Bonjour, on se retrouve aujourd'hui pour un nouveau chapitre de nos aventuriers. Et il est temps pour un certain Ace de passer sur le billard pour qu'on s'occupe de ses poumons. Mais bon, on connait notre D., ça ne sera jamais facile avec lui. Alors, en avant.

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La dernière fois qu'il avait écrit avec autant d'application, c'était pour faire le livret d'apprentissage du japonais pour Anaïs et Bussy. Dommage que Aryan ait fait sauter le château, le D. aurait bien fait un détour par l'ancienne baronnie afin de récupérer les ouvrages en question au lieu de devoir les refaire. Il salua vaguement Mandos quand il descendit enfin au petit-déjeuner avec Shiva. Déjà, le guérisseur se préparait pour l'opération à venir. Ace n'attendait que ça, justement. A jeun, pas de potion dans le sang et il n'avait pas pris sa médication. L'impressionnante collection de têtes réduites de Shiva changea de mains. Le D. eu un rictus en voyant que celle de Karadin était finie. Parfait, dès qu'il se serait remis de l'opération, il l'accrocherait à son glaive d'argent. Il attendit les vingt minutes convenues avant de poser la plume et d'échanger un check avec Thatch qui prit la relève.

- Je te garde un bon tonneau venant de Zerrikania pour t'en mettre plein le gosier pour fêter tes nouveaux poumons, assura Zoltan quand le brun passa devant lui.

- Merci, sourit le mutant.

Et il monta les marches jusqu'au dernier étage, offrant une étreinte rassurante à une Anaïs inquiète au passage. Une fois dans le bon couloir, il rejoignit Marco qui l'attendait déjà. Le blond ouvrit la bouche mais son époux lui coupa l'herbe sous le pied :

- Non. Sauf si tu veux qu'on reparte sur la dispute de cette nuit, ne relance pas le sujet.

C'était rare quand il avait le dernier mot sur le Phénix, et aujourd'hui était une de ces occurrences. Mandos sortit de la salle d'opération avec une tunique sans manche là où Marco avait choisi d'être torse nu (au moins, sur le billard, Ace aurait de quoi se rincer l'œil). L'elfe avait une collection impressionnante de runes tatouées sur sa peau. Et si les mutations n'avaient pas amélioré drastiquement sa vue, il aurait loupé le mouvement presque invisible de celles-ci qui serpentait délicatement sur la peau claire du guérisseur.

- Bon … installe-toi. Je te réexplique le processus ou tu dis merde et tu plonges ? se renseigna Mandos quand ils entrèrent dans la chambre mise presque à nue.

Marco alla déposer un baquet d'eau bouillante dans un coin, sur un brasero, avant d'y verser sa solution désinfectante faite maison.

- Je peux garder mon pantalon ou ça va déranger ? Non, parce qu'en général, on requiert de virer toute source de microbe etc, etc… Et, non, pas besoin de réexpliquer le processus.

Pas qu'il n'avait pas confiance en Mandos, mais se déshabiller devant un autre homme qui n'était pas son époux… ça le mettait pas très bien. Déjà que devoir être torse nu avec cette stupide paire de seins, c'était pas agréable… Et puis, c'était son pantalon de cuir de tous les jours. Même avec le nombre de lavage, rien ne disait qu'il ne restait pas des saloperies dessus, souvenirs des monstres qu'il affrontait depuis des décennies.

- Ça va, garde le pantalon… l'avantage de la magie dans certains cas, lui dit l'elfe.

Merci Davy Jones pour cette concession. Un sort de nettoyage fut lancé sur le cuir et le D. s'assit au bord du lit. Il inspira pour se donner du courage, jeta un œil à Marco qui était à côté du brasero, puis retira sa chemise. Son homme avait déjà nettoyé méticuleusement et désinfecté la zone d'opération au point qu'il sentait encore le picotement du produit.

- On va t'endormir. Tu es prêt ? demanda Mandos en le regardant dans les yeux.

- Non. Pas d'anesthésie, ne m'endors pas.

Certainement pas. Il serait assez vulnérable comme ça, pas question qu'il en rajoute en sombrant dans un sommeil dont il n'était même pas certain de se réveiller. Il avait déjà passé une partie de la nuit à se disputer à ce sujet avec Marco. Ce n'était vraiment pas ce qu'il avait envie de faire avec Mandos. Son homme avait accepté ses défauts et ses peurs en lui passant la bague au doigt. L'elfe, lui, n'avait pas besoin de subir ceci.

Marco sursauta presque en sentant comme une présence aux portes de son esprit. Comme un grattement à la porte de sa conscience. La voix de Mandos résonna dans son crâne :

" Marco ? C'est Mandos avant que vous paniquiez et je suis désolé d'user pareille magie sans autorisation. Je n'aime pas opérer éveillé mais il a clairement peur."

" Essaye si tu veux, moi, j'ai laissé tomber, yoi." pensa le blond avec lassitude.

S'il avait des cheveux blancs en dépit de son zoan, c'était en grande partie à cause d'Ace.

- Ace… on va t'opérer et ouvrir ta cage thoracique … une anesthésie locale ne suffira pas … et même en te concentrant pour gérer la douleur, tu te tendras. Qu'est ce qui te mettrait assez en confiance pour … dormir ?

- Rien. Même avec une tzantza avec la gueule de Eilhart, Teach ou Sengoku, rien ne me fera changer d'avis. Je suis ok pour la douleur. Fais pire qu'un pilier de magma en travers des poumons.

Il ne bougerait pas. Il ne laisserait pas tomber sa garde, surtout quand il était possible que Eilhart soit encore à Novigrad. Mandos regarda son matériel, puis Ace, avant de rendre les armes.

- Allonge-toi … on va commencer.

Enfin. C'est pas tout, mais il était sous kairoseki donc, il commençait à se les cailler sévère. Il s'allongea et se força à se détendre, alors que les deux autres se lavaient méticuleusement les mains jusqu'aux coudes. Marco se saisit d'un bistouri quand Mandos traça plusieurs runes à proximité du D. allongé, avant de déposer dessus deux têtes réduites. Du coin de l'œil, Ace nota qu'elles prirent une intéressante couleur verte. On ajouta d'autres runes, sur sa peau au niveau des côtes aussi.

Dormir n'était pas une option, mais il ne crachait pas sur l'anesthésie locale. Puis, Marco se pencha sur lui, la lame médicale entre ses doigts. Le brun hocha tout doucement la tête avant d'attraper du bout des doigts un pan du foulard que son homme avait toujours autour de la taille. Avec ses nerfs endormis sur la poitrine, la découpe laissait une étrange sensation derrière. La douleur commença quand on lui écarta les côtes pour dégager les poumons. Il devrait disséquer un noyeur pour se confirmer sur le doute de la capacité de ses os à pouvoir s'écarter ainsi sans casser.

- À présent, quoi qu'il arrive, il ne faut pas que je m'arrête. Que personne ne me surprenne. Si je le fais … tu ne voudras pas savoir.

Marco savait très bien que c'était Mandos qui rendait l'opération possible, avec sa magie. Si on le déconcentrait, le pirate se doutait très bien qu'il finirait vraiment veuf cette fois. Il sentit Ace lâcher le foulard à sa taille pour lui presser délicatement la cuisse dans un geste rassurant. Cerbin ne saurait jamais à quel point son patient avait une foi immense en ses capacités.

- Le gauche à l'air en meilleur état. Commençons par le droit, proposa Marco.

- Oui. Mieux vaut faire le plus long d'abord.

Ce n'était pas pour cette raison qu'il avait avancé cela. C'était par peur et pessimisme. Si l'opération foirait dès le départ, avec son poumon le plus fonctionnel intouché, Ace aurait certainement plus de chances de survie. Il se donna un coup de pied mental au cul. Il devait avoir foi en ce jeune. Il avait déjà sauvé Shiva, il pouvait aider Ace.

L'elfe prit son temps pour se recentrer avant de saisir à son tour un bistouri et de commencer à couper. Le blond se força à ne pas regarder le visage de son époux, concentrant son attention sur la découpe dans les chairs brûlées des alvéoles. Leur patient ne disait rien, il n'émettait pas le moindre son. Mais la crispation sur sa ceinture ne le trompait pas. D'un côté, il pouvait comprendre pourquoi son compagnon avait refusé de se laisser endormir, mais de l'autre, il n'aimait pas le voir souffrir à cause de sa stupidité et se disait qu'il aurait dû l'anesthésier par la force ou la ruse, quitte à provoquer une dispute à cause de ça. Ça leur servirait de leçon à tous les deux.

Il prit la place de Mandos dans la découpe sur une zone vu qu'il était mieux placé. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas servi d'assistant chirurgien. La dernière fois, Cassandra le formait encore. Généralement, il était le professeur et montrait aux étudiantes. Mais là, il épongeait le sang s'il coulait trop et coupait quand il avait le meilleur angle des deux.

Outre le sifflement de serpent qu'émettait le guérisseur pour son sort, il n'y avait aucun son, sauf leur respiration.

Une fois l'organe taillé pour ne laisser que la partie saine, Mandos invoqua un liquide d'une des nombreuses fioles sur la table de chevet et l'envoya vers le poumon, et ce, en dépit de la fatigue due à la traction de la magie et des sceaux.

Cette fois, il ne sifflait plus mais il parlait en latin. Certains mots, Marco les reconnaissait, pour les avoir entendus et lus tout au long de sa vie de médecin. Le reste lui passait à mille lieux du crâne. Certainement des mots de pouvoir pour guider la magie.

Shiva lui avait dit de garder à l'œil les têtes réduites qu'utiliserait Mandos, et comment savoir si une était vide ou pas. Notant les coutures relâchées sur les yeux et la bouche de la tête réduite à la ceinture de Mandos, alors que celles pleines de pouvoir étaient normalement gonflées comme prête à exploser, il comprit qu'elle était vide et se dépêcha de la remplacer. Pas question que ce gamin merveilleux crève en voulant les aider.

En dépit de la douleur, Ace sentit parfaitement les doigts qu'on lui posa sur la gorge, comme pour rediriger le flux d'oxygène et le garder en vie. S'il ne devait pas faire un effort pour ne pas pleurer de douleur, il aurait tiré un chapeau à Mandos. Il le ferait quand il aurait moins mal. Et quand il pourrait parler. Après avoir demandé pourquoi il y avait de l'eau en guise de plafond.

Voir le poumon se recomposer sous ses yeux, par simple magie, donnait envie à Marco d'embrasser Mandos. C'était miraculeux. Vraiment. Il pouvait le faire. Ace pouvait retrouver un souffle normal et ne plus risquer de se noyer dans son sang s'il tirait sur ses cicatrices.

Ils avaient fait la moitié.

Le poumon droit était sain. Fonctionnel. Presque neuf.

Marco serra doucement le poignet de son époux qui se tenait toujours à sa ceinture, histoire de lui faire comprendre que les choses se passaient bien. Délicatement, il se détacha. Ace lutta un instant, jusqu'à ce que le blond lui souffle qu'il revenait. Profitant que Mandos fasse une pause, il ramassa les outils souillés par le sang et alla les désinfecter pendant que l'elfe buvait à grande gorgée d'eau. Il fallait qu'il trouve un instant pour aller lui chercher à nouveau de quoi boire.

En revenant, il constata que Mandos avait remplacé une des têtes réduites à proximité d'Ace par une rune. Certainement qu'elle n'avait plus assez de puissance ou d'utilité pour maintenir leur patient en vie. Patient qui se raccrocha immédiatement à la ceinture de son époux.

Ils attaquèrent le second poumon. Les zones ruinées devenaient poussières au contact de la magie de l'elfe qui transpirait et commençait à trembler. Marco voyait presque des filaments de magie reliant le guérisseur au malade. Le Phénix aurait mis ses ailes à couper que c'était pour garder Ace en vie.

Stupide gosse, il allait se tuer.

Voyant qu'il n'avait pas grand-chose à faire, il serra doucement le poignet de son compagnon pour lui faire comprendre qu'il revenait et le D. relâcha sa ceinture. Discrètement, afin de ne pas déranger le guérisseur, il quitta la pièce.

Anaïs et Gretka se levèrent en sursaut de là où elles étaient assises dans le couloir. Evidemment, elles s'accrochèrent au sang qu'il avait sur lui.

- Tout va bien pour l'instant. Retournez dans vos chambres, yoi.

Sans voir les petites lui obéir, il descendit quatre à quatre les marches et déboula dans la salle de la taverne.

- Mets pas du sang partout, c'est une plaie à nettoyer, grommela Zoltan en le voyant faire. Comment ça se passe là-haut ?

- Un de fait, le second reste à faire. Thatch, de l'eau et une paille, yoi.

- Tout de suite patron, répondit le vampire en lui servant un verre d'eau pour y ajouter une paille de métal.

Le verre changea de main et le blond remonta à l'étage pour retrouver le jeune médecin à sa tâche sur un D. pâle comme la mort qui s'était mordu une lèvre jusqu'au sang pour ne pas exprimer sa douleur. C'était dur à voir. Dur à accepter. Cette vision était trop proche de nombre de ses cauchemars où il voyait l'homme de sa vie mort.

Mais Ace ne l'était pas encore.

Reprenant ses esprits, le médecin retourna auprès de Mandos et lui présenta la paille alors que l'elfe travaillait à la reconstruction du second poumon. Sans se déconcentrer pour autant, le jeune prodige attrapa la paille du bout des lèvres et continua son ouvrage.

Bientôt, les côtes et les chaires furent refermées. Il ne restait qu'à tout recoudre. Là, Mandos alla s'asseoir pour se reposer, laissant Marco refermer la plaie. Et il avait l'intention de mettre toutes les chances de son côté pour qu'il n'y ait aucune complication. D'abord, il se chargea de refermer l'incision qui avait permis d'accéder aux côtes. Avec un fil et une aiguille. Non, il n'avait pas oublié le logia. Mais il savait qu'il pouvait mal soigner. Il avait déjà, par le passé, dû casser une jambe à Ace parce qu'il s'était fait une fracture que ses flammes avaient ressoudé de façon incorrecte et qu'il fallait rectifier ça rapidement. Avec la suture, il voulait montrer aux flammes ce qu'elles devaient faire. Il coupa le fil à ras avec ses dents, à quelques centimètres du nombril.

La douleur reflua quasi immédiatement quand le kairoseki fut ouvert. Ace sentit toute la tension de son corps s'évanouir quand ses flammes dansèrent avec vivacité sur sa poitrine. Il posa lourdement une main sur celle de son époux quand Marco appliqua ses paumes sur sa blessure, guidant le logia avec ses plumes.

- Tout va bien mon petit chat.

Le D. tourna lentement la tête pour voir la même femme blonde qu'il avait vu dans la vision du Grand Maître de la Rose Ardente, à Wyzima. Elle était là, à genoux sur le sol, les bras croisés au niveau de ses oreilles. Elle était étrangement translucide. Une hallucination ?

- Ferme les yeux. Tu es en sécurité. Tu es très fort, Ace. Tu as mérité ton repos. Dors, mon petit chat.

Ouais… dormir… dormir était une idée qui avait du mérite.

Il dormait déjà quand Marco l'embrassa sur le front et prit sa forme d'oiseau pour se reposer à ses côtés.

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Ace s'ennuyait.

Ces deux mots ne présentaient jamais rien de bon. Sauf qu'ici, c'était la santé du brun qui était en jeu. Heureusement que son idée de se faire opérer sans anesthésie l'avait vidé de ses forces sinon, on l'aurait retrouvé en train de cavaler en ville. Et heureusement aussi qu'il y avait Déa et Anaïs pour aider Marco à garder son époux au lit.

Mandos était passé aussi, histoire de vérifier que le D. allait bien et supportait bien l'opération. Quatre jours d'inactivité pour le logia hyperactif ? Il espérait un miracle. Cependant, malgré le fait que l'elfe fasse comme s'il allait bien, Marco avait perçu des tremblements et des rides de douleur. Clairement, l'opération lui avait coûté. Mais il refusait qu'on l'aide. Qu'on le décharge d'une partie de son fardeau, même si celui-ci le tuait à petit feu.

Quand l'elfe s'en alla, profitant que son mari ait repris sa mission de faire un nouveau livret d'apprentissage pour Mandos, Marco sortit dans le couloir pour voir le jeune elfe disparaître dans l'escalier au bout du couloir.

- Rouge-san, êtes-vous avec moi ? demanda tout bas le pirate.

Une froide pression sur son bras et un parfum floral lui répondit.

- Nous savons que Mandos ne va pas bien mais qu'il ne l'admettra pas comme ça. Pouvez-vous le garder à l'œil ? Que je puisse intervenir avant qu'il ne tombe, yoi.

La pression devint un léger frottement, comme pour dire "pas d'inquiétude". Satisfait, le blond retourna dans la chambre et récupéra la petite des bras d'Anaïs.

Quelques minutes plus tard, après que Priscilla leur eut ramené une Gretka aux anges après son cours avec la belle barde, Marco entendit la voix d'une femme à son oreille :

- Mandos a été immobilisé par une crampe violente du dos au bras droit, pendant au moins dix minutes. Il rentre. Il va certainement vider sa magie.

- Merci Rouge-san.

- Tu parles seul frangin ?

- Prépare-moi une infusion, yoi.

- Ah. Un patient récalcitrant va tomber entre tes serres.

Le blond ne fit aucun commentaire et retourna en haut. Ace s'était endormi, serrant une Anaïs toute aussi assoupie contre lui. Délicatement, le zoan s'assit au bord du lit. Le mutant respirait pleinement, profondément, son organisme ayant rapidement compris qu'il aurait plus de facilité à se fournir en oxygène à présent. Il n'y avait plus ce sifflement triste qui rappelait, sans qu'on ait à voir la cicatrice, qu'Ace s'était pris un poing de magma en travers de la poitrine.

Un sourire tendre se dessina sur le visage du médecin quand la gamine se blottit un peu plus dans les bras du mutant qui se mit à ronronner en réponse. L'instant paisible fut coupé par un grattement discret à la porte. Se doutant de la raison pour laquelle l'un des fauves venait le voir, le zoan embrassa son époux sur la tempe et se leva pour ouvrir. Iro attendait derrière. Sans un son, elle tourna les talons et redescendit vers la salle de l'auberge. Zoltan et Thatch n'étaient pas là, mais Mandos s'était assis à une table, perdu dans ses pensées. Marco croisa les bras et attendit. Leur jeune ami devait apprendre à demander de l'aide. S'il admettait souffrir, le blond le soulagerait, mais encore fallait-il que son patient accepte de le reconnaître. Alors, il s'appuya contre le mur de l'escalier en fixant le jeune homme.

Un soupir répondit à l'attente silencieuse du blond.

- Oui. J'ai eu un souci de magie ce matin non prévu… lequel a cafeté ?

Et trahir une informatrice ? Et puis quoi encore. En une invitation silencieuse, le pirate tourna les talons et monta les marches, souriant intérieurement quand il entendit King y mettre du sien pour que Mandos le suive. Avant que l'elfe ne soit là, Marco était déjà dans la chambre de celui-ci avec Shiva (qu'il faudrait à un moment ou un autre décrocher de son livre). Il se tourna vers son jeune confrère quand celui-ci le rejoignit.

- Bien, la chose essentielle pour les minutes qui viennent est que tu me fasses confiance. Assez pour retirer ta tunique et t'allonger sur le ventre, yoi. Si je fais un geste qui te déplaît ou pose mes mains là où tu ne veux pas qu'elles soient, dis-le moi. Je ne veux que t'aider, pas te mettre mal à l'aise.

- … Je vais faire … confiance. Mais ne commentez pas si vous trouvez des trucs étranges. Je le sais déjà.

- Mandos, je suis un ancien esclave et le médecin de bord d'un équipage pirate qui réunit tous les déchets de la société. Tu crois vraiment que je n'ai pas assez de tact pour m'amuser à faire des commentaires sur des cicatrices, yoi ? Sans compter que cela fait presque cinquante ans que Shiva doit se faire à l'idée que je suis le seul médecin compétent des environs, donc, les marques magiques, je commence à les reconnaître et à savoir plus ou moins gérer.

Il s'assit au bord du lit et observa les vieilles marques de l'enfance catastrophique de l'elfe, qui à présent étaient recouvertes en partie par les traces noirâtre de la magie qui attaquait le gosse de l'intérieur. Il se frotta les mains avec une huile essentielle et commença à masser le jeune elfe, ses doigts émettant des lueurs bleutées sous l'usage de ses plumes. Oui, bon, d'accord, il aurait été ravi de présenter à ses serres la soi-disant famille de Mandos et encore plus à Gaunter. Mais sa priorité, c'était gérer ce qui n'allait pas. Il commença à masser la nuque, puis les épaules, dénouant les nœuds des muscles et insistant là où il sentait que ses plumes réagissaient le plus, avant de descendre lentement.

- Tu sais que les têtes réduites sont l'une des solutions de Shiva. Mais elle en a certainement d'autres. Cela ne coûte rien de demander conseils auprès de gens qui ont dit plus d'une fois qu'ils tenaient à toi, yoi. Si tu continues, je vais finir par dire que tu es aussi stupide qu'Ace.

Cela tira un grognement à Mandos.

Un maigre sourire nostalgique passa sur le visage du blond alors qu'il travaillait sur le bras droit de son patient.

- J'étais comme toi, jusqu'à ce que Oyaji en ait assez que je fasse ma tête de mule et me prenne en main. Mais j'avais douze ans à l'époque, donc, ça peut se comprendre.

- J'pense que mon oncle voudrait tuer ceux qui ont fait que je suis comme cela. Et pour ce matin … je n'ai rien senti jusqu'à ce que la crampe s'installe, que les marques … apparaissent. Évite ma côte droite inférieure … douloureux.

- Fracture ? Concernant les présentations, je peux t'assurer que mon capitaine serait ravi d'y participer… ou alors, on peut leur lâcher Ace dessus.

- Yeah… lâchons Quickshot... je prends du popcorn. Et non… pas de fracture... brûlure de magie. Chaud… ou froid et dormir… peut-être de quoi endormir la douleur ?

- Thatch est parti faire des courses pour moi, afin de me ramener des herbes pour refaire des antidouleurs.

Il veilla à rester loin de la zone. Il se renseignerait avec Shiva pour savoir comment gérer ce genre de problème. Il eut un sourire en voyant l'écureuil se rouler contre le cou de l'elfe et Hugin se trouver un perchoir plus proche.

- On fait comme ça alors. On trouve un moyen de changer de monde et on lâche le fauve sur ces salauds, yoi. Et tu sauras aussi, jeune homme, que tu peux le dire quand tu as besoin de repos. Donc, pendant quelques jours, tu ne fais rien, si ce n'est vider ton trop plein de magie. Ton médecin te prescrit du repos. Tu t'endors à moitié, yoi. Donc, je te mets au défi de dire que tu n'en as pas besoin. Ce que tu as fait sur Ace est énorme. Généreux, mais on ne veut pas que tu te mettes en danger pour ça. Tu vas le faire ? Demander de l'aide au besoin ? D'accord ?

Il pencha la tête pour pouvoir le regarder dans les yeux.

- Ça marche… veux dormir… Réveillez-moi la semaine prochaine. J'hiberne. Et pour l'opération… j'aurais refusé si j'estimais que je serais en danger, rit doucement le jeune elfe avec une voix fatiguée avant de bailler.

Marco cessa son massage et installa la couverture sur l'elfe.

- Dors. Thatch te montera à manger à midi. Je garde l'autre malade au lit, repose-toi, tu en as bien besoin, yoi. Bonne nuit, Mandos.

King sauta pour se coucher contre le jeune endormi et une légère pression sur le bras du blond lui dit que Rouge allait rester pour veiller sur lui. Il passa une main dans les longs cheveux noirs de l'elfe. Il se leva du bord du lit et tira les rideaux pour que la lumière ne dérange pas le dormeur.

- /Veille sur lui, King, yoi, /demanda Marco à l'once.

Le félin eut un bâillement et s'installa à moitié sur Mandos, veillant à ne pas s'appuyer sur la zone sensible du malade.

Le pirate referma doucement la porte et alla jeter un œil dans la chambre qu'il partageait avec Ace. Le D. dormait toujours avec Anaïs contre lui et Iro roulée en boule au-dessus de leur tête. Satisfait, le Phénix referma la porte et descendit pour voir Zoltan et Thatch revenir de courses en rigolant. Remarquant la tasse vide, le nain l'attrapa et regarda le médecin.

- Comment va le gamin ?

- Besoin de repos. Et de Shiva.

- C'est grave ?

Marco se contenta de s'asseoir à côté de Uma en allumant son kiseru. Il n'allait pas répondre à une question qui brisait le secret médical, même s'ils avaient tous une idée du fait que Mandos luttait contre sa magie et le temps.

-Tu peux aller chercher notre sorcière, Thatch ?

- Ah non ! Elle m'a déjà brisé la nuque une fois.

- Dis-lui que Mandos a besoin d'elle, ça la fera bouger sans que tu te retrouves avec sa queue autour du cou.

Des pas dans l'escalier les alertèrent et ils virent d'abord Iro, puis Anaïs apparaître dans la salle, pieds nus, venant apparemment de se réveiller.

- Où est Nii-chan ? demanda la petite princesse.

- Il dormait avec toi, yoi.

- Je me suis réveillée et il n'était plus là.

- On a un chat qui a pris la clef des champs ? devina Zoltan.

- Il se remet d'une lourde opération et il part en balade… ce gamin va me rendre fou… même s'il n'est plus un gamin, techniquement parlant ! grogna Thatch.

Marco se contenta de tirer sur son kiseru et souffla tranquillement la fumée.

- Il reviendra. Il teste les eaux. Ace a toujours été un monstre, même avant ses mutations. Il est capable de se remettre très vite de ce qui aurait dû le garder plus longtemps au lit, yoi. Outre les mutations, aujourd'hui, il y a aussi un semblant de maturité. Il ne se jettera pas dans un combat, il ne fera pas de trop gros efforts. Il commence lentement sa rééducation.

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Même si sortir du lit à cet instant était stupide, diraient certains, Ace n'était pas pour autant inconscient dans sa bêtise. Il avait pris une tunique de Marco parce que son armure serait trop serrée au niveau de son abdomen, même sans fermer les sangles. En remettant ses bandes de soutien, il avait cherché à les nouer différemment pour ne pas couper sa respiration. Et quant à son mode de déplacement… eh bien il marchait avec Shinigami. Lentement. Faisant régulièrement des pauses. S'il avait pris son étalon, c'était pour avoir un moyen de rentrer s'il n'arrivait plus à avancer de lui-même.

Mais déjà, affronter l'épreuve de mettre un pied devant l'autre était un instant jouissif pour le D.

Si seulement il n'avait pas l'impression d'avoir un spectre sur le dos. Pire encore, il avait la foutue impression de savoir qui était le fantôme sur son dos.

Décidant d'être utile, il avait pris la route de l'ancienne demeure du défunt margrave Henckel, leur dernier indice en date. C'est en route qu'il tomba sur Geralt. Le Loup Blanc lui adressa un long regard, disant à la fois qu'il n'était pas surpris, et de l'autre, qu'il trouvait le Chat stupide. Mais il ne fit aucun commentaire. Il se contenta de marcher au niveau et au rythme du brun. Et de lui pointer que c'était agréable de ne plus entendre son sifflement de bouilloire.

Enfin, ils arrivèrent devant la maison de l'homme. Et ça ressemblait plutôt à un taudis. Même la baraque de Dadan avait meilleure mine que ça. Cela tenait plus d'un refuge pour mendiant qu'à la maison d'un nobliau. Une vieille porte dans un vieux bâtiment de pierre. Ace s'approcha de la seule fenêtre dans la façade qu'on avait protégée avec des planches et chercha à jeter un œil dans les interstices.

- Le barde s'est fait des amis très intéressants, nota le D.

Geralt jeta un œil à droite et à gauche après avoir testé la poignée, avant de lancer un Aard sur la porte qui tomba en morceau, dévoilant un intérieur si obscur que même leurs yeux de chat avaient du mal à percer les ténèbres, en dépit de la lumière de l'après-midi.

Les deux mutants entrèrent et le D. fut pris d'une crise de toux.

- Reste dehors, recommanda Geralt. Tes nouveaux poumons sont sensibles à la poussière.

Le brun secoua la tête et noua le foulard qu'il avait encore piqué à Marco autour de son nez et de sa bouche pour filtrer la poussière. Hors de question qu'il reste assis quand il était question de son petit-frère. Ils trouvèrent vite un chandelier à allumer qui leur montra d'autres bougies, ce qui permit de réduire les ténèbres. Sur le renfoncement de droite, devant la seule fenêtre du rez-de-chaussée, une table avec quelques chaises, le tout sur un tapis poussiéreux à souhait. Derrière cette table, sur un petit meuble, quelque chose de bien moins poussiéreux se détachait de la lueur vacillante des bougies. Un cylindre en argent, pas plus grand qu'un avant-bras. Et le fond ressemblait fortement à ce qu'il restait de la bombe qui avait fait sauter le conduit de Dijkstra. Des pas se détachaient de la poussière du sol, les menant à l'étage. En haut, ils se trouvèrent dans une cave à vin. Ce qui était étrange, parce que la température et les conditions n'étaient pas idéales pour la conservation des bouteilles. Sur un coffre dans le couloir, on avait une lettre avec une bouteille de vin.

- "Le vin de ton année de naissance. Il est absolument délicieux. Quel bouquet. Il faut que tu le goûtes. Quand ça sera fait, merci de remettre la bouteille là où tu l'as trouvée", lut Geralt. "Avec les compliments de J."

- Certainement l'année de naissance de Ciri, nota le D. qui suivait les traces de pas dans la poussière jusqu'à un mur.

Le Chat passa une main sur le plâtre et appliqua son oreille dessus en toquant doucement.

- On a un passage secret.

Geralt observa la bouteille. Un cru de 1253. L'année de Ciri. Le Loup Blanc se leva et retourna vers les étagères remplies de vins, cherchant le bon casier pour la bouteille, pour finalement trouver un vide dans la colonne correspondante à la période 1245 à 1254. En remettant la bouteille en place, un mécanisme s'enclencha.

- Le passage est ouvert, informa le D. Et c'est une chambre.

Geralt le rejoignit et ils fouillèrent la chambre. Sur une bibliothèque, on avait épinglé un mode d'emploi pour la fabrication d'une bombe. Et c'était la même écriture que celle du Kalkstein qu'ils avaient connu à Wyzima. Pour les restants de la fabrication de la bombe, on avait du sucre, du potassium, le tout baignant dans une petite flaque d'huile de wyverne sur un bureau.

- J'ai une lettre signée par un certain Doudou, annonça Ace en ramassant quelque chose sur la malle au pied du lit. Elle est adressée à Ciri. Menge a fait main basse sur le trésor et sur Jaskier, et il a pris ce Doudou en filature. Il lui conseille de fuir avec Luffy.

Il baissa la lettre et regarda Geralt.

- Doudou est un ami Doppler. On sait comment le Margrave est revenu de sa tombe maintenant, informa le Loup.

Il s'interrompit et d'un même ensemble, les deux mutants regardèrent le sol.

Des pas.

Ils n'étaient plus seuls.

Doucement, ils descendirent les marches, pour voir Dijkstra et Triss dans le hall. Qu'est-ce que ça signifiait ? Surtout que le cher Sigi Reuven était venu avec quelques-uns de ses hommes pour fouiller les environs.

- On ne s'attendait pas à vous voir tous les deux ici, nota Geralt quand il les rejoignit avec Ace.

- Je me suis dit qu'une experte en magie pouvait être utile, je suis curieux de la signification de ces runes, informa le baron de la pègre. Et voici l'infâme Chat Noir qui a induit tout le monde en erreur sur son pucelage. Je te croyais alitée.

- Ma santé et ma vie sexuelle ne sont pas tes affaires, le troll, répondit le D.

- C'est la curiosité qui t'a fait venir, Triss ? se renseigna Geralt.

- Non, je fais ça pour l'argent, dit la magicienne.

- Ahh, Merigold qui fait sa cynique matérialiste. J'adore. En vérité, elle est ici à cause de ses idéaux. Elle a besoin d'or pour sauver ses collègues… et quand j'aurais recouvré mon trésor, je pourrais l'aider. C'est aussi simple que ça.

Ace regarda la magicienne, l'air de lui dire qu'il voudrait lui parler plus tard. Elle hocha légèrement la tête pour signifier qu'elle avait saisi le message.

- Ce qui nous mène au sujet suivant : avez-vous trouvé qui m'a barbé mon putain d'or ?

- C'était inutile de mettre la vie de Triss en jeu ou de s'intéresser aux runes… commença Geralt.

- Parce que ?

- Parce que peu importe qui était le voleur d'origine, maintenant, c'est Caleb Menge de la garde du temple qui nage dedans, termina Ace. Je ne vais pas loin.

Et il marcha jusqu'à la sortie pour retirer le foulard de son visage et prendre une bonne goulée d'air. Il toussa légèrement avant de respirer de nouveau. La poussière le dérangeait pas mal en ce moment. Faire gaffe.

- Eh bien… nota Dijkstra. Il semblerait qu'en plus de votre or, vous allez avoir votre vengeance. Geralt, et Anabela, puisque vous travaillez ensemble, auriez-vous l'amabilité de me dire ce que vous avez appris ?

- C'est Portgas pour toi et si tu veux pas que je rajoute ta sale gueule de troll à la collection de têtes réduites de Yn Toredig, tu devras te contenter de ce que l'on te donne. Donc, quelqu'un t'a volé ton fric, apparemment pour payer le Petit Bâtard, sauf que ça s'est pas passé comme prévu, Menge a mis la main sur le magot, et voilà.

- Comment as-tu réussi à te marier avec une insolence pareille ? Ah oui, j'oubliais, toi et ce piaf, vous êtes parfaitement assortis sur ce point. Je vais passer dessus pour une fois, parce que ça répond à un mystère de savoir pourquoi Menge, qui n'a jamais eu un sou vaillant en poche, se met à dépenser des fortunes en ce moment.

- Et maintenant ? demanda Triss.

- D'après mes sources, Menge passe ses nuits au quartier général des chasseurs de sorcières, sur les quais. Tu pourrais lui rendre visite et lui demander où il a planqué mon or, puisque tu as l'air en meilleure santé que ce que disait ton homme, le Chat.

- Et toi, tu restes assis à regarder faire ? devina Geralt en conservant un œil sur Ace qui tournait le dos à la maison pour continuer à respirer l'extérieur.

- Mon petit, dit l'ancien espion au Loup Blanc, quand j'ai l'occasion de me servir de quelqu'un, j'en profite. C'est d'un commode…

- Oui. Et c'est moins dangereux. Avoue-le, tu as peur de Menge.

- Bien entendu qu'il me fait peur ce maniaque doublé d'un enfant de putain ! Même à Triss, je présume !

- Sans approuver le vocabulaire, je souscris à la teneur du message, admit la rouquine.

- Je me chargerai de Menge, assura Ace.

- Eh bien, comme ça, c'est réglé, nota le maître de la pègre. Je pensais utiliser un joli petit couple pour ça, mais c'est encore mieux, et encore plus crédible. C'est connu que le Chat Noir n'aime pas les magiciennes et que le simple fait que vous soyez civiles l'une envers l'autre, mesdames, relève du miracle. J'aurais peut-être préféré utiliser les amoureux, vu que des amants sont prêts à tout pour sauver l'être cher et ainsi, augmenter vos chances de sortir vivant du quartier général des chasseurs, mais vu que nos deux mutants sont copains comme cochons, notre petite brunette ne brisera pas le cœur de son bon ami Geralt en laissant mourir sa nana, et ça augmente mes chances de revoir mon magot.

- Triss et moi, c'est du passé, pointa Geralt.

- Oui, je sais, je sais, vous avez rompu suite à Loc Muinne, mais on sait tous que l'amour est éternel et ne meurt jamais. Suffit de regarder le petit chat qui se rôtit au soleil.

- Premier amour, rectifia Triss.

Et le premier amour de Geralt, c'était Yen, elle en avait conscience.

- T'es prête à faire équipe avec moi, Triss ? demanda Ace en se tournant vers la magicienne avec un sourcil levé.

Triss écarquilla les yeux avant de prendre un air déterminé.

- Je suis prête, Ann.

- Eh bien, voilà qui est réglé. Sur ce, je vous laisse.

Et Reuven s'en alla avec ses hommes.

- Il n'avait pas besoin de savoir ce genre de chose, non ? pointa la magicienne alors que leur employeur s'en allait. Ace, pourrais-tu nous rejoindre et fermer la porte, qu'on puisse être certain de ne pas se faire entendre.

- Cela aurait été avec plaisir, mais je sors d'une opération sérieuse…

- Et tu devrais encore être au lit. Mandos a dit pas avant demain, au mieux, rappela Geralt.

- Mandos ? Qui est-ce ? Un membre de ton clan ? s'enquit la femme.

- Tu peux évacuer la poussière ? demanda Ace. Et promis, je ferme la porte et réponds à la question.

- Si ce n'est que ça.

Le D. referma la porte et immédiatement, la magicienne incanta, laissant la maison propre comme un sou neuf, avant de laisser flotter une bulle de lumière au-dessus de sa tête.

- Avant qu'on apprenne pour Ciri, nous sommes tombés à Blanchefleur sur un jeune guérisseur elfe grièvement blessé et scellé sur plusieurs niveaux par un démon, expliqua Ace. Cet elfe, Mandos Cerbin, s'avère venir d'une sphère presque semblable à la nôtre, à deux trois différences près…

- … ce qui lui donne accès à bien des informations pour nous aider dans notre quête, même s'il ne peut rien dire, outre jeter discrètement des indices pour nous orienter sous peine de mourir dans d'atroces souffrances, poursuivit Geralt.

- Je vois… souffla Triss

- Tout récemment, on a loupé un indice, je le réalise maintenant, mais il y en a d'autres qu'on a, qu'il a réussi à nous transmettre.

- Ah bon ? s'étonna le D. On a loupé un indice ?

- Oui, clairement. Tu n'es pas au courant puisque tu as décidé de partir en vadrouille jusqu'à Vergen, mais on a vu Mandos jouer régulièrement avec un chapeau de chasseur de sorcière.

- Et Menge a capturé Jaskier. Mais c'est peut-être une coïncidence, pointa Triss.

- Au début, on avait réussi à trouver une parade avec le mensonge, raconta Ace. Durant notre première visite de Perchefreux, on a trouvé des affaires de Ciri et de mon frère, ainsi qu'un livre traitant de malédiction. Et comment les défaire. Je lui ai demandé un mensonge. Et ça l'a quasi envoyé un pied dans la tombe. Par la suite, on a rencontré Keira Metz.

- Et récemment, on est tombé sur un être clairement maudit, Shiva ayant confirmé ce point. Le réflexe de Mandos a été de se cacher, de tout faire pour qu'on ne lui pose aucune question, et on a tous compris que cet individu est une clef essentielle pour retrouver Ciri et Luffy. Il sait des choses, il peut faire des choses, mais c'est dangereux pour lui.

- Il a sauvé Shiva et Keira de l'attaque spirituelle d'entités maléfiques du marais que sont les Moires de Torséchine, informa Ace. Il a soigné mes poumons hier, raison pour laquelle je suis encore sensible à la poussière et que Geralt me dit que je devrais être au lit. Il aide les Stries Bleues, nous guide discrètement. Il nous aide. Ce gamin est un ange.

- Rencontre-le, recommanda le Loup Blanc. Viens avec nous et rencontre-le.

- Pourquoi pas. Sinon, tu as une idée derrière la tête, n'est-ce pas, pour m'appeler brutalement par mon prénom, Ace.

La magicienne se tourna vers le D. qui haussa les épaules.

- Je peux te présenter les faits qui me viennent en tête ? demanda le brun.

- Si cela peut m'éclairer, je t'en prie.

- Eilhart m'a transformé ; par vengeance, je l'ai mise sur la paille. J'ai donc une petite fortune qui dort dans la banque Vivaldi, vu que la vie de sorceleur est assez frugale. Toi, tu as besoin d'assez d'argent au point de t'abaisser à bosser avec Dijkstra. Je te file cet argent et dès que possible, tu m'aides à redevenir un homme.

- Philippa est une magicienne puissante, ce ne sera pas facile de renverser le sort, avertit Triss.

- Le temps est sans importance. Pas plus que la douleur.

- Tu as dit la même chose pour qu'on t'ouvre la cage thoracique sans anesthésie ? demanda Geralt.

La magicienne eut une grimace de douleur à l'idée.

- Oui et non.

- Le marché me convient beaucoup mieux que celui avec cet… homme, coupa Triss. Il vaut mieux un poison que l'on connaît, après tout. Sur un autre sujet, pourquoi vous vous intéressez à cette affaire ? C'est en rapport avec Ciri et Luffy, n'est-ce pas ?

Ace sortit de sous sa tunique la lettre et la donna à Triss alors que Geralt résumait les faits :

- C'est Jaskier qui a volé l'or et qui est, pour le coup, prisonnier de Menge. Et Jaskier a été vu avec Ciri et Luffy en ville.

- Ça change tout, comprit Triss.

- Dans mon état, il faudra que j'attende demain soir, voire après-demain, pour investir leur QG, pointa Ace. Vu que ma haine pour Eilhart est connue de tous, si je débarque en disant que j'ai des infos à son sujet, j'ai une faible chance qu'on me laisse voir Menge, mais si j'arrive avec une magicienne… c'est tout autre chose. Je pourrais bien y aller avec Shiva, mais elle est pas assez connue.

- Et si ça remonte aux oreilles de Lambert, il ne l'appréciera certainement pas.

- Lui, je l'emmerde. Surtout que l'on a perdu onze ans par sa faute, grinça le pirate.

- Même si ça me met l'eau à la bouche comme histoire, je pense qu'il vaut mieux ne pas s'attarder, leur dit Triss. Allons rencontrer ce Cerbin.

Oui, rentrer était une bonne idée. Et Ace allait certainement se remettre au lit. Cette petite sortie l'avait fatigué, même si ça lui avait fait du bien.