L'auberge de l'Esturgeon Dorée était surtout fréquentée par des marins. Pas de très bonnes réputations, mais elle faisait bien son boulot. Les deux sorceleurs trouvèrent rapidement la chambre de la magicienne qui les attendait. Les présentations furent vite expédiées.

- Je n'ai jamais assisté à ce genre de séance et encore moins participé, avoua Geralt.

Ace non plus. Shiva avait tendance à se calfeutrer à double-tour quelque part quand elle entrait en transe.

- Je vous guiderai, assura la magicienne en montrant la couche de la chambre. Mais nous devons d'abord sceller un accord : je pose des questions et vous y répondez. Il importe que vous soyez sincère, laissez votre cœur parler.

- Excusez ma curiosité, mais votre don, comment fonctionne-t-il ? Demanda Geralt alors qu'Ace s'adossait à la commode dans un coin de la pièce.

- C'est assez difficile à décrire… je commence par définir le lien avec la personne, et le sujet du rêve que je dois faire. Je pose des questions, je donne corps aux émotions… la sincérité est primordiale et si ceux qui viennent me voir en sont conscients, beaucoup hésitent à se livrer sur certains sujets. Ce faisant, ils brouillent involontairement les pistes.

- Que voyez-vous dans vos rêves ?

- Rien. C'est le client qui voit. Comme vous êtes deux, sauf si les personnes que vous cherchez sont ensemble, il faudra le faire l'un après l'autre. Mon don se résume à provoquer les rêves pertinents. Parfois, cauchemars ou désirs violents prennent le pas sur le réel. Il n'est pas simple de trier le bon grain de l'ivraie.

- Commençons, demanda Ace.

- Tout d'abord, racontez-moi un souvenir concernant ces personnes.

- Dans quel but ? Se renseigna Geralt.

- Faites, je vous prie. Il me faut le souvenir le plus fort, le plus complet, concernant…

- Ciri. La jeune femme se nomme Ciri. Le garçon, Luffy.

Un souvenir fort. Il y en avait tant, pour Geralt. Leur rencontre, la formation, la fois où il lui avait sauvé la vie… mais la dernière image qu'il avait d'elle, c'était à Rivia.

- C'était... à Rivia. La dernière guerre contre Nilfgaard venait de s'achever, raconta Geralt avec le regard perdu dans le souvenir. Une semaine avant que la ville ne parte en cendres.

Ace se tendit, se doutant de ce que son camarade allait raconter.

- Les tensions étaient encore palpables. Pour d'obscures raisons, la ville fut le théâtre d'émeutes raciales. J'ai voulu réagir, mais… on ne peut rien contre une foule déchaînée. Il y avait ce gamin armé d'une fourche. Il me l'a plantée dans le ventre. Yennefer se mourait elle aussi. Ciri...nous a chargés sur un navire… et nous a laissés en un lieu où les pommiers fleurissent à jamais.

Et il releva la tête vers la magicienne.

- C'est la dernière fois que je l'ai vue.

- Souhaitez-vous ajouter quelque chose ? Un autre souvenir, peut-être ?

- Oui. Un jour, j'ai accepté un travail, et rempli ma mission. Pour ma récompense, j'ai invoqué le Droit de Surprise. J'étais bien loin de penser que j'allais rencontrer l'enfant promise par le destin. Des années plus tard, en forêt de Brokilone, je suis tombé sur une gamine, j'ignorais qui elle était. Les dryades voulaient en faire l'une des leurs, et la garder à jamais. Mais l'Eau de Brokilone n'eut aucun effet sur elle. Ciri a quitté Brokilone avec moi. Je l'ai alors renvoyé chez sa grand-mère. Mais déjà, je me sentais lié à elle…

- Par le destin ? Demanda doucement la magicienne.

-Pas davantage, rectifia le mutant. Je vais en rester là.

- Très bien, dit calmement l'oniromancienne. Dame sorceleuse, à votre tour.

Corinne s'était assise avec Geralt à une petite table pendant la conversation. Quand elle s'adressa à Ace, elle lui montra de la main le siège que le Loup Blanc avait occupé. Le Loup se leva et le Chat prit la place. Jouant pensivement avec ses dreads, il chercha des souvenirs à partager. Assez fort pour retrouver Luffy.

- Enfant, j'étais seul. Ma gardienne me détestait et me gardait avec elle et sa bande de maraudeurs par peur de mon grand-père adoptif. Très tôt, j'ai dû apprendre à me débrouiller seul… et à vivre avec la haine des gens pour mon père. J'étais un enfant sauvage, solitaire, avec un seul et unique ami. On volait les adultes pour amasser assez d'argent pour prendre un bateau et fuir l'île. Pour être libre de nos cauchemars. Un jour, j'avais dix ans et je rentrais de la chasse à l'ours. J'ai vu mon soi-disant grand-père devant chez ma nounou, avec un petit garçon qui courait après un papillon, avant de tomber nez à nez sur moi assis sur l'ours que j'avais chassé. Il s'est présenté, et m'a demandé d'être son ami.

Un maigre sourire apparut sur le visage maigre du D.

- Je lui ai craché à la figure. Mais il a insisté. Chaque jour, j'allais dans la forêt pour chasser et pour voler, mais il me suivait. Il me suivait, en dépit du fait qu'il ne soit pas capable de résister aux dangers. Je lui jetais des cailloux, mais il continuait. Puis, il y a eu un incident. Des pirates l'ont enlevé pour savoir où j'avais caché le butin que je leur avais volé. Luffy ne leur a rien dit. Malgré la douleur et les coups, il a gardé sa langue. Quand je l'ai sauvé, je lui ai demandé pourquoi il n'avait rien dit pour sauver sa vie. Sa réponse avait été que s'il l'avait fait, je n'aurais pas voulu être son ami. Qu'il ne voulait pas être seul. Et qu'il était heureux d'être avec moi.

Dans un sens, Mandos et Luffy se ressemblaient. Ils avaient une chance insolente pour compenser les coups du sort. Ils étaient aussi très têtus. Et naïf sur les bords.

Corinne hocha la tête et lui demanda un autre souvenir.

Ace crispa sa main sur le dread qui portait la plume de Marco, mais sa voix resta sans émotion.

- J'ai fêté mon vingt et unième anniversaire en haut d'un échafaud. J'avais été livré aux autorités après avoir désobéi à une personne que je considère comme mon père. Et au lieu de me laisser payer le prix cher de ma stupidité et de mon insubordination, il a mené son équipage en guerre pour me sauver. Sauf que mon frère a débarqué dans cette guerre. Même pas majeur qu'il renversait tout le monde sur son passage pour me sauver. On s'était loupé de peu quand il avait infiltré la prison pour me sauver, puisque je devais être transféré pour l'exécution, et là, il était de retour. Il n'avait pas baissé les bras et il continuait à se battre. J'ai fini par être libéré et on a pris la fuite…

Les os de sa main craquèrent légèrement quand il s'agrippa à son dread avec la main qui portait encore quelques signes de brûlures.

- L'un des amiraux, qui devait s'assurer que je ne vivrais pas un autre jour, a insulté l'homme qui était comme un père pour moi. Alors qu'on me hurlait de l'ignorer et de ne pas réagir, je me suis retourné. J'ai fini au sol. Luffy a voulu m'aider, mais il était épuisé et ses forces l'ont lâché à cet instant. Notre ennemi voulait me faire souffrir, me faire regretter d'être venu au monde. Et il a pris Luffy pour cible. Si je restais au sol je pouvais peut-être survivre mais voir celui qui était devenu mon petit-frère mourir… J'ai pris mes dernières forces et je me suis jeté sur lui, pour le protéger. J'ai pris un coup mortel dans la poitrine. Luffy était couvert de mon sang et je lui souriais, pendant que mes forces m'abandonnaient lentement. C'est la dernière image que j'ai de lui.

Corinne hocha la tête.

- Est-ce qu'il y a quelque chose que je dois savoir à leur sujet, qui pourrait m'aider à les retrouver ? Se renseigna la magicienne.

- Ils ont tous les deux la Marque des Rois. J'ai littéralement donné les bases à Ciri pour qu'elle apprenne à s'en servir. Concernant Luffy en particulier, il est la personnification même du chaos. Avec une chance insolente, informa Ace en essayant de retrouver un semblant de calme. C'est un D.

- Ciri… Ciri est une enfant de Sang Ancien, raconta l'autre mutant avec une certaine hésitation depuis son point à la fenêtre d'où il regardait le port de Novigrad.

- Une descendante de Falka la Sanguinaire ? La rebelle qui a fini au bûcher ? La prophétie raconte que le destructeur du monde naîtra de ce sang maudit.

- Si je peux me permettre, les prophéties, c'est comme les trous du cul. Tout le monde en a un, et ça fait chier plus qu'autre chose, dit avec pragmatisme Ace.

C'était une façon typique du D. de voir les choses.

- Ce n'est que pure légende, réfuta Geralt sans se retourner de la fenêtre.

- Vous savez comment une légende devient une prophétie ? En gagnant des fidèles. Je comprends et donne raison à votre hésitation à parler de cette femme. Voulez-vous ajouter quelque chose ?

- Oui. Je me souviens que Ciri a eu du mal à contrôler ses dons. Yennefer a tenté de lui apprendre des sorts élémentaires. Ciri a détruit une grange, près du temple où elles logeaient. Ca l'a beaucoup contrarié, mais ce n'était qu'une vieille grange. Je sais qu'il lui a fallu du temps pour maîtriser ses pouvoirs. Et je doute qu'elle les contrôle pleinement, encore aujourd'hui. On peut commencer ?

- Cela va sans dire, assura la magicienne. Je me doutais que vous teniez à eux. Mais ce ton… ces émotions que vous dissimulez si bien, l'un et l'autre…

- On s'y met, oui ou non ? Insista le D. depuis sa chaise.

Corinne se leva et montra la couche.

- Qui veut commencer ?

- Je me porte volontaire.

La façon dont Geralt regarda le D. fit sourire le Chat Noir. Ces années d'isolement volontaire à Kaer Morhen lui avaient certainement fait perdre l'occasion de développer de bonnes amitiés. Au moins avec Geralt.

- Mettez-vous à l'aise et tâchez de vous détendre.

Le Loup Blanc confia ses armes à Ace avant d'aller s'allonger sur la couche.

- Prenez ma main, et parlez-moi de Ciri. Dîtes-moi où elle se trouve, selon vous et qui peut être à ses côtés, outre ce jeune Luffy.

Elle alluma l'encens et prit la main de Geralt en s'asseyant à son chevet.

- Hmmm… Si Ciri n'arrivait pas à me trouver, elle se serait tournée vers Yen, voir Portgas. Sinon, je suis sûr qu'elle aurait cherché à joindre un de nos amis.

- Vous avez quelqu'un de particulier à l'esprit ?

- J'aurais bien pensé à Yennefer et Triss, mais elles ne l'ont pas vu. Zoltan non plus. Il ne reste que Jaskier, peut-être… ils s'adorent tous les deux.

- Alors, fermez les yeux et laissez-vous porter par le rêve.

Geralt obtempéra. L'encens magique aidant, il ne fallut pas longtemps pour qu'il s'endorme.

.


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Il voyait Jaskier, dans un beau bureau, suivant de la tête les piaillements d'une hirondelle qui lui tournait autour. Le barde était dépassé, clairement et manqua plus d'une fois de marcher un étrange jeune homme ? humain ? Geralt ne savait pas. Cela ressemblait à un adolescent, mais il était entouré de quelque chose qui ressemblait à la fois à des nuages (surtout par la couleur) mais aussi à des flammes, composition qui prenait aussi la place de ses cheveux. Et il était tout de blanc vêtu avec une immense cicatrice sur la poitrine et des claquettes de pailles au pied, sans parler d'un chapeau de paille familier. C'était celui que Gretka avait donné à Ace à la demande de son frère.

S'il y avait une chose qui marquait par-dessus tout, c'était l'aura de ce personnage. Elle était lumineuse, positive, solaire, même.

Finalement, l'hirondelle se posa sur une chaise à côté de l'étrange créature et Jaskier se mit à parler. Mais Geralt n'entendait aucun son sortir de la bouche du barde. Cependant, cela ne dû pas plaire à l'oiseau puisqu'il se remit en vol, comme pour engueuler le barde qui s'était mis à reculer en réponse.

Celui qui devait être Luffy se leva pour parler, mais chez lui aussi, aucun soin de sortit, cependant, l'oiseau s'adressa à lui dans une série de piaillements, auquel le pirate lui répondit silencieusement. Et l'oiseau revint au barde. Celui-ci tenta bien de se justifier, mais il n'y arrivait pas, finissant par tourner le dos au duo, comme pour les bouder. Le jeune homme lumineux posa une main l'épaule du barde, alors que l'hirondelle continuait son discours d'oiseau.

Puis, la scène changea. Ils étaient dans les catacombes sous Novigrad, Jaskier courait à vive allure avant de se cacher dans un coin avec les deux animaux. Le pirate attrapa le barde, comme pour le protéger.

Et l'explosion.

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Geralt se réveilla en sursaut dans la chambre. Il se redressa, prit un moment pour identifier là où il était, avant de s'asseoir au bord du lit.

- Alors ? Demanda Ace en lui rendant ses armes.

- Au début, j'ai rêvé de Jaskier avec une hirondelle et… de ton frère, je crois. C'est juste que…

- Que ? poussa le D. avec perplexité.

Geralt fit un geste au niveau de ses épaules et de ses cheveux.

- On aurait dit qu'il avait des nuages pour cheveux… et qu'il était enroulé dedans. Et il était très lumineux. Même si tout avait été en noir et blanc autour, lui aurait été haut en couleur tellement il était…

Le geste de ses deux mains au niveau de son visage, comme une explosion, voulait tout dire.

- Après ça, j'ai enchaîné les cauchemars.

- Il arrive que les rêves se multiplient. Qu'ils montrent le passé autant que l'avenir, expliqua Corinne.

- Alors, oui, je veux bien que mon frère soit un rayon de soleil sur patte avec ses conneries et sa joie de vivre, mais de là à lui donner l'image du dieu Nika… faut pas pousser, grommela Ace.

- L'hirondelle symbolise Ciri, de par son lien avec Lara Dorren. Donc, elle a contacté Jaskier et elle était avec Luffy, conclu Geralt.

Il se leva.

- Merci pour votre aide.

- Bonne chance à vous sorceleurs. Puissiez-vous les retrouver.

.


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Ace se réveilla en sursaut pour voir que Marco l'avait secoué.

Il repoussa le blond et s'assit au bord du lit en tournant le dos à son compagnon. Il frissonna et se frotta ses bas sous la longue chemise de lin qu'il utilisait pour la nuit.

- Chaton…

- Laisse-moi. Je vais bien.

- Tout le contraire. On est marié, tu peux me parler.

Essuyant ses larmes, le mutant se leva du lit. Il enfila son pantalon pour compléter sa chemise, puisqu'il n'était plus en état de dormir. Il devait prendre l'air. Cependant, il se figea quand Marco le serra dans ses bras par derrière.

- Ace, mon ange…

- Déa se réveille.

Le blond se retourna vers la gamine qu'il avait quasiment adoptée, lâchant son compagnon l'espace d'un instant, mais elle dormait tranquillement en suçotant une de ses plumes dans un berceau qu'on leur avait trouvé pour la petite. La porte claqua et Marco soupira. Ace descendit les marches quatre à quatre et nota que Iro avait laissé la surveillance de Uma à King pour la nuit. La panthère jouait d'un air absent à faire rouler le mera mera sur le sol. Sans un mot, il ramassa le fruit et alla s'asseoir contre un mur. Sentant son état, la panthère vint s'allonger contre lui, une tête sur sa cuisse, sa fourrure prenant une teinte gris orage.

- Tu n'as pas à t'en faire pour moi, Iro. Je vais bien mon bébé.

Il la caressa néanmoins, pendant que sa main gauche faisait rouler l'akuma no mi sur le sol d'un geste absent. Quelle idée avait-il eu de suivre l'exemple de Geralt et de parler de sa mort ? Cela faisait quelque temps que seuls Eilhart et les Herbes venaient le hanter, mais là Marineford lui était revenu en plein visage, avec des détails qu'il avait apparemment oubliés.

Quelle nuit de merde.

Quelle idée de merde.

Sa main trembla sur la fourrure de Iro qui lui léchouilla une joue pour effacer ses larmes qui revenaient à l'assaut. Pourquoi avait-on voulu le sauver ? Il n'en valait pas la peine. Une vie contre des centaines, des milliers. Il aurait mourir. On aurait le laisser à son sort. Pas conduire tout le monde dans un suicide collectif juste pour sa peau.

Il ferma les yeux en se mordant une lèvre. Il avait envie de pleurer réellement à présent. Il travailla un instant sur sa respiration pour ne pas céder. Il avait déjà assez pleuré, cela ne changerait pas les choses.

La porte s'ouvrit mais aucune clef ne fut tournée dans la serrure. Ce n'était pas Jaskier. La fine silhouette qui retirait sa capuche en posant son sac sur la table, il la connaissait néanmoins.

Mandos était de retour d'Oxenfurt. Marco, Thatch, Shiva et Geralt cesseraient de se faire du souci. Lui, il voyait juste la preuve que non, Mandos n'avait pas l'intention de prendre acte de l'avertissement. Il était trop épuisé et mal ce soir pour y réfléchir plus. Il y songerait demain.

Finalement, l'elfe sembla remarquer la présence du pirate, certainement quand Ace laissa aller sa tête en arrière contre un des murs.

- Bonsoir Portgas.

A sa voix, il avait l'air au bout du rouleau et tombait de fatigue.

Ace hésita un instant à répondre, avant de finalement le faire, espérant que rien ne trahisse son état mental. Il n'avait pas la tête au drama ce soir.

- 'soir.

Mandos alluma une bougie et commença à se préparait pour dormir, se débarrassant de son bandana et de ses chaussures… Quelqu'un n'avait pas la force de monter à l'étage pour se coucher, on dirait.

- Thé ou infusion, Ace ?

Pourquoi diable il lui proposait ça ? Et surtout, pourquoi il l'appelait brutalement par son prénom ? Et puis du thé ? C'est bon ! Il avait revu en boucle le moment où Garp avait envoyé chier Marco avec un coup de poing dans la face ! Pas besoin de sa boisson favorite pour faire le reste du boulot ! Mais avant qu'il ne donne sa réponse, l'elfe lui proposa autre chose :

- Chocolat chaud, Ace ?

D'accord, il avait saisi qu'il n'allait pas bien. Et merde. Enfin. Du chocolat, c'est toujours bon à prendre quand on ne va pas bien, alors il eut un simple hochement de tête. Quelques instants plus tard, cette odeur douce, sucrée et agréable parvint à ses narines. Il attrapa du bout des doigts la tasse que lui tendit Mandos et en savoura le parfum. Cela faisait tellement longtemps. Cela ramenait tellement de souvenirs. Mais ça lui flanqua un tel mal du pays.

- J'en ai pas bu depuis longtemps... Quand j'allais pas bien, Thatch me disait toujours de le retrouver en cuisine et on complotait contre Oyaji, l'équipage et Marco autour d'un chocolat chaud pour penser à autre chose.

Il eut un sourire aigre. C'était le bon temps. Le pirate ferma les yeux et se mordit une lèvre pour ne pas recommencer à pleurer. Putain, il était une loque. Garp lui foutrait une raclée s'il le voyait dans cet état. Il essuya son début de larmes. Cela n'allait pas. Il tombait en morceau.

- Si tu en veux plus, demande, proposa Mandos comme s'il comprenait son état.

Brave gamin trop bon pour son propre bien. Qui n'avait pas conscience de ce qu'il risquait en restant à proximité de lui.

Surtout quand il vint s'asseoir à côté de lui sur le bord d'un banc. King devait percevoir que Mandos était un elfe merveilleux, à préserver, parce qu'il vint s'allonger à côté du guérisseur pour veiller sur lui. Ace le comprenait. Il était un danger pour tout le monde après tout. Même pour Luffy, même si son frère avait un don incroyable pour toujours s'en sortir. Alors, il était normal que l'once décide de le protéger.

- J'ai récupéré le nécessaire à Oxenfurt afin que l'on puisse s'occuper de tes poumons. Tu pourras courir comme un cabri ensuite, dit alors Mandos doucement.

- Tu n'as pas besoin de t'échiner pour moi, lui dit Ace en recommençant à jouer d'un air absent avec l'akuma no mi. Surtout pour mes poumons. Oui, je voudrais pouvoir retrouver mon souffle, arrêter de siffler comme une bouilloire. Mais c'est ma punition.

Et il but une gorgée de son chocolat. Une nouvelle larme apparut sur son visage..

- Si j'avais suivi les ordres et ravalé mon envie de vengeance… si j'avais écouté Oyaji… Hmpf… y'a tellement de choses qui ne se serait pas passer. Tant de morts, de douleurs… Ou alors, j'aurais dû voir les signes dès le début… ou… ou je sais pas. Je sais pas ce que je raconte ce soir, ne m'écoute pas.

Il avait besoin de se calmer, ne serait-ce que pour arrêter ses larmes. Il allait finir son chocolat et méditer un peu. Ou prendre sa guitare. Ouais, sa guitare l'avait toujours aidé quand il n'allait pas bien. Et pendant ces dernières décennies, il en aurait bien eu besoin. Il avait bien essayé le luth, mais ce n'était pas la même chose, donc il avait vite laissé tomber. Ce qui l'avait fait rire intérieurement quand Gretka lui avait demandé s'il pouvait lui apprendre. Il se retint de grogner quand Mandos cru qu'il était le moment de lui faire part de ses sagesses avec un petit sourire disant qu'il comprenait ce que traverser le pirate :

- La vengeance… il est dur de ne pas se laisser envahir par la vengeance lorsque c'est ceux à qui on tient. Mais on ne peut jamais savoir si nos actions auront un impact sur le futur. C'est le destin et ses fileuses qui savent où l'on va en fonction de nos choix et nos actions. Tu ne savais pas sciemment ce qu'allait entraîner ta décision. Es-tu devin ? Non. On ne sait qu'après coup ce que nos actions entraînent mais on doit vivre avec. Mais, imagine que si tu n'avais pas décidé de partir en vengeance, celui que tu poursuivais trouvait le moyen de tuer tout le monde car il a eu le temps de le faire. Ou attaque quelqu'un d'autre, sachant qu'il t'était cher ? Tu ne peux pas prévoir, Ace, ce que tes décisions vont entraîner. Shiva doit te l'avoir dit, le futur est en éternel mouvement. La bonne décision, peut devenir la pire et vice versa. On ne sait jamais si c'est la bonne qu'après l'avoir prise. On a le choix.

C'est vrai que si ce n'était pas lui que Marshall avait choppé, ça aurait été Luffy. Et ça, Ace l'aurait encore moins supporté. Il y avait aussi que sans ça, ils n'auraient jamais su que Thatch était encore en vie, quelque part.

- Mais, considérer souffrir pour punition ? Non. Je n'aime pas cela. Et puis, comme je te l'ai dit, je sais comment soigner ce qu'il t'est arrivé. Ne souffre pas parce que tu penses que cela me dérange, Ace.

Il ne souffrait pas parce qu'il ne voulait pas déranger Mandos. Il assumait jusqu'au bout ce qu'il lui était arrivé, nuance. Sa main trembla sur sa tasse. Même si Shirohige avait laissé Marco et Shiva partir pour le retrouver, rien ne disait qu'il serait encore le bienvenu dans l'équipage. Surtout avec la cervelle en vrac et la nécessité d'avoir une médication. Cela serait une galère à faire dans la Grand Line. Pas que Shiva ne sache pas le brasser, puisqu'elle lui avait montré en être capable. Mais les ingrédients ne seraient pas faciles à trouver.

- Faudra que tu m'expliques ce qu'il t'est passé par le crâne à Velen pour partir.

Ah. Oui. Marco lui avait dit qu'il avait donné des excuses bidons pour qu'ils percent l'abcès tous les deux. Il n'avait vraiment pas la tête à parler de ça ce soir, mais bon, quand faut y aller…

- Version courte ou longue ? Se renseigna avec aigreur le D.

- Courte, je suis crevé et les chasseurs de sorcières ont tenté de me brûler à la sortie d'Oxenfurt.

Certaines choses ne changeaient pas.

Bon, comment résumer tout ce foutu bordel qui faisait que même s'il appréciait Mandos, il le voulait loin de lui ? Il ferma les yeux quand Marine Ford flasha dans son esprit. La vue insoutenable que c'était de voir les siens se battre et certainement mourir, pour lui. Il ne faisait qu'apporter la mort, la douleur et la destruction, et ce, depuis le jour de sa conception.

- Tu te souviens quand j'ai dit qu'il a fallu vingt ans pour réaliser que j'étais heureux d'être vivant ? J'ai eu cette révélation sur le sommet d'un échafaud, le jour de ma propre exécution, en train de regarder mon équipage et nos alliés se battre pour moi alors que je m'étais mis seul dans cette merde. J'ai vu les gens auxquels je tenais le plus cherchaient à se sacrifier pour que je puisse vivre… Ceux pour qui j'aurais donné tout pour qu'eux-mêmes puissent continuer leur existence…

D'abord les tueries pour s'assurer que Roger n'ait aucun gosse, puis la mort de sa mère, le Grey Terminal, Sabo…

- Depuis que je suis gosse, je vois ceux que j'aime disparaître. J'en fini par croire que je suis maudit. C'est pour ça que je veux que tu gardes tes distances et que tu ne me suives pas, Mandos. Parce que je tiens à toi et que je veux pas te voir disparaître à ton tour, comme les autres. Je veux pas t'entraîner à ta perte. Je passe mon temps à te blesser, c'est déjà trop.

L'elfe prit son temps pour absorber son discours et chercher les mots les plus justes pour lui répondre.

- Ace … Merci. Au moins, j'ai la réponse sur plusieurs points. Mais … je peux pas accepter que tu me mettes loin pour me protéger. Je peux accepter de faire attention et ne pas plonger tête baissée comme un minotaure dans les soucis des autres. Mais, rester à l'écart ? Ace … j'ai été détesté par ma famille. Je n'en ai eu une vraie que lorsque j'avais, aller quoi … quatorze ans ? Mes amis sont devenus ma famille. Alors, me mets pas à l'écart parce que tu penses que tu vas me tuer. Tu ne le feras pas. Tu ne le veux pas.

Ce n'était pas parce qu'il ne voulait pas que ça ne pouvait pas arriver.

- /Oui, bonjour, vous êtes bien au bureau de la Naïveté, section mort douloureuse, stupide et prématurée, vous avez rendez-vous ?/ Se moqua Ace en faisant mine de parler au denden mushi.

Au moins, cela fit rire Mandos.

- Okay. Merci de dire que je suis naïf. Et toi, tu es un idiot. On fait la paire.

- Il faut bien que je fasse honneur aux gènes que m'a légué Roger. Après, tu n'as pas vu le visage de la stupidité tant que tu n'as pas rencontré Luffy.

Ace termina sa tasse en continuant de jouer avec son fruit.

- Essaye d'éviter de trop le faire non plus. Il risquerait d'être fier comme un coq le moustachu.

Rendre Gol D. Roger fier était la dernière envie d'Ace. Vraiment. Il termina d'une traite sa tasse.

- Portgas…. Pourquoi ? fini par demander Mandos.

La question semblait difficile à sortir. Ace le regarda d'un air un brin perplexe, se demandant de quoi il parlait, avant de capter l'autre sujet de discorde de toute cette affaire. Et la réponse était affreusement simple.

- Je n'ai pas réfléchi.

La réponse du pirate fit tiquer Mandos qui lui expliqua les conséquences de son acte irréfléchi :

- Tu sais ce que j'ai senti lorsque j'ai ouvert la lettre ? Tu sais comment je garde la tête hors de l'eau ? C'est parce que j'avance en me disant que je les reverrais et que je les saluerais en vie. Mais, ce message, impersonnel au possible était comme le rappelle que je ne les reverrais peut-être jamais. Iorveth est le dernier membre vivant de ma famille. Je n'ai personne d'autres à part mes amis. Il ne m'a pas jugé sur ce que j'étais ni ne m'a pris en pitié en voyant ce qu'on m'avait fait. Il est devenu une ancre comme moi je suis pour lui. On est deux êtres brisés. Et cette lettre, c'était comme si ça n'existerait plus.

Ace inspira et expira profondément pour ne pas se laisser submerger par la culpabilité et la douleur.

- Dire que je suis désolé n'est pas suffisant. Je regrette ce que j'ai fait, je regrette de t'avoir fait mal, ce n'était pas mon intention. Je voulais seulement te préserver et je te l'ai dit l'autre jour. Tu as parlé de Iorveth, j'ai pas réfléchi plus loin pour te prendre au mot. Et là est mon problème. J'ai presque soixante-dix ans… enfin, je sais plus trop… mais peu importe. Je suis vieux. A mon âge, ce genre de connerie ne devrait plus être faîte. Mais c'est mon talent incontournable de faire mal aux autres, volontairement ou non. Quand je songe à certains épisodes qui mettent en valeur ma connerie monumentale, je me demande encore comment Luffy fait pour rester attacher à un idiot comme moi.

Ace soupira en pliant une jambe pour appuyer son coude afin de soutenir son front, son regard fixant sans le voir le sol de pierre froide.

- C'est dans ma nature de faire du mal à ceux qui m'entourent, et justement parce que tu as bien assez dans ton assiette, que tu n'as pas signé pour mes merdes et donc, aucune raison de subir tout ça, il faut que tu gardes tes distances.

Le mutant releva ses yeux d'argents vers Mandos.

- Tu es beaucoup trop bon pour ce monde, Mandos. Tu es un amour, une lueur d'espoir que l'on doit protéger, pas poignarder un peu plus. Te faire du mal n'est pas mon désir, mais comme l'historique de nos échanges le montre, cela passe son temps à arriver. Et ça continuera. Encore et encore, que je le veuille ou non, parce que je n'ai pas conscience de faire de la merde avant qu'on ne me mette mon nez droit dedans.

Oh ? De l'agacement dans le regard de l'elfe ? Arriverait-il à faire comprendre à Mandos de garder ses distances ?

- Et tu penses que tu ne mérites pas d'un peu de paix ? Des amis ? De te dire que tu es une bonne chose qui est arrivé dans ce monde ? Que tu dises qu'il faut pas que tu m'approches car tu apportes le malheur ? Je m'en tape mais à un point que tu as notion de l'infini. Tu as merdé. J'ai merdé. On est deux idiots qui ont leur fierté et leur façon de faire. Mais oses me dire la, à cet instant qu'on ne peut pas devenir des amis et qu'il faut mettre un mur. Parce que, flash info, tu es peut-être une tête de mule borné, j'ai pas survécu jusqu'à présent en baissant la tête et acceptant ce qu'il m'arrivait.

Ace eut envie de rire. La paix ? Mais il venait de donner son âge au gamin. De la paix, il n'en avait eu que de brefs aperçus. Il n'avait pas été mis au monde pour vivre en paix. Il n'y avait pas droit. Il était puni, il payait le droit de vivre avec tout ça. Et il entraînait dans le fond tous ceux qui voulait le soulager. S'il ne savait pas qu'en insistant auprès des autres pour qu'ils rentrent sans lui serait la meilleure façon de les voir rester ou qu'ils le traînent par les pieds pour qu'il les suive, Ace aurait déjà fait ses adieux à ses amis et son amour. Il était juste épuisé d'être un attire malheur. Voir Mandos devenir une victime…

Mandos prit une respiration en lançant juste la noix que lui avait rapporté Swift pour qu'elle touche juste le haut du crâne d'Ace, le coupant dans sa spirale de pensées négatives.

- J'accepte tes excuses pour la lettre. Prends le temps de réfléchir seulement la prochaine fois qu'une idée stupide te vient. Ça te fera moins mal vis-à-vis des conséquences.

Ace cligna lentement des paupières sans répondre. Il se leva en ramassant le fruit et posa sur la table la tasse.

- C'est ce que je disais. Trop bon pour ce monde.

Trop bon pour perdre son temps avec quelqu'un comme lui.

- Si tu tiens tant que ça à crever à force de subir ma stupidité, soit. J'ai vraiment pas l'esprit à m'occuper de ça. T'es un grand garçon, un adulte. Si tu veux pas m'écouter quand je suis raisonnable et logique, soit. C'est ton problème.

Ses épaules s'affaissèrent et il sentit une boule lui monter dans la gorge. Il se détourna pour récupérer derrière le comptoir une bouteille de vodka et sa guitare, histoire de cacher le retour de ses larmes. Il se glisserait juste par la fenêtre pour récupérer les réserves de Mouettes Immaculées de Geralt. S'il allait prendre les siennes dans sa chambre, Marco allait être sur son cas et il n'avait pas envie. Pas ce soir.

Il tourna juste un instant la tête en entendant Mandos glissait sur le banc, s'endormant contre le ventre de King pour s'endormir immédiatement. En soupirant, Ace reposa son chargement et avec délicatesse, hissa le jeune elfe dans ses bras sans que le jeunot ne bouge une oreille. Il entendit le pas léger de Shiva dans l'escalier qui apparut dans la salle avec couvertures et coussins dans les bras. Sans un mot, elle installa un coussin par terre, pas loin des braises qu'Ace ralluma d'un regard. Là, la zoan prit sa forme hybride, enroulant sa longue queue pour faire un grand nid dans lequel King alla se blottir avant que le D. ne dépose dedans l'elfe maudit qui se blottit immédiatement dans le nid de chaleur avant qu'une couverture ne termine sur lui. Une autre recouvrit la partie elfique de la pirate qui ferma les yeux.

- Et Ace… Je t'aime mon frère, souffla la brune en enroulant ses bras autour du coussin.

- Moi aussi, ma sœur, moi aussi.

Et il reprit ses affaires pour sortir avec Iro.

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Marco descendit au petit matin avec Déa dans les bras et Geralt sur les talons. Les deux hommes s'arrêtèrent en voyant que Mandos dormait dans un nid d'écaille, dans la queue d'une Shiva éveillait qui lisait un livre. Le jeune sorcier dormait profondément, paisiblement pour une fois, en serrant King dans ses bras, comme si c'était une peluche. L'animal se contenta d'ouvrir un œil pour identifier qui venait d'arriver avant de le refermer.

- J'ai hésité à le réveiller pour qu'il aille se coucher dans son lit, leur dit Zoltan en arrivant avec deux seaux d'eau qu'il déposa à côté du comptoir. Puis, il avait l'air de dormir tellement bien que je n'ai même pas pris la peine de le proposer à Shiva. J'ai pas la bonne carrure non plus pour le déplacer là-haut.

Marco s'accroupit avec précaution à proximité de l'elfe adorable dans son sommeil. Geralt arriva à cet instant sur la scène, regarda un instant le jeune assoupi, avant de chercher autour.

- Ace n'est pas redescendu ? se renseigna-t-il.

- Il est où ? Toujours au lit ? demanda Zoltan.

- Si seulement, soupira doucement Marco.

- Sur le toit, avec une bonne migraine vu qu'il m'a emprunté mes fioles de Mouettes Immaculées. Je me disais que vu que tout le monde était éveillé, il allait nous faire le plaisir de redescendre.

Le blond ferma les yeux. Il savait qu'il aurait dû monter la garde devant la fenêtre de Geralt pour chopper son époux. Il rouvrit les paupières et passa délicatement une main dans les cheveux du jeune elfe. Shiva ne réagit pas, toujours dans son livre. Sa façon silencieuse de dire qu'elle ne voyait aucun souci à ce qu'on réveil le jeune qui dormait sur elle.

- Mandos… debout, allez… le soleil est levé.

- Gnrhd Morning … grommela le jeune homme en se réveillant.

Il bailla en se redressant pour s'assoir. Il frotta ses yeux en gardant son œil droit fermer. Si Marco ne savait pas que c'était à cause de la malédiction et qu'il ne pouvait pas lutter contre, il aurait demandé à l'examiner.

Puis, Mandos réalisa où il était alors que Shiva continuait à lire son livre comme si tout était tout à fait normal. King eu un sourire pour l'elfe en retroussant ses babines. Mandos se tourna vers Shiva pour avoir une explication mais elle n'eut aucune réaction.

- Comment ai-je… ?

Puis, il eut un petit sourire au coin des lèvres. Il devait avoir réalisé que malgré les conneries d'Ace, il était important pour le groupe et ils voulaient juste le préserver, le protéger.

Décidant de l'aider à se réveiller, King lui lava le visage avec un grand coup de langue. Zoltan ne se priva pas pour rire devant la tête de l'elfe qui avait de la bave jusque dans les cheveux. Marco esquissa un sourire. Ace arriva à cet instant, encore plus mal réveillé que Mandos. Ah. La gueule de bois était passée par là.

- Le grincheux a mis les voiles ? devina Geralt à l'adresse de Shiva.

- On ne met pas les loups en laisse, répondit paisiblement la brune au fond de son livre. Tu as fait bon voyage, Mandos ?

Il s'étira, eu un mouvement de la tête vers Shiva qui le regarda sans comprendre avant de se tourner vers le reste du groupe :

- Un voyage nécessaire et en plus, agaçant… les chasseurs de sorcières m'attendaient lorsque j'ai pris la route de Novigrad. Un elfe sur un cheval, ça ne leur revient pas. Il n'en reste que des cadavres dans un coin de bois. Vous avez le bonjour de Shani ainsi que Cyn. Roche te dit d'aller te faire foutre, au fait, Marco. Et il y a définitivement un truc dans la forêt sur l'est d'Oxenfurt. Un truc qui est en rapport avec des morts violentes.

- Ah, ce n'est donc pas moi qui me faisais des idées, yoi, nota Marco.

- Thatch est pas encore descendu ? se renseigna le D. en s'asseyant à une table.

Il croisa les bras dessus pour y appuyer son menton. Oui, définitivement une belle gueule de bois.

- Du tout ! Je suis là !

Tout le monde se tourna vers l'escalier pour voir le pirate en question descendre, laver et habiller avec les cheveux… en pompadour.

Lentement, Ace se leva et marcha jusqu'à lui, ignorant même le café que Mandos avait fait. L'elfe retint un rire alors que Zoltan ne se privait pas. Geralt avait levé les sourcils.

- Sacré coupe de cheveux que voilà ! Comment tu fais tenir ce truc ?! ricana le nain.

- Cire d'abeille. Quelque chose ne va pas, Ace ?

Le D. se jeta sur le vampire et le serra fort dans ses bras en retenant ses sanglots.

- Putain c'est bon de te revoir, frangin !

- Mais oui, mais oui.

Le roux tapota gentiment le dos du mutant alors que Marco se rapprochait.

- Honnêtement, j'ai la tentation de te faire la morale sur la discrétion en te défaisant ça, mais ça fait tellement longtemps que je suis heureux de pouvoir te surnommer de nouveau Banane Ambulante, yoi.

- Bon retour parmi nous, Quatrième Commandant Banane. Vous arrivez juste à temps pour mon rapport. J'ai eu une vision durant la nuit, annonça Shiva sans battre un cil devant la coiffure du cuistot.

Elle s'assit sur un banc et prit une tasse de lait chaud.

- Dans ma vision, j'ai Dijkstra et le Petit Bâtard se disputant un sac d'or. Le Petit Bâtard avait un phylactère sous un bras.

Marco regarda Mandos pour juger des réactions de celui-ci. Est-ce que c'était en rapport avec les disparus ? Vu la façon dont Mandos gémit, comme s'il regrettait l'existence de ces deux hommes, ils étaient importants d'une certaine façon.

- Et sinon, concernant Ciri et Luffy ? Se renseigna Shiva.

- On a consulté une oniromancienne. Cela nous a appris que Jaskier sait ce qu'il est advenu d'eux deux.

- Mais Jaskier est introuvable, rappela Zoltan avec lassitude.

- J'ai eu un mal de chien à approcher les Var Attre et Elhial a été l'un des premiers évacués, yoi, pointa Marco en s'asseyant sur une chaise pour donner Déa à Ace qui se chargera de lui donner un biberon de lait.

- Cependant, on a des indices, rassura Thatch. Vespula, après lui avoir dit que le Bedlam était son nouveau protecteur, a été ravi de me dire qu'elle avait vu Jaskier. Il a posé des questions sur leur travail, leurs horaires, les travailleuses qu'elle connaissait. Cependant, elle l'a vu sur les quais avec deux jeunes. Des neveux du Kovir, qu'il disait. La demoiselle avait d'étranges vêtements et un décolleté très profond. Le jeune était hyperactif et courait partout comme un chien qu'on emmène en balade. J'ai aussi un message pour lui… qui me fait dire que cette belle Vespula est une tsundere.

- Jaskier n'a pas de nièces ou neveux, encore moins du côté du Kovir, pointa Zoltan.

- Luffy est un chiot curieux et hyperactif. Si je n'étais pas moi-même une boule d'énergie quand j'avais pas mes crises, je… je peux savoir pourquoi tu ris, Marco ?

- Non, rien rien, je t'en prie, continue, yoi, rassura le Phénix qui essayait en vain de contenir son hilarité.

Le Ace hyperactif lui manquait. Surtout quand il avait plus d'une fois brûlé l'énergie de celui-ci sous la couette. Le bon temps…

- Oh, j'y pense ! Mais Elhial était passé avant son évacuation, il me demandait si je savais pourquoi Jaskier avait tant voulu rencontrer un certain Kalstein ! Se rappela Zoltan.

- Kalkstein ? Le Kalkstein ? Celui qui a découvert l'existence des atomes dans la tour du mage, il y a deux ans ? Se renseigna Ace.

- Aucune idée de ce que c'est un atome ni de si c'est le même, mais ce gars était un alchimiste qui a fini au bûcher. Il a invoqué des Iffrits au moment de sa mort avant de les faire monter vers le ciel pour former le meilleur message d'adieu de tous les temps : Radovid suce des bittes molles.

- Si c'est le même, il faut croire qu'il s'est décidé à sortir un peu de son laboratoire, nota Geralt.

Ace ne fit aucun commentaire. Une fellation de temps à autre, c'était sympa avant de passer à la casserole.

- Cependant, en tant qu'alchimiste, faire une bombe est assez simple et dans la vision que j'ai eu grâce à Corinne, il y avait une explosion. On est encore dans le noir, mais on est sur la bonne piste, nota Geralt alors que les deux petites descendaient les rejoindre.

Marco nota une photo apparaître sur le sac de Mandos qui s'empressa de la cacher.

- Par contre, impossible de rencontrer la femme de chambre de la Baronne de La Valette, nota Thatch.

- Suffisait de le dire. Anaïs, on va voir ta mère pour lui transmettre le bonjour de ton frère et lui dire que tout va bien à Flotsam ?

- Je vais pouvoir lui montrer tout ce que j'ai appris !

- Y conduire Anaïs est une mauvaise idée. Le général Voorhis tourne autour de chez elle, pointa Thatch.

Vrai. Certes, l'accord stipulé qu'Anaïs pourrait monter sur le trône de la Temeria en tant que vassal de l'empire, mais si elle disparaissait, ça arrangerait encore plus l'empereur. Mais ça faisait tellement longtemps que la petite n'avait pas vu sa mère… Alors, il joignit les mains, fit les yeux doux en usant sans remords de ses tâches de rousseurs et se tourna vers Mandos.

- Mandos, je peux emprunter ta cape d'invisibilité, s'il te plaît ? Demanda le mutant.

- Portgas… viens-tu de me demander de te donner un artefact hautement dangereux, issus du manteau même de la mort ? Et en plus, avec un s'il te plait ? Mais bien sûr que je te la passe, Baka. Cependant… Tu la ramènes sans accro… Et si tu la perds… je te traîne moi-même à la damnation pour que tu la retrouves dans les sections objets perdus et âmes paumées.

- Elle passe à la machine à quel programme ? Délicat ?

Ace tendit la main avec un grand sourire alors qu'Anaïs se jetait à la taille de Mandos pour lui faire un câlin. La cape passa d'une main à l'autre et Mandos tendit une photo au D.

- Je pense que ceci te revient. Je ne sais pas à qui est le bureau mais c'est moustache qui l'a fait avec lady.

- Si je la prends, je la déchire, donc, garde-la.

- Dommage. C'est juste que je ne sais absolument pas à qui est le bureau, ce qu'il y est écrit et quoi en faire. Donc, je vais la donner à quelqu'un d'autre. Thatch…

Le vampire la prit et la glissa dans sa tunique avec un rire.

- Pour ce qui est de Marabelle, elle tient l'orphelinat. Et j'ai retrouvé les gosses de Torséchine chez elle, annonça avec un sourire le vampire.

- Quand Anna sera en état, elle pourrait peut-être proposer ses services à l'orphelinat. Si ça la botte, yoi, réfléchi Marco. Revoir les enfants en vie et en bonne santé pourrait l'aider à se remettre de la maltraitance des Moires. Reste aussi qu'ils peuvent rouvrir les plaies. Hmmm… sujet épineux.

Et le Phénix se plongea dans ses pensées pour peser le pour et le contre.

- Outre que cette Marabelle a une passion un peu trop poussée pour les chevaux, apparemment, la dernière fois qu'ils se sont vus… c'était le jour le plus long, le plus éreintant, le plus fascinant et le plus passionnant de l'existence de la malheureuse institutrice… une chevauchée qui restera dans les mémoires !

- Ah bah le cochon, il a tout donné ! ricana Zoltan alors que Geralt avait un air blasé.

- Oh oui ! sourit largement Thatch. Je lui tire ma révérence. Ils… ont lu le Guide Illustré des champignons, version Extra Extra Large, je vous pris.

- Pardon ? Depuis quand Jaskier s'intéresse aux champignons ? S'étrangla Ace alors que Shiva se facepalmer sous le léger rire de Marco.

- Eh bien, cela l'intéresse grandement vu qu'il a retiré la main du genou de madame pour la poser sur une image de penicillium.

- J'ai déjà déposé les droits sur la pénicilline avec Nenekke, il peut s'asseoir sur la découverte si c'est son but, yoi, sourit Marco.

- Tricheur, lui reprocha avec amusement son époux.

- Pirate, nuance.

- Pénicilline ? Répéta Zoltan.

- C'est un médicament développé à partir de ce champignon justement. On l'utilise en médecine pour lutter contre les infections bactériennes, tel que les pneumocoques par exemple. L'une des variantes peut arriver à affaiblir voire détruire une syphilis primaire, si le traitement est appliqué au premier stade, yoi.

- Médecine mise à part, sans offense pour vous deux, Mandos et Marco, mais on n'est pas plus avancé, pointa Geralt. On a une explosion, Jaskier qui voulait des informations sur le métier de lavandière, qui voulait voir l'alchimiste Kalkstein certainement en rapport à l'explosion de ma vision. On sait qu'il se renseignait aussi sur les champignons. Mais pas grand chose de plus.

- Et finalement, tu as rencontré Rosa var Attre ? demanda Ace à son homme.

- Oui. Je me suis fait passer pour le nouveau maître d'arme. Et je sais pourquoi elle s'applique autant à l'escrime ou pourquoi elle ne fait qu'une bouchée de ses instructeurs. Elle a naturellement le Haki de l'Observation. L'escrime est la méthode qu'elle a trouvé pour le canaliser et ne pas devenir folle, yoi. Cependant, elle m'a appris que Jaskier s'intéressait à un mort. Le Margrave Henckel. Je me suis renseigné à la morgue, apparemment, il a passé l'arme à gauche au bordel, l'hiver dernier, dans une lingerie de cuir…

Marco s'interrompit quand Thatch jugea utile d'imiter le bruit d'un fouet.

- Merci pour cette précision, Commandant, remercia froidement Shiva.

- Donc, j'allais dire que la famille de l'homme est tellement honteuse de cela qu'ils ont pressé sa mise en terre et l'ont inhumé en secret, yoi.

- Cela ne nous avance pas plus, nota Geralt.

- Je vais aller voir Maria-Louisa et on verra si on a du neuf. J'enfile mon armure et on y va, Anaïs-chan.