Bonjour à tous ! On se retrouve aujourd'hui pour la suite de nos aventures avec cette fois, des trolls et de la politique au menu ! C'est cool, non ?
Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture et à bientôt !
Bises !
Merci à Kioko1999 pour sa review et j'espère que ce chapitre sera à son goût !
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Un nouveau lever de soleil et une nouvelle journée sans la moindre piste avait déjà commencé. Puisque l'état d'Ace était assez stable pour qu'il n'ait pas besoin de la surveillance d'un médecin surprotecteur, il accepta d'aider Geralt à fouiller les environs à la recherche du moindre indice.
Parce qu'ils en avaient un. Un tout petit. Très maigre si on prenait en compte qu'il sortait de la bouche d'un soulard. Un nain qui avait harcelé le tenancier de l'auberge où créchait Geralt pour avoir droit à une autre bouteille quand il avait déjà une ardoise deux à trois fois plus grande que lui. Et même pour un nain, cela veut dire beaucoup.
Donc, monsieur le nain aurait vu une rousse et un gros machin tomber du ciel dans les gorges. Le gros machin avait abandonné la rouquine sur place et un troll avait débarqué. Un troll qui avait décidé de prendre la rousse avec lui dans sa tanière.
En effet, ce n'était pas bien gros comme indice. Mais comme ils n'avaient que ça, c'était toujours mieux que rien. D'où pourquoi ils étaient là à crapahuter dans les gorges de Lormark. Quand on voyait toute cette roche, on se demandait bien pourquoi Henselt voulait absolument le Haut Aedrin pour lui, parce qu'il n'y avait pas grand-chose, si ce n'est des cailloux, des cailloux, et encore des cailloux… et… je vous le donne en mille… des… cailloux.
Ils n'y crurent donc qu'à moitié quand ils virent plus loin sur leur route un troll, dans une zone si éloignée de Vergen qu'ils percevaient des lambeaux de la brume magique qui assiégeait la cité. Comme quoi.
Le troll en question s'échinait à remuer une marmite dont le contenu n'était certainement pas appétissant dans l'opinion des deux sorceleurs. Autre détail, il sanglotait.
- Qui vient ? demanda la bête quand les deux mutants furent dans son champ de vision.
- Des sorceleurs, répondit Geralt alors qu'il s'arrêtait avec son camarade devant la bête.
- Ploucs envoient sorceleurs tuer moi ? Sorceleur vouloir impressionner femelle en tuant moi ?
- Certainement pas, parce que je suis tout à fait apte de te renvoyer dans ta tanière chialer ta mère sans lui, grogna le D. avec agacement.
Il haïssait qu'on le prenne pour une femme. Il allait finir par craquer et tuer le premier qui dirait qu'il n'est qu'un simple vagin.
- Vous ici pour tuer moi, donc faire. Tuer. Vite. Pas bobo, grommela le troll.
Les deux mutants échangèrent un regard perplexe. Un troll suicidaire ? Allons bon.
- Pourquoi veux-tu mourir ? s'informa Geralt.
- Vivre pour quoi ? Rombière plus vouloir moi. Moi seul… terrible.
Dispute de couple, apparemment.
Ace s'éloigna pour se rapprocher de la marmite et jeta un œil dedans en fronçant les sourcils.
- C'est quoi exactement dedans ?
- Soupe. Elfes et oignons. Booooooooooooon. Veux goûter ?
- Tu les as récoltés où, tes elfes ? se renseigna Geralt en fronçant les sourcils.
Du coin de l'œil, il vit Ace porter une main à son glaive d'argent, en restant silencieux et dans le dos du troll. Suivant la réponse, le troll aurait son vœu de mort accordé.
- Rombière rapporter des gorges, comme moi rapporter rousse…
Là, il avait la totale et parfaite attention des deux mutants.
- La rousse est aussi dans la soupe ?
- Non. Rousse partie. Rombière partie. Tout le monde parti, rester juste soupe.
La main d'Ace s'éloigna de son glaive.
- Je ne suis pas fan des oignons, commenta Geralt.
Comme si c'était les oignons qui posaient problème dans cette soupe.
- Stupide. Elfes bons avec oignons… ressemble tomates.
- Et si tu nous disais pourquoi tout le monde est parti, se renseigna Ace en revenant devant la bête.
La créature se laissa tomber assise, provoquant un léger tremblement de terre sous la masse.
- Moi dans gorge. Rombière dans gorge. Trouver os, bon à ronger. Et wham ! Humains tomber du ciel !!
- Soyons sérieux, les gens ne tombent pas du ciel, pointa Geralt.
- Troll dire vérité. Flash ! Crack ! Deux humains tomber là où est bateau cassé. Humain homme, grand comme troll et femelle. Moi aller voir…
- L'homme était-il chauve ? Avec une cicatrice sur la tête ?
- Sorceleur homme aime homme ?
- Non, ça, c'est moi, rectifia Ace. Oui, je revendique mon homosexualité et je vous emmerde tous !
Le troll le regard en penchant la tête sur un côté. Clairement, Ace était trop compliqué dans son discours pour lui.
- Réponds-moi, intervint Geralt.
- Vu de loin, reprit le troll. Chauve, oui. Pas vu cicatrice. Lui courir dans gorge, laisser rousse humaine… bête. Moi aller voir. Rousse grogner. Elle mal. Moi rapprocher. Elle pas fuir. Jambe bobo. Moi prendre femme humaine, rentrer maison. Rombière pas contente ! Dire humaine trop maigre ! Elle faim, gronder et gronder et partir chercher nourriture pour elle. Donner eau à femme humaine. Couvrir jambe avec feuille. Rousse, oh, jolie. Alors caresse quand elle dort. Rousse a ruban, sentir bon… Rombière revenir avec elfes. Jeter maigre, idiot, elle beugler. Donne tissu ! Troll dire non parce que jolie et sent bon. Rombière dire « elle ou moi ».
Ouch. La question difficile pour beaucoup d'hommes infidèles.
- Troll penser : rousse douce et jolie tissu sentir bon. Troll dire à rombière. Rombière frapper troll avec arbre et partir. Même laisser elfes.
- Et qu'est-ce qu'il est arrivé à la rousse ? se renseigna Geralt.
- Rousse souffrir, rousse rester. Douleur partir, rousse fuir. La nuit, quand troll dort. Tanière vide.
Et il montra un creux dans le flanc de la montagne qui devait servir d'abri pour les trolls. Un lit cassé, certainement abandonné, était là. Ace alla l'examiner pendant que Geralt continuait d'écouter le troll :
- Tu as toujours le mouchoir de la rousse ?
- Non. Rombière prendre. Elle laisser elfe et fuir.
- Et où est parti ta… femme ?
- Gorges. Rombière aime gorges. Moi aime gorges.
Ace revint vers son camarade et dans son gant, des cheveux roux brillaient dans le soleil pâle des montagnes. Geralt aurait mis sa main à couper que c'étaient ceux de la magicienne.
- On va aller chercher ta femme.
- Sorceleurs pas tuer rombière. Elle gentille. Juste bête.
- On va pas tuer ta femme, rassura Ace. Du moment qu'elle veut pas nous rajouter dans la soupe.
- Sorceleurs mauvais à manger.
Allez savoir si c'était bon à savoir ou vexant…
- Rombière revenir. Moi seul, moi terrible. Tanière vide.
- On lui dira de revenir, mais on doit récupérer le mouchoir de la rousse, lui dit avec patience le Loup Blanc.
- Rombière avoir ! Rombière bonne, elle donner. Quand elle revenir.
- Le chemin vers les gorges ? se renseigna Ace.
Le troll pointa un chemin dans la montagne sur la gauche. Ils se mirent donc en marche.
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Ils avaient rencontré des harpies sur le chemin, longeant les ravins et les montagnes. Ils avaient même trouvé un de leur nid à proximité. Assez bas pour que Geralt puisse faire la courte échelle à Ace afin qu'il puisse pénétrer dans l'amas de branchages et de plumes pour tout détruire. La marche avait repris dans l'herbe rase. En silence, avec parfois, les battements d'ailes des harpies venant en visite… et qui se prenait une balle de la part de Geralt puisqu'Ace pensait que c'était des cibles idéales pour apprendre à son camarade à tirer au fusil.
Le soleil commençait à atteindre son zénith quand ils finirent par entendre quelque chose d'intéressant. Des hurlements, des cris, des grognements. Clairement, des humains étaient en train d'affronter une bête.
Et au détour du chemin, ils virent l'infâme rombière. La troll était en train de se défendre contre quatre humains en armures. Des mercenaires si on en croyait leur tenue.
- Elle est blessée, dit le chef qui était en recul du combat. Laissons-la saigner à mort.
L'accent disait qu'il était originaire du Kovir. La question était de savoir ce qu'il foutait aussi au sud de sa nation d'origine avec ses hommes.
- Il serait mieux de nous jeter tous sur elle, maintenant qu'elle est affaiblie, préconisa un autre.
- Ça ne vaut pas le risque.
Pan !
Le coup de feu fit sursauter tout le monde et Ace serra les dents quand son tympan lui dit merde sous le bruit. Mais au moins, il avait l'attention de tout le monde et c'est pour ça qu'il avait tiré en l'air.
- Bonjour messieurs. Ceci est une mise en garde. Je vous recommande fortement de vous éloigner de cette troll, parce que nous avons besoin d'elle vivante.
- Tu peux aussi essayer la diplomatie, tu sais, lui pointa Geralt.
- J'emmerde la diplomatie quand j'ai de l'herbe aux chevilles.
- On a tous de l'herbe aux chevilles.
- Raison de plus.
Les mercenaires, et même la troll blessée, regardaient la conversation surréaliste sans comprendre. Le Loup secoua la tête et se tourna vers les mercenaires.
- Qu'est-ce que vous faîtes ici ?
- On est des mercenaires payés par le roi Henselt, informa le chef. Il nous avait envoyés en reconnaissance et on a tout juste réussi à fuir ce brouillard de spectre, et voilà que maintenant, on doit s'occuper d'une troll furieuse. Et vous, vous êtes qui ?
- Médaillon de métal à tête animal, deux glaives dans le dos, yeux de chat… je sais pas pour vous, mais je pense que la réponse est évidente, pointa sarcastiquement Ace avec le canon de son fusil contre son épaule.
- Nous sommes Geralt de Riv et Anabela D. Portgas, présenta clairement le Loup Blanc.
Ace n'était pas d'une très grande aide avec son sarcasme et son hostilité envers quasiment tout le monde. Le chef de la bande et son second se retournèrent pour voir que la femelle troll avait repris son combat contre le reste des mercenaires.
- Le mythique Loup Blanc ! On pourrait bien avoir besoin de l'avis d'un professionnel, sorceleur ! s'exclama le second en commande des mercenaires.
- Vous allez nous aider avec la troll ? demanda le patron.
- Comme l'a dit Portgas, on a besoin d'elle vivante.
- Depuis quand les tueurs de monstres prennent leur côté ?
- Ce sont nos affaires, pas les vôtres. Nous avons besoin d'elle vivante, point. Donc, allez-vous-en et laissez-nous la calmer.
- Elle a tué deux de mes hommes ! protesta le chef mercenaire.
- Et quelque chose me dit que c'est de la légitime défense. Donc, tu ramasses les gars qu'il te reste et tu te casses, siffla Ace.
- Ce n'est pas une femme qui va me dire ce que je dois faire ! On va tuer ce troll !
- Eh bien, il faudra nous tuer d'abord, pointa Geralt en tirant son glaive.
- Dans ce cas… adieu, sorceleur. On prendra soin de ta maîtresse après ta mort.
Ce n'était pas la chose à dire.
Il se prit un violent coup de crosse de la part du fusil du D., le déstabilisant assez pour qu'il ne puisse se défendre contre le front kick dans son plastron, le renversant au sol. Avant que quiconque ne puisse intervenir, le brun était sur lui, le canon de son arme dans la bouche du mercenaire à terre.
- Qu'on bouge une oreille, et c'est à sa sale gueule que vous pourrez dire adieu. Mon arme marche avec de la poudre, ça fait bien plus de dégâts qu'une maigre arbalète. Mettez-moi au défi ! siffla le sorceleur alors que ses yeux brillaient de rage sous son chapeau noir. Alors, première petite chose. Je suis pas une paire de cuisses qui s'écarte à la demande. Deuxième chose, je suis pas la putain de maîtresse de Geralt ! Arrêtez avec ces conneries ! Des sorceleurs, ça s'entraide sur la Voie parce qu'on est des mutants, donc, des indésirables pour tout le monde ! Ensuite, dernier point, si vous voulez pas que je vous explose le crâne, tous autant que vous êtes, vous allez lâcher les armes et lever les mains. Et vous deux, là-bas, foutez la paix à la troll ! Elle va vivre !
Le chef du groupe lâcha son arme et leva les mains, les gantelets bien visibles pour montrer qu'il n'avait pas d'autres armes. Ses hommes suivirent son exemple et mirent un maximum de distance avec la troll. Geralt s'interposa, les mains bien tendues pour faire signe à la bête de se calmer. La créature eut un rugissement, faisant mine de frapper le mutant, avant de souffler par le nez et d'aller se rouler en boule dans un coin.
Lentement, Ace recula, retirant le canon de la bouche de l'homme qui se redressa. Pour qu'il ait bien conscience qu'elle ne rigolait pas sur la menace, elle tira sur un rocher qui éclata en réponse, avant de rebraquer le mercenaire qui releva d'office les mains.
- On se rend ! Le roi paiera notre rançon ! assura le chef.
- Elle ne nous intéresse pas. Allez-vous-en, lui dit Geralt.
- Vous nous laisseriez partir ? s'étonna l'humain.
- Vous venez de ce passage ? se renseigna le Loup Blanc en montrant un chemin plus loin qui disparaissait dans la brume maudite du champ de bataille hanté.
- Ouais.
- Il est clair que faire le chemin de retour par la brume, c'est la mort assurée.
- On est des soldats de fortune, on n'a pas peur de la mort ! répliqua un des mercenaires.
- Mais on ne la cherche pas stupidement non plus, répliqua le chef.
- Entre nous, prendre Portgas pour un vulgaire jupon, c'est chercher la mort stupidement, glissa Geralt. Sans compter qu'elle est mariée au meilleur médecin du nord. Qui est à Vergen. S'il apprend les propos que tu as tenus, je doute qu'il accepte de s'occuper des blessés.
Le mercenaire grinça des dents mais ne fit aucun commentaire. Pas plus qu'il ne demanda pardon pour ses propos.
- Commandant ! On devait retrouver un sorceleur ! pointa un autre homme.
- Un chauve avec un médaillon de serpent. Elle, elle est brune avec une tête de chat et lui, les cheveux blancs avec une tête de Loup.
- Y'en a du monde qui cherche après ce cher Letho, dis-donc ! se moqua Ace.
- Vous le connaissez ? demanda le mercenaire.
Deux de ses hommes l'aidèrent à se relever parce qu'une armure comme la sienne, c'est tout sauf léger.
- On peut dire ça, répondit Geralt. On le poursuit aussi. Vous avez des informations sur lui ?
- Sheala de Tancarville nous a demandé de le chercher dans les ravines. Mais tout ce qu'on a trouvé, c'est un campement parsemé de Scoia'tael morts. C'est lui qui est responsable de ce massacre, et il n'a certainement pas agit seul.
Ce devait être les mêmes Scoia'tael que la femelle avait ramenés au terrier pour la soupe.
- C'était où et quand ?
- De l'autre côté du brouillard, y'a une semaine environ.
- Et vous deviez faire quoi de lui ?
- Le tuer. Lui et toute personne l'accompagnant.
- Toute personne qui serait avec lui ? Vous êtes certain ? se renseigna le Loup Blanc en fronçant les sourcils.
- Ce sont les ordres qu'elle nous a donnés.
- Une idée de sa localisation ? s'enquit Ace en baissant légèrement son fusil sans le ranger pour autant.
Le regard du chef se tourna vers la brume malsaine qui paressait à quelques dizaines de mètres d'eux.
- Quelque part de l'autre côté de la brume. Nous avions trouvé sa piste, puis la brume nous est tombée dessus. Il nous a fallu du temps avant d'en sortir et il s'avère qu'on s'est perdu entre-temps, d'où le fait qu'on soit ici.
Sheala savait-elle que Letho avait kidnappé Triss ? Après tout, c'était en usant de son megascope que le duo avait quitté Flotsam, donc, peut-être qu'il y avait encore une trace. Mais si c'était le cas, pourquoi vouloir la mort de Triss ? Pour une rancune de magicienne ? Pour protéger un secret que Letho aurait communiqué à la rouquine ? Il y avait aussi l'option disant que la magicienne du Kovir ne sache pas pour l'ancienne conseillère de Foltest. Dans un cas, comme dans l'autre, ils devaient être contents que le sorceleur ait laissé derrière la rousse. Parce que dans un sens, cela avait sauvé la vie de la magicienne.
- Je vous recommande de vous livrer à Vergen, recommanda Geralt en revenant au cas présent.
- Ce sera une première pour moi. Je suis Adam Pangratt, dit Adieu. Je ne peux pas me livrer.
- Et tu peux pas rester non plus ici avec tes hommes. La brume prend du terrain, c'est un miracle que tu aies réussi à survivre plusieurs jours dedans, rappela à l'ordre Ace. Donc, d'un côté, tu as la brume, et de l'autre, tu as un troll. Et non, je ne parle pas de la pauvre troll que toi et tes hommes avaient agressée. Je parle de son compagnon. Un troll en colère, y'a pas pire adversaire. Vous ne passerez pas la nuit si vous restez dehors.
- Mais si on va à Vergen, on sera pendus ! protesta un des mercenaires. Ils savent que c'est Henselt qui nous a embauchés !
- Je vous accompagnerai voir Cecil Burdon, je sais qu'il vous traitera équitablement. Mais ne comptez pas sur lui pour vous payer plus que Henselt.
- Ka… pardon, Shiva. Tu peux… demanda Ace.
Les hommes levèrent la tête pour voir que Shiva était assise sur une corniche, observant la scène en silence. Depuis quand était-elle là, bonne question. En tout cas, quand Ace s'adressa à elle, elle se contenta d'un sourire de coin.
- Cecil sera à l'entrée de la cité à les attendre. Iorveth aura sur place quelques-uns de ses gars pour les dissuader de jouer au con.
Elle montra une étrange ficelle sombre allant de l'intérieur de son oreille à… un étrange escargot très coloré qu'elle avait sur ses genoux. Un gros escargot, grand comme une main.
- /Un bébé denden ? Tu as déniché ici un bébé denden / ? s'étrangla Ace.
- /Non. On a pris quelques dendens avec nous. Avec le temps, ils ont eu des enfants qui ont eu des enfants, etc etc. C'était dans la possibilité qu'on puisse contacter Oyaji ou qu'on se retrouve séparés./
Geralt avait peut-être compris le dialogue, mais pas ce qu'était un denden. Ace lui lança un regard disant qu'il aurait la réponse plus tard.
- Ramène la troll à son homme, Shiva et moi, on va attendre que ces messieurs ramassent leur cul et se mettent en marche. On sera leur assurance vie.
- Amusant, dit l'elfe noir avec un ton qui disait tout le contraire.
Et elle sauta de sa corniche pour se rattraper agilement un peu plus bas, sans le moindre bobo. Ace lui jeta le fusil ainsi que la sacoche de munitions avant de tirer son glaive d'acier. Adam soupira et se tourna vers ses hommes.
- Vous avez entendu ça, les mecs ? Allons à Vergen, puisqu'ils disent qu'on y sera en sécurité. On ramasse les blessés et on suit les donzelles ! Allez, on se bouge.
Si Ace eut un rictus haineux au commentaire, Shiva resta d'une indifférence profonde. Elle se contenta de leur faire un geste de la main pour dire de la suivre et se mit en marche. Ace resta en fin de convoi pour les surveiller. Cela laissa donc Geralt seul avec la troll traumatisée qui pleurait en disant que les humains la tueraient s'ils la revoyaient. Elle restait néanmoins reconnaissante envers Geralt et Ace pour leur aide.
- Si tu veux m'aider en retour, il faut que tu retournes chez ton homme, lui dit Geralt.
- Non ! refusa la femelle. Idiot caresser humaine rousse !
- Et il s'est montré stupide. A présent, il est seul et il réalise son erreur. Il est seul et tu lui manques.
- Trop tard, toi dire lui !
- Rentre chez toi, vraiment. Donne-lui une autre chance.
La troll grogna, puis céda.
- Toll veut pas. Mais troll faire. Pour toi. Toi gentil.
Sauf si le troll était sauvage, incapable de raisonnement et un véritable danger, Geralt ne pouvait pas les tuer. C'était… stupide. Même si lents, ils n'étaient pas méchants. Il attendit patiemment que la troll se relève et marcha avec elle jusqu'à la tanière et le chaudron.
Si le mâle fut content du retour de sa rombière, la troll, elle ne l'était pas tant que ça. Mais son homme était tellement heureux de son retour qu'il lui dit oui à tout ce qu'elle voulait. Et quand Geralt s'en alla, il laissait derrière lui une troll mécontente de ce que son idiot de compagnon avait fait avec la soupe.
- Ramasse-lui des fleurs avant d'aller la rejoindre, ça lui fera plaisir, recommanda Geralt au troll pendant que la femelle essayait de sauver la soupe.
- Des fleurs ? Non ! Ca pue ! refusa la bête. Troll rapporter crottes d'oiseaux.
…
Oui, les trolls.
Enfin, Geralt allait les laisser gérer entre eux, à présent.
Il regarda le mouchoir dans sa main que la troll lui avait laissé.
Lui, il avait Triss à retrouver. Et ce morceau de tissu était sa seule piste.
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Eilhart avait l'air de toujours apprécier autant la visite de Geralt. Et son apprentie était toujours en petite tenue. Il ne savait pas ce qu'elle apprenait comme magie, mais ce devait être très passionnant. Quand il lui montra le mouchoir en disant qu'il était à Triss, son désintérêt n'évolua pas d'un iota.
- Avez-vous appris quelque chose ? demanda-t-elle.
Son ton montrait clairement qu'elle ne le faisait que par simple politesse sociale et n'en avait rien à cirer.
- On a la confirmation que Letho l'a bien forcée à se téléporter et ils ont fini dans les gorges. Ils y sont arrivés il y a environ une semaine. Triss était blessée, mais elle a fini par se rétablir pour reprendre le voyage. Vers où ? Très bonne question.
- Pourquoi forcer la téléportation ? Cela est risqué.
- Deux des camarades de Letho se cachaient parmi les Scoia'tael. Quand il s'est montré évident que le Tueur de Roi voulait se débarrasser des Scoia'tael à Flotsam, Iorveth a demandé à ce que les deux alliés de Letho soient tués. Il était donc nécessaire que notre sorceleur arrive avant le messager. Et la seule méthode était la téléportation.
- Il serait donc logique que Triss voulait me rejoindre mais a loupé sa destination, d'où l'atterrissage dans les gorges. Et ensuite ?
- Letho est parti en la laissant derrière, blessée, comme je l'ai dit. Il a sans doute pensé qu'elle ferait un peu de nouveauté dans l'assiette des trolls du coin. De son côté, il est lui-même allé rejoindre les groupes de rebelles dans les environs et les a massacrés avec ses camarades. A présent, ils sont de l'autre côté du brouillard. Quelque part.
- Et Triss ?
- Elle a fui les trolls. Tout laisse penser qu'elle serait dans les environs, mais où, c'est une bonne question.
- Je peux vous assurer qu'elle n'est pas à Vergen.
- Elle ne peut qu'être ici. Localisez-la.
La magicienne claqua la langue avec agacement.
- Je vais essayer, mais ça prendra du temps. Autre chose ?
- Sheala de Tancarville a demandé à des mercenaires de chercher et tuer Letho. Avec Triss.
Philippa perdit sa superbe pour regarder Geralt comme s'il était fou.
- J'ai mal compris.
- Pourtant, je ne fais que rapporter les faits. Les mercenaires en question, avec à leur tête Adam Pangratt, se sont fait constituer prisonnier auprès de Cecil Burdon. Ils devaient tuer Letho ainsi que toute personne trouvée en sa compagnie.
- Elle devait songer aux associés du Tueur de Roi. Rien ne nous dit qu'elle savait que Triss était avec lui.
- Et qu'est-ce qui prouve le contraire, justement ? Qu'est-ce qui vous fait avoir autant de foi envers la magicienne du Kovir ? Il y a quelque chose entre elle et Triss… beaucoup de tensions.
- Un malentendu, balaya la brune avec un geste de la main.
- Peut-être. On le saura une fois qu'on a retrouvé Triss.
- Et pour ça, il me faudra du temps…
La conversation s'interrompit quand une clameur leur parvint de la ville. Des cris de colère. Que se passait-il ? Philippa releva juste assez sa robe pour ne pas marcher dessus et suivit Geralt au dehors pour chercher la source de tout ce bruit.
Et cela venait de devant la salle du conseil, dans le même couloir où Stennis était logé. En interrogeant un passant, un noble d'après sa tenue riche, il s'avéra que les paysans voulaient planter leurs fourches dans les entrailles de Stennis. Le serviteur qu'on avait attaché au service de Saskia s'était amusé à répandre des rumeurs impliquant le prince dans l'empoisonnement de la Vierge d'Aedirn. D'où le fait que le peuple était en colère et qu'il réclamait la justice pour leur héroïne.
Pour l'instant, le prince était barricadé dans ses appartements, sous la garde de quelques chevaliers. La paysannerie était encore un peu respectueuse, mais le ton commençait à montrer. Un combat allait éclater à un moment ou un autre.
Alors qu'ils marchaient, Geralt se contenta de marmonner dans sa barbe naissante :
- Je ne sais pas si le prince Stennis est coupable, mais je ne serais pas surpris s'il était impliqué.
- Le pouvoir est un désir très sombre, se contenta de répondre la magicienne.
- Accélérons avant que ce sombre désir ne devienne trop fort et que quelqu'un ne soit blessé.
- Peu importe ce qu'il va se passer, nous avons besoin de sang royal et le prince Stennis est notre meilleur candidat.
Ils arrivèrent enfin sur la scène du drame. Les clans se montraient clairement. Les nobles d'un côté, les paysans de l'autre et les nains dans leur coin. On se regardait en montrant les dents. Au milieu de tout cela, on avait Zoltan et Jaskier qui observaient la situation avec méfiance, à côté de Thatch assis sur un banc de pierre qui croquait dans sa pomme comme s'il assistait à une bonne pièce de théâtre dramatique.
Les nobles pensaient que cette affaire était un plan de Henselt pour les démoraliser et gagner la guerre sans combattre. Les nains regardaient les humains se déchirer entre eux en jouant clairement le jeu de Henselt. Il n'était peut-être pas responsable de cette situation, mais le souverain de Kaedwen serait content s'il n'y avait plus que les nains pour défendre Vergen parce que les humains s'étaient entretués.
Geralt et Eilhart arrivèrent au niveau de Jaskier, Thatch et Zoltan qui ne les remarquèrent pas dans l'immédiat. Et le commentaire de Zoltan était un parfait résumé de leur situation :
- Saskia est sur son lit de mort pendant que Henselt est aux portes de Vergen. On a des spectres qui hantent le brouillard, pendant que les nobles et le peuple se sautent à la gorge. Merveilleux.
Jaskier, lui, était dans le noir. Que gagnerait Stennis avec la mort de Saskia ?
Thatch avait une réponse toute prête pour lui :
- Avec Saskia, il a perdu en pouvoir et en autorité. Les trois quarts des forces combattantes se tournent vers elle pour mener la bataille et la victoire. Elle hors du tableau, il pourrait retrouver l'aura attendu d'un futur roi d'Aedirn.
- Tous les petits princes aiment faire des complots. Regarde ce qu'a foutu Adda avec la Salamandre pour prendre la place de Foltest ! s'exclama Zoltan.
- Il faudra prouver la culpabilité, sinon, ça sera une justice vengeresse, pointa Jaskier.
- On ne te contredira pas, le barde, grommela le nain.
- Qu'est-ce qu'il se passe ici ? se renseigna Geralt.
Le trio se tourna vers lui et Zoltan lui sortit le topo après un bref regard vers la magicienne agacée :
- Les paysans disent que Stennis est impliqué dans l'empoisonnement de Saskia.
- Ils n'ont pas encore mis la main sur lui, mais je sens déjà l'odeur de son sang chaud sur la pierre. Un massacre. Un charnier, nota le vampire en montrant dans la tête la rangée de chevaliers qui n'avaient pas eu le temps de mettre leurs armures pour empêcher les paysans d'approcher des appartements du prince.
- Et il n'y a personne pour garder tout ce beau monde en ordre ? demanda Philippa avec agacement.
- Skalen et ses nains ont bien essayé mais ils ont renoncé en voyant qu'ils étaient en sous-nombre, expliqua Zoltan.
- Je dirais bien que les paysans vont crier beaucoup, frapper quelqu'un avant de rentrer chez eux, comme toujours, mais notre ami Thatch n'a pas l'air de cet avis, soupira Jaskier en lissant la plume de son chapeau.
- Et je suis bien d'accord, lui rétorqua Zoltan en levant la tête pour mieux observer son ami humain. Ce ne sont plus des serfs. Les jours de leur humble servitude sont loin derrière.
- J'en ai assez attendu comme ça. Je vous laisse gérer, moi, je m'en vais. J'ai mieux à faire, comme essayer de trouver Triss par exemple, siffla avec colère la magicienne.
Et elle ouvrit un portail au beau milieu du couloir pour disparaître dedans. Comme si refaire tout le chemin à pied était indigne d'elle. Après, vu qu'Ace, Shiva et Marco arrivèrent avec Iorveth, c'était peut-être mieux. A cet instant, Skalen chercha à s'interposer pour calmer le jeu, pour se faire jeter à la face qu'il n'était pas là quand Saskia avait été empoisonnée.
Alors, c'est Iorveth qui arriva, une épée déjà au poing.
- Assez !
La présence de d'autres Écureuils, et surtout de Iorveth, causa un mouvement d'effroi et de peur dans la foule.
- Si vous voulez quitter cet endroit en vie, je vous recommande de vous calmer et de ne pas prendre vos armes, recommanda froidement l'elfe. Peu m'importe que vous soyez des servants ou des seigneurs. Si pour garder l'ordre, je dois vous tuer, je le ferai.
Marco s'avança à son tour et avec un ton implacable, il réclama des explications, Ace dans son dos comme son ombre.
- Le serviteur qui a apporté le vin durant le conseil a dit que le Prince Stennis et Olcan ont empoisonné Saskia ! cria un paysan. Nous voulons justice !
- Donnez-moi les preuves, yoi. Parce que si vous ne m'avancez pas d'arguments ou de preuves, je verrais ça plus comme une quête de vengeance que de justice. Je suis le premier concerné par l'état de Saskia, je suis venue ici à sa demande. Donc, je tuerai de mes propres mains celui qui l'a empoisonné. Mais j'attends des preuves. Il n'est pas question qu'on étripe un innocent, yoi.
- Ça revient au même ! Saskia est comme morte pendant que ce prince empoisonneur avec ses nobles seigneurs nous poussent sur le champ de bataille et nous vendent à Henselt ! Nous ne le laisserons pas !
Et il fallut qu'un noble en rajoute :
- Tu mens, Kalten. Personne n'est en train d'être vendu ou sacrifié. L'empoisonneur doit être attrapé et conduit devant une vraie cour de justice, pas le jugement arbitraire d'un médecin barbare de Skellige.
- C'est ce même médecin barbare de Skellige qui a sauvé la plupart d'entre vous à Brenna pour que vous alliez mourir pour le Lormark sous les flammes de Sabrina de Glevissig, alors, respecte un peu Marco, sinon, il risquerait de te laisser mourir la prochaine fois que tu seras blessé, rappela à l'ordre Iorveth.
- Si c'est pas lui qui sert de juge, qui alors ? Vos juges ? continua le dénommé Kalten. Ceux qui lui feront juste payer une amende après lui avoir donné une petite fessée sur son petit cul royal ? Nous, on va lui donner la vraie fessée qu'il mérite… avec une hache à la gorge !
- Mes commandants, j'ai la migraine. Soit tout ce beau peuple se calme, soit j'en mords un, gémit Shiva en se massant les tempes.
Le silence tomba dans le couloir et la majorité réprima un frisson. L'origine ? Ace qui avait les bras croisés et dont les yeux d'argents brillaient d'une étrange lueur dans la pénombre. Un profond sentiment de menace se diffusait du Chat Noir. Et juste ça avait eu le mérite de réduire au silence tout le monde.
- /Merci chaton, ça fait du bien quand ça arrête de beugler, yoi,/ remercia Marco avec un sourire pour son compagnon.
- A votre service, commandant, salua Ace avec un geste vaguement militaire.
Geralt profita du calme pour poser des questions :
- Où est le serviteur à l'origine de la rumeur ?
- En sécurité, j'ai des Scoia'tael qui gardent un œil sur lui, répondit Iorveth qui s'était placé de manière à pouvoir continuer de surveiller les deux camps avec son seul œil sans avoir à perdre l'un ou l'autre de vue.
- Pourquoi est-ce que le prince se cache, s'il est innocent ? demanda un autre paysan en essayant de ne pas regarder en direction du Chat Noir dont les yeux continuaient de briller de façon menaçante.
- Je pensais que le Chat Noir s'était montré clair, mais je pense qu'il va falloir rendre cela plus explicite ! gronda l'elfe. C'est assez ! Je vais tirer sur le premier qui cherchera à commencer une bagarre. Et d'autres têtes tomberont en suivant.
- On est pas tout seul, tu ne peux pas tuer…
Ce que l'humain allait dire mourut dans sa gorge quand il se retrouva étranglé par un morceau du foulard de Shiva qui parvint à le garder aisément sous son emprise malgré sa maigre stature.
- On dirait que tu te portes volontaire pour partir en premier, chuchota Shiva. Alors ? Tu demandes pardon à Iorveth pour tes beuglements de pourceau et tu te la boucles, ou je te tue là, maintenant, devant tout le monde ?
L'homme tenta d'articuler, mais il manquait clairement d'air.
- Shiva, ça suffit, demanda Ace.
- Oui, commandant.
Et immédiatement, elle retira le foulard pour faire un pas en arrière, comme un soldat discipliné. Le paysan tomba à genoux pour reprendre son souffle.
- /Le serviteur t'a dit quelque chose ?/ se renseigna Marco à l'adresse de Iorveth.
L'elfe eut une grimace inidentifiable avant de répondre :
- /Il a entendu le prêtre et le prince parler avec notre homme de foi et dire que Saskia était un monstre sous un beau visage… s'ils savaient./
S'ils savaient quoi ?
Geralt aurait bien voulu savoir mais Iorveth n'élabora pas plus.
- /Et vu que Henselt en a fini avec lui durant la petite réunion, on peut pas l'interroger,/ intervint Thatch en se joignant à la réunion.
- /Apparemment, Olcan aurait demandé au prince de s'assurer qu'il n'y ait pas de serviteurs dans les cuisines, c'est tout ce qu'on a de lui./
- /Le nom de Olcan était dans les papiers que j'ai trouvés chez ce salaud de nain qui a tué Baltimore. Je vais aller faire un tour chez notre homme de foi,/ dit Shiva.
- /Je compte sur toi. Nous, on va poser des questions tout autour,/ encouragea Ace.
L'elfe hocha la tête d'un mouvement sec et disparut dans la foule.
- Quelles sont les probabilités que Stennis soit derrière tout ça ? demanda Geralt en ne faisant aucune remarque sur la conversation qu'ils avaient eu entre eux.
- /Olcan nous détestait. Que ce soit Shiva, Saskia ou moi, yoi,/ soupira Marco en se frottant la nuque. /Qu'il essaye de se débarrasser de nous, je ne suis pas surpris. Stennis pourrait être impliqué au minimum en offrant l'occasion au prêtre d'agir. Certes, il a besoin de nous pour survivre face à Henselt, mais il n'aime pas le pouvoir qu'a Saskia. On savait très bien qu'après la bataille, il chercherait à nous faire éliminer, yoi./
L'homme n'avait pas changé de langue. Donc, le fait que Geralt, à défaut de la parler, la comprenne était connu. Ce qui voulait dire qu'on lui présentait ouvertement les faits, en lui précisant qu'il y avait des choses qu'il ignorait et qui devait le rester. Mais il n'était pas exclu pour autant, on voulait juste s'assurer que les esprits ne s'enveniment pas pendant qu'ils essayaient de démêler les nœuds.
- Et cette affaire avec Baltimore ?
- /C'était le précédent forge-rune de la ville. Et il a disparu un matin sans raison, yoi. Shiva avait mené l'enquête pour voir que Thorak, son apprenti, l'a fait disparaître. En fouillant ses affaires, elle a découvert qu'il avait eu une commande de la part de Olcan qui râlait sur la qualité du travail effectué. On n'a pas cherché plus loin et avec du recul, je me dis qu'on aurait dû, yoi./
- Si elle trouve quoi que ce soit…
- /A défaut d'avoir été un acteur, Stennis était au courant, si on en croit le serviteur,/ gronda Iorveth. /Il aurait pu éviter l'incident, mais il n'a rien fait. Il a vu une opportunité et a laissé faire au minimum. Pour moi, il est coupable, mais je m'en remettrai à la décision de Marco./
Vrai, le Phénix pouvait percevoir les mensonges. Geralt n'avait pas encore mis ce talent au défi pour s'en assurer, mais la confiance des autres qui connaissaient bien mieux le médecin valait toutes les recommandations du monde.
Au moment où Shiva revenait avec un parchemin, le ton commença à monter réellement. Un homme appela à la révolte et se prit une flèche de Iorveth dans la main en représailles.
- Le prochain qui tente sa chance, je la lui coupe, avertit l'elfe en armant une énième flèche.
Shiva donna le document qu'elle avait en main. C'était un schéma très détaillé montrant une coupe ouvragée et décorée de runes. Un chef d'œuvre.
- C'est la coupe qu'avait Saskia durant la réunion, non ? reconnut Geralt.
Il se souvenait très bien que la guerrière avait une coupe différente des autres.
- /Exactement,/ confirma Shiva.
Voulant vérifier un point, Geralt s'éloigna et alla à la rencontre d'un groupe de nains à qui il adressa la parole. Il sentit qu'il avait tiré le gros lot quand l'un d'eux, un certain Odgen, expliqua qu'il fabriquait tout ce qui était vaisselle en acier.
- La vaisselle du conseil, c'est votre travail ? demanda le Loup Blanc.
- Oh ça oui ! confirma fièrement le nain. Je l'ai fait à l'époque du maire Farragut ! Depuis, peu importe le nombre de fois que ces gobelets sont tombés, ils ont survécu, parce que c'est de l'acier de qualité ! Mes gobelets sont indestructibles ! Ils résistent à la furie des souverains tout comme aux servants et leurs deux mains gauches !
- Il m'a semblé pourtant que le calice de Saskia était assez récent.
- Ah ça oui ! Je pense qu'à l'époque du maire Farragut, Saskia ne devait être rien de plus qu'une démangeaison dans le caleçon de son père.
- Comment ça se fait qu'il était différent ?
- C'était un cadeau ! J'ai gravé précieusement les décorations ! Même à l'intérieur ! Pas très pratique, c'est certain, parce que c'est une horreur à nettoyer, donc, des saloperies peuvent rester coincées. Mais je voulais qu'il soit splendide, digne de notre Saskia.
- Les autres gobelets n'avaient donc pas ces décorations, que ce soit dedans ou dehors ?
- Certainement pas !
- Ce gobelet, c'est une commande ?
- Nan… c'était un cadeau du peuple de Vergen pour lui rendre hommage. J'ai eu le plaisir de le forger et de l'offrir à notre magnifique leader ! Elle l'a tellement aimé qu'elle n'utilise plus que lui désormais !
- Une possibilité qu'il y ait pu avoir deux gobelets identiques ?
Le nain bomba son torse, même si sa petite taille ne le rendait pas plus impressionnant.
- Il n'y a pas le moindre artisan qui m'arrive à la cheville à Vergen !
- Et copier votre travail ?
- Humpf ! Y'en a bien un qui essaye depuis bien longtemps, mais c'était un incompétent et un assassin dont Shiva nous a débarrassé. Thorak était incapable de produire un gobelet un minimum décent. Son travail ressemblait au chef d'œuvre d'un elfe ivre !
- Merci pour ces réponses, je pense que j'y vois plus clair dans tout ça.
Et Geralt tourna les talons pour rejoindre le groupe qui attendait son résultat.
- Qu'est devenue la coupe de Saskia après la réunion ?
- MIA, lui dit Thatch.
Geralt et Iorveth le regardèrent sans comprendre.
- Missing in action. La traduction la plus proche du sens militaire de l'expression est Disparu au Combat. Quand on sait pas ce qu'il est advenu de lui, s'il est vivant, mort, déserteur ou prisonnier, expliqua Shiva.
- Donc, la coupe de Saskia a disparu, conclut Iorveth.
- Ou quelqu'un l'a faite disparaître pour que personne ne réalise l'échange entre le gobelet d'origine et celui de piètre qualité fait par Thorak, renchérit Geralt. J'ai parlé avec l'artisan qui a fait celui d'origine. Le fond est plein de gravures, dans lesquelles tout et n'importe quoi peut rester coincé.
- On a tous bu le même vin, donc, c'est forcément la coupe. Que sait-on de la relation du serviteur avec la Vierge ? demanda Thatch en caressant sa barbiche.
- Il aimait Saskia comme une mère et une sœur. Il se serait fait pendre avec ses entrailles pour elle. Il est hors soupçon, refusa Shiva en secouant la tête. Je défends un homme, en soit, ça veut tout dire.
- Et dans l'hypothèse où Stennis rencontre la justice des paysans… on sait tous que ça signifie sa mort. Que va-t-il se passer pour le reste d'Aedirn ? On ne peut pas garder un pays sans dirigeant.
- Dēmokratía, répondit simplement Marco.
- Tu m'as perdu, lui pointa Iorveth.
- C'est du grec. En résumé, le mot veut dire le « peuple qui commande », yoi. C'est un régime politique de plus en plus courant chez nous. La base essentielle est le vote. Un vote strict, équitable, ouvert à tous et anonyme pour prendre des décisions, que ce soit sur la façon dont ils veulent être gouverné, ou par qui ou tout un tas de décisions politiques pour lesquelles on ne le consulte jamais. De cette façon, un paysan a autant de pouvoir qu'un noble, yoi.
- C'est utopique, pointa Geralt.
- Vergen est utopique dans un sens. Ou devrais-je dire, a la possibilité de devenir une utopie. Mais la littérature et l'expérience m'ont appris à ne pas y croire. Une vraie utopie a un prix bien trop élevé à mon goût. Et ce n'est pas une chose qui se fait du jour au lendemain, yoi. Le mieux à faire pour Vergen, c'est de former un conseil. Les paysans auraient leur représentant, les bourgeois le leur, les nobles idem. Ils siègeraient à la même table que le représentant des nains et celui des elfes. Au centre, Saskia mènerait les débats. Je la connais assez pour savoir qu'elle cherchera à trouver un compromis qui puisse satisfaire tout le monde, yoi.
- La mise en place sera compliquée.
- Avec la victoire sur Henselt comme aura, tout le monde dira oui à Saskia, pointa Iorveth.
Shiva eut l'air de vouloir dire quelque chose, mais se retint. On la regarda, mais elle secoua la tête.
- On ne peut rien faire. La machine est déjà en marche. On peut seulement aider le moindre mal à gagner, dit l'elfe noire.
- Merci Madame Irma, remercia sombrement Ace.
- Merci à vous d'avoir fait appel à mes services de voyance, répondit avec un amusement tout aussi sombre la pirate.
Le fait que Skalen élève la voix leur fit bien comprendre qu'ils étaient arrivés au point de non-retour. Le nain était à bout.
- Soyez raisonnables ! disait le nain avec sa voix forte. Asseyez-vous et parlez pacifiquement !
- On a assez parlé ! rétorqua quelqu'un dans la foule en colère. Venez les gars, allons tirer le prince de son trou à rat !
Geralt soupira et alla s'interposer pour aider Skalen.
- Te prends pas une fourche dans le ventre encore une fois, Geralt~ ! taquina Ace.
Cela lui valut un regard noir de la part du Loup Blanc qui se posta à côté du nain.
- Vergen n'est pas une fosse à purin où tout le monde peut chier comme ça lui chante, rappela à l'ordre le mutant. Il y a des lois que l'on doit suivre, et c'est le rôle de Skalen de s'assurer qu'on le fasse.
Un noble décida d'ouvrir la bouche et, en croyant aider, rajouta de l'huile sur le feu :
- Il n'y a aucune loi qui autorise un serf à menacer un membre de la royauté ! Moi, Silgrat, frère de Seltkirk, le plus grand chevalier à avoir foulé les terres d'Aedirn, le dit !
- Cela n'a aucune importance dans le cas présent de savoir qui est né dans un château ou dans les rues, yoi, intervint Marco en rejoignant la ligne de soutien à Skalen. Vous dîtes que Stennis est coupable, alors, faîtes le travail d'enquête et prouvez-le. Parce qu'accuser, tout le monde peut le faire, c'est très facile. Mais le prouver, c'est autre chose, yoi.
- C'est un stupide serviteur qui prétend que le prince Stennis a voulu tuer Saskia, pointa Silgrat. Pourquoi le prince ferait une chose aussi basse ? Gardez à l'esprit qu'il vient d'une lignée glorieuse !
- Je peux t'assurer que c'est pas la naissance qui empêche les gens d'être des salopards. Ni la race, ni la naissance, ni le sexe, yoi. J'ai vu des hommes avec bien plus de pouvoir que n'importe quel roi ou même Emhyr, commettre des actes qui vous feraient vous la boucler une bonne fois pour toutes, yoi.
- Docteur, vous êtes d'accord que le prince convoite la couronne ! interpella un paysan.
Ce qui était logique, puisqu'elle lui était normalement destinée.
- Est-ce que vous avez au moins conscience de l'appui et de la valeur qu'il a fourni à Saskia durant les négociations avec Henselt ? demanda Silgrat.
- Oh, mais il ne faisait que prétendre qu'il était dans son camp ! Qu'il offrait l'asile aux démunis ! Mais on est pas aussi stupide que vous, les nobles pensaient qu'on l'est.
Geralt jeta un œil en coin à Marco. Leur conversation plus tôt avait mené au point où ils étaient persuadés de la culpabilité de Stennis, au minimum dans l'assistance et la complicité. Pourtant, il ne prenait le parti de personne, sauf celui de Skalen. Il ne disait rien, sauf pour maintenir l'ordre ou rappeler l'égalité des mortels entre eux, peu importe la naissance.
- Voyez, messieurs, comment ces gens du commun détestent le prince, crachant du venin sur son image ! Ils complotent pour se débarrasser de lui !
- Qu'on le veuille ou non, sa lignée n'a pas aidé la paysannerie, il est donc compréhensible, même si pas acceptable pour autant, que la haine soit reportée sur le dernier descendant, yoi, dit froidement Marco. C'est un geste stupide, mais la tension actuelle et l'état de Saskia ne font qu'exacerber la haine qu'ils ont pour la ligne royale d'Aedirn, yoi. S'ils veulent juger une famille dans son ensemble, c'est leur choix. Personnellement, je ne regarde que la personne en face de moi.
Pourquoi Geralt avait l'impression que ce n'était pas que pour leur situation actuelle que Marco disait ça ?
- Le serviteur de Saskia a dit que… commença quelqu'un.
- Et où est ce serviteur, puis-je me permettre de demander ? S'il a quelque chose à dire, qu'il le dise au lieu de se cacher comme un voleur, coupa Silgrat. La réponse est simple, c'est un menteur.
Le médecin se massa les yeux avant de sortir sa pipe de son dos et de la bourrer.
- Il se cache pour sauver sa peau de vous, fils de putains ! Les Écureuils doivent même le protéger ! cria Kalten qui s'était remis de l'étranglement de Shiva.
Marco inspira une profonde bouffée de sa pipe pour ne pas perdre patience.
- Alors, accordez-moi une dernière question. Comment le prince aurait-il pu empoisonner Saskia ? C'est un fait connu que le médecin goûte le vin avant même que la Vierge ne le consomme ! Pas de serviteur mais un médecin en personne ! L'homme qui est venu spécialement à Vergen à la demande de la Tueuse de Dragon !
- Ce n'est pas nécessaire de toucher au vin, intervint Shiva en s'avançant. Vous savez ce que c'est ceci ?
Et elle brandit les papiers qu'elle avait trouvé chez Olcan.
- Ce sont les plans de la coupe de Saskia. Je les ai trouvés chez Olcan, paix à son âme de salopard. Ogden pourra le confirmer, mais la coupe avait des gravures à l'intérieur, il est donc aisé de mettre quelque chose au fond de la coupe et que ça ne se remarque pas.
Elle inclina légèrement la tête vers Marco comme pour s'excuser de réduire à néant ses efforts.
- Je n'ai jamais entendu de l'idée stupide d'empoisonner une coupe, souffla Silgrat.
- C'est pourtant aussi simple et aussi discret que d'empoisonner juste un côté d'un couteau quand on coupe un plat pour s'assurer qu'un seul des côtés ait du poison et pas l'autre. Ou alors, empoisonner l'intérieur de la hanse des tasses et attendre que la personne se cure le nez ou se ronge les ongles pour qu'elle s'empoisonne. Ce n'est pas parce que tu n'as jamais entendu parler de ça que ce n'est pas faisable. Quand il s'agit de tuer, on peut se montrer très inventif et vicieux.
- Shiva a raison, vous ne savez pas grand-chose, conclut Geralt. L'un des ancêtres de l'empereur est mort après avoir mangé un morceau d'agneau. Pourtant, l'homme était si effrayé d'être empoisonné qu'il mangeait avec ses cuisiniers. Et c'est avec la technique du couteau que cela a été fait. Dans cette situation, il n'y avait qu'une petite partie qui était empoisonnée, celle réservée à l'empereur.
- Vous avez vu ! Ça veut dire que Stennis est coupable ! Donnez-le-nous !
- Mais Saskia avait son propre calice ! pointa Silgrat.
- Il a été forgé par l'un des nains et il avait des gravures très détaillées à l'intérieur. Écoutez quand on parle, rappela le sorceleur.
Shiva secoua les papiers qu'elle avait en main.
- Une copie du calice a été faîte par Thorak. Une copie de piètre qualité. Avec le poison au fond. Il est clair que Olcan voulait nous voir disparaître, Saskia, Marco et moi. Et il a commencé par elle. Stennis avait pour mission de s'assurer qu'il n'y avait pas de serviteurs dans les cuisines. L'échange a été fait avant que Saskia ne parte avec le prince et Olcan pour la rencontre avec Henselt. Si Stennis en avait eu quelque chose à foutre, il serait intervenu. Il aurait au minimum averti quelqu'un d'un possible empoisonnement. Mais il n'a rien fait. Notre erreur était de penser que, parce que la coupe était toujours en possession de Saskia, elle était intouchable. Nous avons baissé notre garde au pire moment. Je n'ai pas pu prédire cet empoisonnement et Marco n'a rien vu venir non plus.
- Ce ne peut être que Stennis ! Même la devineresse le dit ! aboya un humain. Qui l'aurait fait, sinon ? Un paysan qui aurait voulu lui faire du mal ? Certainement pas ! C'est grâce à elle qu'on arrive à se faire entendre de vous, les nobles, aujourd'hui ! Les cochons ne vont pas se trancher leur propre gorge ! Les paysans ne sont pas assez fous pour lever leur main sur leur propre sauveuse !
- C'est Olcan qui est derrière tout ça, pas le prince.
- Parce que Stennis l'a laissé faire ! Sa chambre est à côté de celle qu'occupait auparavant Saskia ! Le vin vient de ses caves pleines de vermines et il a la possibilité d'entrer quand il veut dans les cuisines de la Vierge ! Personne, sauf lui et le prêtre, ne veut la mort de Saskia ! Et même si on l'avait voulu, il n'y a que Stennis qui pouvait en donner les moyens ! Sans compter que Olcan était aux ordres de Stennis !
- Comment osez-vous ! C'est comme insinuer qu'un homme qui s'assoit à côté du Chat Noir aurait une chance de la baiser !
Mauvais geste de la part de Silgrat parce qu'il se prit un poing dans la face de la part de Marco.
- Je suis marié au Chat Noir, alors, le prochain qui dit le moindre mot déplacé à son égard, je ferai son autopsie pendant qu'il est encore vivant. Je me suis montré clair ?
- Je sais me défendre, rappela Ace depuis son coin dans la foule.
- T'es trop loin, je suis à côté, se justifia Marco en adressant un regard de haine au noble à terre.
Il tourna son regard vers le reste de l'assistance avant de revenir se mettre à sa place. Pour le coup tout le monde s'éloigna du Chat Noir, sauf Jaskier, Thatch, Zoltan et Iorveth. On ne voulait pas tenter la colère du meilleur médecin du nord.
- Il est clair que Stennis savait pour le complot, le prêtre a cherché son appui.
- Donc, le prince est assez stupide pour danser à la faveur d'un stupide prêtre ?! Olcan a eu ce qu'il méritait quand Henselt en a fini avec lui. Maintenant, c'est le tour de Stennis !
- Mais rien ne prouve que le prince ait donné son accord ! défendit un noble qui aidait Silgrat à se relever.
- Le prêtre a demandé l'accès aux cuisines, rappela Geralt.
- Laisser faire l'empoisonneur, c'est de la complicité de meurtre. Il n'y a que Stennis qui en aurait été capable, pointa Shiva. A qui le crime profite ? A Stennis. Bah tiens, on parlait de toi, justement, gamin !
En effet, le prince venait de sortir de ses appartements pour se présenter à la foule.
- Je ne suis point un enfant. Je ne crains pas. La peur est un trait des gens du commun, qui ne sied point à quelqu'un qui a du sang royal dans ses veines.
- Marco, t'as pris le violon de mister banane ? C'est l'heure de l'instant dramatique, se moqua Ace.
- On n'a que ta guitare, lui répondit son époux en ignorant la protestation de Thatch sur le mister banane.
- Taisez-vous ! Vous voulez me juger, moi, un prince, comme un simple voleur qui s'empare d'une dizaine d'œufs au marché ?! Vous vous tenez devant la royauté ! Et vous souhaitez lever la main contre elle ?! En ce monde, il y a des crimes qui ne peuvent pas être pardonnés ! Des crimes qui ne le doivent absolument pas ! Tout comme on ne peut pardonner à une mère de tuer son propre enfant ou à un homme de trancher la gorge de son propre frère ! Un crime contre un élu des dieux ne peut être toléré ! Celui qui lèvera la main contre le droit divin ne mérite pas de marcher sur cette terre !
Vu la façon dont le clan pirate et Iorveth plissèrent les yeux, ce discours n'était pas bien reçu.
- Regardez-moi dans les yeux et dîtes-nous que vous n'y êtes pour rien dans l'empoisonnement de Saskia, exigea Marco avec froideur.
- Vous êtes le premier à savoir que Saskia, contre toutes attentes, est toujours vivante, donc, personne ne peut me blâmer pour sa mort.
Là, il marquait un point, le prince.
- Ensuite, vous n'avez aucune preuve que je suis celui qui a essayé de l'assassiner ! Et enfin, je veux assurer à tous ceux ici présents que je n'ai pas l'intention de m'élever au-dessus des lois…
Le sourcil levé de beaucoup en disait long sur la déclaration que Stennis venait de faire.
- Cependant, seule elle, la Vierge d'Aedirn, peut me juger.
- C'est ça ouais ! Et vu que Saskia n'a pas l'air d'aller mieux, qui va te juger, hein ?! cria quelqu'un.
- Je crois en sa guérison, assura Stennis. Mais si les dieux en décident autrement, alors, nous réunirons un conseil de sages en qui on peut avoir confiance pour passer une sentence juste.
- Ce sont des mots dignes d'un vrai souverain ! cria un noble.
Le prince n'en avait pas fini pour autant :
- Je suis celui vers qui vous devez vous tourner pour être guidés. Laissez-moi donc, par mes actes, éclairer vos ténèbres.
S'il avait autre chose à dire, Ace lui coupa la parole en se mettant devant lui, les babines retroussées sur ses dents blanches pendant que sa panthère avait une expression semblable à ses pieds.
- Tu es un gamin. Tu n'es pas mon roi. Je n'ai ni maître, ni patrie. Je n'ai que des frères et un père. Et tu n'es ni l'un, ni l'autre. Ta vie, j'en ai rien à foutre. Saskia est primordiale et tu l'as mise en danger !
- Comment osez-vous…
- Oui, j'ose, parce que je n'ai aucun respect pour les dieux ou les rois. Outre Quetzalcóatl ou Davy Jones, mais c'est une autre histoire.
Shiva eut un bref rire au commentaire.
- Ce que je sais, cependant, c'est que Marco attend toujours une réponse. Un conseil d'ancien ? Laisse-moi rire. Et comment veux-tu qu'on te fasse confiance quand tu ne dis pas clairement si tu es innocent ou coupable ! Tu ne fais que noyer le poisson ! Et tu veux que je te dise un truc hallucinant ? Shiva a fait une petite prédiction de grande importance pour ta sale gueule. Que tu vives ou meurs aujourd'hui, ça revient au même pour Aedirn dans son entier. Et parlons aussi de ton soi-disant conseil d'anciens justes et sages qui pourraient te juger… qui doit donc s'asseoir à ce conseil ? Les paysans ? Sans dec', on sait tous que c'est toi qui vas les choisir. Et forcément, tu vas choisir des gens qui pensent dans ton sens, /desho ka/ ? Surtout s'ils peuvent avoir des terres et de l'or en échange de la bonne décision. Je ne crois qu'en une parole. Celle de Marco. Alors, regarde-le dans les yeux et dis-lui que tu n'y es pour rien au lieu de t'enfoncer un peu plus dans ce merdier en voulant noyer le poisson.
- Je…
- DIS-LE !
Le Haki eut l'effet d'une bombe et plus d'une personne tomba dans les pommes. Stennis vacilla et tomba à genou. Impassible, Marco se baissa et l'attrapa par la gorge pour le soulever, comme s'il ne pesait rien, à une main. Stennis ne pouvait même pas tourner la tête pour regarder ailleurs que dans les yeux jaunes de rapace de Marco.
- Juste une question… savais-tu qu'Olcan prévoyait d'empoisonner Saskia ? demanda avec une voix calme le Phénix.
- Je… je l'ignorais…
Le blond dégagea lentement son poing de libre pour le tendre sur un côté. Parfaitement visible de ceux encore conscient.
Le pouce se détacha des autres doigts. Et d'un geste sec, le pirate le renversa vers le sol.
- Je pense qu'il est temps que Vergen découvre ce qu'est la démocratie. C'est de la complicité de meurtre, Stennis. Et dommage pour toi, mais Saskia a plus de valeur et de vertus que toute ta lignée consanguine, toute royale soit-elle. Je laisse le bon peuple de Vergen s'occuper de la sentence.
Et le pirate jeta le prince dans la foule qui revenait lentement à elle. Ceux qui avaient été trop loin de l'explosion localisée prirent le dessus sur ceux amorphes. Le prince fut tiré de tout côté au travers du couloir de pierre, recevant des coups de toutes parts.
Cette lapidation eut raison de lui avant même qu'il ne puisse revoir la lueur du soleil. Personne ne nota le geste vif et discret de Iorveth qui parvint à se rapprocher du corps pour récupérer un peu de son sang dans une fiole.
Pourquoi faire attention à un elfe quand l'unique héritier du trône d'Aedirn venait de mourir sous les coups de ses sujets ?
Après tout, le peuple venait de rendre son jugement, et il était tout sauf clément envers le prince.
- Et maintenant ? demanda Geralt à Marco qui avait passé un bras autour des épaules du D.
- J'avais déjà eu une discussion avec Cecil pour savoir quoi faire si on en finissait là. Il est temps de mettre en place les mesures pour éviter le chaos, yoi.
Le blond embrassa son époux avant de se détacher de lui.
- Je me rappelle un peu plus chaque jour de pourquoi je déteste la politique et de pourquoi je suis content d'être un pirate. Je vous retrouve plus tard.
Et sur ces mots, le médecin s'en alla sans un regard pour le corps sans vie de l'héritier royal qu'on évacuait.
