache qui marquait le contour de sa bouche lui rajoutaient facilement cinq ans de plus.
- Vous en avez mis du temps, sorceleur, j'ai bien cru que vous ne viendrez pas à ma rencontre, commenta le jeune souverain en fixant le mutant avec une posture royale et altière. A moins que Triss Merigold ait eu des difficultés à me trouver.
- J'avais des affaires à régler à côté. Comment connaissez-vous Triss ?
- Je ne la connais pas personnellement, mais je connais Philippa Eilhart, et cela revient à connaître toutes les sorcières. Je suppose que le Chat Noir vous a parlé de Philippa. Sa haine pour elle est connue dans tout Tretogor. Je serais presque tenté de l'embaucher pour tuer Eilhart. Une pierre, deux coups. Ne vous fiez pas aux magiciennes de la Loge. Elles sont belles, sages, intelligentes et très bonnes conseillères… mais ce n'est qu'une image. Elles veulent décider du destin du monde et parfois, elles y arrivent. Un jour, je les remettrai à leur place…
Un rictus haineux apparut sur le visage du souverain.
- Ann n'acceptera pas le contrat, elle en veut à Philippa pour autre chose, annonça Geralt.
- Ann ? Oh, vous l'appelez par son prénom ? Vous devez êtes proches, bien assez pour savoir si son surnom de Vierge Sanglante est justifiable. Ou peut-être vous avez déjà fait vous-même le nécessaire pour le renvoyer au passé.
- Elle a été mariée, donc, vierge, je ne pense pas. Nous sommes camarades, pas amants.
- Il faudrait être fou pour épouser une mutante, et encore plus, si ce n'est un brin suicidaire, pour épouser le Chat Noir. Où qu'elle aille, le malheur, le sang et les flammes finissent par jaillir. Vous vous entourez de femmes dangereuses. Bien que dans son cas, Triss a le mérite d'avoir déjà trahi une fois ses copines de la Loge.
- Je n'ai pas confiance en Triss, mais je l'utilise autant qu'elle m'utilise.
Un sourire apparut sur le visage de Radovid qui applaudit bruyamment Geralt.
- Excellent ! rit-il.
- Que voulez-vous ?
- Vous êtes familier avec les étranges édits royaux qui parcourent Wyzima ? s'enquit le jeune souverain en redevenant sérieux bien qu'il conservât un irritant sourire supérieur.
- J'en ai entendu parler.
- Ils portent le sceau royal mais beaucoup soupçonnent la fraude.
Il commença à faire les cent pas.
- Et donc ?
- C'est comme Thaler l'a dit. Ils ne sont pas de la main de Foltest, je sais reconnaître son écriture.
- Vous connaissez Thaler aussi ?
- Bien entendu !
Le jeune roi s'arrêta et se redressa comme si la question de Geralt l'avait offensé.
- Il faudrait que je sois idiot pour ne pas connaître le chef du service de renseignements de Temeria !
- Très bien, donc, Foltest n'a pas décrété la Loi Martiale.
- Du tout, et je pense que je devrais l'en informer…
Il pensait, hein ? Et le faire vraiment, il attendait quoi, s'il avait l'oreille du roi ?
- Vous avez demandé à ce que je salue la princesse Adda, qu'est-ce que vous lui voulez ?
- Eh bien, j'espérais pouvoir la persuader d'épouser le roi de Redania…
Autrement dit, lui. Adda avait déjà trente et un an, et la majorité de la cour royale de Temeria lui était passée dessus, et lui-même pouvait prétendre avoir couché avec elle ; il y avait mieux comme future reine.
- … ce qui serait avantageux pour les deux royaumes. Avec l'aide de Foltest, notre roi pourrait se débarrasser enfin de tous les parasites qui l'entourent. En retour, Redania pourrait l'aider dans son effort de lutte contre la Scoia'tael. Sans parler, bien entendu, des bénéfices pour le commerce.
Ah, oui, forcément, politique et économie. Comment avait-il pu oublier tout ça ? Pour les souverains, l'amour était un concept inexistant. Ils faisaient tout par intérêt. Même les enfants.
- Des royaumes unis peuvent résister au pouvoir en expansion des chevaliers et des guildes. De plus…
- C'est bon, ça suffit. Vous m'avez convaincu mais je ne suis pas Adda, soupira Geralt.
Il se massa le nez.
Il avait une migraine en formation.
- Et vous, sorceleur, que pensez-vous de la fille de Foltest ?
- Qu'est-ce que vous voulez savoir ?
Outre qu'elle était sauvage, autoritaire et pourrie gâtée ? Il ne pouvait pas l'aider plus.
- Vous êtes un expert en monstres, vous avez brisé sa malédiction de strige quand elle avait sept ans.
Ah. Ce sujet. Il voulait des réponses sur la malédiction et peut-être les répercussions.
- Exact, dit froidement le sorceleur.
- Peut-elle enfanter ?
Oui, une reine stérile n'a aucune utilité, sinon faire jolie.
- Je ne vois pas pourquoi ça ne serait pas possible.
- Des enfants humains en bonne santé ?
- Je suppose. Une sage-femme ou un médecin expert pourrait l'examiner.
- Surtout en sachant que le meilleur médecin du continent est à la solde de la Scoia'tael. Humpf. Merci pour vos réponses. Je vous prierais de garder cette conversation confidentielle. Et évitez de vous impliquer dans les affaires dynastiques redaniennes.
- Je préfère justement éviter la politique, donc, vous n'avez rien à craindre, Votre Majesté.
- Qu'est-ce qui m'a trahi ? demanda Radovid.
- Ann. Elle a reconnu votre nom durant la conversation, sans compter que la Salamandre avait précisé qu'ils contactaient Redania. Il y a aussi votre façon de parler en général. Je voulais savoir ce que vous cherchiez avant de vous démasquer.
- Je vois. Si un jour, vous visitez Redania, passez donc me voir à Tretogor. Mais évitez de prendre cette femme avec vous. Adieu.
Un roi disait au revoir, il était donc temps de partir.
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Comme le lui avait dit Yaevinn, il logeait en effet chez Vivaldi qui était très occupé avec des papiers qui lui permettraient certainement de retrouver sa banque. L'elfe se tourna vers la sorceleuse en la saluant chaleureusement. Ann ne voulait pas savoir la tête de la garde ou de Siegfried si on venait à apprendre que l'Ecureuil se cachait ici.
- Que me vaut cette visite ? s'enquit calmement le chef rebelle.
- Je viens demander le remboursement de ta dette.
Il se tourna totalement vers elle, lui accordant sa pleine attention.
- De quoi s'agit-il ? demanda l'Aen Seidhe.
- La Salamandre. Tu les connais, j'en suis certaine.
- Ce sont des dh'oine, mais ils sont plus… dérangeants que les autres. Eh bien, qu'est-ce qu'il en est à leur sujet ?
- Nous sommes sur le point de préparer un assaut pour détruire leur dernière grosse base dans la capitale. Ils seront nombreux, bien trop pour deux sorceleurs. Il y a une réunion qui se prépare au Nouveau Narakort, dans le Quartier Marchand. Tu as réussi à te faufiler jusqu'à la banque Vivaldi, je suis certaine que tu peux le faire jusqu'à cette taverne.
L'elfe eut un air pensif et se caressa le menton tout en réfléchissant.
- Wyzima est lourdement gardée, le Quartier Marchand plus encore. Mais je vais m'arranger pour y parvenir, parce que je te dois bien ça, Chat Noir.
Et elle tourna les talons.
- Un instant, Portgas.
La D. s'arrêta et se retourna vers l'elfe.
- Je suis curieux de savoir, mais, as-tu eu des problèmes, avec ton camarade, suite à ton implication dans le braquage ?
- Non, outre des regards noirs et la Rose Ardente qui semble se retenir de nous embrocher. Normalement, on aurait dû être en cavale pour échapper à la pendaison.
- Etrange… on dirait que quelqu'un vous protège, et je ne songe pas aux dieux.
- Certainement et j'ai l'impression de savoir qui et pourquoi. On ne casse pas ses meilleurs outils avant d'être certain de ne plus en avoir besoin.
La D. reprit sa route vers la sortie en remettant sa capuche sur son crâne.
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Geralt avait fait un détour chez Shani, afin de la tenir au courant. Elle avait hoché la tête pour dire qu'elle comprenait et lui avait ensuite souhaité bonne chance avec un baiser. Le Loup Blanc avait ensuite salué le petit Alvin qui le regardait avec curiosité, avant de s'en aller.
Il tomba nez à nez avec Ann qui lui dit qu'elle avait obtenu l'aide nécessaire.
- Très bien, je vais avertir Zoltan et Jaskier qu'on s'en va.
- Si l'un d'eux voulait bien garder un œil sur mes affaires, je lui en serais reconnaissante. Albina doit bosser, je peux pas la débaucher ainsi. Pendant ce temps, je vais avertir Merigold et Leuvaarden.
- Essayez de ne pas vous entre-tuer toutes les deux.
Un maigre sourire apparut sur le visage de la D. qui arrangea sa capuche en partant.
Elle traversa avec un pas rapide la ville pour rejoindre le New Narakort et y trouva le duo discutant toujours.
- Alors ? demanda Leuvaarden en la voyant arriver.
- Les Scoia'tael de Yaevinn vont nous aider. Alors, soit vous les acceptez, soit vous trouvez mieux.
- C'est mieux que rien, soupira Triss. Je vais contacter leur leader pour qu'il se joigne à nous. Où est Geralt ?
- Il dit au revoir à Jaskier et Zoltan avant de venir.
- Vous avez conscience que cette réunion enragera des gens très puissants. Que beaucoup de choses changeront ?
- J'ai l'habitude.
Ann alla rejoindre la fenêtre la plus proche et l'ouvrit pour s'asseoir dans l'encadrement, retirant ses glaives de son dos pour les laisser pendre entre ses jambes, pendant que Triss demander télépathiquement à Yaevinn de venir au rendez-vous, puis à Geralt de se bouger.
Quelques minutes plus tard, Yaevinn arriva.
- J'étais en route, magicienne, il était inutile de m'appeler ainsi.
Ann ne chercha pas à cacher son ricanement au commentaire de l'elfe.
Pendant un long moment, elle resta à attendre Geralt, avant de se redresser, les sourcils froncés, son Haki percevant de l'agitation en bas. Yaevinn regardait sous ses pieds avec la même. Il se passait quelque chose dans la salle de l'auberge.
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Il n'y avait personne dans l'auberge quand Geralt en passa les portes.
Personne, sauf Vincent qui se tenait au milieu du hall, une main sur la garde de son arme. Visiblement, il l'attendait.
- Toi et ta camarade êtes en danger.
- Pardon ? Pourquoi dis-tu ça ? s'enquit le Loup Blanc avec une certaine perplexité.
- La milice a appris pour ton rendez-vous. La Salamandre a des espions dans l'armée. Tu dois fuir !
- Non, je peux pas, surtout quand on est à ça de les avoir définitivement. Sans compter que Triss et Ann sont là-haut, je dois les avertir.
- Portgas est venu voir pourquoi je faisais évacuer les clients, je lui ai déjà dit tout ça mais elle a refusé de fuir, elle aussi. En attendant, des hommes de la Salamandre seront vite ici.
- Eh bien je les affronterai. Toi, va-t-en.
Un sourire féroce apparut sur le visage de Vincent. Un sourire bien humain cependant.
- Tu dois avoir une piètre opinion de moi si tu crois que je vais te laisser les affronter seul pendant que je prends la fuite. Je me doutais que tu resterais ici à combattre avec ta camarade. Mes hommes et moi sommes prêts. Ils sont tous volontaires !
- Stupide, stupide, stupide Vincent, soupira Ann en finissant de redescendre l'escalier sans sa cape.
- Ne te fais pas tuer, Carmen nous en voudra s'il t'arrive quelque chose, appuya le Loup Blanc.
- Mais elle comprendra, répondit Vincent avec calme.
Ils se tournèrent vers la porte d'entrée et dégainèrent en voyant un commando d'assassins de la Salamandre entrer en grande pompe avec un magicien à sa tête.
- Le Chef de la garde ! reconnut-il. Comment…
- Vous n'êtes pas les seuls à avoir des informateurs dans l'armée, répondit tout simplement le soldat.
La surprise passée, le courage et la confiance revinrent chez les criminels.
- Vincent… vous avez fait une erreur stupide en vous alliant aux deux sorceleurs. Vous n'avez aucune chance !
- On verra bien, siffla Geralt.
Ann jeta quelque chose au sol et un nuage de fumée envahit le hall, laissant assez de temps pour que les renforts de la garde les rejoignent. Quand la fumée se dissipa, cela vira à une bataille brouillonne. Il fallait y regarder à deux fois avant de frapper, sous peine de trancher un allié.
Alors que pendant le combat, le Loup Blanc se retrouvait dos à dos avec Vincent, il ne pouvait s'empêcher de réfléchir à ce que sa présence signifiait.
Un soldat endurci et une catin des bas-fonds.
L'amour véritable.
Un amour qui fut capable de venir à bout d'une puissante malédiction.
Un foutu conte de fée.
Dans un monde dominé par la haine et la violence, empli de bandits et d'assassins… l'amour véritable était encore capable de faire des miracles. Et Vincent en était la preuve.
La preuve que les causes perdues valent qu'on se batte pour elles.
Un foutu conte de fée.
Un dernier corps s'effondra sur le carrelage de l'entrée de la taverne et tout le monde rangea son arme.
- Allez-y, avant que des renforts n'arrivent. Nous allons faire le ménage ici.
Les deux sorceleurs remercièrent Vincent et se précipitèrent à l'étage. Ils n'avaient pas de temps à perdre s'ils voulaient pourvoir attaquer la Salamandre et peut-être enfin retrouver Javed.
- J'ai loupé quoi que ce soit ? demanda Geralt alors qu'ils rejoignaient à grands pas la salle de banquet.
Ann ouvrit la porte et ce fut Yaevinn qui répondit :
- J'ai accepté de coopérer sous certaines conditions.
C'était dans ce genre de condition qu'on réalisait à quel point les sens d'un elfe étaient très affutés. Geralt referma la porte et appliqua Yrden sur le bois pour s'assurer qu'ils ne seraient pas dérangés.
- Nous nous occuperons de ces conditions plus tard, assura Triss. Tout le monde est prêt ?
Pour toute réponse, Ann prit son glaive d'acier en main pour y passer une huile de sorceleur dessus proche pendant que Geralt vérifiait le tranchant de sa propre arme.
- Je vais vous téléporter tous les trois dans la base de la Salamandre, grâce aux coordonnées de la pierre que tu nous as ramenée, Geralt. De là, vous devriez pouvoir trouver le portail de téléportation qu'ils utilisent et le rediriger pour que Yaevinn puisse faire passer son équipe.
Le visage du Loup se referma. Il n'aimait pas du tout l'idée de la téléportation. C'était une méthode de déplacement bien trop dangereuse à son goût.
Avant qu'il ne puisse émettre la moindre plainte, Yaevinn leva une main.
- J'entends des pas, souffla l'elfe.
Ann ferma les yeux et étendit son Haki. Elle récita tous les jurons qu'elle avait entendus dans sa longue vie en reconnaissant ceux qui venaient. On n'eut pas le temps de lui demander une traduction ou ce qui lui prenait quand des bruits d'armures lourdes se firent clairement entendre de l'autre côté de la porte scellée. On s'acharna un instant sur la poignée avant qu'une main lourde recouverte de métal ne cogne contre la porte.
- OUVREZ ! AU NOM DU ROI FOLTEST ET DE LA ROSE ARDENTE !
- Le Nilfgaardien, identifia Leuvaarden avec un léger froncement de sourcil. Le comte De Wett.
- Je pensais pas qu'on se ferait découvrir aussi vite, commenta Geralt.
- NOUS SAVONS POUR VOTRE REUNION ILLEGALE AVEC L'ELFE ! OUVREZ ! OU VOUS SEREZ PENDUS !
Ann alla se planter devant la porte en fronçant les sourcils et lança son Haoshoku. Dans un bruit métallique sourd, toute la petite escouade s'effondra. Satisfaite, la D. s'épousseta les mains et revint vers le reste du groupe. Yaevinn la regardait d'un autre œil à présent, la tête respectueusement basse.
- Bon, Merigold, à moins que tu veuilles attendre leur réveil, il serait temps que tu te bouges sérieusement les miches. Tu nous téléportes ou pas ? demanda Ann.
- Change de ton avec moi ! siffla Triss.
- C'est vous qui devriez changer de ton envers elle, et vous remettre en question ! la défendit Yaevinn à la surprise de tout le monde. Vous vous prétendez une magicienne de talent, mais vous êtes incapable de reconnaître la Marque des Rois quand elle se manifeste ! Un don tellement rare et précieux que vos pathétiques souverains humains ne l'ont plus manifesté depuis des siècles déjà !
Il s'inclina ensuite profondément devant Ann qui le regardait sans comprendre :
- Mes hommes n'y ont pas cru, mais à le voir de mes yeux, je ne peux nier l'évidence, Chat Noir. Où est votre trône ?
- Je crois qu'il a abusé de fisstech avant de venir… on est pas dans la merde ! gémit la D. en se frottant le front. Fais marcher ta téléportation, Merigold, qu'on en finisse.
- Je n'aime pas l'idée de la téléportation, dit Geralt avec un visage fermé.
- Mais c'est notre chance. Je commence, lui dit Triss.
Elle se racla la gorge et leva les mains devant elle. Elles s'illuminèrent de magie, prenant une teinte terreuse translucide pendant qu'elle démarrait son incantation :
- Ak'himbagha, harr'a…
- J'ai déjà vu un mage faire de la téléportation, raconta Leuvaarden qui avait reculé. Il en est ressorti sans ses jambes. Elles sont arrivées cinq secondes plus tard.
- Il n'y a vraiment pas d'autre solution ? demanda Geralt.
- Entendrai-je de la panique chez le Loup de Glace ? taquina Ann.
- …Dar'kh ambra der'ha DREAN !
Et ce fut le noir.
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Geralt rouvrit les yeux et réalisa qu'il était debout dans une caverne. Il vérifia qu'il ne lui manquait aucun morceau de sa personne et regarda autour de lui dans la pénombre. Il était seul.
Où diable est-ce qu'il était cette fois ? Triss avait foiré son coup, ce n'était pas possible autrement.
Et où étaient les autres ?
Remarquant un peu de lumière au bout du couloir de roches et de terre, il s'en rapprocha au trot avant de s'arrêter en remarquant des racines d'arbres gigantesques. Il regarda entre et remarqua une grande salle dans la caverne. Il y avait des lits de camps, des tables pour le ravitaillement et un grand feu de camp. Des hommes de la Salamandre étaient autour du feu à partager des bouteilles d'alcool.
Finalement, Triss n'avait pas foiré tant que ça.
Il remarqua au fond de la salle une silhouette se détacher du mur pour se glisser derrière un des lits et se cacher là.
Ann, il en était certain.
Il recula de deux pas et concentra son énergie. Le signe Aard explosa les racines, les envoyant valdinguer dans le reste de la salle. Cela attira bien entendu l'attention de tout le monde sur Geralt qui fonça à l'assaut. Pour le coup, personne ne vit venir le Chat Noir qui prit le groupe à revers. Ce fut l'affaire de quelques minutes, tout juste trois, pour que la dizaine de brigands morde la poussière et que le sang ruisselle sur les glaives des sorceleurs.
Ann ramassa une bouteille d'alcool miraculeusement intacte et la porta à ses lèvres, pour voir qu'elle était vide. Avec espoir, elle renversa la tête et ouvrit grand la bouche, laissant une maigre goutte lui tomber dans la gorge.
Geralt lui tapota le bras et lui tendit une fiole de Mouette Immaculée.
- Merci. Tu sais ce que je pense ?
Elle jeta la bouteille vide sur un des corps et déboucha la fiole pour en boire une gorgée. Elle la tendit ensuite à son camarade qui l'accepta et but à son tour.
- Je pense que Merigold cherchait à me tuer en m'envoyant ainsi dans le camp ennemi. Un peu plus, et quiconque n'étant pas moi aurait été en mauvaise posture.
- Retrouvons Yaevinn, on verra ça plus tard.
Faire le tour de la salle ne les aida pas des masses. Il n'y avait qu'un passage à prendre, puisque le couloir où Geralt était apparu menait à un cul de sac. C'était au bout de la seule voie possible qu'ils trouvèrent Yaevinn qui était caché dans un renfoncement de la pierre. Il porta un doigt à ses lèvres et leur fit un geste du pouce pour leur dire de regarder derrière le renfoncement, sur la gauche.
Les deux sorceleurs y jetèrent un œil, mais il n'y avait rien derrière le mur. En suivant le mur du regard qu'ils virent ce qu'avait repéré Yaevinn : un portail de téléportation elfique. Désactivé si on en jugeait les pierres pêle-mêle entassées au sol.
- Tu sais où est Triss ? demanda tout bas Geralt à l'elfe.
- Elle a dû rester derrière pour gérer avec Leuvaarden ce fou de De Wett. Je sais par contre qu'elle a lancé l'incantation du Bouclier d'Alzur avant de te téléporter.
- Alzur est un mage renégat, comment peut-elle connaître ce sort ? s'étonna Ann dans un murmure en revenant se cacher dans le renfoncement.
- Le livre que j'ai rendu à Kalkstein, quand je l'ai trouvé, il était ouvert sur la page du sort en question. Je n'y ai jeté qu'un coup d'œil, mais ça a dû être suffisant pour elle, supposa le Loup Blanc. Elle a dû le lire dans mon esprit.
- Les magiciennes et leur non-respect de la vie privée des gens, cracha la D. avec haine.
- Gwynbleidd, Deith Ichaer, mes frères d'armes attendent. Je ne remets pas en doute vos compétences, mais je doute que vous souhaitez qu'on attaque à nous trois l'intégralité de la base de la Salamandre. Et pour ça, faut ouvrir le téléporteur.
- Et comment ?
- Il faut une pierre de pouvoir. La bonne nouvelle, celle qu'ils utilisent est juste là, à droite. Mauvaise nouvelle… voyez par vous-même.
Les deux sorceleurs se penchèrent de nouveau hors du renforcement pour regarder à droite cette fois. C'était un semblant de bureau d'étude pour un mage, juste à côté de pierres dressées qui devaient correspondre à un cercle des éléments. Si le mage était occupé, il restait tout de même lui aussi sous la protection de quelques bandits. Et si on regardait dans le fond de la salle, on voyait un semblant de réunion entre une petite armée de la Salamandre qui faisait face à deux hommes qu'ils n'arrivaient pas à voir à cette distance. Mais le fait est que s'ils attaquaient, ils seraient immédiatement repérés.
- Javed et le Professeur, reconnut Ann grâce à son Haki.
- Si on tue ce petit mage en charge de la pierre magique, tout le monde sera alerté, nous n'aurons donc pas beaucoup de temps, constata l'elfe.
- Les elfes sont les meilleurs archers du monde, tu peux avoir le mage à cette distance ? s'enquit Geralt.
- Sans l'ombre d'un doute, assura Yaevinn.
- Donc, occupe-toi du mage. Ann, tu es la plus rapide et la plus agile de nous deux sur tes jambes. Si tu prends la pierre, tu sauras ouvrir le portail ?
- Oui, suffit juste de la rapprocher, mais pour la synchroniser avec le groupe de Yaevinn, ça sera tout autre chose, répondit la D. en haussant des épaules.
- J'ai une magicienne autodidacte qui sera capable de faire cela. Elle attend l'ouverture de notre côté pour finir la connexion des deux portails.
- Alors nous sommes d'accord. Je m'occupe de couvrir Yaevinn pendant que tu voles la pierre.
L'elfe retira l'arc de son carquois, installa la corde et ensuite arma une flèche. Ann fonça à toute vitesse vers le semblant de bureau, sans chercher à être discrète. Elle était à mi-chemin quand on la remarqua. Mais le mage n'eut pas le temps de réagir qu'il se prit une flèche elfique dans l'œil qui s'enfonça jusqu'au cerveau. L'alerte était donnée à présent et le reste de la salle commençait à réagir. Ann se faufila aisément entre ceux qui avaient servi de protection au mage et parvint au bureau où elle trouva rapidement la pierre mauve de pouvoir. Elle s'en empara et fonça vers le tas de pierres, éjectant avec un Aard bien senti les gars de la Salamandre qu'elle avait sur le dos. Geralt se fit un plaisir de les accueillir, restant à proximité de Yaevinn pour le protéger pendant qu'il criblait autant que possible la salle de flèches. La D. arriva enfin devant le tas de pierres et posa la gemme magique à terre. Immédiatement, la ruine se reforma d'elle-même pour former une arche dans laquelle apparut un portail magique bleuté.
Les premiers renforts de la Salamandre était sur elle qu'ils se recevaient déjà une flèche dans la tête. L'unité de Yaevinn traversait le portail pour se joindre à la bataille. Ils étaient prêts à l'assaut. Ann dégaina son glaive d'acier et alla se jeter elle aussi dans le combat avec Geralt et Yaevinn.
Etrangement, Azar Javed et le Professeur ne vinrent pas se joindre à eux.
Le mage Zerikanien ne lança pas le moindre sort pour aider ses hommes. Non, rien du tout.
C'était presque à croire qu'ils les attendaient.
Aussi, Geralt et Ann échangèrent un regard dans la mêlée et quittèrent l'échauffourée pour se diriger résolument vers les deux chefs de cette organisation criminelle. Et même si leur intention était claire, aucun des deux hommes humains au fond de la grotte ne réagit, restant immobiles à les attendre dans les lueurs des nombreux feux de camps et braséros.
La première chose qui sauta aux yeux des mutants, c'était la présence d'un portail magique que Javed avait dû invoquer, juste derrière lui, entre deux stalactites.
- Le Loup Blanc et le Chat Noir, on vous attendait justement, sourit moqueusement Javed.
- Je vois que nous sommes tous là, remarqua Geralt alors que un à un, les elfes commençaient à se rapprocher en délaissant le combat sur sa fin à l'autre bout de la grotte. C'est bien comme ça, on va pouvoir en finir…
Son glaive sur l'épaule, Ann mordillait un de ses poignards, explicitant comment l'affaire allait être réglée.
Le mage se contenta de rire moqueusement.
- Je t' ai sous-estimés dans les marais, tu m'as eu par surprise cette fois-là, je vous l'accorde. Mais pas aujourd'hui. Tu poursuis ton but sans relâche, Loup Blanc, peu importe les sacrifices… les elfes et cette petite mutante, que tu as pris avec toi, vont mourir ici aujourd'hui. Ils y sont condamnés.
- La petite sorceleuse te met au défi, mage stupide, rétorqua Ann en plissant les yeux.
- Tais-toi, femme, lui dit le Professeur en la braquant de son arbalète. Laisse les hommes parler.
- Je ne suis pas une femme, bloed dh'oin ! gronda Ann.
Geralt lui attrapa le bras pour l'empêcher de sauter dans l'assaut.
- Les elfes sont condamnés ! se moqua Javed. Les Humains n'ont fait qu'accélérer l'inévitable. Si seulement tu pouvais faire preuve de sagesse, tu serais capable de voir le Grand Projet, continua le mage en parlant à Geralt comme si Ann n'existait pas.
- Et si on refuse ? demanda calmement le Loup Blanc en resserrant la main sur son arme.
- Rien ne changera, sauf qu'il y aura un sorceleur de moins dans le monde. Je garderai la femme encore en vie un moment… afin de mettre correctement à l'épreuve ses mutations et voir combien de temps il lui faudra avant qu'elle ne tombe en morceaux dans mes mains… dommage qu'elle soit qu'une saloperie de mutante et donc stérile, j'aurais bien essayé de voir le genre d'enfants qu'elle aurait pu me donner !
Les yeux d'Ann se mirent à luire de haine et de colère alors qu'un grondement de bête sauvage sortait de sa gorge et un rictus menaçant déformait ses traits. Geralt resserra sa prise sur le bras de sa camarade. Il sentait quelque chose en elle qui lui faisait se dresser les poils sur les bras.
- Le Grand Projet prévoit toutes les résolutions possibles. Rejoins-nous ou cesse d'être un obstacle, continua Azar en ignorant de nouveau Ann. Tu te bats au nom de principes vagues dans le meilleur des cas, alors que tu es prisonnier du labyrinthe formé par les projets des autres à ton égard. Tu ne connais pas le Grand Projet. Regarde ce pays ! Il est gouverné par un monarque dégénéré qui a permis à sa monstrueuse progéniture d'assassiner son peuple pendant des années. Sans parler que, durant la guerre, il a laissé Nilfgaard piller et raser les royaumes voisins avec qui il était pourtant allié.
- Abrège, lui recommanda Geralt en levant son arme pour montrer qu'il allait finir par attaquer.
- Si ce n'est pas Foltest, ça sera qui ? La Loge des Magiciennes ? Tu n'as pas la moindre idée de ce que ces chiennes ont fait après la guerre pour influencer les traités de paix. Les déportations, la réoccupation et l'éternel irrésolu conflit avec la Scoia'tael, et j'en passe d'autres…
- Et donc, ta brillante conclusion? s'enquit Geralt qui sentait qu'il ne pourrait plus retenir Ann longtemps avant qu'elle n'explose.
- La Salamandre n'est pas le mal. Pas plus que ceux qui ont la volonté de forger leur propre destinée.
- Si la Salamandre n'est pas le mal incarné, que dis-tu de Javed ? Amoral, violeur, assassin, traître… comment nommes-tu cette créature ?
Geralt regarda Ann qui se débattait toujours contre son bras pour aller défoncer la gueule du Professeur qui se foutait d'elle. Des fissures commençaient à apparaître dans le sol sous le Haoshoku qu'elle luttait pour garder sous clef pour ne pas envoyer les elfes dans l'inconscience. Impossible de la calmer. Il rapporta son attention sur Azar, attendant sa réponse. Et il eut droit à un rire et un sourire arrogant.
- Le futur.
Ann eut un rire un brin hystérique, coupant la conversation entre les deux hommes.
- Ahahahaha ! rit-elle dans son hystérie. D'autres brillantes remarques ou je peux enfin vous tuer tous les deux ?!
Geralt ne laissa pas le temps aux hommes de répondre. Il lâcha le fauve qui se jeta sur le Professeur avec son poignard et son glaive prêts à trancher dans le vif.
Azar voulut jeter un sort, mais une sorte de bulle électrique mauve apparut autour de Geralt juste à cet instant, les envoyant tous à terre. Javed se releva presque immédiatement, et jeta une barrière pour bloquer les alliés elfiques avant de fuir, laissant le Professeur derrière. L'assassin s'enfonça alors dans un autre tunnel pour compenser le fait qu'il n'avait pas eu le temps de passer le portail. Ann roula sur elle-même et rangea son glaive pour le remplacer par un autre poignard pour se jeter à sa poursuite.
En se relevant, Geralt avait une certaine fierté de ce qu'il s'était passé.
Dans les marais, Javed avait fui devant eux alors qu'il aurait pu facilement les achever et fouiller tranquillement la tour du mage pour trouver le livre avec le Bouclier d'Alzur qui venait de se manifester.
Au lieu de ça, il avait choisi la fuite.
Comme aujourd'hui. Et cette fois, devant le magnifique travail du Bouclier d'Alzur, l'homme avait eu tellement peur qu'il avait abandonné le Professeur derrière lui.
Et cette fois, il ne laisserait pas l'assassin de Léo s'en tirer à si bon compte.
Le Loup Blanc secoua la tête pour retrouver ses esprits et se tourna vers Yaevinn de l'autre côté de la barrière magique, qui lui demandait comment il allait. Les elfes eux aussi se relevaient. Et d'autres n'avaient plus cette possibilité.
- Ouais, répondit le sorceleur.
- Javed voulait invoquer une frappe divine. C'est ça qui nous a tous projetés à terre et le Bouclier d'Alzur a dû te protéger. Je t'en prie, Gwynbleidd, protège Deith Ichaer. La barrière nous en empêche alors qu'elle est à la poursuite du Professeur.
- Pourquoi cet intérêt pour Ann ?
- Elle a la Marque des Rois. Une preuve dans son sang et dans sa volonté qui a disparu dans les siècles et la stupidité des humains. Elle n'est peut-être pas de sang noble, mais elle peut devenir une reine. Une grande reine qui pourrait représenter l'espoir de la fin des massacres. C'est trop long à expliquer. Je t'en conjure, protège-la.
Geralt avait bien l'intention d'obtenir ses réponses un jour ou l'autre. Il tourna les talons et partit à la poursuite d'Ann.
Au bout de l'autre couloir, il fut simple de la retrouver.
Elle avait marqué son passage par le corps de petites kikimores ouvrières qui baignaient dans leur sang, et plus loin, par ceux de bandits de la Salamandre qu'elle avait taillés en morceaux.
Il n'avait même pas besoin de son arme pour se battre contre les bandits et les kikimores guerrières qui lui foncèrent dessus. Le Bouclier d'Alzur le protégeait en repoussant tous les coups loin de sa bulle d'influence, sans oublier, des traits de foudre foudroyaient tout ce qui avait la moindre intention hostile à son encontre.
Plus loin, il vit Ann qui se taillait un chemin vers le Professeur qui se tenait devant un laboratoire de fortune en la narguant :
- Il ne fait aucun doute que ta vie va se finir vite et tu réaliseras à quel point elle fut inutile ! Tu mourras, sale chienne, en sachant que tu n'es qu'une aberration !
- Va te faire enculer sac à merde ! lui rétorqua Ann. Je ne suis pas une femme, ni une chienne !
- Dis-moi donc pourquoi vous ne faîtes pas d'autres sorceleurs ? La réponse est simple, même une femme devrait la comprendre : vous avez conscience qu'il n'y a pas de place pour vous dans ce monde ! Ta simple existence, et celle de ton ami Loup Blanc ne sont dues qu'à la Conjonction des Sphères. Mais votre créateur a fait une erreur. Tu es une femme, tu ne peux pas comprendre comment, mais je vais te l'expliquer simplement.
Le Loup balaya les derniers obstacles pour rejoindre Ann. Malgré le bruit de la bataille, il entendait son souffle rauque. Vrai, elle avait une vieille blessure qui empiétait sur son endurance. Et ses yeux injectés de sang disaient qu'elle était déjà sous l'influence de plusieurs élixirs, certainement pour compenser.
- Boucle ta boite à merde ! TA GUEULE ! rugit Ann.
Geralt passa derrière un homme de la Salamandre qui le coupait du Professeur et se jeta sur l'assassin. Son glaive trancha proprement l'homme, le projetant au sol, laissant Ann mettre fin au combat.
Au milieu des corps des pions de l'organisation, le Professeur se redressa de son mieux, une main sur sa poitrine dans le faible espoir d'endiguer le sang. Sur les fesses, il recula vers le laboratoire de fortune dans l'ombre d'un brasero.
- Tu as triomphé… vas-y, je t'en prie ! Tes secrets sans prix de sorceleurs t'attendent avec ta chienne… haleta le Professeur.
Il leva les mains tout en continuant de ramper sur le dos pour s'éloigner des deux sorceleurs en approche, alors que le Bouclier d'Alzur se dissipait.
- Tu as ce que tu voulais… Un peu de pitié pour les vaincus ! continua l'homme.
Geralt continua son avancée avec une Ann haletante à sa gauche. Il fit tournoyer un instant son glaive et acheva un guerrier de la Salamandre qui rampait en essayant de fuir la zone de combat.
Cela montrait parfaitement ce qu'ils pensaient de sa requête.
- Ça ne coûtait rien d'essayer… souffla le Professeur en continuant de ramper.
Il se redressa brutalement et visa avec un de ses poings les deux sorceleurs pour tirer un carreau d'une petite arbalète discrète qu'il cachait dans sa main. Sans même battre des paupières ou réfléchir, le Loup Blanc leva son glaive pour dévier le carreau, sans pour autant arrêter son avancée.
En dépit des lunettes aux verres noirs, il était facile de voir que le Professeur était surpris.
- Donc, vous pouvez vraiment intercepter une flèche en plein vol…
- Léo n'était qu'un novice quand tu l'as tué. Un novice avec une mutation incomplète. Il n'avait pas passé l'Epreuve des Herbes, seulement celle du Choix… Tu crois vraiment qu'un sorceleur endurci qui a passé les trois épreuves est du même niveau que le gosse que tu as tué ? siffla Ann. T'es pathétique !
- Boucle-la, femme !
- Je suis pas une femme, je suis une pirate, bloed dh'oine !
Les deux sorceleurs étaient sur lui à présent quand l'homme réarma rapidement son arbalète et tira dans une étrange cuve sombre derrière lui. Le verre se fissura.
Et ce fut l'explosion.
Le sol s'effondra sous eux, les entraînant dans un autre réseau de grottes qui avaient dû être des mines à une époque. La chute aurait été terrible pour n'importe quel humain, mais les mutants s'en sortirent sans la moindre égratignure. Geralt se remit souplement debout, et regarda autour de lui pour chercher sa camarade ou son glaive d'acier qu'il avait perdu. Il la trouva allongée sur le dos, les bras en croix, cherchant à inspirer le plus d'air possible.
- Kikimores… ça schlingue la kikimore… toussa Ann.
Il était vrai que l'odeur caractéristique de ces insectes étaient dans l'air. Et en regardant un peu mieux autour d'eux, il vit contre les parois rocheuses les gros œufs gris parsemés de tâches lumineuses bleues que pondaient l'espèce.
Ils étaient dans un nid de kikimores.
- Ne restons pas là. Debout, Ann.
Elle ferma les yeux en toussant de nouveau et serra les dents comme pour ravaler sa fierté. Elle leva un bras et son camarade s'en saisit, l'aidant à se remettre sur pied. Elle vacilla un instant, mais pas assez longtemps pour que Geralt ne passe pas un bras autour de ses épaules pour la soutenir.
- Tu es blessée ?
- J'ai les os solides… cadeau de mon grand-père… et de mon vieux, j'crois…
Elle recommença à tousser, se tenant la poitrine au niveau de sa blessure.
- Contente-toi de respirer et de mettre un pied devant l'autre. On verra pour que Shani t'examine.
Un grognement attira leur attention un peu plus loin.
Le Professeur avait fini là-bas.
Et le destin avait fait que le glaive de Geralt, dans sa chute, s'était encastré dans son abdomen. L'assassin leva un bras mourant alors que les deux mutants se rapprochaient.
Quelque chose se mit en marche dans le crâne du mutant.
Il ne devait pas approcher plus. Il devait fuir.
Qu'est-ce qui lui donnait cette impression ? Ce désir de prendre la fuite ?
Un bruit sourd s'éleva du sol et la roche finit par s'effondrer pour laisser le passage à une kikimore très grosse. Plus grosse qu'une kikimore guerrière et plus grande aussi. Sans parler de sa peau luisante jaune voire rougeâtre par endroit, elle avait trois paires de pattes plus petites sous l'abdomen qui devaient aider à la ponte d'œuf.
Une reine kikimore.
Elle plongea sur le Professeur comme s'il l'avait personnellement offensée et planta ses mandibules dans sa chair, le coupant en deux. Le haut du corps finit entre les jambes de Geralt et le bas un peu plus loin, vers un tunnel, avant que le monstre ne replonge sous terre en faisant un nouveau tunnel dans la roche.
- C'était une reine… hein ? haleta Ann avec une expression blasée.
- Hm.
- Et merde…
Le Loup Blanc allait se mettre à courir, sachant qu'il n'y avait aucune chance qu'ils puissent s'en sortir en combat contre un monstre pareil, quand il remarqua des enveloppes dépassant de la tunique de la moitié d'assassin qu'il avait à ses pieds. Il attrapa les lettres qu'il fourra dans sa besace à élixir et se précipita aussi vite qu'il le pouvait vers son glaive d'acier pour le remettre à son dos.
- T'es prête ?
Ann hocha la tête en se dégageant de l'épaule de son camarade, essayant d'inspirer autant que possible pour reprendre son souffle.
Ils partirent d'abord au trot vers le couloir de la mine abandonnée en évitant les rails et les nids de kikimores. Le couloir avait été renforcé mais c'était il y a longtemps, et aujourd'hui un peu de poussière tombant du plafond montrait que celui-ci était instable et qu'une bonne poussée pourrait le faire s'effondrer.
Mais tout juste eurent-ils mis le pied dans le boyau que la reine refit surface. Ils regardèrent la créature chitineuse par-dessus leurs épaules, sachant que ce n'était pas quelque chose qu'ils pouvaient affronter avec leurs glaives. Elle avait trop force et elle était bien trop solide pour ça.
Ils n'avaient plus qu'une seule option :
La fuite.
Ils filèrent vers le couloir, le monstre sur leurs talons.
Testant une idée, Geralt lança vers un des piliers de support un signe d'Aard. La vague d'énergie percuta le vieux bois qui se brisa. Pour le coup, le plafond s'effondra, bloquant temporairement le passage au monstre. Il échangea un regard avec Ann en reprenant sa fuite pour voir si elle avait vu et elle hocha la tête.
Oui, elle comprenait l'idée et oui, elle pouvait aider.
Ils continuèrent leur avancée dans le nid et dépassèrent d'autres piliers alors qu'ils entendaient la reine foncer dans les gravats, les virant de son passage avec simplicité. Ann s'arrêta de courir pendant que Geralt continuait de prendre de l'avance et attendit.
Quand son Haki lui dit qu'il était temps, elle lança à son tour Aard, puisant dans son endurance déjà faible. Elle tourna les talons et courut à bout de force vers son camarade qui l'attendait plus loin au bout du couloir, nettoyant quelques kikimores qui n'avaient pas encore fui l'effondrement des derniers piliers.
- Continu de courir, je gère le reste ! lui dit Geralt en la voyant s'approcher.
Sachant qu'elle avait tout juste assez d'air pour courir, elle ne broncha pas et continua d'avancer dans la pénombre, traversant une salle emplie de kikimores. Elle les esquiva de son mieux, entendant vaguement Geralt faire effondrer un autre pilier. Il la dépassa et l'attrapa par le bras pour la faire accélérer dans la traversée de la pièce en slalomant entre des piliers plus nombreux, jusqu'à un nouveau couloir.
- Prends à gauche ! lança le Loup en préparant un nouveau signe dans sa main. On va lui faire tomber le plafond dessus !
Sans poser de question, Ann lança le signe de Aard sur le pilier le plus proche d'elle à sa gauche pendant que son camarade en faisait de même à droite, avant de la plaquer dans un renfoncement du mur, les sauvant tous deux de l'effondrement du toit de la salle.
La reine kikimore s'effondra sous la pluie de pierres alors que ses enfants mouraient aussi autour d'elle ou prenaient la fuite.
Malgré quelques cailloux qui continuaient de dévaler les piles de roches et la poussière, le calme revint. Doucement, Ann se laissa glisser au sol le long du mur et porta le col de sa tunique à sa bouche pour tousser dedans et reprendre son souffle en filtrant la poussière.
Geralt recula de deux pas et se laissa tomber sur la paroi opposée à elle.
Ils pouvaient bien prendre cinq petites minutes pour souffler.
Il tira de sa besace ce qu'il avait ramassé sur le Professeur.
Il pouvait laisser le temps qu'il fallait à sa camarade pour qu'elle retrouve son souffle. Après tout, il avait de la lecture pour s'occuper.
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.
Geralt n'aimait pas ce qu'il venait de lire. Il avait fait la lecture à Ann qui avait eu un rire narquois devant les révélations.
Il y avait d'abord un rapport du Professeur, mentionnant une alliance entre le Salamandre et la Princesse Adda, décrite comme une catin pourrie-gâtée, qu'il était en plus de ça difficile d'influencer. C'était elle qui était derrière l'idée de la Loi Martiale et apparemment, le but initial avait été de mettre en place un statut d'urgence dans la capitale. C'était elle aussi qui était derrière les faux-édits royaux. Le Professeur avait aussi compris qu'il devrait s'occuper personnellement de ce « fils de chien » de Geralt de Riv. Il y était aussi question de quelqu'un qui avait fourni une substance qui avait permis de contrôler les kikimores et leur reine. Tout ça, parce qu'ils avaient réussi à faire fonctionner un laboratoire et enfin exploiter les secrets de Kaer Morhen.
Il y avait eu un petit passage sur Ann disant qu'Azar avait pris un intérêt à la fois scientifique et sexuel à son intention. L'instinct de préservation avait fait qu'il n'avait pas lu le passage à haute voix. Ann l'aurait très mal pris. Elle était une sorceleuse, pas une prostituée ou une fille facile.
Le point positif de ce rapport disait que Foltest n'allait pas tarder à revenir, ce qui changerait totalement la donne.
Le second papier était une lettre confirmant qu'ils avaient un grand intérêt en Alvin mais que celui-ci avait apparemment réussi à fuir grâce à un portail. C'était bien les Sources, ça. Capable d'exploits magiques que les magiciennes mettaient parfois des mois si ce n'est des années à maîtriser. Si l'homme avait retrouvé sa trace, il n'avait cependant pas les moyens de partir à sa poursuite, d'où le pourquoi il avait envoyé quelqu'un qu'ils devaient tester. Il n'avait peut-être aucune confiance dans la loyauté de l'homme en question, mais il était important de retrouver Alvin apparemment, quel que soit les plans de la Salamandre. Sans lui, ils n'y arriveraient pas. Le professeur avait eu l'idée de mettre le nom de la destination : le village d'Eaux Troubles.
Ils n'avaient aucune idée de qui était l'homme sur la mission, mais il venait de se faire un ennemi terrifiant. Et certainement pas les sorceleurs. Non. Shani était l'ennemie en question. Il n'y avait pas pire qu'une guérisseuse en colère.
- Tu veux que je parte à la recherche de l'enfant pendant que tu te rassures que Shani va bien ? proposa Ann alors qu'ils suivaient un courant d'air pour trouver la sortie.
- Je veux bien. Ces documents ne me rassurent pas.
Ils finirent par trouver des escaliers taillés dans la roche dont ils grimpèrent les marches l'une après l'autre pour sortir dans la nuit par un petit dans la pierre d'une tour de la ville.
Dehors, ils se retrouvèrent dans la pleine herbeuse menant au port.
Avec un sacré comité d'accueil :
Une petite escouade de l'armée Témérienne les attendait. Les arbalétriers les braquèrent immédiatement alors que les fantassins dégainaient leur épée en levant leur bouclier. La princesse Adda dépassa les lignes armées pour rejoindre un chevalier de la Rose Ardente qui se tenait au premier rang des troupes armées.
Ann jeta un œil à Geralt puis se reconcentra vers les soldats pendant que la princesse continuait de s'avancer vers eux pour parler tout bas :
- J'aurai dû savoir… que vous découvririez… qui se cachait… derrière les faux édits royaux. J'ai eu tort… de ne vous voir… que comme de simples… chasseurs de monstres…
- C'est rafraichissant quand les gens réalisent que je suis la pire ordure du monde et une menace à moi toute seule ! sourit joyeusement Ann comme si elle ne risquait pas de se faire cribler de flèche à un moment ou un autre.
- Plus vous me connaissez, plus je deviens impressionnant, nota sarcastiquement Geralt.
La princesse rejeta en arrière ses cheveux blanchis prématurément et croisa ses bras dans une attitude très hautaine, avec pourtant une lueur indéchiffrable dans les yeux.
- Une chance… que vous n'ayez… pas tout… déduit ? demanda-t-elle.
- Aucune, t'embête pas chérie, t'es pas la première et tu seras pas la dernière à tenter ce genre de truc ! se moqua Ann avec une moue moqueuse.
- Je sais que vous planifiez un coup d'état pendant que votre père est absent et ainsi, prendre le pouvoir. Je sais aussi que vous avez trouvé un allié dans la Salamandre, informa le Loup Blanc.
La princesse plissa les yeux en regardant les deux sorceleurs.
- Mes plans restent inchangés… et aucun de vous deux… ne m'arrêtera…
Avec un déhanché d'allumeuse, elle s'éloigna pour revenir vers le Chevalier de la Rose Ardente.
- Je vous condamne… à mort ! dit-elle en parlant plus fort. Et la sentence… sera exécutée… immédiatement !
- Son altesse Adda à parler, oh lalala ! On est condamnés à mort ! se moqua Ann en plaquant ses mains sur ses joues.
- Tu mourras… la première… sorceleuse ! siffla la princesse avec colère.
- Tu sauras, chérie, que j'ai déjà échappé une première fois à une condamnation à mort. A force de regarder la Mort dans les yeux, apprendre que l'on va te tuer te laisse de glace ! Regarde le vieux loup vicelard ! Il a pas l'air plus remué que ça par ton ordre.
Extérieurement, Geralt avait l'air de se faire chier, mais intérieurement, il réfléchissait à un moyen de s'échapper.
- Mes excuses… sorceleurs… mais le Pouvoir Royal… ne dort jamais…
Il regarda Ann qui lui offrit un clin d'œil.
Elle avait un plan, il pouvait continuer à essayer de gagner un peu de temps. Pendant que sa camarade croisait ses mains dans son dos pour récupérer deux petites bombes artisanales de sorceleurs qu'elle cachait là, Geralt revint à Adda.
- En tant que condamné à mort, j'ai le droit à une dernière faveur. Et je veux un dernier baiser de vous, princesse.
Et il fit un pas vers elle.
La princesse écarquilla les yeux.
- C'est une demande… scandaleuse… siffla la princesse. Mais le dernier vœu… d'un condamné… est une tradition sacrée.
Elle s'avança vers Geralt qui passa un bras possessif autour de son dos en prévision du baiser.
- Qu'il en soit ainsi, annonça la princesse avec dignité.
Ann leva la tête vers le ciel en fronçant les sourcils avant de grogner et de se frapper le visage, pendant qu'à côté, son camarade était sur le point d'embrasser la princesse.
Et l'instant suivant, les deux mutants disparurent dans une lueur bleutée, sous le regard féroce d'une magicienne rousse.
- Même pas en rêve, sorceleur, dit-elle depuis sa cachette.
