Bonne année, bonne santée à tous !

J'espère que vous avez fait attention à vous durant le réveillon, et que vous avez passé de bonnes fêtes.

Aujourd'hui, on reprend notre traque et on s'attaque au problème épineux de Adda. Avec une tête de coupée en bonus. M'enfin, je vous souhaite une bonne lecture et comme toujours j'attends vos retours (je vous promets que je ne mords pas).

Bonne lecture et à bientôt.

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- Enfin sorti de cet enfer ! s'exclama presque joyeusement Zoltan.

Ace n'était pas tout à fait d'accord, vu qu'il était dans l'eau des marais jusqu'aux genoux, mais soit. Ils avaient des réfugiés à évacuer de toute façon.

Sauf que les marais, eux, n'étaient pas tout à fait d'accord. Et pour le leur montrer, ils leur envoyèrent des monstres. Beaucoup de monstres. Ekynopses, Bloedzuigers, Noyadés…

- Assure-toi de garder les réfugiés loin d'eux, on s'en charge, lui dit Geralt en brandissant son glaive d'argent.

- Pas besoin de le dire deux fois ! VROOOOAAAARRROAROOOORROOOAAAAR !

Les deux mutants foncèrent à l'assaut, tranchant aussi vite que possible un maximum de monstres. Mais pour un de tombé, cinq prenaient le poste. C'était à croire que les marécages voulaient vraiment leur mort.

Jusqu'à ce que les dernières personnes qu'ils pensaient venir à leur aide, viennent justement leur filer un coup de main : un escadron de la Rose Ardente, mené par le Grand Maître en personne. L'homme avait fait disparaître un arbre effondré qui bloquait la voie avant de passer à l'assaut. Même si l'acier n'était pas très efficace contre les monstres, ils avaient des armures assez grosses pour résister à leurs coups assez longtemps et donc, occupaient les habitants des marais assez longtemps pour qu'ils puissent être exterminés. Sans parler que Jacques d'Aldersberg avait la magie pour lui, ce qui était très efficace.

Le combat fini, il se tourna vers les deux mutants avec une étrange lueur dans le regard.

- Tout va bien, sorceleurs ?

- Tout baigne, j'vais m'installer ici ! assura Ace avec ironie.

Geralt lui adressa un regard lui disant clairement de la boucler avant de revenir au chevalier de la Rose Ardente devant eux.

- Vous êtes arrivés juste à temps, dit le Loup Blanc à l'homme.

- Je suis Jacques d'Aldersberg, Grand Maître de l'Ordre de la Rose Ardente.

Geralt bougea sa jambe et écrasa le pied de son camarade sous l'eau des marécages, l'empêchant de faire un commentaire qui lancerait des hostilités qui pouvaient être évitées pour l'instant. Ils devaient songer aux réfugiés d'abord.

- Geralt de Riv et…

Geralt se tourna vers son camarade pour savoir comment il allait se présenter.

- Hiken no Ace, se présenta le D en comprenant l'invitation.

- Nous sommes des sorceleurs, termina le Loup Blanc.

- Etrange nom, encore plus étrange que l'autre identité sous laquelle vous êtes connu, commenta le Grand Maître en regardant Ace.

- Mon nom vous emmerde royalement.

- Je m'en doutais, les rumeurs sur votre langage ne sont pas à la hauteur de la triste réalité. J'ai beaucoup entendu parler de vous deux, de vos exploits, de vos actes… et ce, d'une source fiable.

- Vous pouvez expliquer ? s'enquit Geralt en appuyant un peu plus sur les orteils d'Ace qui se retint de grimacer.

Cela tira un rire narquois à l'homme en armure.

- Geralt de Riv qui me demande des explications. Lui qui fait part si généreusement profiter les autres de ses morales et sages paroles !

Geralt avait beaucoup de défauts, mais entendre celui-ci, c'était une première. Pour le Loup Blanc aussi, ce devait être nouveau.

- Excusez-moi de ne pas rire, mais je n'ai pas compris la blague.

- Je n'ai pas l'intention de m'expliquer. Contrairement à vous, je suis plus un homme d'action. Et j'ai envie de rire quand je me rappelle de vos pseudos réflexions philosophiques !

Encore plus incompréhensible. Mais de quoi diable parlait Jacques ? Geralt l'avait-il rencontré avant son amnésie ? Non, si cela avait été le cas, il ne se serait pas présenté.

- Seul le temps permet d'apprendre, sorceleur, continua le Grand Maître. Et c'est seulement avec du recul qu'on peut comprendre ce qui est juste – qui est humain, qui est un monstre, ce qui est mal et comment le vaincre.

- Ok monsieur moralisateur, intervint Ace en dégageant son pied de sous celui de son compagnon. Ce n'est ni le lieu, ni le moment de jouer aux devinettes, donc, pourquoi tu ne parles pas clairement en disant où est ton souci avec de Riv et pourquoi tu es aussi amer ! Si t'as pas l'intention d'être plus clair, nous, on va aller de notre côté, et toi, de l'autre. Wakkatta ?

- Toujours aussi direct et insolent, mais je présume que même un changement anatomique ne peut rien faire contre une mauvaise éducation.

Ace serra les poings, dont celui qui tenait toujours son sabre en argent. Rien à faire que ce soit celui pour les monstres, il allait l'enfoncer dans le cul de ce gars et lui parler de changement anatomique.

- Cependant, je tiens à m'excuser. Je suis du genre… irritable. Sachez cependant que certains de vos actes qui m'ont été rapportés, et même si je ne les approuve pas tous, je suis toujours très curieux de les entendre, continua l'humain.

- Et qu'avons-nous fait pour gagner ainsi l'intérêt du Grand Maître de la Rose Ardente ? demanda patiemment Geralt.

- Disons que j'aime savoir ce qu'il se passe en Temeria. Cela me permet d'arriver au bon endroit au bon moment.

- Chez moi, on appelle ça des stalkers, apprit Ace. Honnêtement, j'en ai rien à foutre de ce qui te fait bander, mec, mais pour avertissement, les pervers qui s'intéressent à moi ne font pas long feu. Littéralement. Donc, il vaut mieux que tu restes loin.

- Vulgaire, pour ne pas changer.

- On n'attend pas de bandits à ce qu'ils fassent des balades dignes de Jaskier. En tout cas, je n'ai aucune honte à dire que ma nourrice menait sa bande de maraudeurs d'une main de fer et avec une langue à faire rougir de honte n'importe quel sergent instructeur.

- Ace, tais-toi s'il te plaît, siffla Geralt en avertissement.

Il se retourna vers Jacques qui avait l'air vaguement amusé devant le D.

- Merci pour votre aide.

Jacques balaya le remerciement de sa main gantée d'acier.

- Même si vous n'êtes pas humain, il est le devoir de tous les chevaliers d'aider ceux dans le besoin. C'est un des codes de notre vocation.

- De belles paroles, mais elles sonnent creux quand on entend le hurlement des assassinés. Après tout, cela ne s'applique ni aux nains, ni aux elfes, non ?

Le pirate adressa un regard noir à Geralt. On lui reprochait de chercher la merde, pourtant, là, c'était le Loup Blanc qui s'y mettait. C'était quoi cette injustice.

- Votre erreur. La Loi de l'Ordre est claire, chaque chevalier jure de faire respecter la loi. Vous ne pouvez nier que la rébellion non-humaine est contre la loi du royaume. L'Ordre a été fondé pour défendre la loi, pour maintenir la paix et s'assurer notre survie devant la venue du Froid Blanc.

- Wyzima était une cité elfique à la base que les humains leur ont volée, rappela Geralt.

- Nous savons tous les trois que cela est négligeable. Je regrette ce qu'il se passe, mais les non-humains ont pris les armes. Et il n'y a qu'une seule façon de sauver le monde de l'annihilation.

Ace eut un « tss » éloquent, cracha dans l'eau sur le côté et se détourna pour rejoindre Zoltan et les réfugiés.

- Savez-vous la moindre chose sur l'Ordre ? demanda Jacques sans lever la voix, sachant parfaitement que les sens de sorceleur pouvaient l'entendre parfaitement sans qu'il ne monte le volume. L'Ordre est une idée, depuis ses fondations, jusqu'à son sommet. Notre mission, notre vision. Notre objectif est un monde nouveau, un ordre nouveau qui viendra après le Froid Blanc. Un monde où tout le monde aura ce qu'il mérite, pas par naissance ou par connexion. Un monde où les forts aident les faibles et où le crime est puni justement. Un monde avec des principes et des idéaux clairs. Tout le monde peut nous rejoindre, qu'ils soient paysans, marchands ou même sorceleurs. Les chevaliers ne demandent pas d'argent et sont promus par leurs actes.

- Baka bakachi. J'ai vu assez d'horreurs pour savoir que le seul moyen de vivre dans un monde utopique, c'est sous un régime totalitaire avec un contrôle permanent ! cracha Ace depuis sa place à côté de Zoltan.

- Je remarque surtout que l'homme à qui reviendra l'honneur de choisir qui vivra dans ce nouveau monde, c'est vous, Grand Maître. C'est de la démagogie, des mots qui cachent une faim pour un pouvoir absolu. Après tout, il va falloir ramener sur le droit chemin ceux qui s'en éloigne… Non, Jacques, je passe mon tour pour un paradis de ce genre.

- Sorceleur Portgas ? demanda Jacques.

- Je ne t'ai pas donné ce nom, lui dit Ace. Et je suis né dans l'enfer, j'ai vécu dans l'enfer et je mourrai dedans aussi. J'emmerde le paradis. Trop chiant. Trop blanc. Trop propre et mensonger.

L'homme eut un soupir déçu.

- J'espère que quand le temps viendra, vous comprendrez.

- Ne vous attardez pas pour nous, nous n'aimons pas devoir des faveurs aux autres, conclut Geralt avec un geste de la main invitant le chevalier à reprendre sa route.

- Vous l'avez déjà payée, votre dette.

Ah bon ? Quand ? Comment ?

Mais Jacques ne leur donna aucune explication. Il s'en alla avec son escadron, laissant des non-humains perplexes derrière lui.

Le groupe reprit donc sa marche, s'enfonçant encore plus dans les marécages, au point qu'avancer en devenait difficile. L'eau leur arrivait à la taille, soit aux épaules pour les nains qui, pour la majorité, se mirent à nager pour plus de commodité.

Destination : une cave où des druides avaient pris refuge.

Une fois tout le monde à l'abri, ils pourraient faire leur boulot.

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L'ancien cimetière était sur un îlot à moitié en ruine et isolé au milieu du marécage. Le truc le plus percutant, outre l'apparence décrépit, était la crypte d'apparence riche, que le temps commençait pourtant à marquer.

L'ancienne crypte royale, là où Adda fut enterrée à la naissance, avant qu'on ne découvre que la malédiction de la strige l'avait rendu à la vie et qu'il fallait empêcher une fillette de sept ans de continuer à massacrer la capitale du royaume de son père. Plusieurs décennies plus tard, Geralt revenait.

Et pour la même raison : désenchanter la princesse strige Adda.

Sauf que contrairement à la première fois qu'il était venu, s'il avait eu la possibilité de s'en rappeler, il aurait réalisé une grosse différence. Aujourd'hui, il y avait un petit groupe de réfugiés aux abords de la chapelle.

Un vieillard vint à leur rencontre et leur demanda s'ils n'avaient pas vu son fils, un gamin de douze aux cheveux couleurs paille et des tâches de rousseurs. Le pauvre homme entretenait un feu, apparemment pour le guider au travers la brume, mais avec toutes les horreurs qui trainaient dans les marais, sans compter les brouxes et garkains qui avaient laissé des traces autour de la chapelle, peu de chance que l'enfant et le père puissent être réunis un jour.

Il confirma néanmoins que la strige était bien présente dans la crypte de la chapelle.

Le gars était quand même un survivant.

La strige l'avait approché une fois, mais elle ne l'avait pas attaqué. Surement par désintérêt parce que l'homme avait refusé de s'éloigner du feu qu'il entretenait pour guider son fils. Peut-être parce qu'il était moins amusant de chasser une proie qui ne fuit pas. Cependant, chose intéressante, depuis lors, elle évitait le vieillard. Pourquoi ? Il n'y avait que la strige qui pouvait le dire.

And the Striga is not talking.

Un peu plus loin, à proximité de la chapelle en ruine, juste devant la porte, Velerad les attendait avec un lourd escadron de soldats. Ces messieurs étaient très nerveux d'être aussi prêt du domaine de la strige et le bourgmestre fit un saut d'un bon mètre quand Geralt s'adressa à lui. L'homme n'était plus tout jeune, donc, il lui fallut du temps pour se remettre de ses émotions, mais il restait toujours très nerveux.

- Salutation à vous, Geralt. Le Roi m'a chargé de m'enquérir sur vos progrès. Qui est votre…

- Collègue. Je suis Hiken no Ace. Je reprends la promesse d'Ann, dit le D. en croisant les bras.

- Sorceleur, donc ? Merveilleux, deux fois plus de chance de sauver la princesse.

Le brun se contenta de rester les bras croisés.

- Je vois que la confiance règne, nota Geralt.

- Il s'agit tout de même de sa fille, rappela presque timidement le bras droit de Foltest.

- Pourquoi êtes-vous ici ? demanda le Loup Blanc.

- Eh bien, sa Majesté sait que quelqu'un a joué avec la malédiction, il ne veut pas croire que sa fille ait pu se retransformer ainsi seule. Il voudrait savoir s'il y a des preuves de cela dans la crypte.

- Ben on fouillera, répondit Ace en haussant des épaules.

- Si on trouve quoique ce soit, on s'assurera que ça lui soit remis en main propre, assura Geralt.

Il se tourna vers le Chat Noir.

- La princesse ?

Comprenant le sous-entendu de la question, Ace ferma un instant les yeux et hocha la tête.

- Dans la crypte. Elle m'a l'air au repos, certainement dans son sarcophage.

- En route.

Et les deux sorceleurs passèrent les portes depuis longtemps défoncées de la chapelle à moitié en ruines, enjambant les morceaux de murs et de toits qui jonchaient le passage. Là où il y avait dû avoir des bancs, il n'y avait plus que du bois pourris.

Les deux mutants s'arrêtèrent au milieu de la chapelle, se regardèrent, puis se retournèrent.

Velerad les suivait nerveusement et leur offrit un sourire crispé.

Les deux sorceleurs se regardèrent de nouveau et continuèrent de s'enfoncer dans la chapelle, trouvant enfin au fond, sur la gauche, la grille menant à la crypte. Ils s'arrêtèrent devant, échangèrent un nouveau regard avant de, à nouveau, se retourner.

Velerad était toujours derrière eux et il leur offrit un coucou nerveux de la main.

Très louche comme comportement.

Les deux sorceleurs reprirent leur route et Geralt ouvrit la grille à moitié rouillée et miraculeusement intacte. Il entra et Ace suivit son camarade. Ils descendirent quelques marches, fronçant les sourcils en voyant les ténèbres devant eux.

Des pas précipités résonnèrent derrière eux mais le temps de se retourner, il était trop tard.

Le bourgmestre s'était jeté sur la porte et venait de la cadenasser.

Il venait de les enfermer dans l'antre de la bête.

- Résolvez l'affaire de la bête et on ouvrira le portail. Vous comprenez, c'est une mesure de sécurité.

Il fit demi-tour et prit la fuite alors que le D. se mettait à grogner.

Geralt soupira et se contenta de fouiller sa besace à la recherche de son élixir de Chat.

- Ace.

Le D. cessa de faire jouer ses muscles pour ouvrir le portail (qu'il avait presque réussi à l'arracher de la pierre) et se retourna juste à temps pour recevoir une fiole qu'il avala immédiatement. Il grimaça sous l'action des toxines et ferma un instant les yeux. En les rouvrant, il y voyait désormais comme en plein jour dans les ténèbres de l'endroit.

- Je vais lui enfoncer un glaive enduit d'huile de Cinfrid dans le cul, on va bien rire… siffla le D. en colère.

- Garde ta colère pour plus tard, Adda peut se montrer d'un moment à l'autre, rappela à l'ordre Geralt alors qu'il continuait de descendre les marches de pierres de la crypte royale.

Une odeur de sang et de chair décomposée assez récente lui indiqua où trouver la strige. Ils partirent dans un couloir sur la droite, au travers les tombes des ancêtres de la ligne royale Témérienne. Ils avaient peut-être même dépassé ce cher Dezmod, voire la première Reine de Temeria, sa Majesté Bienvenu, connue aussi sous le nom de La Louve, connue pour avoir fait travailler jusqu'à l'os son second époux, Hugo de Riv, dans le domaine du devoir conjugal. Cet aspect avait d'ailleurs été transmis à son petit-fils Foltest et expliquait en partie son absence de remord dans sa relation incestueuse avec sa défunte sœur, ou les rumeurs sur ses nombreuses maîtresses, dont la Barone Maria-Louisa La Valette, qui aurait, d'après la rumeur, donné deux enfants bâtards au souverain.

Ils arrivèrent enfin dans la chambre funéraire où Adda la Blanche avait été enterrée quand elle était enfant. Foltest avait vu en grand pour son premier enfant et la pièce était immense, avec un sarcophage de pierre tout au centre. La grandeur qu'il avait voulu démontrer s'en retrouvait cependant gâchée par le sang et les carcasses pourrissantes qui jonchaient la chambre funéraire.

Adda devait être dans son tombeau, à attendre le coucher du soleil pour en sortir.

- Donc, on est d'accord, on opte pour un désenchantement ? se fit confirmer Geralt en se dirigeant vers les murs pour allumer torches et braseros.

- Une nuit en compagnie d'une strige... J'ai connu plus charmant, soupira Ace en retirant ses glaives de son dos.

Il souleva la veste de cuir qu'il portait pour récupérer la chaîne en argent qu'il avait enroulée autour de son estomac.

Geralt alla s'asseoir dans l'entrée de la chambre funéraire et se mit à faire quelques élixirs. Il aurait besoin de toute l'aide du monde.

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Ace regarda le sol au pied des escaliers de la grille qui fermait la crypte. La ligne du soleil reculait de plus en plus, laissant les ténèbres devenir maîtres des profondeurs mortuaires. Il se décolla du mur et retourna dans la chambre où Geralt attendait.

Pas besoin de mot, ils savaient la suite.

Le Loup Blanc sortit son glaive d'argent et Ace alla se mettre dans les ombres avec sa chaîne d'argent en main.

Puis, un grattement sortit du caveau. Le couvercle de la sépulture coulissa lentement, dans un crissement de pierre, avec un grognement.

Même si la question tombait mal, le D. se demandait clairement comment la tombe se refermait sur elle-même une fois Adda dedans pour la journée. Parce que les mains qui jaillirent du sarcophage n'étaient pas faites pour soulever des objets. Après, elles pouvaient donner des mandales qui rendraient jaloux n'importe quel forain, dans un sens, ça pouvait compenser.

Aux mains énormes et griffues succédèrent des bras difformes, plus gros que des jambons, avec une peau bleuie, presque mauve.

Puis, ce fut une tête.

Une gueule monstrueuse, allongée en un museau, avec trois rangées de crocs acérés et une langue démesurée. Sur le sommet de ce crâne, une crinière blanche, sale, poisseuse de sang et de poussière. Le couvercle du tombeau tomba lourdement au sol, laissant le reste du corps de la bête sortir pour marcher lentement vers Geralt, bien visible dans la lumière des torches et des bougies. Si on devait comparer une strige à un animal, elle serait un gorille à tête de loup (avec plus de crocs). Son corps, même si plus gros et imberbe, avait la même morphologie que ces gros singes. Elle se déplaçait à quatre pattes en s'appuyant sur les phalanges de ses mains, usant de ses immenses pieds pour se projeter vers l'avant, manquant de percuter le sorceleur qui roula hors du chemin juste à temps. La strige poussa un terrible hurlement, ouvrant grand sa gueule dégoulinante de bave.

Le mutant forma rapidement Yrden et des chaînes d'énergies apparurent hors du sol, s'enroulant autour de la strige pour la garder immobile. Ace fonça hors de sa cachette et, tenant sa chaîne à deux mains, l'envoya devant la princesse pour ensuite tirer vers lui, brisant les appuis du monstre et le faisant s'effondrer lourdement au sol. Il tenta bien de l'immobiliser avec la chaîne mais malgré le signe magique, elle fit gonfler ses muscles au point que la chaîne explosa. Cela déconcentra un instant Geralt, le faisant relâcher la magie. Adda en profita pour éjecter Ace contre un mur qu'il troua méchamment.

- Je suis pas passé au travers un mur depuis que j'ai cessé d'être un gamin con et têtu ! rouspéta le D. en se relevant péniblement.

Le Loup Blanc ne lui répondit pas, esquivant au dernier moment un assaut de la princesse strige à son encontre.

Au dehors, le carillon d'une église annonça une heure en moins à survivre contre la princesse maudite.

Leur jeu du chat et de la souris s'étirerait mortellement dans la nuit, jusqu'à l'aube ou la mort des mutants mouraient. Surtout qu'ils ne pouvaient pas s'éloigner de la tombe. C'était elle qui emprisonnerait la malédiction quand Adda en serait libérée. Ils ne pouvaient pas embarquer la strige ailleurs. Ils devaient rester avec elle, toute la nuit, en son domaine.

Une foutue nuit de rêve.

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Laissant son camarade reprendre son souffle, Geralt partit en quête de quoique ce soit pouvant servir à couvrir la jeune femme, pour revenir avec la cape d'une des victimes de la princesse qui avait miraculeusement survécu. Il l'étala sur la forme humaine, frissonnante, couverte de crasse, de sang et d'ecchymoses, qui était allongée au sol près du tombeau. Il lui caressa doucement ses longs cheveux blancs et retira un de ses gants pour poser sa main nue sur le front sanguinolant de la princesse. Il lui souleva une paupière pour observer la pupille, puis fit descendre ses doigts vers la bouche pour voir les dents de la mâchoire bien humaine.

- Princesse, vous m'entendez ?

Doucement, tremblante, elle hocha la tête.

- Vous vous souvenez de ce qu'il s'est passé ?

Un frisson et un haut-le-cœur s'emparèrent de la princesse que Geralt aida à se mettre à genoux pour qu'elle puisse vomir. A savoir si c'était un contre-coup de la transformation ou ce qu'elle sentait par rapport à la situation… la première fois, elle avait sept ans et avait toujours vécu comme ça. Mais là… c'était différent.

Assise sur la pierre froide, elle serra la cape contre elle pour se protéger et garder un minimum de sa pudeur.

- J'ai des questions sur la Salamandre, vous sentez-vous en état d'y répondre, Princesse ?

Ce n'était pas vraiment le bon moment pour parler de cela, mais Adda obtempéra néanmoins : elle s'était faite avoir par la Salamandre, plus précisément, le Professeur. Il lui avait proposé de l'aider à prendre la place de Foltest.

Elle avait vu qu'une fois Javed, mais à côté, outre que depuis la mort du Professeur, on n'avait pas vu d'autres adeptes de la Salamandre, elle n'avait pas d'information. Alors, en dépit de sa fatigue et de ses blessures, il aida la princesse à se remettre sur pieds. La femme avait un pas chancelant et une grande difficulté à mettre un pied devant l'autre. Quelqu'un devrait l'examiner pour s'assurer qu'elle n'avait aucun dommage permanent.

Le duo s'arrêta à côté d'Ace qui s'appuya à la colonne derrière lui pour se remettre debout. Il avança lourdement jusqu'à ses armes, la respiration sifflante, et remit ses glaives dans son dos. Le trio sortit donc de la chambre mortuaire pour revenir vers l'escalier. De l'autre côté de la grille, un Velerad nerveux se tenait. En les voyant tous les trois vivants, il s'empressa de déverrouiller le portail. Et le crochet du gauche que lui administra le D. était bien mérité dans l'option du Loup Blanc, même s'il ne le dit pas à voix haute.

Le « désolé, ordre du Roi » ne rendait pas la chose plus facile à digérer. Mais Ace fut content de recevoir un cimeterre zerrikanien en récompense. La rumeur autour disait qu'il avait été forgé dans du sang de dragon. Véridique ou pas, le D. l'aimait bien, et son nom, D'yaebl ou Devil, lui convenait parfaitement. Parce que même s'il avait fait un semblant de paix avec Roger, il restait le fils d'un monstre, un démon.

Pendant ce temps, Geralt brandit un journal qu'il refusa de transmettre à Velerad en disant qu'il était pour le Roi seulement. Il lui confirma juste qu'il s'agissait de la preuve confirmant que quelqu'un avait fait des recherches pour remettre au goût du jour la malédiction de Adda.

Après tout, il s'agissait du journal d'un des deux supposés lanceurs de la malédiction d'origine.

- Si nous en avons fini ici, il est temps pour que vous rameniez Adda au palais, annonça finalement le Loup Blanc.

- J'ai un message de la part du Roi, dit Velerad. Il m'a demandé de vous dire que si vous cherchiez à finir de guérir la maladie, vous devriez vous rendre dans l'ancien manoir. Il a dit que vous comprendriez.

Le Roi avait trouvé le dernier bastion de la Salamandre. C'était un bon point, il pourrait en finir et ensuite, reprendre la route, ramener les élixirs à Kaer Morhen.

- Où est ce vieux manoir ? s'enquit le Loup Blanc.

Velerad pointa du doigt une vieille bâtisse visible malgré la brume matinale et la distance parce qu'elle surplombait les marécages. Le Loup se tourna vers son camarade qui essayait de faire bonne figure malgré son problème de souffle.

- J'ai un rendez-vous avec Javed, tu m'accompagnes ?

Il eut droit à un sec hochement de tête du D. couvert de poussière et tous deux quittèrent la chapelle pour rejoindre le manoir en question.

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Point positif dans le cheminement vers l'ancien manoir, c'est qu'ils arrivèrent à une zone du marécage où l'eau était moins profonde. De peu, mais c'était déjà ça. Elle leur arrivait aux cuisses à présent, toujours mieux qu'à la taille. Et il était certain qu'un bon bain serait le bienvenu après ça. Il valait mieux ne pas songer à toutes les saloperies qui pouvaient s'être accrochées à eux durant leur route dans la vase.

Ce fut à quelques distances du manoir qu'ils s'arrêtèrent, surpris de se retrouver devant un groupe armé de la Rose Ardente. Avec à sa tête, de Wett, le comte Nilfgaardien.

- Que faîtes-vous faire ici, Sorceleur ! interpella le représentant de l'empire.

- Laissez-nous passer, de Wett, demanda froidement Geralt.

Le chevalier regarda les deux mutants avec attention.

- Qui est cet homme à vos côtés ?

- Celui qui t'enfoncera son pied dans le cul si tu bouges pas rapidement, lui dit Ace en grognant.

- Vous avez sale mine, comme si vous n'aviez pas dormi de la nuit.

- Nous sommes fatigués et nous avons encore beaucoup à faire, Comte. Pouvons-nous passer ? demanda diplomatiquement Geralt.

- Mon cher Geralt…

- Nous avons passé la nuit avec une strige, donc, je commence à être à bout de patience.

Ace n'en avait pas des masses en temps normal, autant ne pas le mentionner.

Quelque chose s'alluma dans le regard du chevalier en rouge.

- Avec une strige ? Alors ? L'avez-vous tuée ?

- Demande à Foltest, le Nilfgaardien. Tout ce que tu as besoin de savoir c'est qu'elle ne pose plus problème et qu'un traître est responsable de son état, dans son entourage direct, rétorqua Ace.

- Une idée de qui ça peut être ?

Les deux sorceleurs échangèrent un regard. De Wett était un peu trop intéressé par la chose.

- Nous ne le savons pas encore, mais ce n'est qu'une question de temps, sans compter que Triss Merigold connait des sorts très utiles, répondit le Loup Blanc en restant aussi vague que possible.

- Vous devriez me remettre le journal de Ostrit. Le Grand Maître maîtrise une magie bien plus puissante que cette sorcière de Merigold.

- D'une, apprend à faire la différence entre une sorcière et une magicienne, et de deux, qui t'as dit qu'il s'agissait d'un journal… et surtout, le nom de l'auteur de l'objet, siffla Ace.

De Wett jura en réalisant qu'il venait de se trahir, avant de tenter de rallier les mutants à sa cause.

- Joignez-vous à moi, sorceleurs ! Rangez-vous dans le camp du maître du nouvelle ordre ! Avec moi, Roderick de Wett, le futur Vice-Roi de Temeria !

- Pour qui travaillez-vous, de Wett ? s'intéressa le Loup Blanc.

- Je pensais que vous l'aviez compris. Je travaille avec la Salamandre… pour l'instant.

- Vous croyez vraiment que vous pouvez les tromper ?

Azar était un homme très intelligent, il ne se laisserait pas manipuler si facilement.

- Ils ne sont rien de plus qu'un moyen d'arriver à mes objectifs. Joignez-vous à moi !

- J'en ai vu des cons dans ma vie, mais tu dois être le plus pathétique de tous, soupira Ace en tirant sa nouvelle arme qu'il avait rangée à sa ceinture.

Le Comte imita le mouvement, suivi par Geralt.

- Non, vous l'êtes, mutants. Je vous ai donné une opportunité de goûter au pouvoir. Vous avez décidé de refuser mon offre, donc, vous mourrez comme des chiens !

Toute sa bravade mena à un seul résultat.

Un coup d'épée qui fit voler sa tête de ses épaules.

Quand on dit que les sorceleurs ont des réflexes et une vitesse inhumaine, c'est un fait mainte fois prouvé. Le reste de l'escorte du chevalier connut un sort similaire, ne devenant plus que de la nourriture pour les monstres et créatures qui vivaient dans les marécages.

Le combat n'avait pas duré longtemps.

Ace regarda avec satisfaction le corps sans tête du Nilfgaardien à ses pieds. Corps que Geralt était en train de fouiller. Le D. avait rempli ses engagements auprès de Thaler, il pouvait se permettre d'être content.

- Ace, regarde.

Geralt se releva avec un journal détrempé qu'il mit sous le nez de son camarade. Dedans, des notes. Des notes de recherches sur les mutations et les résultats obtenus. Ils échangèrent un regard et le journal retourna entre les mains du Loup Blanc.

- Faudra rendre ça à l'oncle Vesemir quand on lui ramènera les mutagènes, lui dit Ace.

Le Loup était du même avis. C'était le leader de facto de son école, leur mentor à tous. Il serait le mieux placé pour savoir quoi faire de ces recherches. Il rangea le journal dans son armure et ils reprirent leur marche dans les marais, enjambant les cadavres de la Rose Ardente.

Ce fut quelques minutes plus tard qu'ils arrivèrent sur de la terre ferme, même si boueuse. La boue céda rapidement le terrain à un chemin en pente bien solide et sec, qui grimpait vers un escarpement rocheux sur lequel on avait construit un manoir, à une époque. Manoir dont il ne restait que des ruines à présent. Mais avant le manoir, il y avait quelques habitations de pierres, certainement pour les domestiques de l'époque. Et en haut de la pente, devant ces habitations, en travers du chemin, ils avaient un intéressant comité d'accueil.

Azar Javed.

Le mage à la peau sombre les regardait avec un sourire moqueur et supérieur, avec, à ses côtés, une femme étrangement familière, en dépit de sa peau très pâle et de son armure minimaliste noire. La pauvre femme avait le crâne rasée, recouvert d'une plaque de même métal, et des tas de cicatrices sur le corps.

- Salutation, Geralt. Je vois que tu t'es débarrassé de ce stupide jupon qui te collait au cul. Avec un autre homme à tes côtés, tu auras peut-être plus de chance de m'avoir, se moqua Javed.

Le Loup Blanc adressa un regard d'avertissement à son camarade quand le Chat Noir se mit à grogner. Mais déjà, Azar enchaînait :

- As-tu rencontré Rayla ? Une transformation assez particulière lui a donné le don de la vie…

De la main, il montra la femme en arme à côté de lui.

Oui, Geralt avait reconnu bien des cicatrices de la femme, même si on lui avait donné une main métallique pour remplacer le crochet. Mais vu les autres marques sanglantes sur sa peau désormais aussi laiteuse que la sienne, on avait dû faire bien des choses à son corps. Surtout si on prenait en compte qu'elle aurait dû mourir avec la flèche de Yaevinn et qu'elle était là, bien vivante.

Avec une voix cassée, presque inaudible, elle prononça difficilement le prénom du sorceleur. Quelque chose disait que ses capacités mentales avaient été réduites au strict minimum.

- Une transformation particulière ? Le don de la vie ? répéta Geralt en sentant la haine et la colère qu'il avait pour cet individu grandir en lui. Tu appelles ce sac de sang et de muscles, soumis à tes ordres, vivant ?

- Mieux que vivant…. C'est une perfection. Tu le découvriras rapidement.

- Tout ce bordel pour ça ? T'es pathétique, Javed, cracha Ace avec une grimace emplie de haine et de dégoût.

- Rayla chérie, vas-tu laisser ces moins que rien insulter ton maître ? demanda Javed.

- Rrrrr… Gerrrralt… gronda Rayla.

Alors qu'Ace fonçait sur Javed, Rayla se précipita sur le Loup Blanc, le forçant à se défendre. Elle avait acquis la même vitesse que les sorceleurs. Vitesse, agilité et réflexe. Dommage pour Ace, le mage se téléporta immédiatement et savoir où il était parti se réfugier était une toute autre affaire.

Rayla avait peut-être acquis des capacités de mutant qui la rendait plus difficile à abattre, elle n'avait pas cette chose qui venait avec le temps et non les mutations : l'expérience. Geralt demanda à Ace de ne pas s'en mêler et se concentra sur sa bataille contre l'ancienne mercenaire zombifiée. Le combat dura quelques minutes, avant que le Loup Blanc ne parvienne à mettre fin à la misère de la femme et la renvoie dans la mort qu'elle n'aurait jamais dû quitter. Il prit un instant pour lui fermer les yeux, avant de se tourner vers Ace en hochant la tête. Ils avaient encore du travail.

Et la montée reprit vers le manoir, avec la résistance des forces de la Salamandre. Des assassins, des petites frappes, des mages de seconde zone, et des chiens mutants aux muscles gonflés, aux mâchoires surdéveloppées et recouverts de plaques de métal. Le combat était un vrai fouillis, sans même songer à la fatigue qu'ils ressentaient après cette nuit blanche à jouer au chat et à la souris avec Adda pour ne pas se faire bouffer tout en la désenchantant.

Ils eurent à peine le temps d'enfiler des fioles pour se requinquer et réduire leurs saignements qu'un nouvel assaut leur sauta sur le coin de la figure. Des mutants humains, cette fois. Certains aussi monstrueux et déformés que celui qui devait être à présent disséqué par Kalkstein, et d'autres un peu plus humains comme Rayla.

Sauf qu'ils n'étaient pas seuls. Les Ecureuils vinrent à leur rescousse. Yaevinn arriva juste à temps avec Toruviel et une escouade de Scoia'tael pour les soutenir. Cela réduit grandement la pression sur les deux mutants et leur permit de reprendre leur souffle.

- Salutation à vous, Loup Blanc et Chat Noir, salua Yaevinn.

Seule Toruviel n'eut pas de réaction de surprise quand Yaevinn prononça le surnom d'Ace. Beaucoup des rebelles regardèrent autour d'eux, cherchant apparemment Ann. Ce qui, en soit, était un peu drôle.

- Vous tombez bien, remarqua Geralt sans prêter attention à son collègue qui essayait de reprendre un peu son souffle.

- Nous sommes venus aussi vite que nous le pouvions. Les choses se passent bien sur le front, l'Ordre a beaucoup perdu et a été forcé de se regrouper. De plus, le Roi a envoyé quelqu'un à notre rencontre pour négocier, sans compter qu'il a laissé entendre qu'il comptait inviter un non-humain à rejoindre sa cour. Reste encore à savoir si c'est pour nous assassiner ou nous acheter.

- Et tu fais quoi de tout ça ? demanda Ace en arrangeant son chapeau sur son crâne.

- Si j'ai la moindre chance de gagner l'égalité des droits pour les non-humains, je me dois de tout risquer. Je me demande cependant ce qui a encouragé Foltest à négocier. Il est vrai que nous avons rencontré un certain succès à Wyzima, mais une vraie victoire reste un objectif lointain.

- Tente la négociation, Yaevinn, tu n'as rien à craindre du Roi, il n'a qu'une parole, encouragea Geralt.

- Qu'est-ce qui te le fait dire ? s'étonna l'elfe.

- Je m'en suis assuré.

Toruviel porta une main à sa bouche pour masquer son envie de rire.

- Pauvre oncle Vesemir qui ne cesse de rabâcher que les sorceleurs ne doivent pas s'impliquer, se moqua Ace.

Geralt lui jeta un regard disant clairement qu'il se foutait de lui, mais le D. avait une réponse toute prête en agitant le médaillon de chat à son cou.

- Je ne suis pas un Loup, rien ne m'oblige à écouter ce qu'il raconte. Néanmoins, il reste l'affaire actuelle à gérer. On doit toujours entrer dans le repaire de la Salamandre. Donc, ce vieux manoir, là.

Il montra du pouce la bâtisse qui les surplombait malgré son état de ruine.

- La porte principale est fermée, mais je connais une autre route, apprit Toruviel. Un passage de pierre assez étroit, mais en l'empruntant, il est possible d'entrer dans les bas niveaux du vieux manoir. Je vais vous montrer.

Elle adressa un signe de tête à Yaevinn et elle tourna les talons, dévalant la pente au pas de course, ramenant les mutants sur leurs pas, le reste de l'escouade sur leurs talons. Ils contournèrent l'escarpement rocheux, jusqu'à un puits dans lequel ils eurent tout juste le temps de jeter une corde avant qu'un nouveau contingent de mutants n'arrivent. Toruviel les encouragea à partir devant, disant qu'ils allaient surveiller leurs arrières. Pas le temps de protester, l'elfe filait déjà rejoindre son chef et le reste du groupe pour affronter les mutants en approche.

Au bout du puits, ils finirent donc dans un semblant de tunnel creusé dans la roche, avec un chemin surplombant le vide. Et pour bien rendre les choses difficiles, ils étaient droit dans les bras de d'autres mutants.

Sur la première partie, ce fut assez simple. Un coup de Aard et ceux qui leur bloquaient la route étaient éjectés dans le vide pour chuter en grognant dans les profondeurs abyssales.

La suite, sans élixir du Chat ou Haki pour aider nos héros, aurait été plus difficile, vu que les mutants qui gardaient le repaire avaient désormais toute une caverne sombre, avec un vrai sol, pour se cacher et les prendre en embuscade. A ce stade, Ace avait juste envie de dire Fuck It et partir en sprint jusqu'à Javed, mais il y avait toujours le risque qu'ils viennent à leur poursuite et leur tombe sur le pif pendant qu'il serait avec le mage. Donc, il fallait toujours réduire les rangs.

Ils finirent enfin par arriver dans ce qui devait être la cave du manoir.

Et Azar apparut juste devant eux.

Avant qu'ils ne puissent l'atteindre, il avait invoqué un monstre pour faire le combat à sa place. Une sorte de crabe géant et dégénéré, avec des pattes très coupantes et une façon de se mouvoir rappelant un peu trop l'araignée.

Un koshchey.

- Rayla t'a toujours admiré, Geralt, nargua le mage. Dommage, vous auriez fait un beau couple.

Impossible d'attaquer Javed avec un monstre comme le koshchey qui pouvait leur sauter dessus à tout moment. Ace préférait encore passer une nouvelle nuit avec une strige, ou chasser de nouveau du catoblépas, plutôt qu'affronter cette chose. Surtout après une nuit blanche.

Le mage préféra les laisser face à face avec le monstre, plutôt que de les affronter, et se téléporta de nouveau.

Salopard.

Autre point contre la bête : elle était presque aussi rapide que Kizaru. Elle fonça sur eux et les éjecta brutalement contre les murs sans qu'ils aient le temps de réagir.

Saloperie.

Les deux mutants se relevèrent.

- On vise les pattes ? proposa Geralt en prenant de l'huile pour insectoïde dans sa sacoche.

- C'est bon pour moi ! assura Ace en l'imitant.

Il choisit cependant l'huile de cinfrid, connue pour provoquer des hémorragies. La bestiole rigolerait beaucoup moins comme ça. Ils roulèrent chacun d'un côté pour éviter une nouvelle attaque de la créature, avant de revenir vers elle et de lui attaquer ses pattes.

S'il y a bien un jour où il aurait mieux valu ne pas se lever le matin, c'était bien celui-ci pour les sorceleurs.

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Après quelques soins de fortunes et des élixirs pour ne pas faire d'hémorragie, ils avaient repris leur route, laissant le cadavre du monstre derrière eux. Cela n'avait pas été sans peine. Geralt devant avoir au moins deux côtes cassées et Ace avait eu le mollet transpercé, sans parler des coupures plus ou moins graves qu'un élixir avait fait cesser de saigner. Ils touchaient la limite dans leur consommation, s'ils voulaient en boire plus, il faudrait attendre que la toxicité des produits ingérés redescende ou opter pour du miel blanc.

Ils arrivèrent dans une nouvelle pièce de la cave, et Javed apparut pour dire à quel point il était mécontent qu'ils aient découpé le koshchey et que puisque ce n'était pas suffisant, il allait passer à des méthodes plus traditionnelles.

- Je vous ai pourtant dit que pisser face au vent n'est pas une bonne idée, leur dit Javed.

- Tu parles beaucoup. Tu as peur ? demanda Geralt.

- Cette fois, vous avez pissé dans une tornade ! Tuez-les !

Javed disparaît, évitant d'un cheveu la lame d'Ace, mais laissa derrière lui deux immenses mutants tout en armure, brandissant des masses cloutées plus grosses que leur tête. Dans le dos de leur armure, d'étranges plaques de métal étaient attachées, ressemblant vaguement à des ailes ou on ne savait trop quoi.

- Même assis, Oyaji reste plus grand que vous, les gars, commenta Ace pas du tout impressionné.

Le monstre de tout à l'heure était largement plus intimidant que des mutants lents comme des tortues qui avaient malgré tout une force impressionnante.

En dépit de leurs blessures, il était assez simple de se faufiler entre la paire de colosse, sans parler qu'ils avaient toujours les signes dans leur camp et personne n'aime se faire cramer les fesses comme ça.

Tout juste leur combat fini, ils furent téléportés par Javed dans ce qui devait être son laboratoire. La table avec des entraves, dans un coin de la pièce, ressemblait bien trop à celle à laquelle les jeunes futurs sorceleurs étaient attachés pour subir l'épreuve des Herbes.

Ils étaient enfin en face à face avec Javed qui, cette fois, n'avait apparemment pas l'intention d'embaucher quelqu'un d'autre pour faire le boulot à sa place.

- J'ai appris il y a longtemps qu'on est jamais mieux servi que par soi-même, siffla le mage en brandissant deux masses de métal.

Elles avaient l'air si lourde qu'on pouvait soupçonner l'usage de magie pour parvenir à les soulever et les manier.

- Cependant, vous devez savoir qu'une énorme escouade armée est en direction de l'hôpital de fortune et y tuera tous les blessés sous les yeux de cette chienne rousse. Après qu'ils l'aient violée à tour de rôle, il demandera à ce qu'on l'achève, mais il sera trop tard. Je lui donnerai des mutagènes et on verra ce qui arrivera. Quelque chose à dire, sorceleur ? Toujours le même bonhomme indifférent ?

Ace retenait à grande peine son Haoshoku, le sachant inutile contre Javed, alors que Geralt pointait le bluff du doigt.

- Tu bluffs. Tu as envoyé des assassins après moi, sorti de grand discours, menacé de me tuer, mais tu es juste mort de trouille. Tu ne fais que repousser l'inévitable.

- Allar zarh bin talla !

Le sort fit apparaître Berengar qui ne cligna même pas des yeux devant la téléportation et se contenta de marcher vers eux en sortant son glaive d'acier.

- Berengar ? s'étonna Geralt.

- Besoin d'un coup de main ? demande froidement le sorceleur renégat.

- Un glaive en plus n'est pas de refus ! sourit largement Ace.

Javed venait de faire une erreur colossale et de creuser sa propre tombe.

- Pleutre ! Tu connais la sentence pour cette traîtrise ! menaça Javed. Tu ne peux y échapper seulement en tuant ces deux individus. C'est ton seul moyen de gagner ma grâce !

Berengar brandit son arme vers Javed alors qu'un rictus dévoilait ses lèvres.

- Tes menaces ne me font plus peur. Prépare-toi, mage, je suis venu ici pour toi !

Quand Berengar, sur la rive de l'île, avait dit qu'ils se reverraient, Geralt ne s'était pas attendu à ce que ce soit dans ces circonstances. Pourtant, son camarade de l'Ecole du Loup savait où le mage se cachait, mais aussi que tôt ou tard, lui et Ace trouveraient Javed.

Il savait qu'en étant seul, affronter Javed revenait à du suicide.

Les masses de Javed s'enflammèrent et il commença l'attaque.

Un échange violent et rapide de coup, si brutal qu'ils sentaient leurs bras vibrer douloureusement. S'ils ne voulaient pas aggraver leurs blessures précédentes, ils ne pouvaient se permettre de prendre d'autres coups. Sauf que Javed était encore frais et ses armes paraient efficacement leurs attaques.

- Yrden !

Berengar avait reculé pour poser la marque au sol, et avant que Javed ne puisse l'approcher, les deux autres sorceleurs en avait apposé un chacun, emprisonnant le mage dans un triangle d'énergie. Tant qu'ils avaient la main au sol, Javed ne pouvait rien faire contre eux. Mais s'ils avaient le malheur de la lever, il attaquerait immédiatement.

Ace sentait la sueur roulant dans sa nuque et la fatigue menaçant de le submerger.

Javed savait que si l'un d'eux faiblissait, il pourrait attaquer, alors, patiemment, il attendait, immobilisé dans le triangle d'énergie mauve.

Finalement, dans un élan héroïque, Berengar céda et fonça sur le mage qui le reçut au vol d'un coup de sa masse, lui fracassant le crâne. Derrière, Ace et Geralt s'assurèrent que le sacrifice de leur camarade ne soit pas en vain. Les deux bras du mage furent coupés au tronc et un autre coup de lame brièvement noirci transperça de part en part la poitrine du Zerrikanien. Il toussa un peu de sang, avant de s'effondrer face contre terre quand le Loup Blanc retira son arme de sa poitrine. Le D. souffla profondément et se dirigea vers la dépouille de Berengar, laissant Geralt fouiller le mage, puis le laboratoire, à la recherche des mutagènes.

Le défunt sorceleur avait de la compote à la place de la tête.

- Les mutagènes ne sont pas ici.

Ace releva la tête et regarda son camarade en fronçant les sourcils.

- Javed ! Peux-tu m'entendre ! Que se passe-t-il ?

Les deux mutants se tournèrent vers le miroir magique du laboratoire.

Ils connaissaient la voix.

Lentement, ils s'en rapprochèrent.

- Les expériences avancent-elles ? J'ai besoin urgemment de ces chevaliers mutants de l'Ordre à Wyzima ! Et envoie-moi plus de ceux qui sont ratés ! A ce stade, je ne peux me permettre plus de retard ! Réponds !

Jacques d'Aldersberg était dans le miroir.

Quelque chose leur disait que c'était le vrai chef de la Salamandre.

- Javed est mort, dit froidement Geralt.

On aurait dit un loup qui se rapproche lentement de sa proie pour la déchiqueter entre ses crocs.

- Sorceleur Geralt, sorceleur Ace… reconnut le Grand Maître.

Ace émit un sifflement de félin en colère.

- On va venir vous rendre visite, Grand Maître. Très vite, assura Geralt en accélérant le pas vers le miroir.

Et il jeta une dague dans le miroir, le brisant.

Il leur restait encore du travail à accomplir.