Salut à tous ! Il est tard, j'ai fini le boulot tard mais je ne pouvais pas me dérober à cette tradition. Et au pire, ça fera un petit truc sympa au réveil. Donc, nous y voici. On s'enfonce dans la forêt de Flotsam au beau milieu de la vallée du Pontar. Donc, si vous avez Manau dans le crâne, c'est normal, pas de quoi s'en faire. Je vous souhaite une bonne lecture et à bientôt !

Bisouilllle !

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L'instant avait été gênant. Des villageois qui avaient fui le château La Valette avaient voulu le remercier de les avoir aidés. Sauf que Geralt n'avait rien fait. C'était ce Marco qui avait presque tout fait. Il s'était interposé en premier et l'avait même quasiment conduit jusqu'à ce capitaine Temerien. C'était une étrange sensation de se voir attribuer les actes des autres.

En voyant la maigre récompense qu'on lui remit, le Loup Blanc se fit la promesse de la rendre à qui de droit s'il le croisait un jour. Quand il était question d'un mutant et d'un possible immortel, c'était quelque chose qui pouvait toujours arriver.

Assis à la table, attendant qu'Ace redescende, Le Loup Blanc sentait clairement le regard de Jaskier sur lui.

- Très bien, je te connais, finit par craquer le mutant. Je sais qu'il y a une question qui te brûle les lèvres. Vas-y, la retenue ne te correspond pas.

- Très bien, je me confesse. Mais d'abord, pourquoi tu n'es pas déjà en train de courir à droite et à gauche pour résoudre tous les problèmes du monde ? demanda le barde.

- J'attends Ace. L'affaire de la Salamandre est une preuve qu'on s'en sort plutôt bien quand on bosse ensemble. Et comme je vais devoir aller à un moment ou un autre dans la forêt, autant qu'on s'y aventure ensemble. Plus de chance de survie.

Sans un mot, Triss se leva de la table et disparut à l'étage, laissant les deux hommes seuls. Jaskier regarda la place où s'était tenue la magicienne, puis son ami sorceleur, mais le mutant secoua la tête pour dire de laisser tomber. Préférant se concentrer sur sa soif de réponse plus croustillante et moins dangereuse pour sa tête (ou sa virilité, parce qu'avec Triss, on ne sait jamais), le barde s'adressa en ses mots à son ami :

- Bien. Qu'est-il arrivé à Foltest ?

- Je l'ai déjà dit. Je me suis retrouvé accusé à tort. Le roi est mort dans des circonstances mystérieuses pendant que le sorceleur Geralt a été découvert à proximité du corps avec un glaive couvert de sang.

- Donc, tu vas faire quoi ? Tu vas prendre Ace sous le bras et vous allez courir partout en agitant vos glaives en espérant que le tueur viendra s'empaler dessus ?

- Ce n'est pas un glaive, c'est un bisentô et je peux t'assurer que tu apprendras rapidement la différence si je te l'enfonce dans le cul, pointa Ace en redescendant à cet instant comme s'il avait suivi la conversation depuis tout à l'heure.

Pour le coup, il n'avait plus que son glaive d'argent dans le dos, sa sacoche d'élixir à la taille et son bisentô (toujours dans sa cape) dans son autre main.

- On n'a pas besoin de faire ça, rétorqua Geralt. Le tueur est dans les bois avec les Scoia'tael. Nous le trouverons.

Ace vint s'asseoir à la table à côté de son camarade, allongeant la lance sur la longueur, bien que l'arme dépassa aisément la longueur du meuble.

- S'il vous plaît, ne faîtes rien de stupide en risquant votre peau. Imaginez que Loredo découvre d'un côté que toi, Geralt, tu aies été présent durant les derniers instants de Foltest et toi, Ace, que ton frère est avec les Scoia'tael… ouch.

- Jaskier, Geralt a presque cent ans, je pense qu'à son âge, il est assez vieux pour savoir quoi faire de sa peau, pointa Ace avec amusement. Sinon, tu bosses pour Vernon Roche. Tu as lui dit quoi sur Flotsam ? Quoi que ce soit d'intéressant ?

- Leur bordel a des femmes fantastiques, vous devriez aller les voir. L'une d'elle…

- Jaskier, ce n'est pas ce qui nous intéresse. Et Ace a explicitement dit plus d'une fois que son intérêt n'était pas dans les femmes.

- Parle-moi d'un blond aux yeux bleus avec un charisme sauvage et tu auras mon oreille, sourit le D. avec un air taquin.

La moue du barde voulait tout dire.

- Tu sauras que ce genre de chose se décide bien avant la naissance. Dans quelques siècles, quand les recherches et la science auront avancé, ce sont des études qui pourront être faites et prouveront que l'orientation sexuelle est quelque chose qui se fait dans le ventre de la mère par un pic hormonal à un certain moment du développement du bébé, dit patiemment le pirate. Donc, les gens qui disent que c'est pas normal, pas naturel, malsain, blasphématoire et j'en passe, je les emmerde sans le moindre respect. C'est ma vie, point.

- Nous disions donc, Flotsam, relança Geralt.

- Une ville comme une autre, dit le barde en haussant les épaules. Un port, une auberge et une rivière boueuse puante. C'est ce qu'un homme ordinaire dirait.

Il se pencha vers l'avant en direction des deux mutants, un éclat dur et froid dans le regard.

- Mais les poètes regardent aussi dans l'âme des gens. Et ici, c'est pas beau à voir. J'ai vu un vol être puni par des gardes qui riaient pendant qu'ils confisquaient le butin, tout en disant comment ils allaient ramener l'ordre dans la ville. J'ai vu des voyous saouls tabasser une femme elfe pendant que personne ne levait le petit doigt.

Geralt allait ouvrir la bouche, mais le barde leva une main pour l'interrompre.

- Je sais que ce sont des choses que l'on trouve partout, mais ici, ce n'est pas la haine ou une justice maladroite qui motive tout le monde. Ce qui pousse tout le monde à agir, ce sont des calculs froids. Ils cherchent la moindre opportunité d'engranger un peu plus de richesse.

Il regarda droit dans les yeux Ace qui leva un sourcil.

- Le genre d'endroit où on aurait bien besoin d'un grand incendie pour tout purger jusqu'à la racine. Comme à Rivia.

- Rivia a eu lieu pour diverses raisons. Notamment parce que j'avais pas pris ma médication depuis plusieurs jours. Je ne souhaite absolument pas voir ça se reproduire. Un sorceleur en pleine hallucination, c'est pas beau à voir. Et ça peut être la dernière chose à voir.

- Ce qui me fait penser, il y a peut-être un endroit où tu pourrais chercher ton phénix.

Le sourcil d'Ace se souleva de quelques centimètres, invitant le barde à poursuivre.

- Aedirn est dans de gros ennuis, avec Henselt qui fait marcher son armée sur le Pontar, préparant à une attaque pouvant être lancée n'importe quand.

- Y'a un moment qu'il n'y a pas eu de guerre venant de Kaedwen, pointa froidement Geralt.

- C'est vrai, et comme les petits garçons, Henselt aime jouer avec ses soldats. Cependant, cette fois, Kaedwen pourrait ne pas s'en sortir facilement. On sait que la dernière fois que ce Marco a été vu, c'était avec un dragon et que tout deux allaient vers l'Aedirn. Or, nous avons Saskia la Tueuse de dragons qui garde les frontières Aedirnienne.

- Qui est cette fille ? Une sorte de mercenaire ?

- Une fille du peuple et la chef auto-proclamée de quelque chose appelée la Milice Volontaire d'Aedirn.

- Une chasseuse de dragons, donc ? Si Marco traîne avec un dragon, elle aura peut-être des informations, en effet, accorda Ace en grattant une vieille tâche sur la table de bois avec le bout de son ongle.

- Ah, et avant qu'on ne s'en aille. Jaskier.

Le barde regarda son ami, attendant de savoir ce que lui voulait le Loup Blanc.

- La mémoire commence à me revenir.

- Mais c'est génial !

- Ce ne sont que des flashs, pour l'instant.

- Et tu te rappelles de quoi ?

- Ma propre mort.

- Je compatis, je sais à quel point c'est juste horrible, frissonna Ace.

- Parce que tu es mort, toi aussi ? s'étonna le barde.

- Honnêtement, je sais pas trop. Mais la blessure que j'avais quand la Chasse Sauvage m'a embarqué, je peux t'assurer qu'elle aurait dû avoir ma peau. Un pilier de lave qui te traverse de part en part… tu survis rarement à ça.

Un frisson le secoua au souvenir alors qu'il se frottait machinalement la poitrine.

- En attendant, Geralt, je peux te dire que j'étais témoin de ta mort, reprit Jaskier à l'attention de son ami. Je te l'ai dit et raconté plein de fois. Yennefer a donné sa vie pour sauver la tienne. J'aurais espéré que tu te serais rappelé de la suite. Je veux dire… comment diable peux-tu être ici maintenant ! On te voit, on t'entend… tu respires…

- En gros, il est vivant, on a bien compris. Et je pense que s'il avait la réponse, il nous l'aurait donnée, coupa Ace avant de pencher sa tête vers son camarade. Ciri ?

- Je me rappelle d'elle, confirma Geralt. Et de Yennefer aussi.

- Dans mon opinion, c'est le plus important que tu te rappelles de Ciri. J'espère qu'où qu'elle soit, elle est en sécurité et heureuse.

- De même. J'espère la revoir un jour, mais venant d'une descendante de Lara Dorren et en prenant en compte ses pouvoirs…

- Mon petit-frère deviendra professeur d'alchimie à Oxenfurt bien avant qu'on puisse prévoir les mouvements de la diablesse favorite de Vesemir ! ricana Ace.

En soupirant, Geralt se leva.

- J'ai deux courses à faire, après, on peut s'y mettre, proposa le D.

- C'est bon pour moi.

Le brun se leva, récupéra son arme et sortit de l'auberge à la suite de Geralt.

En sortant de la ville pour rejoindre le quartier des pêcheurs, aussi appelé les Draves, le Loup Blanc avait bien des choses en tête, notamment les mots de Roche et Jaskier. Henselt se préparait à la guerre et marchait sur Vergen, dans le Haut-Aedirn. A quelques jours de la Vallée du Pontar et donc de Flotsam. Cette vallée était un morceau de terre que les plus grosses puissances du Nord se disputaient depuis des générations. Et c'était ça, le plus gros problème. Pas les Scoia'tael. Non. C'était juste que leur groupe était au plein centre de cette vallée, ou, comme diraient certains, une bougie au beau milieu du cul. Une poudrière qui n'attendait qu'un signe pour embraser la forêt. Il restait l'affaire du Tueur de roi. Il avait peut-être eu vent des mouvements de Henselt et les avait suivis. Ou alors, c'était une coïncidence.

Dans tous les cas, ils étaient mal partis.

Ils allaient passer les portes quand un homme les interpella.

- Sorceleur Geralt de Riv ? Connu aussi sous le nom de Loup Blanc ?

Les deux mutants échangèrent un regard avant de se tourner vers l'individu assez banal qui venait de les interpeller.

- Je ne savais pas qu'on pouvait si facilement me confondre avec les locaux, commenta le Loup.

Ace toussota dans son poing pour ne pas rire.

- Thaler m'a averti à votre sujet.

Cela attira d'avantage l'attention des deux mutants. Leur interlocuteur, dont ils ne connaissaient toujours pas le nom, venait de la part de Thaler, le receleur de Wyzima et le chef des services secrets royaux ?

- En effet, je suis en mission ici et il a insisté pour que je vous transmette un message.

- Et qu'est-ce qu'il raconte ? demanda Geralt dans toute sa neutralité.

- Je cite ses mots : « Roche est un gros salopard, mais écoute-le, parce que même si c'est un connard, c'est un putain de patriote. Les vautours tournent déjà autour du cadavre de Foltest, mais je vais m'arranger. Attrape ces enfants de putains et garde ton sang-froid, Portgas fait déjà bien assez la conne toute seule, pas besoin de l'imiter.» Ah, et le Post Scriptum : « Tu as vraiment foiré en beauté au château. ».

Ace ne savait pas s'il devait rire sur la teneur du message ou s'énerver de l'opinion de Thaler à son sujet.

- C'est tout ? demanda Geralt toujours autant de marbre.

- Oui et c'est ça en moins sur la conscience. Ah ! Vous n'imaginez pas le soulagement. Je ne fais pas un très bon espion. Tous ces secrets, ce stress et cette façon de jurer ! Bonne chance à vous, je vais pouvoir retourner à mes affaires.

- Nous aussi et passez mes salutations à Thaler, salua Geralt.

- Vous pouvez lui transmettre un message ? demanda Ace.

- Lequel et de qui ? demanda l'agent.

- L'expéditeur n'est pas nécessaire. Il est assez grand pour faire une addition tout seul. Dîtes à Thaler que le Chat Noir lui envoie son bon souvenir et qu'ils reparleront de cette question de sang-froid.

L'agent resta perplexe mais hocha la tête.

Enfin, ils quittèrent la ville pour rejoindre les quartiers pauvres des pêcheurs au bord du fleuve.

Sauf qu'à peine hors des murs, Triss leur coupa la route, les bras croisés, l'air inquisitive. Comment avait-elle réussi à arriver ici avant eux, seule la magie avait la réponse.

- Et vous pensez aller où comme ça ? demanda-t-elle.

- T'es qui pour poser ces questions ? Notre mère peut-être ? Qu'est-ce que ça peut te foutre ? demanda Ace en resserrant sa prise sur le bisentô.

- Je cherche l'elfe qui répond au nom de Cédric, répondit Geralt.

- Ne t'implique pas dans cette affaire, lui dit la rousse avec froideur.

Ace leva un sourcil.

Avait-elle peur ? Certes, il connaissait la réputation de la sorcière du Kovir, mais au point d'effrayer Merigold…

- Je ne pensais pas que tu avais la frousse de cette femme à ce point, sourit moqueusement le D.

- Ton imagination, pour ne pas changer, Portgas, lui rétorqua la magicienne.

- On doit repartir sur une nouvelle dispute ou c'est pas nécessaire ?

- Ace a raison. Je te connais assez pour savoir que je n'ai pas imaginé ta peur quand on l'a rencontrée, intervint Geralt.

- Sheala est une des mages les plus puissantes existantes à ce jour.

- Ce n'est pas une raison pour la craindre, pointa le Loup Blanc.

- On ne peut pas lui faire confiance ! Je ne sais que trop bien qu'elle est fourbe, vicieuse et manipulatrice.

- On a une phrase chez moi qui correspond parfaitement à ce que tu dis. L'hôpital se fout de la charité. Tu attribues à Tancarville les mêmes défauts que tu as toi-même ! ricana le pirate.

- Tu permets, on essaye, Geralt et moi, d'avoir une conversation sérieuse.

- Si tu essayes de te prendre pour ma mère, ça marchera pas, notamment parce que tu n'es pas Sainte Rouge et aussi parce que je suis plus vieux que toi.

- Prouve-moi que je ne peux vraiment pas lui accorder ma confiance, demanda Geralt à Triss en coupant les prémisses d'une nouvelle dispute.

- Sheala sait parfaitement que tu es amnésique, or, elle fait comme si elle ne savait rien.

- Et qu'est-ce que ça peut lui rapporter ?

- Aucune idée. Ses intentions ont toujours été difficiles à cerner. Pour tout ce qu'on sait, elle pourrait très bien espionner Portgas pour le compte de Eilhart.

- Si Eilhart me veut, elle devra venir pour moi et j'ai bien l'intention de lui faire payer tout ce qu'elle m'a fait subir… siffla Ace avec de la colère dans les yeux.

- De mon côté, je peux toujours essayer de savoir ce qu'elle mijote. Si j'accepte de partager le contrat, je pourrais me rapprocher d'elle, lui dit Geralt. Mais je dois rencontrer ce Cédric.

Triss pointa les plateformes d'observation construites en hauteur sur les arbres, permettant à des sentinelles de surveiller les bois sombres et oppressants.

- Il doit être là-haut.

- Et puisque tu sais tout, tu saurais pas où je peux trouver un alchimiste ou un herbaliste ? demanda ironiquement le Chat Noir.

- Continue tout droit jusqu'à la rive et tu verras sa maison sur ta droite. Je pense que tu es assez intelligent pour la reconnaître.

- Merci de ta générosité, Merigold.

- C'est un plaisir, Portgas.

Ace échangea un regard avec Geralt avant de se mettre en marche dans le coin pauvre et boueux qu'était ce quartier de pêcheurs et de cueilleurs. Quant à lui, le Loup Blanc suivit Triss jusqu'à la première échelle qui le fit monter, via diverses plateformes et échelons, jusqu'au sommet des chemins de ronde entre les branches. Là-haut, on avait deux elfes qui fixaient la forêt avec attention, discutant doucement entre eux. L'un avait une tenue sombre et rapiécée qu'avait tous les pauvres gars du peuple, et un cache-oeil car il était borgne d'après son cache-œil à gauche. L'autre portait une tenue plus lourde couleur forêt ressemblant à ce que portaient généralement les Scoia'tael.

- Imbaelk*, ça fait presque un an, maintenant, commenta l'un d'eux.

- Moril aurait été radieuse devant une journée pareille, Seherim, répondit l'elfe en tenu d'Ecureuil. Profite des souvenirs que tu as d'elle et ne t'attarde pas sur les regrets.

- J'essaye, protesta Seherim. Mais je ne peux rester indifférent à tout ce que sa disparition a causé !

- Ne laisse pas les autres Seidhe empoisonner ton souvenir d'elle, continua calmement l'autre. La Haine n'est qu'une facette du Désespoir.

Seherim soupira et laissa pendre sa tête entre ses épaules.

- Merci, Cédric. Va fail.

- Va fail, répondit le dénommé Cédric.

Et Seherim s'en alla plus loin, grimpant un peu plus haut dans les arbres par le moyen d'une autre échelle. Ainsi, le duo Geralt et Triss put s'approcher. La première chose qui frappa le mutant, ce ne fut pas les cicatrices de l'elfe. Non, c'était la puissante odeur d'alcool qui se dégageait de l'Aen Seidh. Puis, il y avait son regard vitreux.

L'elfe avait l'air intoxiqué par l'alcool, mais pourtant, quand il parlait, il conservait une étrange clarté.

- Vous êtes Cédric ? demanda Geralt.

- Qui le demande ? répondit l'elfe.

- Geralt de Riv.

- Aaaah, le sorceleur. Et madame…?

- Triss Merigold, se présenta la magicienne.

- Quel parfum enivrant, miss Merigold.

- Cédric, regardez-moi, demanda le mutant.

L'elfe tourna lentement son regard vaseux sur le sorceleur.

- Que voulez-vous, Geralt de Riv ?

- J'ai un de mes collègues qui a besoin de se faire un peu d'argent, vous n'auriez pas un travail pour un sorceleur ?

- Un collègue et pas vous ?

Un rire hoquetant s'arracha de la gorge du soulard.

- Lui. Moi, je chasse le kayran.

- Oooh… eh bien, dans cette forêt, on a du travail pour toute une armée de sorceleurs. Ça grouille de bêtes ! Je ne suis même pas surpris qu'ils prennent parfois le risque de s'approcher des draves.

- Vous connaissez la raison de cette situation ?

C'était un elfe, et vu son regard, un vieil elfe. Il devait en savoir beaucoup sur ces bois.

- Les endroits maudits attirent toute sorte de saloperies, comme la merde attire les mouches. Par exemple, on avait, à une époque, un grand manoir dans une clairière non loin. On y enfermait les fous… durant la dernière guerre avec Nilfgaard, un grand incendie l'a rasé jusqu'aux fondations. Les fous ont cramé dans leurs cellules. Depuis ce jour, les ruines sont maudites. L'autre jour, deux suicidaires sont partis les explorer. Personne ne les a revus depuis.

- Un manoir, donc ? Vous pouvez m'en dire plus ?

- Geralt, ton ami est assez grand pour se trouver du travail seul, tu as autre chose à faire, toi, reprocha Triss.

- Je préfère être au courant de ce qu'il se passe, si jamais je dois aller sauver sa peau.

La magicienne claqua de la langue mais ne dit rien de plus.

- Eh bien, c'était un vieux manoir quand il a été converti en asile psychiatrique. Il n'y avait pas de problèmes pour trouver des fous durant la guerre, ils ne cessaient d'affluer. Le révérend Mirceai les y enfermait et s'occupait d'eux. Une chose est certaine, si votre ami trouve les deux hommes qui se sont perdus dans les ruines, il aura une récompense prodigieuse. De leur part ou de celle de leur famille.

- J'en parlerais à Ace.

- Concernant le kayran, je suis assez surpris que Loredo ait enfin mit la main au portefeuille pour chasser le Vieillard, comme on l'appelle. Cependant, écoutez-moi bien. Je ne vais certainement pas apprendre à votre grand-mère comment gober des œufs, vous êtes un sorceleur, vous connaissez votre travail. Je peux néanmoins préparer un piège très utile dans ce genre de situation. Contre rémunération, bien entendu.

- Un piège ?

- Je sais faire toutes sortes de pièges. Les paralysants, les appâts, les étourdissants. Tout ce qui peut vous faire plaisir.

- Vous êtes qui exactement ?

- Celui qui avertit les gens des dangers de la forêt, répondit l'elfe.

- Vous pouvez être plus clair ?

- Je suis vieux, même pour un elfe.

Dur à imaginer quand on avait l'impression que l'elfe avait à peine la trentaine.

- Cependant, cette forêt est encore plus vieille. Je vis ici depuis des années et je la comprends, même si ce n'est pas quelque chose que je peux expliquer.

- Ce genre de chose vous permet-il d'avoir quelques informations utiles sur le kayran ?

- Cela dépend du genre d'aide que vous cherchez, répondit l'elfe en croisant les bras. Parce que pour moi, on aurait dû trouver quelqu'un pour le tuer il y a des années déjà… mais aujourd'hui, je sais pas…

Avec un soupir, l'elfe posa ses mains sur ses hanches, regardant pensivement le sol en bois sous leurs pieds.

- La bête est devenue trop large pour le lit de la rivière. Elle a d'étranges excroissances sur les tentacules et une peau très épaisse. Avant, elle vivait dans un marécage dans l'un des affluents du Pontar. Une terre si sauvage que même les Scoiat'ael ne vont pas s'y aventurer. Vous devriez voir l'épave du navire que cette bête a coulée récemment. Peut-être qu'il y a encore des traces intéressantes à examiner dessus. En tout cas, la destruction fait froid dans le dos.

- Et où est cette épave ?

L'elfe pointa les bois en direction du sud.

- Allez au sud dans la forêt, puis, à la rivière, prenez à l'est. Vous y trouverez les ruines d'un pont qui fut érigé il y a bien longtemps par les Aen Seidhe. L'épave repose à ses pieds.

- Merci pour l'information. Sinon, cette elfe, Moril, dont vous parliez, c'est quoi cette affaire ? Quelque chose dans quoi on peut aider ?

- Elle a disparu il y a un an. Seherim pense que la forêt l'a emportée. C'était il y a trop longtemps pour qu'on puisse la retrouver.

- Vous pensez que ce n'est pas le cas ?

Cédric secoua la tête.

- Moril a simplement disparu du jour au lendemain. Certains disent qu'elle était trop belle et qu'un dh'oine lui a fait du mal. D'autres disent qu'elle est devenue une des nombreuses maîtresses du vampire qui hante ces bois.

- Et vous y croyez ?

- Je n'ai aucune preuve mais je connais suffisamment le vampire pour savoir qu'il est innocent.

Geralt haussa un sourcil.

- Je suis l'un des rares, avec l'herboriste, à m'aventurer dans les bois. Il n'est donc pas si rare qu'on tombe nez à nez avec lui. Entre ça et un nekker, il est toujours appréciable de discuter avec quelqu'un de civilisé.

Le point se tenait.

L'elfe croisa les bras, puis finalement, se gratta la nuque.

- Je crois en mes pressentiments, et eux me disent que la forêt ne l'a pas prise. Ces bois sont cruels, mais justes.

- Pourquoi ne pas lui avoir dit ?

- Parce que ça ne sert à rien. Elle a peut-être été assassinée, peut-être qu'elle est partie de sa propre volonté. Elle est partie, et ni moi, ni Seherim ne pouvons faire quoi que ce soit contre ça.

Pour un pochard, il était étrangement lucide. Et pragmatique.

- Merci en tout cas. Si j'ai d'autres questions, je reviendrai quand vous serez sobre.

Un sourire amer apparut sur le visage de l'elfe.

- On dit que les sorceleurs vivent longtemps. Vous serez peut-être amené à voir ce jour arriver.

Et sans plus s'occuper d'eux, il retourna à sa surveillance.

Triss invoqua un Portail, ouvrant une surface sombre soulignée de doré, donnant sur du néant en apparence.

- Il mène à l'épave, tu me suis ? proposa la rousse.

- Je n'aime pas les Portails et je voudrais avoir l'opinion d'Ace sur l'affaire. Plus on a d'avis, mieux ça sera. On se retrouve là-bas, mais on risque de tarder.

Avec un souffle du nez vexé, la rousse traversa l'apparition intangible pour disparaître, effaçant le Portail derrière elle. Geralt redescendit avec des moyens humains jusqu'au sol de la forêt et enfin, s'arrêta. L'odeur bien familière de son camarade mutant lui parvint au nez. Il était passé par ici il y a peu de temps. Il suivit la trace olfactive entre les maisons et finit par arriver presque à la berge. Sur sa droite, il trouva une maisonnette, entourée de plantes diverses, à l'allure presque sauvage. Son médaillon s'agita contre sa poitrine alors qu'il s'approchait de la porte de la maison. Son Haki lui disait qu'il n'y avait aucun danger et il percevait de la vie dans la bâtisse. Quelqu'un de blessé ou malade ; son camarade et une femme qu'il percevait étrangement par rapport à un humain normal ou un elfe.

Aussi, il fut assez surpris de rencontrer une petite bonne femme devant un atelier d'alchimiste. Une bonne femme tout ce qu'il y a de plus humaine. Ace était assis dans un coin, à moitié somnolant, les bras croisés sur la table. Dans un autre coin de la pièce, deux lits de fortune. Dans l'un d'eux, l'homme qui avait été sauvé de la noyade gémissait doucement, avant de se tourner sur le côté de son lit pour vomir régulièrement.

- Bienvenu, salua la femme en jetant un vague regard à Geralt avant de retourner à ses affaires.

- Mon médaillon se manifeste en cas de magie ou de danger. Je ne m'attendais certainement pas à trouver une simple humaine par ici, dit le Loup Blanc.

La brunette se retourna en fronçant les sourcils, les poings sur les hanches, bien que l'augmentation de son rythme cardiaque s'apparente plus à de la nervosité plutôt que de la colère, de ce qu'entendait Geralt.

- Peut-être qu'il vous avertit de la menace de la claque que vous risquez de recevoir bientôt sur votre joli petit minois ? proposa la femme. Mon nom est Anezka, je suis herboriste avec quelques notions d'alchimie. Si vous avez besoin de plantes ou de remèdes, vous pouvez rester, sinon, foutez le camp.

- Vous en faîtes pas, je suis du genre prudent.

- Ecoutez-moi, mon bonhomme ! dit-elle en brandissant un doigt menaçant vers le blandin. Les gens peuvent dirent ce qu'ils veulent, mais je ne base pas mon commerce sur la magie ! Et comme vous m'avez l'air de ne pas être quelqu'un qui vient ici à la recherche d'un charme ou d'une malédiction, ça veut dire que vous cherchez des sensations fortes ou que vous êtes un chasseur de sorcières. Mais quel que soit le cas…

Ah. Une sorcière. Ou une sage-femme. Peu importe le nom, une femme qui pratiquait une magie tribale, païenne, loin des principes et des enseignements que suivaient les magiciennes formées par Aretuza. Le genre de femme qu'on venait chercher quand on avait des problèmes, mais qu'on accusait aussi des pires maux quand les champs ne donnaient plus rien ou que les bêtes mourraient sans raison.

- Ecoutez, je n'ai pas l'intention de vous dénoncer, ni de venir vous voir pendant que vous dansez nue à la pleine lune devant l'autel de Vayopatis.

Ace masqua son rire en enfonçant sa tête dans ses bras. Il allait rester sage, il ne voulait pas que la femme foire la médication qu'il lui avait demandée. Anezka retourna à ce qu'elle faisait en demandant par-dessus son épaule ce que voulait Geralt.

- Plusieurs choses. Des herbes notamment, puisque vous m'avez l'air d'être une experte sur le sujet, répondit le Loup Blanc.

- Des herbes ? répéta la femme d'un air dubitatif.

- Pour usage personnel.

La femme se détourna une nouvelle fois de son ouvrage pour mieux regarder Geralt.

- Ah. Un autre sorceleur. Il est vrai que cette forêt a bien assez de travail pour une dizaine d'entre vous.

Et elle retourna à ce qu'elle faisait.

- J'ai vu des contrats pour des endriagues et des nekkers. L'infestation est importante ? s'enquit Ace.

- Ils ne me font pas peur, pas plus que je ne crains les Scoia'tael, mais la proximité de ces créatures ne facilite pas le travail des cueilleurs. Et on perd régulièrement des hommes et des femmes dans la gueule de ces bêtes.

- Pas de noyeurs ? Vous êtes proches de la rive, pourtant, commenta Geralt.

- Pas dans ce coin, peut-être plus loin, en s'enfonçant, en tout cas. Mais les bois sont hantés et ne parlons pas du manoir en ruine. Pour les herbes, si vous avez une liste, je peux les trouver, si vous-même vous ne les trouvez pas dans la forêt.

Elle pointa ensuite une chaise du doigt.

- J'ai besoin de concentration pour les prochaines phases, donc, si vous avez besoin d'autre chose, asseyez-vous et patientez. Nous reprendrons un peu plus tard la conversation.

Décidant de ne pas énerver inutilement la sorcière, Geralt alla poser ses fesses sur une des chaises et se mit à patienter. Il jeta un œil à son camarade qui observait chaque geste que faisait la sorcière dans la préparation de la commande. Méfiance ? Intérêt ?

Au bout d'un long moment, Anezka s'éloigna des alambiques et alla ouvrir la boîte en bois qu'Ace avait sortie plus tôt dans l'auberge.

- Autre chose, donc ? demanda-t-elle comme signal pour dire qu'elle en avait fini.

- Vous savez quelque chose au sujet des amulettes de protection ?

- Je ne suis pas une magicienne, mais je m'y connais un peu. Pourquoi ça ?

Geralt sortit de sa sacoche à élixir le médaillon qu'il avait récupéré avant l'assaut du château et le déposa sur la table. Si le médaillon de Geralt s'était habitué à la magie qui émanait de l'objet, ce n'était pas le cas de celui d'Ace qui se mit immédiatement à vibrer, l'intrigant.

- J'ai mis la main sur celle-ci, mais j'ai des raisons de croire qu'il y a quelque chose qui ne va pas avec elle.

Anzeka cessa de faire les derniers ajustements à sa commande et alla voir de quoi il était question. Elle se pencha vers l'objet et le cueillit de la main du Loup Blanc pour l'examiner avec attention, le tournant et le retournant entre ses doigts, le levant à la lumière du jour grisâtre comme pour mieux le voir

- Hmmm oui, possible, marmonna la femme. Il y a peut-être de la magie à l'œuvre avec cet objet. Je suis prête à vous l'acheter.

- Si vous voulez l'acheter comme ça, en le voyant pour la première fois, c'est qu'elle doit avoir de la valeur, remarqua Geralt. Pourquoi vous intéresse-t-il ?

- Je collectionne les antiquités. Elles sont peut-être inutiles pour autrui, mais moi, je vois leur véritable valeur.

Le sourcil que leva le duo de mutants voulait TOUT dire.

- J'ai dû mal à croire que vous souhaitez acheter une vieille pièce de métal parce qu'elle est vieille.

Et il tendit la main pour récupérer l'amulette.

- Je ne vois pas pourquoi je dois me justifier auprès de vous.

Elle consentit néanmoins à rendre l'objet au Loup Blanc.

- Je suis un sorceleur. J'achète beaucoup d'herbes et de plantes. Vous ne voulez pas perdre un client comme moi. On se fait rare après tout.

Anezka croisa les bras, réfléchissant, puis soupira et accepta de parler :

- Il ne s'agit pas d'un simple vieux talisman. Je suis presque certaine qu'il s'agit du Cœur de Mélitèle. C'est un très puissant artéfact. Enfin, c'est ce qu'il était à l'époque. La magie qui provient de lui est issue d'une malédiction qu'on a jetée sur l'objet, un sort pour en pervertir ses effets. Alors qu'avant, il servait à protéger ceux qui le portaient, aujourd'hui, il n'apporte que la misère à celui qui l'utilise.

Ce qui expliquait le pillage du temple et les mésaventures des chasseurs de dragons. Et celles de Geralt aussi, puisqu'il avait porté tout au long du siège cette amulette.

- S'il porte la poisse, désormais, pourquoi vouloir l'acheter ? s'enquit Ace.

- Il se pourrait que je connaisse une… méthode, dirons-nous, qui puisse lui rendre son pouvoir. Cependant, les ingrédients nécessaires sont extrêmement rares et couteux.

- Du genre ?

- De l'essence de mort, une langue de troll, des yeux d'arachas et un fœtus d'endriague.

Essence de mort et fœtus d'engriague, ça pouvait aller. Par contre, tuer un troll pour sa langue, à moins qu'il soit devenu totalement fou, c'était presque cruel. Ils étaient brutaux, simplets, mais pas méchants volontairement, sauf quand il s'agissait de se nourrir/défendre et autres. Par contre, une arachas, ça, c'était une toute autre paire de manches. Elles se faisaient rares et surtout, elles étaient solitaires. En rencontrer une relevait presque du miracle.

- Eh bien, on va voir si on peut trouver ces ingrédients, répondit Geralt en rangeant l'amulette.

- Faîtes-moi signe quand vous serez prêt, et on pourra commencer le rituel, leur dit sérieusement la femme.

Elle retourna à la commande d'Ace et termina de remplir les fioles avant de refermer le couvercle. Le coffret retourna dans les mains du D. qui déposa une bourse d'or en échange sur la table.

- Merci de votre aide.

- Au plaisir.

La bourse disparut dans les mains de l'herboriste.

- Je range ça et je te rejoins, dit Ace en montrant le coffret.

Son camarade hocha la tête. Il allait l'attendre aux portes.

Ils saluèrent Anezka, lui promettant de rester en contact, avant de quitter sa demeure et son patient. Sauf que dehors, comme si c'était un fait exprès, le calme n'était pas au rendez-vous. Un groupe de cinq gardes entourait une elfe pauvrement vêtue, la malmenant et l'insultant à tout va en l'accusant de quelque chose dont elle essayait de se défendre.

- Qu'est-ce qu'il se passe ici ? demanda Geralt.

Aaaah, ce Loup Blanc, un justicier au grand cœur…

- Cette putain est une Scoia'tael ! clama un des gardes.

Accusation rapide et facile, surtout quand en face, il s'agissait d'une elfe sans défense. La pauvre femme suppliait du regard Geralt de l'aider, alors que le mutant demandait aux soldats s'ils avaient des preuves de leurs accusations.

- Facile ! Elle traine du côté de la garnison, du genre, elle nous racole ! Rodrig dit qu'il l'a sautée, mais j'y crois pas.

- Je l'ai fait ! protesta le dit Rodrig.

- Même Big Mum n'est pas aussi répugnante que cette scène, soupira Ace. Je te laisse gérer, je vais ranger ça.

Et il s'éloigna. Geralt le regarda partir, avant de revenir à la situation devant lui.

- Et c'est votre preuve ?

- Deux de nos hommes ont disparu. On les a vus la dernière fois avec elle.

- Je n'ai fait que leur parler ! protesta l'elfe. Après, ils sont partis vers la cave, c'est tout ce que je sais !

- Cette chienne ment ! accusa un autre soldat. Elle les a conduits dans une embuscade !

- Eh bien, ce devrait être facile à résoudre comme affaire, je vais aller voir ça moi-même. Une cave, donc ? Vous pouvez m'y conduire ?

- Mais elle est pleine de saloperies ! protesta le premier garde.

- J'ai dit que j'allais le faire. Mais j'attends un salaire en échange. Vous m'y conduisez et je cherche vos gars pendant que vous m'attendez.

Et donc, on l'escorta jusqu'à la cave en question. Une grotte qui s'enfonçait dans le sol, hors de la ville, sur le chemin menant au navire de Roche qu'ils avaient plus ou moins abandonné pour arriver jusqu'ici à pied.

Et juste sur le seuil de la grotte, il trouva une importante tâche de sang.

Par simple précaution, il porta une main à son glaive, fouillant les environs de son Haki. Etrange, il ne percevait aucune menace. Il descendit dans les profondeurs, palier par palier, s'enfonçant dans les larges couloirs de roche qui devaient passer sous la ville, cherchant l'origine du sang.

Puis, il sentit la vie.

Et la menace.

Ce n'était certainement pas humain.

Il dégaina.

Les grognements légèrement aigus vinrent à ses oreilles avant les créatures. Petites. Très petites, et moches. De couleur grisâtre avec une dentition cauchemardesque, des petits yeux au milieu d'un visage chauve. Malgré leur apparence frêle, elles se caractérisaient par des longues griffes courbes et acérées, aussi grandes que leur avant-bras, sans parler d'un double, voire d'un triple menton masquant totalement le cou.

Si un nekker seul, cela ne représentait absolument aucune menace, ce n'était pas le cas d'une horde entière. Surtout qu'il était question de créature fouisseuse. Donc, il était probable que l'un d'elle surgisse du sol à n'importe quel moment.

Et bordel, il y en avait tant.

Tellement.

De quoi pleurer de frustration.

Mais il était un sorceleur. Il avait sa fierté. Il restait un pro.

Alors, il retint ses larmes d'homme et enduisit de l'huile pour ogroïde sur sa lame. Il avala le combo Hirondelle/Chat-Huant et… passa à l'attaque.

Pendant de longues minutes, avec le style de groupe, il balaya autour de lui avec sa lame, fauchant par demi-dizaine ces créatures courtes sur pattes. Il ne s'avança pas plus dans la caverne, restant devant le couloir de sortie, histoire de ne pas se faire encercler. Il n'était certainement pas fou pour faire une bêtise pareille.

Au bout d'un long et laborieux moment à valser entre les nekkers qui essayaient de lui sauter dessus, il finit par s'en débarrasser. Une sacrée invasion. Et heureusement qu'il y avait l'odeur âcre des soldats ivrognes dans l'air, parce qu'avec tout le sang qu'il avait répandu dans son nettoyage, impossible de suivre la trace des deux hommes disparus comme ça. En suivant l'odeur, il s'aventura plus loin dans le boyau de roche, escaladant des escarpements, pour finir par trouver les deux hommes disparus.

Morts.

Sur le sol.

Leur corps en partie mangé par les nekkers.

Mais il en restait assez pour savoir que ce qui les avait tués, c'étaient des flèches de Scoia'tael. Les gardes au dehors avaient raison.

Le mystère restait de savoir comment ces deux hommes et l'elfe avaient réussi à arriver jusqu'ici en vie avant de se faire tuer par les Scoia'tael, alors qu'il venait de décimer une colonie de nekkers. Si un nekker seul, cela ne représente pas un gros challenge, un groupe d'une trentaine d'individus, c'est du suicide. Peut-être que les nekkers s'étaient installés là après l'embuscade, ce qui expliquerait l'absence notable de nid. Ils avaient dû sentir la nourriture et creuser jusqu'à déboucher dans cette cave.

Mouais, encore un gros mystère.

Au trot, ne désirant pas tomber nez à nez avec une nouvelle vague de nekkers voulant venger leurs potes, il quitta la zone, finissant par retrouver le soleil et l'herbe de la berge du Pontar. Les gardes de Flotsam furent pour le moins surpris de le revoir sortir vivant.

L'elfe déglutit en le voyant émerger et croisa les bras de façon à faire ressortir sa poitrine tout en le fixant. Clairement, elle essayait de le charmer pour son silence.

- Alors ? Vous avez trouvé quelque chose ? demanda l'un des gardes.

- Deux soldats, répondit Geralt.

- Et…?

Malena essaya de mettre encore plus sa poitrine en valeur sans pour autant se faire griller par les soldats. Bien essayé, mais Geralt avait une autre femme dans ses pensées plutôt qu'une elfe.

- Criblés de flèches, puis dévorés par des nekkers. Inutile d'aller les chercher, ça revient à du suicide.

Il venait de condamner cette femme à mort, il le savait. Mais si quelqu'un avait l'audace de s'aventurer au fond, on trouverait les flèches, alors…

- Je sais rien de tout ça ! s'exclama l'elfe en panique.

- Vous pensez quoi de tout ça, sorceleur ? demanda l'un des gardes.

- Je pense que dans un acte de bravoure stupide, deux soldats se sont aventurés dans la cave, certainement pour en chasser les monstres, parce que quelqu'un les a persuadés de le faire. Je ne sais pas s'ils ont réussi à tuer des monstres, mais je sais que ce qui les a eus à la fin, ce sont les Scoia'tael.

- Ce sont des mensonges ! s'indigna l'elfe.

- Que je sache, les nekkers n'utilisent pas d'arcs et de flèches.

Comme un seul homme, les gardes se tournèrent vers l'elfe qu'ils insultèrent copieusement, lui promettant une belle pendaison.

- Je peux vous être utile ! Je peux tout vous expliquer ! S'il vous plaît ! se défendit l'elfe.

Soit, si elle voulait se justifier.

- Parle, lui dit Geralt sur un ton qui lui recommandait de parler vite et clairement.

- Venez avec moi, vous avez besoin de voir les choses par vous-mêmes, sinon, vous ne comprendrez pas.

- Tu veux nous montrer quelle merde ? demanda un garde.

- Cette chienne nous mène en bateau !

Cela puait le piège, mais pour sa conscience, Geralt voulait voir les choses de ses yeux.

- Passe devant. Mais au moindre signe suspect, c'est pas la corde mais mon glaive qui te finira, avertit le mutant.

En déglutissant, l'elfe hocha la tête et tourna les talons, menant le groupe le long de la berge. Le cœur battant à la chamade de l'elfe résonnait comme un tambour de guerre aux oreilles du sorceleur. Le chemin qu'elle leur fit prendre était le même qu'il avait emprunté avec Roche et Triss en arrivant à Flotsam.

L'embuscade était de plus en plus probable.

Aussi, il lâcha presque son arme de surprise quand il réalisa que ce qui les attendait sur l'arbre renversé, ce n'était pas un commando d'elfes à décimer… mais le vampire supérieur Thatch.

Encore plus étrange, un vampire loin d'être hostile.

En fait, on l'avait pris sur le fait en train de pêcher.

Un vampire qui pêche… comme quoi, Geralt devrait peut-être songer à convaincre la prochaine brouxe qu'il croisait de chasser le lapin.

Bien évidemment, la présence de l'individu réputé dangereux et hostile mit tout le monde sur ses gardes et on hurla à l'embuscade, mais l'homme se contenta de les regarder en clignant des yeux, clairement perplexe. Puis, il remarqua l'elfe et eut un reniflement narquois.

- L'or a fini par avoir raison de toi, Malena, commenta le vampire en ramenant sa ligne pour ranger sa canne. Soyons sérieux un instant. Tu bossais avec Dimitri, pour de l'or. Et tu fais la même chose avec Iroveth, pour de l'or encore une fois. T'es pas mieux qu'une hav'caaren.

- Attendez… ! commença l'elfe avec panique.

- Oh ta gueule, t'as voulu jouer pour l'or, tu crèves pour l'or. Si encore, tu étais fidèle à la cause, oui, on aurait pu te sauver, mais pour ça… non, on va pas sacrifier nos forces pour ta vie.

- NOOON ! SOYEZ MAUDITS, STUPIDES D'HOINES !

Avec des regards méfiants pour le vampire, les gardes s'en allèrent en embarquant l'elfe hurlante avec eux. Thatch soupira et termina de ranger son matériel alors que Geralt regardait la femme se faire traîner au-delà du tournant par les soldats.

- Merci encore pour ton aide de ce matin, lança Thatch.

Le Loup Blanc se retourna pour voir l'homme le rejoindre sur le sentier, son matériel de pêche à l'épaule en plus de son étrange épée.

- Je voulais éviter la mort de mes amis et tu m'as offert une option qui ne nécessitait par que je rajoute le titre du Boucher de Flotsam à celui de Blaviken, répondit Geralt en haussant les épaules.

L'homme aux yeux ambrés lui sourit, avant de tendre sa main.

- Thatch.

- Nous avons quelques connaissances en commun, si je ne me trompe pas.

Il accepta au moins la poignée de main. Une main bien calleuse.

- Outre Triss Merigold ? s'étonna le vampire.

- Shani, notamment.

Le vampire éclata de rire avant d'avoir un regard lointain, un semblant rêveur.

- Ah, Shani… belle et ravissante Shani au caractère de feu. Marco disait ne pas avoir eu d'aussi bon élève depuis bien longtemps. Qu'est-ce qu'elle devient ?

- Elle lutte contre la Peste Catriona. Elle a passé un peu de temps à Wyzima, avant de retourner à Oxenfurt. Elle commence à devenir une médecin de renom.

- Heureux de le savoir. Mais ce n'est pas la seule connaissance que nous avons, non ? Tu as parlé au pluriel.

- J'ai vaguement connu Coën, aussi, mais je ne songeais pas à lui. Plus à Portgas D. Ace.

Le visage du vampire perdit son air joyeux et sociable pour se fermer, un éclat étrange dans le regard.

- Comment connais-tu ce nom ?

- Peut-être parce que la personne en question est en ville aussi. Lui et moi allons examiner le dernier navire que le kayran a attaqué, c'est l'occasion de le rencontrer sans les risques de la ville. Et je sais qu'il est venu spécialement ici dans l'espoir de te trouver.

Le vampire ne dit pas un mot, continuant de fixer Geralt avec intensité. Cela en devenait dérangeant.

- Shani a dû te dire que j'étais amnésique, sinon, tu m'aurais attaqué à vue, finit par dire Thatch. Cependant, même elle ne connaît pas le nom de la personne que mon frère et ma sœur poursuivent sans relâche depuis plus de quarante ans. Qu'est-ce qui me dit que ce n'est pas un piège ? Une tête de vampire supérieur ça vaut cher, sans parler que Loredo paye une somme rondelette pour me voir mort. Et ne parlons même pas de tout ce qu'un sorceleur peut tirer d'un corps de vampire pour ses élixirs.

Geralt haussa les épaules.

- La personne en question est devenue un sorceleur de l'école du Chat. Cheveux noirs en dreads, yeux de chats argentés, peau basanée, tâche de rousseur… à peine plus petit que moi, apparence assez juvénile avec grand sourire innocent et une sale langue très bien pendue. Je pense aussi qu'entendre quelqu'un gueuler dans la forêt dans une langue inconnue du Nord peut aider à l'identification. Va à sa rencontre si tu le souhaites, ce ne sont pas mes affaires, mais sache que lui, il te cherche. Et il m'a l'air de vouloir retourner le moindre terrier de nekker pour te trouver.

Le vampire n'eut aucun commentaire, avant de soupirer et de sauter pour atterrir de nouveau sur l'arbre renversé.

- Si tu trouves une tête de femelle troll, fais-moi signe, le gardien du pont la cherche pour enterrer sa femme.

Thatch disparut dans les bois sans explication. Geralt le regarda faire, se demandant le pourquoi de cet étrange commentaire, avant de finalement se retourner vers la ville. Il devait passer commande pour une nouvelle épée en argent de toute façon.

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Ace retira sa lame d'argent d'une endriague quand Geralt quitta enfin la ville. Le Loup Blanc jeta un vague regard à la progéniture issue du croisement entre une araignée et un scorpion trempé dans de la teinture mauve, avant de fixer son camarade. D'un geste de la tête, il l'invita à s'éloigner de la zone pour qu'ils puissent parler sans se faire entendre. Le D. se contenta d'un geste pour dire à son camarade de passer devant. Ainsi, les deux mutants s'enfoncèrent dans les arbres immenses et anciens qui peuplaient la forêt aux allures de crépuscule permanent. A défaut d'avoir une larme d'argent, le Loup profita de la marche pour prendre dans ses affaires de l'huile pour insectoïde et en enduire sa lame, remplaçant celle qu'il avait utilisée contre les nekkers.

Avec raison, parce que c'était ce qu'on trouvait le plus dans les forêts. Vu que les endriagues chassaient aussi les nekkers s'aventurant sur leur territoire, il y avait très peu de chance de tomber en même temps sur les deux types d'adversaires.

Ils firent une pause pour dépecer un spécimen pas trop abîmé. Geralt avait les mains dans les entrailles d'une des créatures qui faisait facilement la taille d'un homme de la tête à la base de la queue et celle d'un très gros chien au garrot. Ce fut à cet instant qu'il choisit pour mettre Ace au parfum de sa rencontre récente avec Thatch.

- On est encore trop prêt de la ville, se contenta de répondre le Chat Noir qui faisait le guet pour s'assurer qu'aucune bestiole ne les prenne à revers.

Geralt se redressa vaguement pour regarder son camarade qui lui tournait le dos.

- Disons qu'on va se poser des questions à Flotsam si on m'entend gueuler. Donc, je vais attendre qu'on soit un peu plus loin. Concernant ton commentaire sur le fait que tu n'aies pas perçu l'assassin de Foltest, c'est normal. Pour commencer, le Haki se base sur les sentiments et le désir de tuer. Plus ils sont puissants, plus il sera facile de sentir la personne qui les émet. Seulement, les sorceleurs sont majoritairement moins sensibles, plus froids, ce qui fait que percevoir un désir de mort ou de la colère d'eux est plus difficile.

Le Loup Blanc jeta un œil à son camarade.

- Je suis une exception, Geralt, et il vaut mieux ça que mon état normal, crois-moi.

- C'est un effet secondaire de ton traitement, c'est ça ?

- Mh. Donc, je disais, que pour les sorceleurs, les sociopathes ou les créatures qui utilisent la furtivité dans leur vie de tous les jours, il faut pousser un peu plus loin pour percevoir la vie elle-même.

- Je vois. La méthode ?

- La pratique. Y'a que ça.

Le blanc allait retourner à ce qu'il faisait quand il remarqua quelque chose en face de lui. A moitié masqué par le feuillage, d'une couleur à la fois grisâtre et moussue, grand comme un homme, la chose palpitait très légèrement.

- Ace. Regarde devant.

Ace se retourna et regarda le tronc que Geralt lui pointa du doigt.

- C'est un cocon, non ?

- Si ça en est un, il doit y en avoir d'autres.

Alors que le Loup finissait la récolte, le Chat alla rejoindre le tronc. Il saisit un coin du cocon et l'ouvrit comme un coquillage, dévoilant des œufs translucides plus ou moins développés, montrant des fœtus d'endriagues.

- Anekza avait pas dit que les fœtus d'endriagues étaient nécessaires pour son rituel ? demanda Ace en tirant un poignard en argent.

- Exact. Tout comme il est demandé de réduire leur population dans la forêt. S'il y en a un, il doit y en avoir d'autres.

D'un geste précis, le D. perça tous les œufs, achevant les larves immatures d'endriagues. Ils n'avaient désormais plus beaucoup de temps. En mourant, ces larves émettaient une phéromone puissante qui ne tarderait pas à rameuter d'abord leur mère, puis le reste de la colonie. Geralt le siffla et pointa du doigt un autre cocon un peu plus loin avant de se précipiter vers un troisième qu'il avait repéré à l'autre bout.

Les deux autres nids étaient tout juste ravagés quand une reine endriague apparut. Et bordel, elle était grosse. Et elle tenait plus de l'araignée que les autres (notamment avec l'absence de queue). Elle avait un abdomen énorme et gonflé tacheté de rose, certainement qu'elle était sur le point de pondre de nouveau. Contre ce mastodonte aussi haut qu'un homme, une attaque par devant était stupide. Elle avait une carapace aussi solide qu'une armure, alors que derrière, elle était plus vulnérable, surtout avec son corps distendu dû aux œufs qu'elle portait encore.

Geralt, le plus proche, roula hors de sa portée, évitant ainsi de se prendre un coup de mandibules empoisonnées.

- Putain, qu'est-ce que t'es laid… grimaça le Loup Blanc.

- GERALT ! FAIS-LA CHARGER ! appela Ace.

Il enduisit la lame du bisentô d'huile et se mit à genou, l'arme vers l'avant. Son camarade lui jeta un bref regard avant d'esquiver un nouveau jet de poison. Il donna deux coups d'épée pour asticoter la bête avant de s'éloigner légèrement à reculons pour se positionner juste devant Ace. Il rangea son arme quand son camarade lui refila son propre glaive d'argent. Comme prévu, la reine fonça vers eux avec la même furie et trajectoire qu'une locomotive. Geralt se retira au dernier moment, laissant l'animal s'empaler droit sur le bisentô sans pouvoir rien faire. Les créatures craignaient peut-être plus les glaives d'argent que l'acier, mais quand on a quelque chose qui nous transperce de part en part, peu importe la matière, ça fait toujours très mal. Profitant de l'agonie de la créature, le Loup Blanc passa par derrière et l'acheva proprement. Difficilement, le D. retira le bisentô de la carcasse et se releva, couvert d'entrailles d'endriague.

- Tu voulais un fœtus d'engriague, c'est ça ? demanda Geralt.

Il prit quelque chose sur le crâne du brun et le mit sur le nez de son camarade.

- Eh bien, en voilà un.

- J'vais t'buter, de Riv.

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AN : Cela correspond à février. C'est une fête de cette période de l'année célébrant le renouveau. Elle tire son inspiration d'une fête irlandaise du même nom célébrée le 1er février