Bonsoir ! On se retrouve avec un chapitre pour le début de décembre et donc des fêtes. Et on se lance dans les mésaventures de nos pauvres voyageurs. Ciri... qu'est-ce qu'il en est ? Que va changer dans cette quête le groupe de pirate, surtout avec Ace sur le contrat.

Nous commençons enfin la partie collab avec Shadow of Samhain. Donc, voici le disclaimer. Witcher c'est à Andrzej Sapkowski. Harry Potter, c'est (maheureusement) à J.K. Rowling. One Piece, revient à Oda-sensei. Samy et moi ne touchons pas un rond de nos écrits. Pour voir la seconde version de cette aventure, c'est chez elle qu'il faut aller voir avec Between the Worlds 2 : Mirror Madness.

Sur ce, merci à Destiny d'avoir vaincu la flemme pour faire une review (je suis tentée de faire un commentaire, vraiment, mais ce serait spoile *sifflote innocement*)

Sur ce, bonne lecture.

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Par simple curiosité, avant d'aller interroger le chef de la garnison nilfgaardienne au sujet de Yennefer, Geralt avait cherché les contrats locaux. Et dans une situation assez semblable à celle des faubourgs de Wyzima, le D. était passé devant. Le spectre de midi qui hantait le puit le plus proche ? Exorcisé (et Ace avait refusé le paiement… qu'est-ce qu'il lui était passé par la tête ?). Le frère disparu au combat ? Retrouvé avec son sauveur nilfgaardien (et qui pour le coup, vu qu'il était déserteur, se cachait sous le costume d'un paysan pour ne pas finir pendu). L'incendie criminel qui avait ravagé la forge du nain ? Le coupable du sabotage était déjà au bout d'une corde sur l'arbre le plus proche. La grand-mère et sa poêle perdue ? Déjà résolue !

Donc, sans rien d'autre à faire, le sorceleur s'en alla avec Iro en tant que guide, sur Ablette, pour rejoindre le camp des Escadrons Noirs. Le campement en question avait été posé sur d'anciennes ruines qui surplombaient le fleuve depuis le haut d'une falaise. Il y avait les vestiges d'un pont en brique qui avait dû, à une époque, relier la demeure sur la falaise à l'autre bout du fleuve, mais c'était de l'histoire ancienne. Avec précaution, Geralt descendit de cheval quand il repéra de loin les soldats et s'accroupit au niveau du félin.

- Reste ici, ça sera plus prudent pour toi. Je doute qu'on te laisse entrer dans une garnison…

Le félin bailla voluptueusement et s'installa pour faire sa toilette, se concentrant sur sa patte arrière gauche. Le mutant se releva et se mit en marche. Pour repérer un haut gradé dans l'armée nilfgaardienne, il fallait surveiller les casques des soldats. Et la tenue. Ne voyant en bas personne ne correspondant à ce qu'il cherchait, le Loup Blanc grimpa les marches installées récemment pour rejoindre les auteurs et le reste du campement. Devant le portail de l'ancienne demeure, deux soldats en noir l'arrêtèrent.

- Halte ! Terrain militaire ! Pas de villageois sans autorisation expresse du commandant.

Geralt le regarda en se demandant clairement si son interlocuteur se foutait de lui.

- Honnêtement, j'ai l'air d'un villageois ?

- Vous avez l'air louche, surtout, pointa l'autre gardien de la porte.

- C'est à croire que vous n'avez jamais vu ou entendu parler de sorceleur auparavant.

- Un sorceleur ?

Les deux soldats échangèrent un regard, avant que celui qui devait être plus haut gradé ne reprenne la parole :

- Le capitaine Peter Saar Gwynleve est dans la tour. Juste à droite après le portail.

- Il a un travail pour moi, c'est ça ?

- Je suis soldat, Nordien, pas recruteur.

Et l'autre soldat lui ouvrit la porte. Alors, le mutant suivit le chemin. Il dépassa deux soldats qui disaient qu'ils allaient assécher les marais (il voulait bien les y voir) et un armurier qui l'accusa d'être un espion (joyeux). Il grimpa une nouvelle volée de marches et trouva enfin son homme. Il était assis derrière une table, tête à découvert, interrogeant un paysan sur la quantité de grains que pouvait fournir le village.

- Tout ce que vous voudrez, votre Excellence, lui promit le paysan.

En soupirant, le capitaine se leva et montra ses mains calleuses.

- Regarde mes mains. Tu vois ces cals ? Ce ne sont pas des mains « d'Excellence », mais des mains de paysan. Alors, réponds-moi, de paysan à paysan, quelle quantité de grains ?

- Quarante boisseaux. Normalement, ça serait plus, messire, mais nos troupes, enfin les… les témériens, ont déjà prélevé leur tribut, et…

- Trente boisseaux, ça suffira, coupa le nilfgardien. Marché conclu, mais je veux en voir la couleur rapidement.

N'en croyant pas sa chance, le paysan s'inclina bien bas en le remerciant avant de s'en aller en courant. Geralt se détacha du mur auquel il s'était appuyé et s'avança, attirant l'attention du soldat sur lui.

- A part l'échevin, je n'ai demandé qu'à voir Willis le forgeron et Marco, le médecin de passage en ville… mais le premier est un nain, ce qui fait que vous êtes un poil trop grand, et le second, des souvenirs que je garde de Brenna, était plus grand que vous.

- Pourquoi ? Vous voulez les réquisitionner eux aussi ? se renseigna Geralt.

- Si c'est nécessaire, oui. Vous ne l'avez peut-être pas remarqué, mais nous sommes en guerre.

Il lui souhaitait bien du courage pour essayer d'enrôler Marco.

- Bon, vous êtes qui au juste ? Répondez.

- Geralt de Riv, sorceleur de l'École du Loup.

- Un vatt'ghern… Ce qui explique pourquoi je ne vous ai pas entendu arriver…. Et que voulez-vous ?

- Je cherche la magicienne Yennefer de Vengerberg et on m'a dit qu'elle était passée par ici. Où est-elle partie ?

- C'est un secret militaire, répliqua immédiatement le soldat.

Si savoir où était Yennefer relevait du secret militaire, alors, ça puait comme affaire. Cependant, le Loup Blanc n'était certainement pas né de la dernière pluie.

- Vous ne m'avez pas encore jeté dehors, demandé de dégager le plancher, ou même appelé la garde. Quelle est donc votre offre ?

Une esquisse de sourire étira la peau burinée du capitaine avant qu'il ne redevienne sérieux.

- Un griffon terrorise la région. Tuez-le et je verrais ce que je peux faire.

- En quoi la mort de cette créature vous rapportera quoi que ce soit ?

- Je suis responsable de ces villageois. J'ai dix victimes sur les bras, dont plusieurs de mes hommes. Et le bilan serait plus lourd si le docteur Marco n'était pas arrivé récemment en ville. Pour chasser ce monstre, il faudrait que je mobilise toute ma garnison pour faire une battue… et c'est tout simplement impossible.

Et le capitaine se détourna, les mains dans le dos, pour se rapprocher de la fenêtre qui perçait le mur en ruine derrière lui.

- Trop fatigant ?

- Non. Trop risqué.

Il se détourna de la fenêtre et revint vers Geralt :

- Je ne peux pas disperser mes forces. Nous avons peut-être vaincu l'armée de Temeria mais la populace ne demande qu'à se soulever contre nous. Alors, ce griffon, je peux l'ignorer pendant qu'il continue à tuer… ou faire appel à un professionnel.

C'était son seul moyen d'avoir un semblant de piste pour retrouver Yennefer, Geralt le savait. Alors, il ne pouvait pas refuser.

- Marché conclu. Vous savez où est le repaire du griffon ?

Le capitaine lui montra une carte locale et lui expliqua tout ce qu'il savait des déplacements de l'animal.

- Au départ, il rodait surtout dans le bois Vulpin. J'ai envoyé un groupe de cinq hommes le débusquer. Un chasseur a retrouvé les corps avant-hier. Ou du moins, ce qu'il en restait. Depuis, les attaques se sont multipliées. Dans les villages, dans les champs, sur les routes.

- Vos hommes ont dû le provoquer ou faire quelque chose qui l'a forcé à abandonner sa tanière, réfléchit le mutant. Je vais devoir lui tendre un piège.

Il n'y avait rien de plus désagréable que de tendre un piège à un griffon.

- A voir votre tête, ce ne sera pas une partie de plaisir. Qu'est-ce qu'il vous faut ?

- Déjà, plus d'informations sur le griffon, que ce soit son sexe, son âge, s'il appartient à une sous-famille spécifique de griffons. Mais aussi ce qu'il s'est passé pour qu'il abandonne sa tanière.

- Vous voulez que je fasse venir des témoins ?

- Non, ils ne m'apprendront rien d'intéressant. Je vais aller jeter un œil à l'endroit où on a trouvé vos hommes. Vous avez le nom du chasseur qui les a retrouvés ?

- Mislav. Il vit dans une hutte au sud du village, en lisière du bois. Il est plutôt affable… mais un peu étrange.

- Ce n'est que la première étape. J'aurais besoin, par la suite, de feuilles de nerprun. Le griffon sentira cette odeur à des lieues à la ronde.

Là, il venait de parler une autre langue pour le soldat qui le regarda avec incompréhension.

- Je n'en ai jamais entendu parler, mais j'ai encore un peu de mal avec la langue commune des nordiens.

- Je vois. Vous avez certainement dû commencer par les bases, comme "mains en l'air" ou "tuez-les tous"… Ce genre de choses…

Le nilfgaardien plissa des yeux et lui répondit du tac-o-tac :

- Non, j'ai commencé par les expressions populaires, comme "jouer avec le feu", par exemple. Pour votre nerprun, allez voir Tomira, l'herboriste. Elle habite près du croisement, elle vous aidera plus que moi dans cette situation.

Il n'apprendrait rien de plus ici tant qu'il n'aurait pas la tête du griffon, alors, autant se mettre au travail.

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- /Arrête de geindre./

- /Ce salopard m'a piégé et tu veux que je me taise ?!/ reprocha Ace à son homme alors qu'ils traversaient le petit pont menant à Blanchefleur depuis la grande route.

- /Je veux surtout que tu respires et que tu te calmes, yoi. Il sait très bien que s'il nous fait un coup en douce, il perd l'appui officieux des Scoia'tael. Et il ne peut se le permettre. Et puis, ça nous arrange, puisque cette demoiselle est notre piste pour retrouver notre monde d'origine,/ rationalisa Marco.

- /T'as entendu aussi bien que moi ! On doit trouver une descendante de Lara Dorren ! Elle peut être n'importe où et n'importe quand, sur n'importe quelle sphère ! Même mettre Big Mum au régime serait plus facile ! Et il me lâche, comme ça, sans indice, juste un « tuer tous ceux qui l'accompagnent » ! Il est bien sympa mais…/

Les râlements du mutant furent coupés devant l'auberge par son mari qui trouva la solution parfaite pour le faire taire : l'embrasser. Pour le coup, Ace en resta les bras ballants, fondant littéralement dans le baiser. Le blond esquissa un sourire et passa délicatement un bras autour des hanches de son époux, le rapprochant pour approfondir le baiser. Le plus jeune prit le visage de son partenaire entre ses mains lourdement gantées, attirant un peu plus vers lui son homme.

Un toussotement fit sursauter le brun qui recula aussi vite que si Garp venait de le surprendre.

Hors de l'auberge, discutant paisiblement au soleil avec Thatch (Shiva faisant surtout acte de présence) on avait Vesemir qui observait l'échange des deux amoureux avec amusement.

- Vesemir ? Mais… mais… mais…

- Bonjour à toi aussi, Ace. Et enchanté de te rencontrer, docteur Marco.

- Plaisir partagé, maître Vesemir, salua Marco avec un salut respectueux de la tête.

- Qu'est-ce que tu fabriques ici ? se renseigna le D.

- J'ai croisé la route de Geralt, il y a quelques semaines de ça. Il avait rendez-vous avec Yennefer, et comme c'était dans la direction que je prenais à la base, je me suis décidé de faire un bout de route avec lui, expliqua le vieux mutant. Cela fait un moment que tu n'es pas revenu à Kaer Morhen, si ça n'avait pas été pour Geralt ou les rumeurs, j'aurais commencé à me faire du souci. Mais quand je te vois en si bonne compagnie, je pense pouvoir comprendre que tu avais autre chose à faire que donner de tes nouvelles à un vieux sorceleur comme moi.

Si Ace n'avait pas été sous kairoseki, il se serait littéralement enflammé d'embarras.

C'est Anaïs qui l'en sauva en se jetant littéralement dans ses jambes avec l'enthousiasme d'une enfant de onze ans.

- Alors ? Alors ?! Raconte ! pressa-t-elle.

- Geralt est par là ? se renseigna Ace sans répondre à la demoiselle dans ses jambes.

- Parti rencontrer le capitaine nilfgaardien puisqu'il aurait des informations sur la localisation de la magicienne, répondit Thatch en sirotant sa chopine. Ah, et Marco, l'herboriste m'a dit qu'il y avait des changements pour ta patiente.

Le blond soupira.

- Eh bien, le devoir m'appelle. J'espère que nous aurons un peu de temps, plus tard, pour discuter, maître Vesemir, yoi. Cependant, merci d'avoir gardé un œil sur cette tête brûlée.

- C'est mon rôle de m'assurer que les plus jeunes restent longtemps du côté vivant de la barrière, pas de quoi me remercier, répondit Vesemir.

Marco se tourna vers Ace et le regarda sérieusement.

- Si tu me dis de me tenir correctement comme si j'étais un gosse de cinq ans, je demande le divorce.

Le Phénix esquissa un sourire et l'embrassa tendrement sur la joue.

- On se voit plus tard. Je t'aime.

- Moi aussi.

Et le brun lui rendit le baiser. Le blond tourna donc les talons et rabattit sur sa tête la capuche de sa cape. Il émit un bref rire en entendant Vesemir grommeler sur l'ajout décoratif au glaive d'argent du D. qui regardait son époux s'en aller.

- Vraiment, Ace, regarde-moi ça. Ça doit te déranger pendant que tu dégaines et c'est le meilleur moyen de t'accrocher à un arbre de laisser ce truc pendouiller, reprocha le vieux sorceleur en prenant dans sa main la tête réduite qui pendait dans le dos du D. Et qu'est-ce que c'est que ce truc ?

- Une tsantsa. Une tête réduite. Cadeau de Shiva.

- J'en ai d'autres que je vends sous le manteau en les faisant passer pour des curiosités zerrikaniennes, expliqua l'elfe.

- Des têtes réduites ?

Vesemir observa en fronçant les sourcils l'objet et retira son gant pour mieux sentir la texture.

- C'est vraiment une tête humaine, c'est ça ?

- Elle est pas mal déformée suite au traitement subi pour être réduite, mais je suis certain que tu peux reconnaître ce visage… sourit le Chat Noir d'un air sanglant.

Vesemir regarda la tête, puis Ace et soupira.

- Tu cherches vraiment les problèmes. Tu veux te faire accuser de régicide ?

- Encore faut-il qu'on m'attrape et qu'on identifie le propriétaire d'origine de ce crâne. Et c'est moi qui me suis chargé de lui, autant le brandir fièrement.

- Je ne te remercie pas, d'ailleurs. Tu aurais pu viser ailleurs que la tête, c'est pas facile de faire une tête réduite quand celle-ci a un gros trou au milieu que j'ai dû recoudre, rouspéta l'elfe.

Pour toute réponse, le D. tira la langue à son amie. Vesemir se contenta de rouler des yeux mais quiconque habitué à la façade de glace des Loups pouvait dire qu'il était heureux de voir le Chat Noir, qu'il connaissait si renfrogné et solitaire, rire et vivre.

Des bruits de sabots les alertèrent et Geralt arriva devant l'auberge.

- C'est presque à croire qu'on s'est donné rendez-vous, nota Ace.

- Bonjour, salua d'un air égal le Loup Blanc.

- Oh ? Serait-ce de la lassitude que j'entends dans ta voix ? taquina le brun.

- Si tu as des envies de suicides, adresse-toi au griffon local.

- Tu veux une épaule pour pleurer ou tu es suffisamment grand garçon pour t'en sortir seul, frangin ? s'enquit Thatch avec un large sourire au logia.

- J'vais t'refaire le portrait, tu vas voir, lui rétorqua Ace.

La menace du D. ne fut jamais mise en application parce qu'un coup de tonnerre résonna au-dessus de la ville, figeant tous ses habitants sous la surprise. On se pencha par les portes et les fenêtres pour voir au dehors. De partout, des nuages filaient au travers le ciel pour converger en un seul point pour former un tourbillon dans le ciel. Ils viraient rapidement en une couleur très sombre, comme de l'encre ou les fonds marins, quelque part entre le noir et le bleu foncé. Ace se tourna vers Shiva quand elle se colla à lui, clairement inquiète. Une bonne raison de cette inquiétude venait du fait que les cheveux de l'elfe commençaient à atteindre son bassin quand elle ne les avait en général qu'au milieu du dos. Il y avait aussi les cheveux blancs de plus en plus nombreux qui volaient à sa tignasse sa noirceur si caractéristique au fur et à mesure que les secondes s'échappaient.

- Je vais voir ce qu'il se passe, toi, calme-toi et essaye de retrouver le contrôle. D'accord ? tenta de rassurer le D. en prenant son amie par les épaules.

L'elfe hocha faiblement la tête et Thatch posa une main sur son épaule, comme pour lui dire qu'il allait rester là pour veiller sur elle.

- Vesemir, si elle commence à avoir des griffes, cherche pas, et immobilise-la avec Yrden. Je suis pas certain que ça sera efficace, mais j'ai pas meilleure idée, demanda le Chat à son mentor.

- Je vais garder un œil. Allez voir, les jeunes.

Ni une, ni deux, Geralt attrapa un bras de son camarade et l'aida à se hisser agilement sur la croupe d'Ablette qu'il lança ensuite au galop en direction du phénomène. A présent, le tourbillon s'était ouvert comme si c'était un Portail et entre les filaments magiques lumineux bien visibles sur la noirceur des nuages, un petit point se détacha du Portail pour filer vers le sol. Avec cette distance, impossible de savoir ce qui était sorti de ce phénomène. Geralt fronça les sourcils et se coucha un peu plus sur l'encolure de sa monture alors qu'Ace préparait le fusil au cas où.

Cependant, le Portail ne resta pas plus longtemps et les nuages retrouvèrent leur blancheur pour finir par se diluer dans le ciel. Ce ne fut pas pour autant que les deux sorceleurs ralentirent l'allure. Quelque chose était tombé de cette ouverture et ils l'avaient vu grâce à leurs sens mutés. Et pas question de rester les bras croisés quand quelque chose de dangereux pouvait rôdait dans les sous-bois de Blanchefleur.

Le seul moment où ils arrêtèrent leur chevauchée, c'est quand ils retrouvèrent la route.

Il y avait du sang. Du vieux sang. De quelques jours déjà. Une tâche près d'une souche sur leur droite, une autre sur une branche à leur gauche, et surtout, tout le long de la route, comme si on avait traîné des corps. Ace sauta à terre et ramassa quelque chose qu'il montra à Geralt.

Une bouteille d'alcool. Avec une étiquette en nilfgaardien. Les soldats dont on lui avait parlé à la garnison avaient dû la perdre dans le combat avec le griffon. Bien qu'on puisse se demander ce qu'ils foutaient ici à boire. Jusqu'à ce que le Loup Blanc remarque un foyer pour un feu de camp éteint depuis longtemps. Un campement ?

- Le pont est brisé, Ablette peut le sauter ? demanda le D. en montrant plus loin les vestiges de ce qui fut un pont.

- Non.

Ils allaient devoir continuer à pied. Le plus vieux sauta à terre et tapota la croupe de sa monture avant de se mettre à avancer à grands pas vers le pont, suivi par son camarade. Un coup d'œil au sol leur montra qu'ils n'étaient pas les premiers à passer par là. Ils marchaient dans des pas plus anciens et assez profonds pour laisser présager que des soldats en armure en étaient les auteurs. Ils sautèrent le pont avec aisance et poursuivirent leur route dans la direction générale d'où ils avaient vu l'étrange phénomène. Et étrangement, c'était la même direction qu'avaient pris les nilfgaardiens. En voyant les rochers qu'il fallait escalader, le D. grogna de mécontentement et remit son arme à l'épaule.

Ils arrivèrent enfin en haut d'une sorte de pic rocheux… et s'arrêtèrent.

Un nid de griffons. Ou du moins, ce qu'il en restait. Lentement, les deux sorceleurs s'avancèrent vers les vestiges, dépassant un cadavre de soldats vieux de presque quinze jours. Ce qui les intéressait, c'était le corps de la créature devant eux. Un griffon femelle de dix à douze ans. Si on en croyait les larves sur son cadavre, ça faisait bien deux semaines qu'elle était morte. On l'avait tuée dans son sommeil, puisque l'absence de sang sur ses griffes et son bec montrait qu'elle n'avait pas eu le temps de se défendre. Et c'étaient des épées qui avaient eu raison d'elle.

- En sachant que les griffons répondent à la même règle que beaucoup de grands oiseaux, comme les phénix, on peut en déduire que la bête qui terrorise le village est un griffon royal du même âge. Son partenaire à vie, nota doucement Ace.

Il s'accroupit à la tête de l'animal et lui ferma les yeux.

- Cela explique le comportement du mâle, dit Geralt. S'il a commencé par les nilfgaariden dans la forêt, c'est par pur vengeance. Le reste du monde venait après.

Le D. contourna la bête et jura en japonais. Facile à comprendre. On avait mis le feu au nid. Avec des petits dedans. Seuls des hommes pouvaient faire ça. Mais le regard de Geralt s'arrêta sur autre chose. Dans un nid de griffon, ce ne devrait pas être étonnant de voir du sang, mais il y avait sur le sol une trace bien plus récente que les autres. Avec, en son centre, une profonde entaille dans la pierre, comme si on y avait épinglé quelque chose. A peine plus loin, une dague. Encore poisseuse de sang.

- Ace.

Le D. se détourna du massacre du nid pour voir la dague que lui désignait Geralt. Un objet qui respirait la magie. Des runes étranges étaient gravées dessus. Le pirate plissa les yeux. Il n'aimait pas cet objet. Il retira de nouveau le fusil de son épaule et suivit la trace de sang frais. Les marques de pas montraient un individu léger. Les pieds étaient trop grands pour être ceux d'une femme, mais la démarche bien trop souple pour être humaine. Un elfe peut-être ? Sa démarche était chancelante. Le sang disait clairement qu'il était grièvement blessé. Possible explication des pas incertains. Là, il avait glissé dans des gravillons, laissant une belle traînée de sang derrière lui, avant de certainement se relever.

Geralt regarda son camarade partir en chasse. Il regarda la dague, la ramassa pour la mettre dans sa sacoche à ingrédients, avant de suivre la tête brune qui remontait la piste très facile qui les menait de nouveau vers les bois. Leur cible ne cherchait même pas à masquer ses traces.

Subitement, le D. leva une main, faisant signe à son camarade de s'arrêter.

Là, devant. Adossé à un arbre, les ignorant royalement, se tenait leur cible. Un elfe. Il avait une lourde blessure au flanc qu'il essayait en vain de soigner, après avoir avalé une potion. Quelque chose chez lui donnait l'impression à Ace d'être face à une menace enchaînée. Comme si en cet elfe, on avait mis sous clef quelque chose d'assez puissant contre quoi on ne pouvait pas lutter.

Et Davy Jones en soit témoin, Ace n'aimait pas ça.

Aussi, tant que la menace était affaiblie, le D. avait l'intention de lui mettre le coup de grâce. Souplement, il sauta pour attraper la branche d'un arbre et se hissa dessus, lui offrant un point de vue parfait sur l'elfe. Sans geste brusque pour ne pas alerter sa cible, il mit en joue le blessé, visant la tête. Il ne s'attendait pas à se prendre une attaque magique en pleine face, bien qu'au vu du léger cri de douleur de l'elfe, ce ne devait pas être sans conséquence pour lui. Le D. manqua de tomber de sa branche et le coup de feu partit, touchant la cible en plein bras. Cette fois, l'inconnu hurla comme jamais. Sachant que de toute façon, sa position était découverte, le Chat Noir ne se priva pas de cracher un « kusou » bien senti et réarma le fusil.

Cette fois, il ne louperait pas.

Et pour s'assurer qu'on ne le renverserait pas de son perchoir, il sauta à terre, finissant bien droit sur ses jambes, et il contourna l'arbre derrière lequel sa proie s'était réfugiée.

Son médaillon s'agita.

On préparait un sort.

Ace avait à présent l'elfe dans sa ligne de mire qui le menaçait avec un bout de bois étrangement noueux. Deux yeux émeraudes le fixèrent avec douleur et stupéfaction au milieu d'un visage couvert de sang et de cheveux noirs.

Deux émeraudes qui rencontrèrent l'argent implacable du D.

- Vatt'ghern ? souffla avec surprise l'elfe.

L'elfe décala son bout de bois. Vu la lueur qui en sortait, ce devait être une baguette magique. Et à côté, il forma le signe bien reconnaissable de Quen de son autre main en vue de se protéger du gros de l'explosion.

Pourquoi diable changeait-il de cible ? La menace, c'était lui, le sorceleur, pas l'arbre à côté, sauf si cet elfe avait un compte à régler avec la forêt.

Son incompréhension aurait pu lui coûter cher si Geralt n'était pas intervenu. Il attrapa le D. sous un bras et forma Quen pour les mettre tous les deux à l'abri.

Le boom et les dégâts d'explosion autour explicitaient pourquoi le Loup Blanc avait bien agi.

- Je te hais, vieux loup lubrique, siffla le D. J'ai pas besoin d'aide.

Et il se dégagea de la prise de son camarade.

- Je sais, se contenta de répondre Geralt. Mais il faut que ça cesse et que tu te refroidisses le crâne, Portgas.

Et il esquiva de justesse un coup de crosse dans le nez.

Pour le Loup Blanc, cette traque n'avait aucun sens. C'était un elfe blessé, ni plus, ni moins. Même si on pouvait se demander pourquoi il portait à la fois les couleurs des Scoia'tael et des Stries Bleues, ce n'était qu'un elfe. Ou plutôt un jeune elfe. Qui sait, le phénomène magique était peut-être dû à une tentative foireuse pour fuir les chasseurs de sorcières. Il siffla Ablette, espérant qu'elle parvienne à les rejoindre, et marcha jusqu'à l'elfe.

- Le meilleur médecin du nord est en ville, il va t'aider à te remettre sur pied.

Et il lui tendit sa main.

L'elfe sembla s'étrangler, s'étouffant à moitié avec le sang et un sanglot qu'il refoulait, avant de glisser sur le côté et perdre connaissance. Entre ses lèvres, un liquide carmin commença à s'échapper. Le Loup Blanc eut un claquement de langue et jeta un regard réprobateur à son comparse qui se contenta de lui montrer les dents. Le temps de revenir vers l'elfe, un étrange corbeau, certainement doté de magie si on en croyait les médaillons, s'était posé sur le blessé. Au vu des croassements, la bestiole essayait de le réveiller. Ablette arriva à cet instant.

- Je vais l'apporter à Marco. Toi, je te recommande de te rafraîchir les idées, ce n'est pas la première fois que Vesemir te dit que ton impulsivité est un mauvais défaut.

- Je te préférais amnésique, tu sais, lui reprocha le D.

Geralt ne fit aucune remarque. Il se rapprocha du blessé et posa une main sur son bras, gardant un œil méfiant sur l'oiseau qui le laissa faire. Sans opposition de ce qui devait être le familier de l'elfe, le Loup Blanc hissa le Seidh sur sa selle, avant de monter derrière. Bientôt, sans un regard en arrière, le blandin s'éloigna aussi vite que le pouvait sa monture, laissant le pirate seul dans les bois. Le Chat inspira profondément, expira et remit le fusil à son épaule. Il devait se préparer pour une énième tirade moralisatrice de Vesemir, il le voyait bien comme ça.

Un frisson le secoua.

Il n'arrivait juste pas à se tirer de la peau cette menace qui émanait de cet elfe.

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Pour éviter de donner la tentation aux racistes, ils avaient fait entrer l'elfe en douce dans l'auberge et l'avaient installé dans la chambre qu'occupait généralement Shiva qui avait accepté gracieusement de passer la nuit à la belle étoile.

L'elfe avait tout juste la vingtaine et avait tout l'air d'un gosse qui avait grandi trop vite. Par respect pour la pudeur de ce qui était un gamin pour lui, Marco avait fait un maximum de soin en déplaçant le minimum de vêtements. Mais le peu qu'il avait vu disait que ce gosse n'avait pas eu une enfance facile.

Le Phénix soupira et tira un peu plus sur sa pipe en se laissant aller en arrière. Il se frotta les yeux sous ses lunettes et reprit sa contemplation.

On avait posé sur la table de chevet la baguette magique que le corbeau avait ramenée.

Le blond jeta un œil à son patient et regarda au dehors le soleil décliner à l'horizon. Il soupçonnait le fait que Vesemir ait insisté pour qu'Ace l'accompagne avec Geralt à la chasse au griffon comme une excuse pour lui tirer les oreilles en privé. Ou alors, une occasion pour permettre au D. de leur transmettre la mission que lui avait confiée l'empereur.

Il devrait aussi demander à Shiva le pourquoi de sa générosité. Même pour les elfes, si on n'était pas une femme, on pouvait crever la bouche ouverte que ça ne lui ferait ni chaud, ni froid. Pourquoi avait-elle eu cet intérêt pour le jeune ? Une vision ?

Il tourna la tête vers son patient en l'entendant gémir de douleur. Il reprenait connaissance. Pendant un instant, des caractères apparurent par magie sur l'une des mains de l'elfe avant de disparaître tout aussi vite. Mais vu la façon dont le corbeau, qui lui avait dit s'appeler Huguin, se frottait à sa joue, ce ne devait pas être une bonne nouvelle.

Calmement, il se leva et éteignit du pouce son kiseru. Il le posa contre un mur pendant que l'elfe, Mandos Cerbin, s'il en croyait Huguin, se mettait à tousser. Il attrapa la carafe d'eau un peu plus loin au sol avec une choppe qu'il avait lui-même nettoyé peu avant. Une fois le verre plein, il retourna au chevet de l'elfe et la posa sur la table de nuit à côté de la baguette.

- Shhh… shizukani… souffla Marco avec une voix qu'il voulait apaisante en l'aidant à se redresser.

Une fois l'elfe assis, il porta la chope à ses lèvres et l'aida à boire. Il affronta calmement le regard inquiet du jeune qu'il assistait. Il n'arrivait pas à se l'expliquer, mais le blessé ressemblait à Iorveth. Certes, il avait des traits moins osseux que le Scoia'tael, mais il y avait un petit air de famille. Finalement, Mandos repoussa la chope que Marco reposa sur le côté.

- Merci… souffla le jeune avec une voix cassée. Qui…. ?

Avant qu'il ne puisse finir sa question, le corbeau se posa sur l'épaule du blond et lui entoura la tête avec une de ses ailes. Touchant de savoir que malgré le fait qu'il ait épousé le responsable de la blessure dans le bras, on le jugeait digne de confiance.

Et sans qu'il ne comprenne pourquoi, son patient fit une crise de panique. Encore et encore, des marques apparurent sur sa peau, et clairement, cela faisait souffrir et paniquer le jeune Mandos. Aussi, Marco arrangea sa position, serrant son épaule valide avec une prise calme, s'asseyant littéralement à côté de lui.

- Inspire… bloque… expire… fais comme moi, yoi. Inspire… bloque… et tu expires… Je ne sais pas ce que tu cherches ou ce que tu fais, mais tu n'es pas en état… alors laisse couler. Attends de te rétablir pour chercher, yoi. Respire et calme-toi.

Si Mandos ne l'écoutait pas, il devrait peut-être faire appel à Thatch pour l'hypnotiser. Ou demander conseil à Shiva, puisque c'était apparemment la magie qui posait souci.

- Difficile d'être … calme … lorsque l'on vous rend aveugle et sourd … qu'on vous prive d'une partie de vous. … Je suis Mandos Cerbin … haleta l'elfe.

- Marco. Et ton corbeau m'a déjà donné ton nom et le sien. Quant à ton commentaire… je crois bien que tu viens d'expliquer pourquoi madame je-n'en-ai-rien-à-foutre-du-monde a autant d'intérêt pour toi, yoi. Tu te sens de rester assis ou tu préfères te recoucher ?

Mandos sembla réfléchir un moment avant de regarder le sac qu'Ace avait daigné ramener. Puis, finalement, il répondit :

- Assis. Huguin … ? Fiole rouge.

Alors que le corbeau sautillait jusqu'au sac, Marco cessa doucement de soutenir l'elfe, restant prêt à le rattraper si jamais il montrait un signe de faiblesse. L'oiseau revint avec une potion rougeâtre dans son bec que Mandos avala immédiatement. Les couleurs revinrent sur le visage pâlot du gamin. Bon signe.

- Et moi, siffla-t-il avec difficulté. J'aimerais savoir pourquoi on m'a tiré dessus. Avec un fusil … dans les royaumes du nord ? Déjà le carreau d'arbalète l'année dernière. Mon oncle va me tuer avant de me mettre une laisse pour me garder en sécurité. Oubliez ce que je viens de dire.

Marco retint un rire. Combien de fois lui-même avait voulu enfermer un de ses nakamas (le plus souvent Ace) pour les garder en vie et loin des conneries dangereuses ?

Il observa le jeune passer sa main sur son visage. Shiva avait identifié l'étrange cicatrice qui barrait l'œil de l'elfe comme un sceau magique, mais n'avait rien dit de plus. Parce qu'elle ne savait pas ? Parce que cela ne les regardait pas ? Parce qu'elle s'en foutait ? Allez savoir avec elle.

- Avant de répondre à tes questions, chose que je ferai avec plaisir, j'aimerais juste faire une chose maintenant que tu es éveillé. Je n'ai fait que des soins de surface pour te garder en vie, afin de ne pas empiéter sur son intimité, yoi. A présent que tu es conscient, j'aimerais ton autorisation pour faire correctement mon boulot.

Et pour expliciter ce qui le dérangeait, Marco secoua légèrement un bout de sa propre tunique. Si le jeune ne voulait pas, tant pis pour lui, il n'allait pas le forcer. Il fallut un instant, mais le jeune soupira et finit par lui donner son accord :

- Aidez-moi. J'aurais des difficultés à défaire les attaches seul … et il faut éviter que cela s'infecte … Est-ce que la balle est sortie ou il est nécessaire que l'on s'inquiète de la retirer ? Je ne sens absolument pas mon bras. J'ai sûrement l'os brisé par l'impact.

Marco le regarda un instant.

L'elfe était lui aussi un médecin. Et avec les connaissances et compétences que l'on ne trouve pas forcément sur les bancs de Oxenfurt. Surtout qu'il savait qu'il s'était fait attaquer par un fusil et qu'il avait probablement encore une balle dans l'épaule. Et le seul fusil existant dans les royaumes du nord, eh bien, c'était Thatch qui l'avait actuellement. Délicatement, veillant à ne pas avoir de gestes qu'on puisse mal interpréter, le blond retira la tunique de l'elfe. Il avait un soupçon. Un bon gros soupçon et il avait l'intention de le faire confirmer de façon douce. Il retint un grincement de dents en voyant les cicatrices dans le dos de Mandos. A croire qu'un bourreau de MariGeoise avait commencé sa formation sur lui. Chassant la remontée de mauvais souvenirs, le blond se mit au travail, appliquant ses mains sur l'épaule.

- Dans ton malheur, tu as eu de la chance, la balle est ressortie. Ça va démanger un peu.

Et il activa ses plumes avec l'intention de commencer la régénération. Même si concentré sur l'action de ses plumes, il continua de parler, répondant par l'occasion à la question de son patient :

- Si on t'a tiré dessus, c'est qu'il faut croire que même amoché, quelque chose en toi a foutu la trouille à une tête brûlée. Et si on prend en compte les mutations foireuses dont les Chats sont friands… Il y a des jours où il est recommandé de rester au lit, et je pense que pour toi, c'était le cas aujourd'hui, yoi. Surtout quand il s'agit de croiser la route de l'impulsif Chat Noir… surtout quand il est de mauvaise humeur.

- … il ne me semblait pourtant pas que l'on était vendredi treize.

Marco haussa un sourcil. Est-ce que c'était une tentative d'humour ? Il chercha une réponse appropriée à donner quand Mandos parla de nouveau :

- A-t-il confronté de très près la mort ?

La voix de l'elfe était posée, calme, pendant qu'il regardait le mur d'en face. Marco lui était reconnaissant qu'il n'ait pas cherché à voir ses plumes, mais là, il s'aventurait dans ce qui ne le regardait pas.

- Car, je crois savoir pourquoi il… m'a attaqué… et c'est aussi pourquoi l'autre m'a attaqué.

- Tu es en train sérieusement de me demander des informations sur la personne que j'ai épousée ? se fit confirmer Marco.

Ce n'était pas méchant, c'était juste un rappel à l'ordre. Ce Mandos sortait de nulle part, et il commençait à poser des questions sur la vie privée d'Ace. De toute façon, il suffisait de l'entendre respirer, parler ou même chanter pour comprendre que quelque chose n'allait pas. Malheureusement, la plaie étant depuis longtemps cicatrisée, il ne pouvait plus rien faire. Apparemment, l'elfe avait saisi le message puisqu'il se tendit légèrement. En soupirant, le blond éteignit ses flammes et commença à faire délicatement rouler l'épaule pour voir si l'elfe avait retrouvé ses sensations.

Sans compter qu'ils le sentaient tous, qu'il y avait quelque chose de pas net dans Mandos. Le Haki le percevait clairement. Ce n'était pas parce qu'il le soignait qu'il lui faisait confiance.

- Tu peux la bouger seul, yoi ?

L'elfe obtempéra. Clairement, il avait retrouvé sa mobilité.

Pendant un instant, il resta plongé dans ses pensées, permettant au blond de se concentrer sur la plaie au flanc. Jusqu'à ce que Mandos ne se retourne vers lui.

- Ce n'était pas sa vie que je demandais. Mais je peux comprendre. Et… merci pour vos soins. Je vais… tenter de rentrer chez moi.

Le blond haussa un sourcil en le voyant prendre la baguette pour faire apparaître des bandages pour protéger le reste de ses blessures. L'oiseau en lui sentait la peur transpirant de chaque cellule du jeune elfe. Alors, Marco se leva et alla allumer son kiseru pendant que son patient se rhabillait. Il tira une bouffée de fumée des herbes apaisantes qu'il utilisait en lieu de tabac et l'expira lentement, regardant les volutes monter vers le plafond de bois.

- Tu sais, quand on est aveugle et sourd, il n'y a rien de honteux à demander de l'aide, yoi. Ou une canne blanche, dit tranquillement le Phénix sans un regard pour Mandos qui enroulait un bandana autour de son crâne pour masquer l'étrange marque sur son œil. Et quand on est perdu, on peut toujours demander son chemin. Shiva est dehors. Parle-lui si tu veux une chandelle dans les ténèbres, sinon, je te souhaite bonne chance, yoi. Demande-toi juste si dans ton état, tu seras capable d'affronter les Chasseurs de Sorcières.

Et il prit une nouvelle bouffée de sa pipe alors qu'il sortait de sa besace au sol son carnet. Il avait une mémoire absolue, autant que ça serve à quelque chose. Il ouvrit de sa main de libre une bouteille d'encre et attrapa une plume pour commencer à griffonner sur une page blanche les étranges marques magiques qui étaient apparues temporairement sur la peau de son patient. Il ne se détourna pas de sa tâche, même en sentant le regard sur lui de son patient. Il leva le nez quand l'elfe parla :

- J'évite de faire confiance lorsque j'ai été assez trahi … et que l'on me tire dessus.

Mais il ne regardait pas Marco.

Le blond fronça les sourcils. Il s'était occupé de la commotion durant l'inconscience du jeune elfe, mais se pourrait-il qu'il ait loupé quelque chose ? Avant qu'il ne puisse bouger, le jeune sortit. Le pirate soupira et tira un peu plus sur sa pipe. Ce Mandos était clairement un médecin, comme lui. S'il se jugeait assez bien pour avancer seul, qu'il en soit ainsi.

Ou peut-être qu'il allait répondre à l'invitation de Shiva qu'il sentait quittant l'auberge.

Parce qu'en effet, la brune s'en allait. Elle en avait assez des racistes et des pervers. Après s'être assurée que Thatch garderait bien un œil sur Anaïs en son absence, la brune avait quitté l'auberge sans un regard en arrière. Son objectif ? Un bosquet d'arbres où elle pourrait prendre sa forme de serpent sans personne pour la déranger. Elle avait envie de méditer, de se faufiler dans les possibles routes du futur. Ce Mandos, elle l'avait vu dans ses visions. Et il fallait qu'elle sache si c'était en bien ou en mal, réellement.

Enfin les arbres.

Elle inspira profondément en s'enfonçant entre eux. D'abord, elle changea ses jambes, laissant sa longue queue de serpent à sonnette se faufiler entre les herbes. Elle détacha le bandeau de ses cheveux, laissant respirer la crête de plumes dorées sur son crâne. Elle s'enroula ensuite autour d'un gros arbre pour l'escalader. Arrivant sur une branche large, elle s'y étala, perdant ses derniers attributs humanoïdes. Ses deux immenses ailes colorées pendirent de chaque côté de la branche pendant qu'elle posait sa tête de serpent sur la fourche de la branche. Elle poussa un soupir de bien être, faisant vibrer sa longue langue, avant de laisser son esprit divaguer pour se préparer à entrer en transe.

Qui fut coupée par l'arrivée de l'étrange elfe.

Celui-ci s'assit comme s'il avait le poids du monde sur ses épaules, sur une souche sous sa branche, avant de finalement réaliser la présence de la zoan au-dessus de sa tête.

- ~~ Merci de ne pas me mordre. J'ai eu assez aujourd'hui pour me dire que j'aurais dû rester coucher.~~

C'était la langue des serpents que le Seidh venait d'utiliser. Étrange, de ce que Shiva savait, seuls les zoans serpents la connaissait. Elle goûta l'air. Ce jeune sentait la peur, la mort et la magie. Elle ondula doucement pour se rapprocher du curieux personnage qui s'était réfugié entre les racines.

- ~~Même si je n'aime pas qu'on me coupe dans mes tentatives de transe, tu as deux points en ta faveur qui font que je ne te toucherai pas,~~ siffla Shiva.

Elle sentait quelque chose de familier en lui. Quelque chose de presque divin. Qui est-il ? Il l'intriguait. Elle abaissa sa tête pour la mettre au même niveau que celui de l'elfe. Elle… elle sentait. Ils étaient semblables sur beaucoup de points, elle en avait la certitude.

- ~~Tu es Mandos Cerbin, si j'ai bien compris.~~

- ~~Il est exact que c'est mon nom. Et navré d'avoir interrompu votre transe … je cherchais moi-même un lieu pour … réfléchir.~~

Et il reprit le silence, se renfonçant sur lui-même... avant de se mettre à pleurer.

Oh bordel, elle détestait ça. Ceux qui rendaient les armes alors que le combat venait tout juste de commencer. Vu que sa forme complète n'avait pas de main (elle se souvenait encore des gémissements désespérés d'un certain Steven Universe sur ce fait), elle se vit dans l'obligation de reprendre sa forme d'elfe.

La claque partit avec une faible dose de Haki. Elle eut tout de même la gentillesse de frapper la joue non-marquée. Mais ça s'arrêta là dans la gentillesse. Avant qu'il ne puisse réagir, elle l'attrapa par le col et le secoua. Tant pis s'il lui restait des blessures, ça lui donnerait une bonne raison de chialer.

- ~~Alors c'est comme ça ! Tu rends les armes ! Tu te déclares vaincu ?! Que tu es pathétique ! Bon sang, je sais que tu as vu et survécu à beaucoup, me fais pas croire que c'est en restant dans ton coin à chialer que tu as réussi ! Lève-toi bordel ! Et marche ! Prouve que cette balle, tu l'as méritée ! Parce que si on t'a tiré dessus, c'est que tu es fort et dangereux ! Mais si tu restes là à chialer comme un môme dans le noir, alors, c'est qu'on s'est trompé sur ton compte et qu'on aurait dû te laisser te vider de ton sang.~~

Avec brutalité, elle le repoussa contre le tronc de l'arbre. Elle reprit son foulard et s'éloigna d'un pas colérique tout en l'enroulant de nouveau autour de son crâne. Elle avait espéré plus, mais au final, elle était déçue.

Ou peut-être pas, puisqu'elle l'entendit se relever après avoir parlé un instant avec le corbeau avec lui. En courant, il la rattrapa alors qu'elle continuait à avancer. C'est son raclement de gorge qui lui fit stopper ses pas. Elle se tourna à moitié vers lui, braquant un œil améthyste sur ce jeune elfe intrigant.

- Je pense que je mérite une claque supplémentaire mais tu as raison … je n'aurais jamais dû le laisser m'atteindre comme cela. Je n'ai pas autant vécu en restant à attendre l'aide. Je ne l'ai jamais reçu par le passé alors pourquoi commencer à attendre ? Je pense que j'avais besoin … d'un rappel. Merci pour cela… Et si je recommence à abandonner sans me battre … frappe-moi encore. Recommençons … Je suis Mandos Cerbin, dit le guérisseur des champs de bataille. Et puis-je savoir à qui je dois … une remise en place ?

- Je n'ai fait qu'utiliser avec toi la méthode qu'on a utilisée pour moi il y a longtemps en arrière… quoique cette fois-là, Ace avait été moins brutal. M'enfin. Pour qui je suis… c'est une question épineuse. J'ai bien des noms… ceux qui restent le plus ancrés sont Kali et Shiva, et c'est ce dernier que j'utilise encore à l'heure actuelle. On me surnomme aussi Haiiro. La Kuudere. Et d'autres noms assez péjoratifs, mais c'est courant dans le métier, puisque je suis une pirate.

Elle passa une main dans sa chevelure encore parsemée de mèches blanches et tourna la tête vers un moulin au loin, au-delà de la rivière. Elle voyait le griffon voleter au-dessus. Il n'en aurait plus pour très longtemps.

- Nous pouvons discuter ici encore longtemps, ou tu peux faire un point de toi-même sur ta situation et voir si tu as encore besoin des services de Marco pour finir de te remettre sur pieds. Il ne fait pas de miracle, mais la médecine, c'est un art qu'il perfectionne depuis plus de soixante ans.

Elle ne regarda pas Mandos, elle continuait de regarder le moulin et la petite tâche noire qui l'escaladait. Ace était en train de chasser. Ça lui ferait du bien et il serait peut-être plus en état d'accepter de demander pardon au pauvre guérisseur qu'il avait blessé. Guérisseur qui devait avoir vu le point noir qui était à présent sur le toit du moulin et s'apprêtait à sauter dès que le griffon serait à sa portée.

- Est-ce que je suis en train de voir un idiot de vatt'gern tenter de faire un chat perché avec un griffon ?

Idiot décrivait parfaitement Ace dans certains moments. Mais ça faisait son charme. Quant au « chat perché »… on parlait du Chat Noir après tout.

- Je pense que pour la médecine, j'irais, marmonna l'elfe avec difficulté. Je suis chirurgien guérisseur. Et je dois trouver celui qui m'a attaqué et coupé de ma dame, et …

Il se figea pour se tourner vers la forêt, comme si quelque chose le dérangeait. Elle-même sentait une menace en approche.

- Fucking Hell son of the bitch. On doit partir, maintenant. On a une fosse à l'abandon. Et je ne peux rien faire pour les empêcher de venir.

De l'anglais ? Outre des injures, Shiva ne connaissait pas grand-chose de la langue des nobles de son monde. Mais elle savait une chose. On ne jouait pas avec les morts.

Autre point…

Les yeux de la zoan s'arrondirent d'effroi.

Ace lui avait confié Anaïs… si cette menace s'en rapprochait, elle aurait failli sa mission.

- KUSOU !

Elle tourna les talons et se mit à courir vers l'auberge. Elle ne pouvait pas laisser la fillette ainsi. Plus rien n'avait d'importance. Seule mettre la petite à l'abri comptait.

.


.

La porte de l'auberge claqua quand Shiva la referma derrière elle. Elle resta adossée contre, la respiration haletante, essayant de se calmer en ignorant les regards perplexes sur elle et son étrange entrée. La présence sombre n'était plus là. Elle avait suivi le jeune médecin.

Il était important, elle le sentait dans ses tripes. Elle ne savait pas encore le pourquoi du comment, mais elle avait bien senti que même s'il était puissant, il restait jeune, perdu et avec une magie bridée. Elle avala une goulée d'air et alla récupérer dans ce qui avait été sa chambre (et l'était peut-être de nouveau) son matériel de couture. Elle avait une tête réduite à finir. Celle de Dethmold. Elle lui avait pris plus de travail parce qu'elle avait emprisonné la magie de l'ancien magicien dedans, afin de l'utiliser comme appui pour compenser ses problèmes sur ce plan. Elle s'assit à la table, à côté de Thatch et Anaïs (le vampire apprenait à la gamine comment faire des origami). Sur la chaise d'en face, Marco écrivait dans son éternel journal afin d'ordonner sa mémoire absolue. Quand elle se mit à coudre avec des mains tremblantes, les deux commandants la regardèrent.

- Bad trip sur une souris avariée ? demanda le vampire.

L'elfe ne lui donna aucune réponse, continuant de faire sa couture. Elle devait se concentrer, le reste irait mieux. Elle jura quand elle se piqua un doigt.

- /Shiva ? Est-ce que tout va bien ?/ demanda avec inquiétude la petite Anaïs.

- /J'ai échappé de peu à des âmes en peine. Cet elfe, c'est… il… il attire la mort… je pense que ce doit être un de ses avatars, ou un truc du genre./

- /Ce qui peut expliquer qu'Ace se soit senti menacé, yoi. Ou l'étrange sensation qu'on a devant lui avec le Haki, / nota Marco en posant sa plume.

- /Sa magie est bridée aussi. Mais ce n'est pas ce qui m'a interpellé. Il connaît l'anglais. Assez pour jurer dans cette langue./

- /C'est quoi l'anglais ?/ demanda Anaïs.

- /C'est une autre langue de chez nous. Elle est associée à la noblesse. Très haute noblesse, avant de se répandre dans les autres couches, yoi. Sur certaines îles, c'est devenu la langue de tous les jours à la place du japonais qui est pourtant la langue commune./

La porte s'ouvrit sur Ace et Vesemir. Le brun se massait l'épaule gauche en maugréant.

- C'est de ta faute, quelle idée aussi de faire un saut de cette hauteur, disait Vesemir. Tu aurais pu te faire bien plus mal.

- Qu'est-ce que tu as encore fait ? demanda Thatch avec amusement.

- Grimper en haut du moulin pour attaquer le griffon, répondit Shiva sans se détourner de son ouvrage.

- Pour se foutre en l'air l'épaule au passage, compléta le vieux sorceleur des Loups.

- Et tu te l'ais remise seul en place, devina Marco avec lassitude.

- Elle s'est juste déboitée, rien de bien méchant, marmonna le brun en s'asseyant à côté de son époux.

- Vous l'avez eu ? demanda Anaïs en se levant de sa chaise pour se jeter dans les jambes du Chat Noir.

- Oui, on l'a eu. Geralt est parti pour la prime et son information. J'ai eu le temps de le mettre au courant pour la petite diablesse.

- Donc, on va avoir un nouveau compagnon de voyage ? se renseigna Thatch.

Des petits bruits à la fenêtre attirèrent l'attention de tout le monde. Huguin s'était perché au bord et y mettait des coups de bec. La tenancière sortit de derrière son comptoir pour le chasser, mais l'oiseau en profita pour entrer et se poser devant Marco.

- Rajoute deux nouveaux compagnons de voyage pour l'achat de provisions, yoi. Ace, tu viens avec moi.

- Naze ? s'étonna le sorceleur.

- Parce que s'il a besoin de sang et après lui avoir tiré dessus, tu peux bien t'excuser en lui faisant don de celui qui coule dans tes veines.

- Et les mutations ne risquent pas de poser des problèmes ? s'étonna Thatch.

- Ce sont nos organes qui sont modifiés, le sang ne change pas, expliqua Vesemir. Ce fut un plaisir de vous rencontrer. Si vous passez cet hiver à Kaer Morhen, vous êtes les bienvenus.

Pour une raison qui échappa aux deux sorceleurs et Anaïs, Shiva eut un rire à la mention du bastion.

- On se souviendra de l'invitation, merci, sourit Marco. Ace, on y va. Thatch…

- Je vais faire les courses. Tu veux rester avec Shiva pendant qu'elle fait sa couture ou tu m'accompagnes ?

Anaïs laissa Ace et suivit le vampire hors de la taverne. En soupirant, le Chat Noir se leva.

- Je peux pas prendre le fusil ? demanda-t-il.

- Non. Thatch est plus responsable que toi à ce sujet. On y va.

Le médecin alla chercher sa besace dans sa chambre et revint dans la salle juste à temps pour entendre Ace donner un avertissement général à tout idiot voulant se frotter à Shiva. C'était leur vie, après tout. S'ils voulaient mourir sous son venin, c'était leur problème. Mais au moins, ils étaient avertis.

Le duo quitta la taverne, donc, croisant Vesemir au dehors qui commençait à préparer son cheval, puisque lui retournait déjà à Kaer Morhen.

- Iro ! Viens ma fille ! appela Ace.

Et la panthère sauta du toit de l'auberge pour venir se planter à côté de l'étalon noir que montait son père d'adoption. Marco grimpa sur son propre cheval, et le corbeau vint se percher sur son épaule.

- On y va, Dukey, yoi. Huguin, montre-nous le chemin.

L'oiseau partit devant, suivi des deux pirates sur leurs chevaux. Ils traversèrent le bosquet tout proche et continuèrent de s'éloigner. Puis, sentant quelque chose, Iro prit de la vitesse et passa devant, disparaissant rapidement de leur champ de vision. Il ne fallut que quelques minutes pour retrouver l'elfe. A proximité d'un site d'énergie si on en croyait la pierre dressée et l'agitation du médaillon. Mais avant de le voir, ils l'entendirent. Il chantonnait, entrecoupé parfois de rires. Un shanty. De quoi les rendre nostalgiques. Ce n'était donc pas surprenant que le vieux marin qu'était Marco se laisse aller un instant alors que les chevaux ralentissaient pour ne pas marcher sur l'elfe amoché qui s'était adossé à une pierre de puissance, Iro se frottant joyeusement à lui.

- Put him in the bed with the captain's daughter

Put him in the bed with the captain's daughter

Put him in the bed with the captain's daughter

Early in the morning !

L'elfe les remarqua à cet instant alors qu'ils descendaient de leur cheval.

- … Touchez pas au menhir … ça empêche … les spectres d'attaquer… haleta Mandos en gardant un œil sur le D.

- On peut t'en éloigner, que je puisse t'examiner ? s'enquit le Phénix en sautant de cheval.

Ace en fit de même et prépara son glaive d'argent avec de l'huile contre les spectres en prévision.

- Iro. Viens ma fille, tu vas gêner Marco, sinon, appela le D.

- Ce n'est pas dangereux sauf si vous faites sauter la pierre. C'est … comme des phares … une technique de sorceleur de l'est … ça rappelle les lanternes des morts … un passage pour ceux qui n'ont pu traverser et qui sont retenus par leurs chaînes …

Après la confirmation qu'on pouvait l'éloigner, Marco écarta doucement l'elfe de la pierre en évitant de la toucher.

- Et moi qui pensais avoir laissé les têtes de mules impossibles à garder au lit dans le Shin Sekai, grommela le médecin en retirant la tunique de l'elfe. J'ai signé pour un patient avec des envies suicidaires, pas deux, merci bien. J'espère que ça te servira de leçon, parce que ce comportement n'est pas digne d'un médecin compétent ! Tu aurais dû comprendre que tu n'étais pas en état de jouer au con et rester au lit, yoi.

Quand Mandos se justifia, Marco lui lança un regard sévère pour revenir à son travail.

C'était très con, mais Ace avait toujours trouvé Marco sexy quand il était agacé. Note à soi-même, passer à table ce soir. Il était juste tellement…

Et toujours en râlant, le blond commença son action, s'attaquant immédiatement à la plaie qui saignait abondamment. Accroupi dans le dos du jeune homme qu'il gardait assis, il posa une main sur la plaie et activa la régénération.

- Koibito, tu peux… demanda le blond.

- Aye, coupa le sorceleur.

Sans hésitation, il ouvrit la sacoche et sortit les bandages propres ainsi que la solution désinfectante artisanale que son homme avait là.

- Tu as de quoi aider la régénération sanguine, Mandos ? s'enquit Marco sans cesser son travail sur le flanc.

- Plus rien.

Marco lança un regard à son époux qui eut un air blasé en commençant à défaire son gant droit, avant de se rappeler que le kairoseki était toujours là. Impossible de l'enlever, ou ce serait des flammes qu'on mettrait dans les veines de l'elfe. Il remit correctement le gant et s'attaqua au gauche avant de remonter sa manche. Une fois une bonne zone de l'avant-bras à découvert, il ramassa les bandages et le sac pour rejoindre son homme. Le blond se lava ses mains poisseuses de sang avec le désinfectant avant d'appliquer un pansement, puis un bandage sur la zone afin de protéger les premiers signes de cicatrisation.

- On verra pour les nerfs plus tard, là, dans l'immédiat, c'est le sang le plus important. La tête de mule va te refiler le sien, yoi. C'est un donneur universel.

Et il commença à préparer une transfusion entre les deux bruns. Ce n'était pas pour autant qu'il arrêta de faire la morale à Mandos, même si Ace arrêta de le reluquer pour se concentrer exclusivement sur l'aiguille qu'on allait pas tarder à lui planter dans le bras. Jusqu'à finalement, se faire chier et recommencer à reluquer son mec trop occupé dans son rôle de médecin. C'est le discours de Mandos qui le tira de ses pensées.

- … il doit avoir quelque chose … dans les environs. Faites attention… Cette chose … ou personne … est celui qui m'a attaqué avant que l'on se rencontre … c'est lui qui m'a maudit. Il est dangereux. Et agaçant … s'il vient me narguer à nouveau … je m'en fous que je me détruise les nerfs … je l'incinère.

En réponse, le corbeau s'agita, comme pour confirmer qu'il aiderait. Les deux pirates échangèrent un regard et dans un même ensemble, ils fermèrent les yeux, se concentrant exclusivement sur leur Haki. Il ne fallut pas chercher longtemps. Il y avait en effet une présence dérangeante. Si quelque chose dans ce Mandos n'était pas rassurant pour un sou, ce truc qui les entourait sans qu'ils puissent le voir, c'était nauséabond, vicié, mauvais. Le couple rouvrit les yeux, le visage fermé.

S'ils faisaient les soins ici, ils seraient tous les trois à découvert et vulnérables à cause de la transfusion. S'ils allaient en ville pour rejoindre le reste du groupe, ils prenaient le risque de mettre en danger tout Blanchefleur.

- Kekkai ? proposa Ace.

- Si tu sais le placer.

- Et Eskel qui se foutait de ma gueule parce que j'ai toujours des bougies sur moi. Je vais les lui foutre dans le cul quand je le reverrai, on en reparlera de leur inutilité, marmonna Hiken en fouillant sa sacoche à élixir. Tu crois que ça tiendra ?

- On le saura pas avant de l'avoir mis en place, yoi.

Le D. se redressa, quatre longs cierges en main. Il allait les mettre dans l'herbe quand son regard tomba sur la source d'énergie. Oh yeah, ça allait tenir. Il tendit une des bougies à Marco qui pinça la mèche pour l'allumer, avant de regarder son conjoint les positionner dans un parfait carré avec le menhir au centre. Inspiration profonde et le D. joignit ses mains devant son visage, marmonnant une rapide prière à l'adresse de Davy Jones, avant de revenir vers son homme. Il fallait espérer que la barrière de protection et la prière les aident.

- Ne nous attardons pas. Commençons la transfusion, pressa Marco. Plus vite on l'aura fini, plus vite on pourra se tirer d'ici.

Sans broncher, Ace revint s'asseoir à proximité de Mandos et laissa son époux les relier l'un à l'autre par le matos de transfusion.

.


.

Le kekkai avait dû tenir parce que la transfusion n'avait pas été interrompue. En suivant, ils avaient rangé le matériel (Marco avait râlé qu'il aurait voulu pouvoir désinfecter avant de ranger) et avait sauté sur les chevaux, le Phénix prenant Mandos sur sa selle. De toute façon, il était un oiseau, il ne pesait pas assez lourd pour déranger sa monture. C'était donc avec un œil par-dessus leur épaule qu'ils avaient chevauché jusqu'à Blanchefleur… pour s'arrêter derrière une ferme en voyant le gros groupe de soldats de l'empire qui attendait devant.

Ils sautèrent de cheval et se penchèrent doucement à l'angle de leur cachette. La porte était assez ouverte pour qu'on puisse voir des corps derrière Vesemir et Geralt qui faisaient face au convoi.

- Je peux pas vous laisser cinq minutes sans que ça vire au drame, souffla Marco. Qu'est-ce qu'il s'est passé cette fois, yoi ?

- Soit il y avait trop de sorceleurs dans l'auberge, soit un con a essayé de toucher Shiva, supposa Ace. C'est pour ça que je lui dis que ce prénom n'est pas adapté à son caractère. Shiva est une divinité bonne, bienveillante. Oui, je suis d'accord qu'elle est au-delà de la connaissance, dans un sens, mais elle n'a pas le tempérament calme et soumis du dieu. Elle est Kali. Destructrice, dangereuse, indomptable, implacable, comme le temps.

- Ce n'est pas le moment pour débattre sur quel dieu a un nom qui lui convient mieux, surtout dans ce panthéon-ci, alors qu'elle est un morceau du grand serpent à plumes… attends, c'est moi, ou on a Yennefer de Vengerberg parmi l'escorte ?

Facile de la reconnaître, même si elle était de petite taille pour une femme. Yennefer de Vengerberg était une dame avec un quart de sang elfique (ce qui expliquait ses yeux mauves). Mais la magie était puissante en elle. Et l'avait rendue bien trop parfaite. Ses rares défauts ne faisaient que renforcer cet aspect. La chevelure noire d'ébène avec ses boucles sauvages tombait sur des épaules, dont la droite était à peine plus basse que la gauche, et orientées vers l'avant, marque d'un passé de bossue de la magicienne centenaire. Son visage pâle triangulaire n'avait qu'une seule infime ride qui ne faisait que mettre l'emphase sur son sourire quand elle daignait en faire un. Et même sa bouche légèrement tordue ou ses sourcils irréguliers ne faisait que renforcer ce qu'était la magicienne : une femme belle, mais dangereuse, tout de noir et blanc vêtue.

Ace fronça les sourcils quand il sentit Marco l'embrasser doucement derrière l'oreille. Oui, bon, ils étaient déjà collés l'un à l'autre pour espionner tout en étant discrets, mais pourquoi diable le Phénix l'embrassait-il ? Et comme s'il avait lu dans ses pensées, son époux explicita son geste à voix basse :

- On est aussi jaloux l'un que l'autre quand on s'y met, alors, je préfère prendre les devants et prévenir la crise, yoi.

Moui, il lui accordait le point.

La conversation entre les deux amants devant la taverne s'acheva et Yennefer s'éloigna pour se remettre en selle. Geralt se tourna alors pour dire quelques mots avec Vesemir avec qui il échangea une accolade. Enfin, le Loup Blanc monta sur Ablette et s'éloigna avec l'escorte nilfgaardienne et son amour d'antan.

Quand le groupe se fut éloigné, le duo de pirates et Mandos revinrent vers la taverne au moment où Thatch en sortait avec Shiva et Anaïs. Et tous portaient leurs bagages.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda Ace. Tout va bien, Hime-chan ?

La gamine avait un air triste, mais elle hocha la tête avant de se réfugier dans les bras du sorceleur quand le D. s'accroupit pour la rassurer.

- Des patriotes, répondit d'un air égal Vesemir. Une tournée d'alcool de trop. Une femme amère au comptoir qui a commencé à insulter la tenancière sur ses rapports avec les occupants du village. Je ne vous fais pas le tableau.

Le couple eut un air blasé, reliant les points.

- J'ai eu une vision. On ne doit pas s'attarder, dit sombrement Shiva.

Personne ne la remit en question. Ce n'était pas le moment, surtout quand elle parlait de vision.

- La destination ?

- Eaux Troubles. Gwynbleidd nous retrouvera là-bas. Maître Vesemir, quant à lui, remonte vers Kaer Morhen.

Oui, ça, c'était prévu. L'armée était à une semaine de la vallée. Il fallait masquer les traces avant que quelqu'un ne remarque le bastion.

- Et la menace ? demanda Ace.

- La Chasse, Taîsho. La Chasse.