Alors qu'ils erraient dans le marais de Torséchine, Luffy et Ciri étaient tombées aux mains des terribles Moires. Les sœurs monstrueuses de Velen avaient hésité entre les manger ou les livrer à la Chasse Sauvage. Ils s'étaient donc échappés pendant qu'elles prenaient encore leur décision. Traquée par l'un des cavaliers de la Chasse, ils avaient fui dans les marais, pour ensuite rencontré Gretka et être mené jusqu'au Baron. La piste s'arrêtait là.
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Après une longue et épuisante chevauchée, Thatch et Geralt étaient revenus au camp. Sous la pluie. Ce n'était pas ça qui avait arrêté Marco et Shiva, puisqu'ils s'entraînaient sous le temps de chien en dépit du froid et de la boue. L'elfe avait le bisentô de leur capitaine quand Marco y aller à mains nues. Et histoire de travailler le Haki, c'était avec les yeux bandés qu'ils se battaient.
Pas de signe d'Ace ou Mandos.
- T'en tires une tête, mon frère, nota Marco en retirant le bandeau pour voir les deux hommes descendre de cheval.
- Où sont Ace et Mandos ? demanda Geralt.
- Ace a décidé de faire le con. Il est parti avec Anaïs, répondit Shiva. Il reviendra. Quand ? C'est une bonne question.
Le Loup Blanc eut un air blasé.
- Entrons. Avec ce qu'il a fait à l'île de Fykke, c'est peut-être mieux qu'il ne soit pas là.
Les deux arrivant entrèrent et Thatch attrapa immédiatement le sac de Marco pour en sortir une bouteille de saké qu'il avala cul sec.
- Thatch ? appela Marco avec inquiétude.
- Mauvais souvenirs, répondit le vampire avant de se remettre à boire.
Pendant ce temps, Geralt cherchait Mandos dans la pièce principale de la tente.
- On est allé apporter des soins aux hommes de Roche. Cela a été épuisant. Sauf si tu as vraiment besoin de lui, ne le réveille pas, yoi.
- On a fait sauter un autre nœud de sa magie, donc, autant le laisser se reposer, dit Shiva en enroulant ses cheveux dans une serviette pour ne pas mettre de l'eau partout. Et ne tentons pas le démon. Il doit être à proximité, à nous surveiller. Si on pousse, il sera encore plus sévère après qu'on ait levé ce nœud.
- Roche ne vous a pas tué ? s'enquit Thatch avec une voix sans âme.
- Il faut croire que Toruviel et Vernosielle ont réussi l'impossible en se liant d'amitié avec Cyn. On avait Shani avec nous. Et elle est toujours avec eux, yoi. C'était un massacre. Et il n'y aurait plus de Temerien sans nous. Sinon, pour vous ? Quoi de beau ?
Thatch s'assit à la table, la bouteille vide contre le front, juste à côté de Geralt.
- Ciri et Luffy sont tombés sur les Moires à Torséchines, on a la confirmation. Ces… choses y gardent des orphelins et la femme du baron. Elles les engraissent pour les bouffer, dit Geralt.
- Mandos, navré de te réveiller pour ça, dis-moi juste où trouver de l'alcool, réclama Marco avec une voix dure.
MariJoa était le lieu de tous les vices. Et durant leurs années, ils avaient vu des horreurs…. Avec, parfois, des enfants dans les assiettes des nobles, qu'ils avaient dû aider à cuisiner.
Le corbeau sur le perchoir derrière Shiva s'envola et se transforma en l'air pour devenir un Mandos à moitié endormi. Il salua Thatch et Geralt en allant chercher une bouteille dans le placard qu'il donna à Marco avant de s'asseoir à la table. Le Phénix se fit un grand plaisir de vider en quelques gorgées l'alcool.
Il comprenait mieux pourquoi Thatch lui avait répondu « mauvais souvenirs » quand il lui avait posé la question.
- Cependant, pour obtenir notre réponse, on a dû accomplir une mission pour elles, poursuivi Geralt. La Colline Dolente, ça vous parle ?
Le petit sourire de coin de Shiva voulait tout dire.
- L'esprit terrorise Culterrier. Tu es certaine de ce que tu as fait en le libérant ?
- Mon dieu me l'a recommandé et il est la seule et unique entité dont je ne remettrais jamais en doute le jugement, répondit tranquillement la brune. Vous avez dit quoi aux Moires ?
- Rien. Elles n'ont rien demandé au sujet de l'esprit de l'arbre, souffla Thatch.
Et il arracha la bouteille des mains de Marco pour en siphonner les dernières gouttes.
- J'aime quand un plan se déroule sans accroc, ronronna l'elfe.
- Tu veux pas un cigare tant que tu y es ? lui demanda le Phénix.
Cela lui valut un regard noir de sa camarade zoan.
- Les faits sont qu'elles ont des enfants dans leur garde-manger, et Anna Strenger comme esclave, siffla Thatch.
Il se leva d'un bond et rabattit sa capuche.
- L'alcool fait pas assez effet. Je vais me servir directement à la carotide des gars du baron.
- Je croyais que tu n'aimais pas le sang ? s'étonna Marco.
- Je suis prêt à tout pour me mettre minable.
Et il disparut au dehors.
- Ace est parti où ? Je doute que tu l'aies laissé partir sans le savoir, se renseigna Geralt en regardant le blond.
- Ce qui est mal me connaître. Cependant, j'ai plusieurs soupçons qui me font dire qu'il sera de retour entre une semaine et quinze jours.
- Nous n'allons pas attendre, dit Shiva comme si c'était une évidence.
- Non, toi, tu restes ici avec Mandos. Hors de question de vous voir à Torséchine, intervint Marco.
- Sans blague … elles vous ont sûrement parlé de moi à un moment, n'est ce pas ? Je préfère plutôt Allez emmerder Roche que d'aller là-bas. Et le commandant témérien est plutôt d'avis à me tirer au lapin, commenta narquoisement l'elfe guérisseur.
Il s'étira à nouveau avant de regarder Shiva :
- Je pense que l'on pourra les laisser faire leurs dégâts sur les trois garces et l'on travaille sur mon Haki d'Armement. Le Haki de l'Observation, ça commence à rentrer. Loin on sera d'elles, mieux ma santé s'en portera.
- Très bien. On pourrait aller voir les Scoia'tael. Je suis vraiment curieuse de savoir comment les filles ont réussi à mettre Cyn dans leur poche, dit Shiva en haussant les épaules.
- Reposons-nous cette nuit, on ira voir le baron demain à la première heure pour lui dire pour sa femme. Et quelque chose me dit qu'il va vouloir partir en guerre, yoi.
- Je te dirais bien d'aller te faire voir, mais au point où on en est, un jour de plus ou de moins, ça ne changera rien, marmonna Geralt.
Mandos se leva pour ranger les bouteilles vides avant de revenir vers la table.
- Je prépare un truc ce soir ou les Moires vous ont coupé l'appétit ? Puis, je retourne me coucher. J'ai la migraine encore bien présente, demanda Mandos.
- Je vais me prendre un somnifère assez puissant pour m'assommer et me coucher. Simple question, les chambres sont-elles insonorisées ? se renseigna Marco.
Et il tendit une main vers la tête de Mandos, le bout de ses doigts illuminés par des flammèches à la lueur froide. Il ne fallut qu'un maigre instant d'hésitation avant que l'elfe ne se laisse faire et que le Phénix ne puisse laisser ses plumes faire leur travail.
- Je vais vérifier mon matériel et me coucher aussi, dit Geralt. Mais merci d'avoir proposé.
Mandos se dégagea pour tracer une marque sur un papier, expliquant comment les faire marcher pour insonoriser les chambres puisqu'elles étaient présentes sur les portes. Le blond le remercia et alla se coucher après avoir suivi les instructions. Geralt en fit de même avec une des chambres de libre, ne laissant derrière que Shiva et Mandos.
- C'est par Aryan qu'Anaïs est devenue l'Enfant-Surprise d'Ace… dit Shiva en sortant un jeu de tarot divinatoire de sa besace.
Mandos mordit à l'appât.
- Et comment c'est arrivé ?
- Ace l'a sauvé d'une mort certaine, il y a un peu plus d'une dizaine d'années. Il aime dire que c'est la blessure qui y a joué, mais pour Aryan, ça s'est traduit par un coup de foudre. Il a voulu épouser l'infâme Portgas D. Anabela, qui lui a dit non. Puisque en l'épousant, Aryan voulait le remercier en élevant sa condition, il n'avait plus aucun moyen de lui repayer sa dette…
Mands eu du mal à ne pas rire.
- Aryan avait encore son service après le refus ? Pauvre Ace.
- Ce devait être son jour de bonté. De toute façon, Ace a toujours eu un faible pour les hommes plus vieux que lui. Je suis certaine que Roger aurait réussi l'exploit de mourir une seconde fois s'il savait l'âge du gars avec qui son fils a couché quand il avait seize ans. Mais la question n'est pas là. Ace a fait appel au Droit de Surprise en se croyant en sécurité. Aryan était jeune, sans fiancée, et àààç apparemment encore vierge. Aucun risque qu'il ait un enfant. Taîsho espérait une bonne récolte, une portée de chiots… sauf qu'en rentrant, bah Aryan a découvert qu'il allait être grand-frère.
- Ace a cru, comme Geralt, qu'il pouvait s'en tirer en invoquant le Droit de Surprise. Au moins, Anais gagne un protecteur vicieux. Et cela a dû déranger des personnes comme la mère, ou le père, Foltest. Et, aujourd'hui, ça doit autant déranger Radovid ou Emhyr.
- Pas tant que ça la baronne. Ace a eu une petite conversation avec elle, quant à Foltest, je ne pense pas qu'il ait été au courant. Mais pour le protecteur vicieux, tu ne sais pas la moitié. Je doute que tu veuilles savoir. Mais si je te raconte ça, ce n'est pas pour rien.
Et elle commença à battre les cartes.
- En compensation pour le siège sur leur baronnie, et pour remplacer ce porc de Loredo que Geralt a tué, Flotsam a été mise entre les mains des La Valette. Le comptoir est à un peu plus d'une semaine à bateau de Oxenfurt. Et Aryan est celui qui a fait cadeau de Shinigami à Ace. Je te laisse faire l'addition seul.
Mandos prit un instant pour réfléchir avant de hausser des épaules.
- En espérant qu'il ne croise pas de soucis. Bon. On ira demain matin voir les autres Scoia'tael. J'aimerais voir si leurs blessures vont mieux.
La brune hocha la tête et se concentra sur les cartes pendant que Mandos allait se coucher. Elle posa douze cartes devant elle et expira longuement. C'était aussi vague que certaines de ses visions, mais au moins, elle n'y risquait pas sa vie.
Elle prit une profonde inspiration.
Elle tira une première carte.
Un valet de bâton, à l'envers.
L'elfe reposa sa main sur la table pour qu'elle ne tremble pas. La dernière fois qu'elle avait vu un tirage commencé par cette carte, une semaine après, Thatch disparaissait.
La zoan se frotta le visage, nota sur un papier la carte, puis prit son courage à deux mains pour continuer son tirage.
La seconde, c'était un des arcanes majeurs. Le Jugement, à l'endroit. La mission, la vocation, l'éveil et le réveil. Ses yeux améthystes retournèrent vers la première carte. C'était peut-être aller vite en besogne, mais en prenant en compte le valet, quelque chose lui disait que c'était pour une mission qu'il y aurait une mauvaise nouvelle. Mais quelle mission ? Ils avaient retrouvé Ace. Est-ce que c'était pour rentrer chez eux ?
Elle fouetta l'air avec sa langue de serpent en notant la carte à son tour avant de continuer son tirage. Avec la suivante, elle se massa les tempes.
La Justice, présentée à l'envers. L'injustice, les préjugés ou se faire avoir. A ce stade, ça serait peut-être plus simple de provoquer une vision.
La suivante l'éclaira à peine plus. Le Pendu, présenté à l'envers. Celle qui représente le piège. Que l'on se sente piégé ou qu'on le soit. Il y avait d'autres possibilités, mais elle avait eu auparavant la Justice à l'envers. Donc, quelque chose lui disait qu'il était question d'un piège. Peut-être une affaire de trahison. Elle doutait vraiment qu'il soit question de prise de tête ou de ressentiment, bien que… ça ne soit pas à exclure non plus. La carte fut notée et Shiva passa à la suivante.
Encore un arcane majeur. La Force à l'envers. Peur, anxiété, abandon, laisser tomber, perdre le contrôle. C'est dingue. Le simple fait de lire sur la peur, ça lui foutait la trouille. Et ça ne s'arrangea pas avec l'arcane mineur qui venait en suivant. Le sept de coupes, à l'endroit. Symbole de l'illusion, de l'hésitation et du choix. Et pour compléter, on avait le cinq de coupes à l'endroit, avec sa déception, son regret, sa perte et son deuil.
- J'ai compris que c'était une très mauvaise nouvelle, je peux avoir quelque chose de plus concret ? grommela la brune.
Les cartes l'écoutèrent parce qu'elle retourna la Lune qui lui offrit un sourire moqueur à l'envers. Une révélation à l'horizon ? Ou une trahison ?
Elle pencha pour la révélation quand elle tira un cinq de l'épée à l'endroit qui parlait de malhonnêteté, d'hostilité et de trahison. Sauf si c'était une trahison de grande ampleur et très importante, comme pour Teach, il n'y avait pas de raison qu'on veuille insister sur la trahison en mettant deux cartes sur ce sujet. En tout cas, peu importe de qui ou de quoi ça viendrait, c'était un sujet empli de colère voir de méchanceté, d'après la Reine de bâtons à l'envers qu'elle tira.
Quand elle tomba sur la Tour, présenté à l'endroit, elle se prit la tête entre les mains. Chaos, changement brutal, révolution, coup dur, accident. Mais quel bordel...
Presque à regret, elle retourna la dernière. L'Empereur à l'envers. Domination, contrôle, abus de pouvoir, inflexibilité, rigidité, faiblesse, problème d'égo.
Elle termina de noter la carte et se laissa tomber contre la table.
Un putain de bordel… maintenant, elle avait la migraine.
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Marco sortit de sa chambre pour voir Shiva chouinant sur l'épaule de Mandos.
D'aaaaccoooord, Thatch avait fait joujou avec ses médicaments ?
- Tu vas t'asseoir tranquillement, Shiva et on va revoir ensemble le présage. Je vais te faire un lait au miel, d'acc ? proposa le jeune sorcier.
L'elfe noir hocha la tête en reniflant tristement.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? se renseigna Marco en se rapprochant de la cafetière.
- J'ai tiré les cartes… et dès la première, je savais que j'allais pas aimer ! C'est la même que j'avais tiré quand j'ai vu la trahison de Marshall ! Je…
Elle s'interrompit.
Marco utilisait la cafetière.
- A TERRE !
Elle ramassa ses cartes et se jeta sous la table.
Boum.
Thatch sortit en coup de vent de la salle de bain alors que Geralt entrait dans la tente pour comprendre ce qu'il s'était passé. Marco, quant à lui, était couvert de café de la tête aux pieds. La cafetière, elle, elle avait rendu l'âme.
Lentement, Shiva et Mandos sortirent de sous la table. Le lait chaud, que le guérisseur avait fait, goutter sur le sol, la tasse brisée. Le Phénix était couvert de suie et la cafetière n'étaient plus que des morceaux de métal noir tordu sur le sol.
- Marco ? dit Mandos en se rapprochant. Vous savez… un peu plus chaque jour, je trouve qu'Ace et vous faites la paire parfaite. Mais, pour ma cafetière ... que vous avait-elle fait ?
Tenant sa serviette autour de sa taille, Thatch traversa la distance et administra une taloche bien sentit à son frère, faisant voler la collection de fines tresses qu'il avait le long de la nuque.
- Espèce d'ananas à moitié déplumé ! Tu sais très bien que tu n'as pas le droit de t'approcher d'une cuisine pour une bonne raison ! Même une poule qui trouve un couteau s'en sort mieux ! Si on te donne une dague ou un bistouri, c'est bon, mais cuisiner c'est hors de tes compétences ! Je t'ai déjà dit de ne pas essayer de faire à manger !
Et il lui donna une nouvelle taloche, mais le Phénix restait catatonique. Geralt s'accroupit pour examiner le liquide, cherchant certainement ce qui avait dû provoquer son explosion.
- Je rejoins Thatch... approchez pas de ma cafetière tant que personne n'a fait de café... enfin ... ce qu'il en reste, marmonna Mandos.
Il donna un coup de baguette magique et l'objet se répara, conservant néanmoins de grosses tâches de suies qu'il semblait impossible de laver. Le coup de baguette suivante rendit vie à la tasse de Shiva qui fut à nouveau remplie de lait chaud. Attrapant le blond par la nuque, Thatch l'attira avec lui vers la salle de bain.
- Je t'attends avant de commencer les hostilités du petit déjeuner ou tu refuses mon aide ? s'enquit Mandos.
- Je te laisse faire, je vais essayer de noyer un pirate d'eau douce dans une baignoire.
Et avec un coup de pied aux fesses en prime, Marco se retrouva dans la salle de bain que Thatch referma derrière eux.
- Je dirais bien que ça pourrait être dû à une réaction avec ses plumes, mais même moi, je n'y crois pas, soupira Geralt qui s'était redressé.
- Il a déjà fait sauter du jus d'orange…. kuso… mes notes sont pleines de cafés… je fais comment maintenant, soupira Shiva.
Avec désespoir, l'elfe se laissa tomber sur le banc qu'elle avait redressé (le souffle de l'explosion l'avait renversé) et se mit à boire sa tasse de lait, sa queue de serpent pendant d'un air déprimé sur un côté. Geralt vint s'asseoir quand Mandos déposa sur la table de quoi prendre le petit-déjeuner.
- J'ai un camarade qui faisait à peu près sauter tout ce qu'il touchait. Même ses sorts étaient explosifs. Je me demande comment il s'en sort… Sinon, Shiva, peux-tu me redonner les présages que les cartes ont tiré ? Je te dirais si oui ou non ça me fait penser à quelque chose qui a déjà été fait dans mon monde. Mais je ne pourrais pas répondre quoi. Ni mentir, ni dire. Il a resserré les liens, comme tu le craignais, sur les informations que je peux dire ou non.
Jetant un œil dégoûté à ses notes, elle étala dans le même ordre de parution les cartes qu'elle avait tirées la nuit dernière et qui la désespérait tant. Elle retourna à son lait en boudant presque. Oui, bon d'accord, elle n'avait pas dormi de la nuit à cause de ça. Mais quiconque dans sa situation aurait agi comme elle. L'air de Mandos s'assombrit alors qu'il les parcourait du regard. Puis, il but une gorgée de son thé.
- On doit savoir choisir la bonne décision. Mais se rappeler que … il faut parfois choisir le moindre mal sans oublier les conséquences de ce choix. Car le moindre, peut devenir la route sanglante du pire.
Et il retourna à sa tasse.
Shiva appuya son menton dans sa main alors qu'elle buvait sa propre tasse. Avait-il choisi volontairement cette formulation qu'eux-mêmes utilisaient pour parler de la victoire d'Emhyr sur Radovid, ou alors, est-ce que c'était juste une coïncidence ?
Thatch ressortit à cet instant de la salle de bain en se frottant la zone rasée de son crâne, à présent totalement habillé.
- Dis, Mandos, t'as pas quelque chose pour la pousse des cheveux ? se renseigna le vampire.
- Marco a le crâne brûlé, non ? Je doute que ça puisse l'aider avec son souci capillaire, pointa Geralt en buvant sa propre tasse.
Shiva se retint de rire. C'était facile de s'attaquer à la tête d'ananas involontaire du premier commandant.
- Faire repousser un œil, pas de souci. Des cheveux ? Ça ne m'a jamais intéressé de l'apprendre, répondit Mandos.
Thatch regarda Shiva avec espoir.
- Il suffit que je perde le contrôle pour avoir des cheveux qui font littéralement ma taille, tu crois que je vais m'attarder à apprendre un truc aussi insignifiant que ça, répliqua l'elfe devant la question silencieuse qui l'offensa à moitié.
- Et toi Geralt ?
- Le Sang-Noir favorise la pousse des cheveux, mentit le Loup Blanc avec son visage de marbre habituel.
- Ouais, nan, je passe mon tour. J'irais demandé à Keira.
Et avec un lourd soupir, il alla dans la chambre de son frère récupérer des vêtements pour les ramener au Phénix sous la douche, avant d'enfin s'asseoir à table.
- On attend Marco et on s'en va, dit Geralt.
Le vampire hocha la tête.
- Si vous tombez sur une tempête de vent, c'est normal, tout va bien, rassura Shiva.
- Tu vas pas utiliser tes dons sur une telle distance, quand même ? s'inquiéta le roux.
La remarque du vampire lui valut un beau regard noir.
- Continues de me considérer comme quelqu'un de stupide, et tu ne reverras jamais le Moby Dick.
Mandos croisa les bras et dit son programme à lui et Shiva :
- Je profiterais pour récupérer des ingrédients pendant que l'on va voir les Scoia'tael. Je n'ai plus de quoi endormir et d'anti-douleur. Je préfère refaire le stock avant que l'on en ait à nouveau besoin. Vous aurez un camarade qui va vous suivre. Hugin ? Tu iras avec Geralt et les autres.
En réponse, le krebin se posa sur l'épaule de Geralt.
- Sinon, un projet en plus sur le chemin ? se renseigna le guérisseur avec son bandana sur l'œil.
- Je ne pense pas qu'on aura le temps de le faire aujourd'hui, mais je dois voir le shaman. Qu'il sache qu'il doit attendre la purification de Velen avant d'organisé la Veillée des Ancêtres. Le sang retient des âmes sous terre, le faire maintenant reviendrait à se mettre en danger pour rien. De toute façon, ils en auront pour quatre-cinq jours s'ils accompagnent le baron dans sa course pour sauver Anna Strenger.
- Eh bien, à moins que quelqu'un ait quelque chose à rajouter, on peut y aller, yoi, annonça Marco en sortant de la salle de bain en finissant d'attacher sa ceinture.
Il glissa son poignard décoré d'une aigue-marine sous le tissu avant de remettre la chaîne d'or et de saphir dessus.
Il se saisit du bisentô et Thatch du fusil.
- Je vais vous donner mes réserves de feu grégeois, annonça Shiva en se levant pour attraper ses affaires.
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Armés jusqu'aux dents, avec notamment des potions et des runes de la part de Mandos, le trio arriva à Perchefreux, prêt à en découdre. Jusqu'à ce qu'un gars interpelle Marco et lui remette une bourse sans que le bon médecin ne puisse dire quoi que ce soit.
- Qu'est-ce qu'il te voulait ? demanda Thatch.
- C'est le gars que j'ai sorti des flammes. C'est pas grand chose, mais ça servira à Vernossiel, yoi.
Il rangea la bourse.
Ils marchèrent jusqu'à la demeure du baron et réalisèrent que des buissons d'hibiscus avaient poussé autour de la tombe de Déa. Des hibiscus blancs.
- Symbole de pureté, de beauté et de féminité, décrypta Thatch.
Les deux autres le regardèrent.
- Oui, je connais le langage des fleurs, et ? Tu crois que j'ai charmé Hina comment, Marco ?
Geralt secoua la tête et ils se dirigèrent vers la gauche. Dans le même jardin où ils avaient rencontré pour la première fois le baron.
Sauf que le sergent et bras-droit du baron les interpela depuis là où il montait la garde.
- Un mot, s'il vous plaît. J'ai une question à vous poser.
Les trois hommes gardèrent le silence et regardèrent l'ancien soldat. Tout en lui les répugnait.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Geralt.
L'homme se rapprocha et Marco glissa un pouce dans sa ceinture pendant que Thatch caressait du pouce le pommeau de son katana.
- La nuit où le baron a donné l'ordre de se barricader et de ne pas sortir...qu'est-ce que vous avez fait avec lui ?
- C'est au baron qu'il faut poser la question, dit calmement le mutant. Maintenant, on doit le voir.
Le sergent n'était pas satisfait, mais il les laissa passer dans le jardin. Le baron était sur un banc de pierre, l'air perdu, au milieu des fleurs. Le léger tremblement de ses mains et l'absence d'odeur d'alcool laissaient supposer qu'il était en plein sevrage. Il regardait les fleurs tout autour, sans les voir.
- Philippe Strenger… commença Thatch.
- Vous voyez ces roses trémières ? Les violettes ? coupa l'homme. Je les ai rapportés de Nazair. Anna avait lu une histoire dessus. Elle insista pour les avoir. Elle passait des heures à les entretenir, à les tailler. Ça la rendait si heureuse… Et celles-ci, les nervurées ? En Zerrikania, on les appelle les oiseaux de paradis, mais Tamara les appelait dragons de paradis. Elle les adorait.
Il poussa un profond soupir.
- Quelle tristesse… il a fallu qu'elle soit enterrée pour que Déa me dise ses fleurs favorites, même si je les connais pas… au moins, son esprit repose en paix.
- Ma défunte belle-mère veille sur elle, yoi, lui dit Marco. L'hibiscus est la fleur des Portgas.
- Elle est heureuse ? se renseigna le baron avec espoir.
- Elle est en paix, oui.
- Nous avons des informations sur les autres membres de votre famille, annonça Geralt.
Le baron se leva.
- Rentrons, il commence à faire frais.
Au contraire, l'air commençait à peine à se réchauffer. Mais soit.
Ils suivirent l'homme dans son bureau. Et il était temps de lui annoncer les mauvaises nouvelles.
- Votre fille va bien, mais elle n'a pas l'intention de rentrer. Quant à la poupée, elle a fini dans la cheminée la plus proche une fois entre ses mains, yoi, lui dit Marco.
L'homme porta ses mains à son front sous le choc.
- Elle refuse de revenir ? Mais j'ai tout préparé pour elle ! Ses appartements l'attendent ! J'ai fait venir de nouvelles pantoufles de Toussaint ! Comment peut-elle…
- C'est pas comme ça qu'on obtient l'amour d'un enfant ou qu'on répare le mal qu'on lui a causé. Alors, bouclez-la et acceptez les faits, lui dit froidement Thatch. Vous êtes vraiment pas doué comme père…
- C'est la vérité, mais je vais changer ! Ce sera différent… si seulement elles voulaient bien revenir toutes les deux… Mais tout espoir n'est pas perdu. Vous m'aviez dit qu'elle était à Oxenfurt, elle acceptera peut-être de m'écouter...
- J'en doute fort, elle a encouragé ma camarade à vous mettre un glaive dans le ventre, lui dit Geralt. Libre à vous d'essayer, mais je ne miserais pas sur votre réussite.
Le baron dû s'asseoir dans une chaise quand ses jambes le lâchèrent sous la nouvelle.
- Sans elle, et sans Anna… ma vie n'a plus de sens… je n'ai rien à perdre… même si c'est couru d'avance, je dois le faire.
Les pirates ne dirent rien et Geralt pas plus.
- A propos, des nouvelles de mon Anna ? Vous avez appris quelque chose ?
- Au marais de Torséchine, nourrie, logée et occupée, et surtout, pas prête ou désireuse de partir.
- Vous étiez censée la ramener ! protesta le baron en se levant d'un bond. Pas de dresser un compte rendu complet de son mode de vie !
Geralt regarda Thatch qui hocha la tête et s'avança vers le baron. Le pirate séduisant laissa place au visage grimaçant d'un vampire. Le baron referma brutalement la bouche et le roux recula.
- Maintenant que vous voyez que mes compagnons de route ne sont pas à prendre à la légère, laissez-moi vous dire deux points. Le premier, c'est qu'on vous a dit qu'on les retrouverait, pas qu'on les ramènerait. C'est notre accord, qu'il vous plaise ou non…
- Vous êtes toujours convaincue que je suis pourri jusqu'à la moelle, hein ? Que tout ça est de ma faute, à moi et à moi seul ?
- Oh, votre épouse doit avoir sa part de responsabilité, mais quand l'amour est mort, on viole pas sa femme, on la laisse partir, lui dit froidement Marco en croisant des bras.
- Je sais pas dans quel monde vous vivez, mais le notre, rien n'est tout blanc ou tout noir.
- Alors, je vais vous apprendre quelque chose de révolutionnaire, mais c'est le cas partout, lui dit sarcastiquement Thatch. Seulement, contrairement à vous, on a un semblant d'éducation et de bon sens.
- On se fiche d'à qui est la faute, on voit le résultat, rien de plus, rien de moins, lui dit Geralt.
- ELLE M'A COCUFIE PENDANT TROIS ANS ! s'énerva le baron. SANS UN ÉGARD POUR MOI OU L'AMOUR QUE JE LUI PORTE !
- C'est que votre amour n'était pas fait pour durer, c'est tout.
- Vous dîtes ça, mais…
- JE SUIS UN HOMME MARIE, PHILIPPE STRENGER !
Avec colère, Marco abattit ses mains sur la table, allant jusqu'à y laisser l'empreinte de ses mains.
- Vous savez ce que c'est de courir après le fantôme de la personne qu'on aime pendant quarante-cinq longues années ?! Chercher le moindre indice vous disant qu'elle est encore en vie, que vous ne retournez pas toutes les pierres d'un continent pour rien ! Craindre qu'en la retrouvant, ce soit un cadavre ! Je suis passé par ça ! Et comme je vous l'ai dit, nos deux couples sont totalement différents. D'abord parce que sous la façade humaine, je reste un grand oiseau, et quand j'ai trouvé le bon partenaire, c'est à vie. Le second, c'est que ma femme aurait pu me dire que nous deux, c'était fini. Me dire qu'elle m'avait remplacé. Mais les larmes que j'ai vu dans ses yeux, quand on s'est retrouvé, c'était du soulagement et de la joie. Elle en a eu l'occasion, mais elle m'a cherché, elle m'a attendu. C'est ça, le vrai amour, Strenger. Dans votre cas, il aurait mieux valu ravaler votre fierté de macho et accepter la situation. La laisser partir. Pas continuer à distiller ce poison qu'est la haine en croyant que vous filez le grand amour.
Thatch attrapa son frère par les épaules pour le ramener en arrière. Moins il utilisait son tic de langage, plus il était en colère, c'était connu.
- Sur un autre sujet, je présume que vous voulez au moins savoir comment votre épouse a fini là-bas, dit Geralt dans sa froideur coutumière.
- Dîtes-moi tout, au point où j'en suis… marmonna le baron abattu.
- Elle est au service des Moires.
- Les Moires ? Quelles Moires ? Qu'est-ce que vous me chantez, bordel !
- Les trucs moches et pas rassurant qui hantent le marais de Torséchine, lui dit Thatch. Elles ont bien voulu se faire belle pour nous, mais le résultat a été que j'ai vomi l'équivalent d'une semaine de nourriture sur place.
- Je croyais jusqu'ici qu'il s'agissait d'une fable pour effrayer les mioches ! Comment diable a-t-elle atterri là ?
- Par votre faute, lui dit froidement le vampire. Vous l'avez violée, mise enceinte contre son gré, alors, pour s'en débarrasser, elle a passé un pacte avec les Moires. Sauf que le problème, avec elles, c'est que le prix à payer est bien souvent trop cher. Votre épouse voulait se débarrasser de l'enfant. Résultat, elle a pris un coup au niveau de sa santé mentale.
- En échange de la mort du bébé, elle devait entrer à leur service pendant un an, traduisit Geralt. Elles ont tenu parole à leur façon. Au lieu de faire disparaître le bébé en elle, les Moires lui ont sapé ses forces jusqu'à ce qu'elle fasse une fausse couche. Cela l'a brisé assez pour que sa raison chavire.
Le baron était au bord des larmes, mais cela ne fit ni chaud ni froid aux trois voyageurs.
- Et afin qu'elle paye sa dette, les Moires l'ont ensuite entravée à l'aide de liens magiques qui, s'ils sont resserrés, provoquent une vive douleur.
- Un pacte avec des sorcières ? Foutre Dieu, on peut pas la laisser comme ça ! Faut aller la sauver !
Marco étant au milieu, il tendit une main de chaque côté. Geralt ferma les yeux, souffla par le nez, avant de déposer quelques pièces dans la main du blond. Thatch en fit autant avec plus de grognements.
- Faites comme il vous plaira, mais laissez-nous en dehors de ça, réclama Geralt. Si vous voulez mon avis, aller se frotter aux Moires, c'est du suicide.
- Et qu'est-ce que je dois faire ? Attendre qu'elle revienne ?!
- Elle ne reviendra pas, parce qu'elle ne veut plus vivre avec vous ! rappela avec agacement Marco.
- M'en fou ! J'enverrai des gens ! J'irai avec eux et nous la sortirons de là !
- On vous aura prévenu, ce que vous ferez, ça vous regarde.
Ils allaient juste devoir y aller plus vite que le baron afin de ne pas l'avoir dans les pattes pour sortir les enfants de là.
- En attendant, nous avons accompli notre part du marché, à vous de remplir la vôtre.
Le baron poussa un profond soupir.
- Où est-ce qu'on s'en était arrêté ?
- Le basilic.
Le baron reprit donc son récit, racontant le combat féroce et incroyable. Aucun des hommes n'avait pu agir. Ciri et Luffy n'en avaient fait qu'une bouchée. Où qu'aille la bête, l'un d'eux était toujours là pour lui apprendre où était sa place. Ciri à l'épée, Luffy au poing. C'étaient eux qui menaient la danse, le reste de la troupe dérangée clairement.
Jusqu'à ce que le baron ait un instant de bravoure qui l'avait envoyé au sol. Il avait voulu charger le basilic, mais un coup d'aile l'avait fait voler, son épée finissant loin de lui. Il commit l'erreur de lâcher le monstre des yeux en voulant récupérer son arme. Et avant d'avoir pu l'aider, la bête avait déjà embarqué le baron en haut d'une tour en ruine.
C'est là qu'elle était apparue.
Alors que de base, elle était au bas de la tour, dans un éclair glacé, elle avait fini en haut, entre le basilic et le baron, l'épée levée, lui entaillant assez le poitrail pour le faire tomber sur un côté. Sans perdre un instant, elle avait sauté sur la créature volante et plongea sa lame subitement noire dans la nuque du basilic, le tuant sur le coup, avant de travailler à sa décapitation. Luffy tomba littéralement des airs sur le toit et eut une moue en voyant que le combat était fini.
Cependant, ils savaient ce que cela voulait dire. En usant aussi précisément de son don pour arriver au bon endroit au bon moment, elle avait attiré une attention malvenue.
C'est pour cela qu'ils étaient partis. Montant sur la jument noire que Ciri avait renommé Kelpie, elle et Luffy étaient sur le départ. Le pirate avait donné quelques consignes à King en lui promettant qu'ils se reverraient vite. Le baron avait voulu les persuader de rester, mais ce n'était pas la chose à faire. Après quelques conseils pour s'assurer que la Chasse ne s'en prenne pas aux habitants de Perchefreux, elle avait mis les voiles avec Luffy vers Novigrad.
- On a un blocus au niveau du Pontar, des Chasseurs de Sorcières, et pourtant, vous les avez laissés partir ? résuma Thatch d'un air dubitatif. Pour le gamin, s'il est à moitié aussi débrouillard que l'Allumette, je m'en fais pas, mais Ciri...
- Eh bien, elle cherchait après une magicienne, expliqua le Baron. Et ces gens-là, on les a à Novigrad. En outre, je ne les ai pas livrés aux Redaniens, je leur ai donné le même sauf-conduit qu'à vous.
- Vous devez avoir pas mal d'amis dans l'armée redaniennes pour distribuer à tout va ces lettres, yoi, nota Marco.
- Vous en voulez une peut-être ?
- Je suis un médecin bien trop réputé pour que l'on évite de me laisser aux portes d'une ville…
- Sauf si on a un désir de mort, pointa son frère.
- Je suis le seul qui réalise ce que la présence du petit-frère de Portgas, à Novigrad, représente comme conséquence ? s'enquit Geralt.
Il ne connaissait pas le gamin, mais il sentait venir des ennuis et la migraine. Quoique la ville était toujours debout, donc, le jeune se tenait peut-être mieux que son aîné… ou Ciri arrivait à le contrôler.
- Je parie pas sur les chances pour qu'ils soient encore à Novigrad, mais on aura peut-être une piste plus fraîche, yoi, pronostiqua Marco.
- Merci de les avoir aidés, remercia Geralt.
Même si l'homme était un salaud, un mauvais époux, le sorceleur lui devait bien ça pour avoir pris soin de son enfant surprise.
- Ce n'est rien. Maintenant que vous savez cela, vous devez être pressé… cela dit… si vous pouviez…
- Crachez le morceau, réclama le mutant lassé d'avance.
- Je veux libérer Anna. La ramener à la maison...
- Non.
Marco avait coupé le baron en plein élan.
- Il n'est pas question que je laisse votre épouse remettre un pied ici. C'est de la non-assistance à personne en danger et ça va contre mon serment de médecin.
- Elle n'est pas là-bas de son plein gré, vous allez pas me faire croire ça !
- Certes, mais on a un dicton chez nous. C'est déshabillé Kizaru pour habiller Aokiji. Autrement dit, déplacer un problème, pas le résoudre. Donc, si je la laisse revenir ici, ça sera comme déplacer un problème. D'ailleurs, si on a bien un fantôme aux basques, on aurait besoin que Mandos contacte Shani pour lui dire qu'elle va avoir une patiente sous peu, et donc, qu'elle doit rentrer. Les Chasseurs de Sorcière, on en fait notre affaire.
- Ceci étant dit, vous allez rester assis sur votre gros cul et laissez faire le pro, conclu Thatch.
- Mais c'est ma femme !
- Que vous avez régulièrement battu et violé, pour finir par l'engrosser de force. Donc, vous n'avez plus voix au chapitre, dit froidement Geralt. Vous aurez un message pour vous dire que oui, on l'a sauvé, mais c'est tout. Et je ne vous recommande pas de vous frotter à Shani, elle a déjà mis en déroute une horde d'assassins de la Salamandre avec le Professeur à leur tête.
Marco eut un petit sourire fier jusqu'à ce qu'il fronce les sourcils et réprime un frisson sans comprendre l'origine. Puisque la conversation était finie, ils tournèrent les talons et s'en allèrent.
- Qui veut parier qu'il nous suivra ? demanda Thatch alors qu'ils quittaient le bâtiment.
- Pas moi. C'est évident, pointa Geralt.
A côté, Marco se frottait les bras en fronçant les sourcils.
- Quelque chose ne va pas, frangin ?
- J'ai l'impression qu'on marche sur ma tombe, yoi. Ou d'être hanté.
- Imagine, c'est ton beau-père !
Geralt laissa les deux pirates se débrouiller, ne voulant rien savoir de tout ça, même si pour lui, c'était plus la façon de Mandos de leur dire qu'il avait eu le message. Brutalement, Thatch se tût et se frotta le front.
- Ouais. On est bien hanté, y'a un truc qui m'est passé au travers la gueule.
De plus en plus, le Loup Blanc regrettait que les mutations ne donnent aucune immunité contre la migraine.
.
.
Après une pause en cours de route pour la nuit, à Lurtch, ils avaient repris leur chevauché, conscient que le baron et ses hommes étaient sur leur trace. Les trois voyageurs allaient vers un seul objectif : Culterrier. Ils avaient donc filé vers le sud à bride abattue. Aucune idée de si c'était la vitesse ou un rapport avec la prédiction de Shiva, mais ils avaient l'impression que le vent s'était levé
En arrivant aux abords du village, ils virent des ruines, des corps au sol et seul survivant du lot, l'échevin qui pleurait au milieu du carnage. Même si le résultat était le même, ils avaient l'impression que ce n'était pas la guerre qui en était responsable. Mais ils n'avaient pas le temps de s'attarder, surtout avec le vent qui prenait en force. Et pire que tout, le brouillard se levait quand le ciel ouvrait ses vannes sur leur tête. Jugeant que ce n'était pas la meilleure chose à faire que d'y aller à cheval, ils laissèrent leur monture à l'entrée du marécage. Y aller eux par ce temps était déjà suicidaire, par la peine d'impliquer les chevaux. Ils suivirent le Chemin des Douceurs pour ne pas se perdre, mais cela n'empêcha pas des noyeurs de venir les embêter. Ou la guenaude aquatique qui termina avec le crâne explosé par une balle du fusil.
En arrivant aux abords du village, ils entendirent des bruits de combats.
Les Chasseurs de Sorcières avaient investi les lieux et se battaient contre noyeurs et autres créatures des marais. On posa bien quelques questions pour savoir pourquoi Marco était là et qui étaient les gens avec lui, mais il y avait une autre priorité, qui consistait à repousser l'assaut. Mais le pourquoi de la présence de ces hommes s'expliqua par le fait que Tamara soit dans le groupe aussi. Entre l'expert et les deux techniquement immortels, l'affaire était simple. Ils volaient quasiment d'un bout à l'autre de ce morceau de terre solide au milieu du terrain traître des marais, pour mettre six pieds sous terre ces monstres.
C'est quand le dernier monstre tomba que Marco alla voir la jeune Tamara qui rangeait son épée.
- Docteur et guerrier, vous avez beaucoup de talents, docteur Marco, nota la brunette.
- C'est ce qui fait mon charme, yoi.
- Vous avez changé d'avis et vous avez décidé de me ramener chez ce vieux bouffon ? Combien vous paie-t-il ?
- Pas un rond parce que ce n'est pas la raison de ma présence, yoi. Et puis, vos nouveaux amis vous accompagnent, donc, rien à craindre de lui.
- Je suis sans crainte car le Feu Éternel me protège.
- Navré, ma loyauté va à mon capitaine, ma moitié, ma famille, puis à Davy Jones, yoi. Pas de Feu Éternel ou Melitèle ou Freya ou que sais-je, pour moi.
La conversation n'alla pas plus loin que le baron arriva, les bras grands ouverts.
- Tamara ! Ma fille chérie ! Enfin je te retrouve ! Viens, laisse-moi t'embrasser !
La demoiselle recula d'un pas, une main sur son épée.
- Ne m'approche pas. Je suis venue pour Mère. Contrairement à toi, je refuse de la voir croupir dans ce marais.
- Que diable crois-tu que je fasse ici ! Je suis venu la ramener à la maison !
Marco se planta devant lui et lui adressa un sourire froid, ses yeux prenant leur apparence animale.
- Je vous tuerais et je laisserais ces marais se repaître de votre carcasse viciée avant que vous n'ayez eu le temps de poser un doigt sur cette pauvre femme.
Il se tourna ensuite vers la jeune femme en reprenant un regard normal.
- Je suis venu avec mon frère et un ami sorceleur pour tirer votre mère de là. Je connais un médecin à Oxenfurt, yoi. Une femme de talent qui a fait ses armes à Brenna et Wyzima. Pour avoir été un de ses professeurs, je peux me porter garant de son savoir, yoi. Après ce qu'elle a vécu, notamment cette fausse-couche, votre mère a besoin de soins. Rien ne dit que les Moires aient fait quoique ce soit dans ce sens. Shani est à Oxenfurt. Si vous voulez rendre visite à votre mère pendant qu'elle se remet sur pied, elle sera la dernière à l'en empêcher… par contre…
Et il adressa un nouveau regard menaçant au Baron par-dessus son épaule.
- Je ne donne pas cher de la peau de quiconque voulant retirer Anna de sa garde tant qu'elle ne la juge pas rétablie, yoi.
- MARCO !
Le trio tourna la tête pour voir Thatch qui se tenait devant la porte grande-ouverte de la maison des orphelins. Cela eut le mérite de les sauver du sermon de celui qui devait être le chef des Chasseurs de Sorcières.
- Les mômes ne sont plus là !
- Je l'ai trouvée.
La voix de Geralt porta sur le silence moribond des marais.
Il était devant le bâtiment dédié à l'autel des Moires dont il avait forcé la porte à renfort de coups de pieds. La vieille dame était recroquevillée dans un coin, effrayée, la tête sur les genoux de Jeannot qui lui caressait doucement les cheveux. En voyant le sorceleur devant lui, il lui sourit.
- Adressez mes compliments au Dieu Serpent et à sa prêtresse. Vous avez réussi.
Doucement, il se retira de sous la tête de la vieille femme tremblante, avant de filer à toutes jambes vers le marais. Il aurait bien failli finir trancher en deux si ça n'avait pas été pour l'intervention de Thatch qui s'interposa.
- Foutez-lui la paix, y'a pas plus inoffensif qu'un Célicole.
Pendant ce temps, le Baron et Tamara s'étaient précipités vers l'autel histoire de rejoindre la pauvre Anna. Geralt avait déjà retiré son gant et portée une main au front de la vieille femme.
- Elle a de la fièvre. On a besoin de Marco.
- Laissez-passer.
Le blond se fit un chemin entre les deux Strenger et se rapprocha de la femme. L'odeur d'une infection lui vint au nez. Il savait ce qu'il s'était passé.
- /Bandes de salopes !/ cracha le médecin en s'agenouillant.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda le Baron depuis l'entrée.
- Elle a développé une infection suite à la fausse-couche. Les Moires se sont contentées de la mettre en pause tant qu'elle leur était utile. Mais avec les enfants absents…
Un mugissement lui coupa la parole.
- Je pense que l'animal de compagnie des Moires est là, supposa Geralt.
Marco posa le bisentô à côté de lui et jeta le petit sac contenant les bombes et runes instables que leur avait fourni Mandos, à Geralt.
- Je vais rester ici pour lui appliquer les premiers soins et la garder en vie. Bonne chasse.
Le Loup Blanc réceptionna le tout et sortit avec le Baron. Tamara hésitait alors Marco l'attrapa par le bras.
- Ici, soit tu te salies les mains pour m'aider et tu te la zippes sur ce que je fais, parce qu'il y a ce qu'on appelle le secret médical, soit tu vas dehors et tu te bats. Mais dépêches-toi de choisir parce que je vais fermer cette foutue porte pour ne pas être dérangé, yoi.
- Je vais rester. C'est ma mère.
Le blond se leva et alla fermer la porte avant de revenir vers la vieille femme.
Dehors, tout le monde était éparpillé sur le terrain, observant les environs avec méfiance.
- C'est un fiellon, identifia Geralt en se rapprochant de Thatch. Il faut se méfier de son troisième œil. Rapide mais lourd. Le mieux est de le laisser foncer et attaquer derrière avant de se retirer quand il se retourne.
- Compris, chef, assura le vampire en faisant tourner nerveusement son katana entre ses doigts.
Il aimait ce sentiment que lui procurait l'adrénaline qui courait dans les veines.
Le sorceleur huila sa lame et se mit en garde. Aucun des deux ne bougea quand d'autres noyeurs surgirent, ni quand une guenaude vint leur rendre visite. Non, eux, ils attendaient le plat de résistance.
Et il arriva, surgissant à toute vitesse de la brume. Haut comme une grange, la peau blanche avec d'étranges zébrures noires, une toison toute aussi sombre sur le dos et autour de sa tête de cerf.
Un fiellon aux bois immenses qui manqua d'embrocher le Loup Blanc qui se retira juste à temps du chemin, laissant sa lame entaillée méchamment la chair de la bête.
C'était un jeu du chat et de la souris. Ils devaient faire courir la bête et ne pas terminer sous ses pattes immenses avec ses sabots à l'arrière, ou passer sous les tentatives d'embrochement. Les potions et les runes de Mandos étaient utiles, mais ce n'était pas suffisant, surtout avec les Chasseurs de Sorcières qui se mettaient entre leurs pattes.
Comment Geralt parvint à s'en débarrasser ? Magie.
L'animal se replia sur lui-même en levant bien haut la tête, le sol autour de lui commençant à trembler alors que son œil au milieu du front se faisait rouge et lumineux. Profitant du mugissement que la bête lançait, le sorceleur usa de Axii pour l'immobiliser un instant. Un tout petit instant qui lui permit de lancer directement dans sa gueule la dernière rune instable qu'il avait dans ses poches. Dès que la bête referma la gueule, la rune explosa et le fiellon eut le crâne transpercé de toute part par des piques de glace venant de l'intérieur de sa bouche. Et quelques instants plus tard, il s'effondra.
