Résumé du Chapitre Deux : Harry Potter squatte presque tous les jours chez Severus, au point que celui-ci l'invite à rester la nuit. Il fait trop froid dans le cottage, alors ils finissent par dormir ensemble. Harry montre à Severus une lettre de l'ACCT, signée W. Terrence Cartogan et l'invitant à l'inauguration de la statue des héros sur le Chemin de Traverse. Harry raconte ce qui s'est passé dans la Forêt interdite pendant la bataille finale, comment la famille Malfoy a trouvé la mort, comment s'est passée sa rencontre avec Dumbledore. Il explique aussi que Ginny ne se souvient pas du tout de lui. Le Ministère refuse de rendre ses souvenirs à Hermione et Harry a appris que le Ministère et l'ACCT organisaient une réunion de restructuration du Chemin de Traverse. Enfin, Tolstoï se comporte étrangement après avoir mangé des Dragées Victoire et Severus pense que ça cache un truc pas net.
Trigger warning : Ce chapitre présente une description un peu violente. Vous pouvez l'ignorer en ne lisant pas la partie de « Chapitre 9 » jusqu'au saut de scène suivant (ϟ ϟ ϟ). Une note de fin de chapitre résume cette scène.
Chapitre Trois
Les suspicions de Severus concernant les Dragées Victoire sont confirmées par le test de leur enrobage. Il en a fait fondre une petite quantité dans un pot au-dessus d'un bec Bunsen qu'il s'est procuré à la braderie organisée par le lycée local, en juin. En comparant la quantité de liquide relâchée par les dragées traditionnelles, Severus peut conclure avec assurance qu'un autre ingrédient a été ajouté aux Dragées Victoire, ce qui a pour conséquence de rendre son enrobage moins visqueux que celui des Dragées Surprises. Severus suspecte un philtre de paix ou un exhausteur d'humeur, mais avec les restrictions imposées sur sa magie, il ne peut pas identifier précisément ce qui a été ajouté.
Potter, bien qu'il soit absolument inutile pour le genre de recherche en potions qui requièrent de penser en dehors des instructions, offre un sujet d'étude convenable. Severus a tout juste la patience de finir ses explications pour la troisième fois sur la précision de sa surveillance des réactions du sujet avant d'en avoir marre et de fourrer une poignée de Dragées Victoire dans sa bouche. Il est intéressant de noter que le visage de Potter peut prendre différentes teintes de rouge sous la colère, mais Severus ne retient pas cette réaction, certain qu'elle est plus due à la manière dont les dragées ont été administrées qu'à leurs effets.
« Est-ce que vous vous sentez différent ? demande Severus, en le fixant avec intensité.
— Non. J'ai toujours envie de vous étrangler », rétorque Harry, accompagnant ces mots d'un regard noir. Son expression commence à se détendre, cependant, et Severus remarque que Harry s'assied dans une position plus relâchée. On est mercredi et Severus allume la radio pour écouter le bulletin météorologique agricole.
« Elles sont censées avoir quel goût de toute manière, ces dragées ?
— Du bonheur », répond Severus avec un air aigri. La boîte est sur la table de la cuisine, à côté des deux autres que Harry a achetées. « Ne me demandez pas quel goût est censé avoir le bonheur.
— Un mélange de bubble gum et de Bièraubeurre, répond distraitement Harry, souriant à Severus. On devrait sortir pour se promener. Il fait beau et j'ai pas encore vu toute la propriété.
— Vous êtes de bonne humeur, constate Severus d'un ton neutre, écoutant le souffle du vent dehors.
— Bah… je suppose, oui. Tout a l'air plus léger. » Harry hausse les épaules.
« Est-ce que vous pouvez vous souvenir de la guerre ? » Severus a sorti son carnet et commence à prendre rapidement des notes.
« Oui, mais c'était il y a longtemps. Ça a l'air si loin.
— Loin, en effet. Est-ce que vous pouvez mentir, Potter ?
— Probablement. Je l'ai déjà fait plusieurs fois avant.
— Mentez-moi alors, dit Severus en croisant les bras.
— Je vous déteste. »
Harry sourit, et sort du salon, laissant Severus frustré parce qu'il ne parvient pas à déterminer si le jeune homme ment ou pas.
ϟ ϟ ϟ
Potter était resté pendant déjà un peu moins d'une semaine. Severus trouve que leur petit arrangement pour dormir est très étrange – il n'avait encore jamais partagé son lit avec un autre homme. Ça a l'air de bien fonctionner, cependant, étant donné qu'il ne fait plus aussi froid durant la nuit et que le lit semble beaucoup plus confortable, d'une certaine manière. Il n'y avait eu aucun contact inapproprié, pas que Severus ne se soit inquiété qu'il fasse quelque chose pendant qu'il était endormi, mis à part pour ce matin, quand il avait senti l'érection matinale de Potter pressée contre sa cuisse.
Severus avait prétendu être endormi, et il avait passé une dizaine de minutes à établir le programme de la journée, tout en réfléchissant au sentiment d'étrangeté suscité par le fait d'être touché par les parties génitales d'un autre homme (bien que ce soit à travers deux épaisseurs de vêtement). Harry s'était réveillé en sursaut, se retournant immédiatement vers l'autre côté du lit, et restant allongé, tendu. Severus avait laissé sa respiration retrouver son calme, et n'avait montré aucun signe d'être conscient lorsqu'il avait senti Potter glisser hors du lit et descendre l'échelle.
Malgré tous ses défauts, Severus est soulagé que le grenier du cottage soit aussi silencieux. Il attend suffisamment longtemps pour que le café soit mis à chauffer avant de sortir du lit et de se diriger calmement vers l'échelle. En s'asseyant sur le premier barreau, Severus peut se pencher en avant (et sentir ses tempes pulser du sang qui lui monte à la tête). De cette manière, il peut observer l'intérieur de son salon. Potter se tient là à côté de la fenêtre, vêtu seulement d'un pantalon en flanelle duveteuse orné d'un trou à l'arrière de son genou gauche, et d'une chemise grise banale qui dépasse de sous le pull Weasley vert qu'il porte. Il a une épaisse paire de chaussettes en laine aux pieds. Ses cheveux sont d'une longueur respectable, sa coupe plus longue et plus mature, en particulier si on la compare à la coupe ridicule qu'il arborait lors de sa cinquième année à Poudlard. Il y a deux jours qu'il ne s'est pas rasé, et ça se voit sur son menton et sous son nez. Ses épaules sont larges pour quelqu'un de sa stature.
Potter a refermé ses bras autour de lui, serrant visiblement.
Ce n'est pas un geste délibéré, et Severus est presque certain que Potter ne réalise pas qu'il est en train de le faire. Il se tient simplement là, et serre ses bras juste au-dessus des coudes, frottant légèrement ses mains contre sa peau. Sa tête est un peu baissée, et il semble se tenir là, renfermé sur lui-même.
Severus se souvient de ce que Potter lui a dit des Weasley. Un mort, un sourd, un défiguré et une amnésique. Bien qu'il n'ait jamais pensé que Potter et la Weasley femelle puissent faire fonctionner autre chose qu'une relation fraternelle, il a le sentiment que ses actions sont presque répréhensibles. Il est certain que Ginerva Weasley savait que ses souvenirs de Voldemort et les terreurs de la guerre étaient si intrinsèquement liés à Potter, qu'en oblitérant le premier, elle condamnait également le second.
Au rez-de-chaussée, une main pâle se tend vers la nuque de Potter, les cheveux qui y sont coupés légèrement irréguliers. Il frotte la peau au-dessus de son épaule, ses doigts dansant le long de ce que Severus suspecte être une cicatrice.
Il réalise que Potter sait. Harry Potter sait que sa petite amie a choisi de l'oublier. Severus se redresse en faisant du bruit et descend l'échelle, marmonnant à propos de ce qu'il va acheter ce matin-là au marché. Il offre un bref signe de tête à Potter, et ne dit rien au sujet de ce réveil de nature sexuelle. Les épaules de Potter relâchent une partie de leur tension, comme si elles s'étaient attendues à une attaque. Severus n'est pas très bon pour offrir du réconfort, mais parfois, ne rien dire est sa manière de signifier beaucoup.
La Gazette du Sorcier est posée sur la table de la cuisine, la première page monopolisée par la foule sur le Chemin de Traverse, et étrangement, Harry Potter. Severus fixe la photographie avec attention, et quelque chose ne va pas dans les détails. C'est un cliché pris depuis l'entrée du Chaudron Baveur, qui montre Potter se pressant de traverser la rue. Il a l'air étrange cependant, ses cheveux sont un peu plus courts, et son visage – Severus cligne des yeux doucement, et fixe l'homme qui se tient dans sa cuisine, qui sort des scones du four en se protégeant de la chaleur avec des maniques usées. Severus réalise qu'il s'agit d'une vieille photo. Il l'étudie de plus près et voit Florian Fortarôme à l'arrière-plan, ouvert et noir de monde. Severus ne s'est pas rendu sur le Chemin de Traverse depuis mai, mais Potter lui avait dit la veille que le marchand de glace était toujours fermé.
« Avez-vous trouvé quel est l'endroit préféré de Harry Potter au Chemin de Traverse ? » Severus lit la description de l'image avec dédain. « C'est quoi cette merde ? »
Potter revient à table avec les scones, sortant une plaquette de beurre du réfrigérateur.
« Ils organisent un concours. Trouver les éclairs qu'ils ont cachés sur le Chemin de Traverse avant l'inauguration de la statue pour remporter un prix.
— Est-ce que vous avez accepté ça ? demande Severus, haussant un sourcil.
— Vous êtes con ? Bien sûr que non. » Potter déchire son scone, le parfum de la citrouille explosant au-dessus de la table. « Le Chemin de Traverse est encore assez vide, et je pense qu'ils utilisent mon nom pour y attirer plus de monde.
— Vraiment, Potter, c'est un peu exagéré même pour vous », dit Severus, ouvrant le journal et lançant un regard assassin à une publicité pour les Dragées Victoire. Ses yeux se promènent jusqu'à trouver un article d'une taille très modeste au sujet de la rentrée officielle de Poudlard retardée au lundi 5 octobre.
« C'est vrai, ça ? » Potter prétend blaguer. « J'ai regardé qui était ce Cartogan, par ailleurs, à la Bibliothèque de Londres. »
Severus regarde le beurre fondre dans les poches d'air de ses scones.
« Les Cartogan possèdent Tissard et Brodette, répond Severus avec précision, sur le ton d'un homme à qui ont aurait dit petit garçon que certains magasins étaient trop bien pour lui. Une échoppe du Chemin de Traverse dont la clientèle est constituée de familles de Sang-Pur.
— Ouais, accorde Harry, resservant du café dans la tasse de Severus. C'est être un peu étroit d'esprit de supposer qu'il est de Sang-Pur, cependant. Les Cartogan remontent jusqu'au XVe siècle dans la généalogie moldue. Enfin, ils ont commencé comme Catogan, quelqu'un a ajouté le R en cours de route.
— D'accord. C'est des Sang-Mêlé. Qu'est-ce que ça a à voir avec ces dragées ridicules et le fait que le ministère retienne vos souvenirs, Sherlock ? » Severus termine son petit-déjeuner et rince son assiette dans l'évier. Il y a une liste de courses sur le frigidaire, à côté des cartes postales de Potter, qu'il fourre dans sa poche.
« Chais pas. Pourquoi est-ce que le propriétaire d'une boutique de vêtement haut de gamme voudrait s'associer avec moi ? » demande Potter, levant les bras pour désigner du regard ses vêtements dix fois trop grands et trop usés.
Potter marque un point, mais au moins, il a l'air à l'aise avec ça, se dit Severus.
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Potter est présent cette fois-ci pendant la visite de l'Auror, caché sous cette foutue cape d'invisibilité. Severus suit sa routine habituelle de ranger ses courses du marché pendant que l'Auror vérifie les reçus. L'Auror remarque les quantités supplémentaires de nourriture que Severus a achetées pour la semaine à venir, et l'interroge à ce sujet.
« Je me prépare à hiberner », répond-il avec un regard noir, et l'Auror lève les yeux au ciel. Les questions de routines reviennent, mais Severus remarque que cette fois-ci, l'Auror ne l'interroge pas au sujet de Potter. Non, à la place, quand il a fini de questionner Severus sur les sorts qu'il a utilisés, il se recule et sort sa baguette.
« Montre-moi où est Harry Potter. » L'Auror sourit malicieusement et Severus reste impassible. Il espère fervemment que la cape camouflera Potter, comme elle avait pu le faire pour le garçon dans une situation similaire quand il avait essayé ce sort à Poudlard. Au grand désarroi de Severus, bien qu'il n'en montre aucun signe, la baguette commence à vibrer et pointe en direction du salon.
« Potter est venu ici », dit l'Auror, avec l'air du chat qui a réussi à coincer la souris. Il se lève, tout comme Severus, et entre dans le salon. La baguette se braque vers la cheminée, et Severus observe depuis l'entrée, les bras croisés et les yeux plissés. La baguette s'agite en direction du manteau de cheminée, et Severus retient un ricanement quand il découvre l'œuvre de Potter. Maintenant, il sait ce qu'il bricolait avec son vieux chiffon.
L'Auror tient une petite poupée moche, coloriée avec un marqueur pour représenter grossièrement une chemise rouge et un jean. De larges traits noirs indiquent les lunettes, et il y a un éclair jaune au milieu de son front.
« C'est une poupée vaudou, explique Severus avec un sourire en coin. Ça fait partie de ma thérapie de gestion de la colère. »
L'une des bûches dans la cheminée bouge très légèrement, et Severus réalise que Potter se tient pratiquement dans l'âtre.
« Avez-vous amené les ingrédients de potion ? demande Severus, distrayant l'Auror.
— Bien sûr. Ils sont dans le carton, comme d'habitude. »
L'Auror est agacé, et Severus suspecte qu'il est très déçu de ne pas avoir retrouvé le Garçon-Qui-A-Survécu.
« Vous ne savez toujours pas où se trouve Potter, n'est-ce pas ? demande Severus, en parvenant à contenir sa langue acérée.
« Ne me prenez pas de haut, Snape. La maison de la famille Black n'est plus sous Fidelitas depuis un an. Nous savons qu'il vit là-bas. »
L'Auror semble très sûr de lui, et Severus penche la tête sur le côté.
« Et donc vous êtes ses gardes du corps personnels maintenant ? Comme cela semble peu digne d'un héros national.
— Pas juste national, Snape, prévient l'Auror en le pointant de sa baguette. Il est le héros du monde sorcier, et sa place est en Angleterre. »
L'Auror repart, et Severus se retrouve à méditer sur cette déclaration perturbante. Après cinq minutes, quand ils sont sûrs que l'Auror ne reviendra pas sur ses pas, Potter retire sa cape et s'éloigne de l'âtre.
« Est-ce qu'ils peuvent traquer où je me trouve, si j'utilise la magie ? demande Potter tout en secouant ses chaussettes pour en faire partir la suie.
— Est-ce que vous pensez vraiment qu'on aurait enduré vingt ans de guerre et d'impasse si le Seigneur des Ténèbres et ses Mangemorts avaient pu être localisés avec un simple sort de suivi de magie ? »
Le "Rictus de Snape", breveté, atteint son plein régime, et Potter a la grâce d'avoir l'air penaud suite à sa question stupide.
« Rendez-vous utile et apportez la boîte contenant les aumônes du ministère », dit Severus, sortant le tableau blanc qu'il a acheté au magasin à prix unique en ville. Toutes leurs pistes sur la conspiration de Potter sont inscrites, en sténographie Pitman. Les symboles déroutent complètement Harry, mais Severus les comprend comme une seconde langue maternelle. Il ajoute la citation de l'Auror concernant "sa place est en Angleterre", et recopie la seconde lettre que Potter a reçue de Cartogan et de l'ACCT. Celle-ci est rédigée sur un ton bien plus agressif, et Severus est certain que Cartogan sait y faire avec les vendeurs présomptueux.
« Eh bah, ça c'est flippant, dit Harry, interrompant les réflexions de Severus. Les enfants à Poudlard n'ont parlé de ça il n'y a que quelques jours. »
Il tient dans sa main une boîte d'un rouge vif. Il y a un grand V blanc centré dessus en arrière-plan, dans une police grasse sans empattement, avec une grenouille détaillée au-devant. La grenouille a une baguette dans sa bouche, et une couronne de travers sur sa tête. Grenouilles Victoire, avec un cœur crémeux spécial "saveur euphorie", et une nouvelle collection de cartes de sorciers. Severus la fixe, se demandant déjà quels seront les effets physiques des grenouilles, et combien des morts seront sur les cartes.
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Un jour plus tard, le 26 septembre, un samedi, Severus tombe de l'échelle et perd conscience. C'est un spasme qui est remonté le long de sa jambe alors qu'il descendait pour préparer le petit déjeuner, et Potter est à ses côtés en un éclair.
Severus ne s'en souvient pas. Il ne se souvient pas s'être brisé la jambe, il ne se souvient pas s'être abîmé les côtes, il ne se souvient pas d'avoir toussé du sang. Il n'oubliera pas, cependant, la douleur qui traverse son torse quand il se réveille, allongé dans le lit, avec Potter qui lui panse le torse. Il est dans tous ses états, et Severus ne comprend pas pourquoi, jusqu'à ce que la douleur le submerge.
Il entend une autre voix, une voix plus calme et plus légère et il peut voir juste à sa droite, sans trop se tourner car sa tête le lance, qu'il y a un petit portrait donnant des instructions à Potter tandis qu'il travaille à soigner Severus. C'est celui d'une sorcière portant une robe démodée, et elle a la patience de composer avec la nervosité du jeune homme. Severus lui trouve un air familier et il se demande s'il n'aurait pas vu un de ses portraits dans le bureau du directeur. Il sourit légèrement, se demandant si Potter a transplané jusqu'à Poudlard et volé le portrait, ou bien s'il se trouvait au square Grimmaurd. L'infirmière semble plus âgée que madame Pomfresh, et il se demande si Potter est parti chercher le portrait et le matériel en premier, ou bien s'il a commencé par faire léviter Severus à l'étage.
S'il l'a fait léviter. Oh merde.
« Potter. » Severus grimace au goût dans sa bouche et se demande quelle potion le jeune homme lui a enfoncée dans le gosier. Le portrait l'entend, et commence immédiatement à l'interroger.
« Quel est votre nom, mon cher ? Vous avez fait une petite chute, reposez vous un peu.
— Combien de sorts avez-vous lancés ? » Sa voix n'est pas aussi exigeante qu'elle l'est d'habitude, et Severus ne peut pas se concentrer suffisamment pour lancer un regard noir digne de ce nom. Bien sûr que Potter a utilisé sa magie, il n'y a aucun moyen qu'il soit capable de traîner un homme de 75 kilos jusqu'en haut de l'échelle sans faire plus de dégâts, et Severus peut déjà sentir qu'une attelle a été installée autour de sa jambe.
Sa question trouve réponse, cependant, quand des coups furieux sont portés à la porte d'entrée. Ça ne dure qu'un instant avant que la porte ne soit ouverte d'un Alohomora vicieux, parce que Severus n'est pas un homme libre et qu'il ne s'attend pas à avoir une vie privée. Il a juste le temps de cligner des yeux avant qu'une autre potion ne soit versée dans sa gorge, et ensuite les fioles et le portrait sont glissés dans les ombres des chevrons.
Potter est prêt quand ils montent à l'échelle, et Severus compte trois Aurors, deux qui montent et un qui reste dans la cuisine. Ils ont tous l'air débraillés, peu habitués au contact humain dès six heures du matin.
« Tu as atteint ta limite là, Sn… Potter ! » C'est le plus jeune Auror, celui qui lui rend visite chaque semaine, qui est arrivé en premier et qui se retrouve du mauvais côté de la baguette de Potter. Severus observe la baguette d'un peu plus près, et lui trouve un air familier. Ce n'est pas sa baguette originale.
« Mais qu'est-ce que vous foutez là ? » Le second Auror est entré dans la pièce, et soudain Severus prend conscience d'à quel point le petit grenier est minuscule, puisque les Aurors sont plaqués contre sa commode et que Harry est penché au bout du lit pour ne pas se cogner la tête contre le plafond.
« Je collecte des fonds pour une œuvre de charité, cingle Potter, et Severus se demande d'où il sort ce talent soudain pour le sarcasme.
— Vous… vous avez manqué un rendez-vous au Ministère hier. »
C'est le second Auror qui lâche ça, celui que Severus ne reconnaît pas, et par le durcissement des yeux verts de Potter, Severus sait que ce n'était pas la bonne chose à dire.
« Pourquoi est-ce que vous connaissez mon emploi du temps ? » demande-t-il, et Severus voit resurgir le tempérament qui avait investi le garçon en cinquième année. Sa tête commence à se sentir cotonneuse cependant, la commotion est passée et les antidouleurs font effet, et Severus doit mobiliser un effort conscient pour rester concentré sur la conversation.
« Et pourquoi est-ce qu'il vous a fallu vingt minutes pour arriver ici après que j'ai lancé trois sorts connus pour réparer les os ? »
Severus fronce les sourcils à ces mots avant de se souvenir de la douleur dans son torse et dans ses jambes. Fractures multiples, il semblerait.
Il y a un silence dans la pièce avant que le premier Auror n'offre sa réponse très très stupide. « Réparer les os. Pas les briser. »
Severus ne se souvient pas de grand-chose après ça. Il entend divers cris de la part des Aurors, et la voix étrangement calme de Potter tout le reste du temps, une voix qui semble bien plus dangereuse que toutes les menaces que pourraient concocter les Aurors. Il se souvient de Potter flanquant les Aurors à la porte, et qu'il parte pour aller parler au ministre. Kingsley Shacklebolt avait été assez gentil pour proposer à Snape un accord négocié en sous-main – ils voulaient à l'origine lui interdire toute magie, mais il a l'impression que Potter va tout de même faire face à quelques difficultés. Il est leur héros, et il y a le groupe du Chemin de Traverse qui essaye de faire de lui leur égérie. Severus sait qu'ils vont avoir beaucoup de mal avec l'idée du Garçon-Qui-A-Survécu cohabitant avec un Mangemort emprisonné.
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Un livre fin est posé sur la petite table de chevet qui est poussée juste sous les chevrons, et n'a toujours pas été ouvert. Severus est allongé, sa jambe estropiée soutenue dans l'écharpe attachée au vieux cadre de lit en fer forgé. Il entend la porte s'ouvrir au rez-de-chaussée, et du fracas quand Harry laisse tomber sa cape sur le sol, et balance ses bottes vite fait. La première sur les carreaux de la cuisine, la seconde sur le parquet du salon, là où se trouve l'échelle. Il peut le deviner au bruit que chacune d'entre elle fait en atterrissant par terre, et sous peu il se retrouve à soutenir le regard hanté d'Harry Potter, qui jette un coup d'œil par-dessus la trappe au sol. L'homme se hisse sur la distance restante et vient se tenir au bout du lit, son écharpe tombant autour de son cou en un nœud qui a été desserré, ses cheveux repoussés sur le côté, son nez et ses oreilles rougies par le froid. La lueur de la bougie est indulgente, les cercles sous ses yeux sont moins prononcés, et il semble avoir une carrure plus carrée en se tenant à côté de Severus.
Il tremble et semble voir des spectres.
Severus essaye de se redresser, pour attirer ce garçon ridicule au lit, et lui dire de dormir pour faire disparaître les cauchemars, mais un éclair d'agonie remonte le long de sa jambe et Severus grimace, s'agrippant au muscle de son mollet comme s'il y avait une crampe. Il gémit fort suite à ce mouvement, étant donné que ses côtes renâclent à bouger. Potter tressaille, et saisit du regard l'écharpe dans laquelle est sanglée la jambe de Severus, et se tourne immédiatement. Il passe par la trappe avec ce même manque de grâce qui faisait son charme lorsqu'il était enfant, glissant en bas de l'échelle. Severus entend la porte claquer quand Potter quitte le cottage, et il sait que ce satané gamin a oublié sa cape. Un léger craquement de transplanage au loin lui donne confirmation. Severus n'est pas étonné d'entendre le garçon revenir une vingtaine de minutes plus tard.
Il est, cependant, surpris de le voir remonter l'échelle avec ce qui ressemble à une taie d'oreiller pleine de matériel provenant de Ste Mangouste.
« Est-ce que je ne suis qu'un pauvre, Robin des Bois ? » demande Severus, son ton certainement pas aussi dédaigneux qu'il aurait dû l'être en temps normal. Sur le moment, il est soulagé de pouvoir échapper aux couteaux qui se sont logés dans ses os.
« Ils ne vous ont jamais soigné. Et les nouvelles blessures n'aident en rien », répond Potter, déversant son butin sur le lit et retirant son pull. Il fait froid dans le grenier ; la chaleur de la cheminée ne peut pas les atteindre, mais Harry ne frissonne pas. Il rampe à quatre pattes sur le lit, une chaussette tombant à moitié de son pied, et une expression déterminée sur le visage.
Severus autorise sa tête à retomber contre l'oreiller. Il ne sait pas quelle heure il est, mais il a l'impression qu'il n'y a que quelques instants que Potter a mis les Aurors à la porte. Il y a encore de la lumière qui traverse la fenêtre cependant, alors ce doit être l'après-midi. Il voit que Potter a volé des compresses, et il espère que sa jambe le laissera dormir cette nuit. Ce n'est pas tant que Ste Mangouste – de mauvaise grâce – ne l'avait pas soigné, seulement qu'ils n'avaient jamais pris en compte l'atteinte aux nerfs que la magie ne pouvait pas soigner.
« Ce sera plus facile si nous retirons votre pantalon », annonce Potter d'un ton neutre, tenant un paquet devant ses yeux pour l'étudier. Il semble ne pas se rendre compte du regard assassin que lui lance Snape.
Il a autorisé Potter à partager son lit uniquement pour résoudre la problématique du chauffage, et aussi parce qu'il sait que le canapé du rez-de-chaussée est merdique. Il doit attendre encore quatre ans avant de pouvoir le remplacer, avec le ministère qui surveille de près ses dépenses.
Severus croise lentement les bras et jette sur Potter un regard appréciateur, un qu'il sait pouvoir désarçonner le garçon.
« Est-ce là une tentative malavisée de flirter avec moi ? »
Severus est récompensé d'un rare sourire, un qui par le passé était réservé aux seuls amis proches de Potter, mais qui est maintenant offert à Severus presque tous les jours.
« Non. Je veux seulement vous déshabiller », répond Potter tout en sortant sa baguette.
Severus écarte sa proposition d'un geste de la main, s'imaginant ce que les Aurors diraient s'ils examinaient la baguette de Potter et y trouvaient un sort de déshabillage.
D'ici à ce qu'ils parviennent en effet à lui retirer son pantalon, et à le tourner sur le côté, Severus est suffisamment endolori pour ne plus en avoir rien à foutre que Potter voie ses sous-vêtements noirs, ou bien qu'il lui masse la jambe de ses doigts subtils. Il remarque, cependant, que les joues de Potter rougissent très légèrement lorsque ses doigts frottent l'intérieur des cuisses de Severus.
Potter reste neutre et ne dit rien de l'excitation dont Severus fait l'expérience grâce à ce massage. Severus le surprend en train de le fixer – il serait difficile de faire le contraire étant donné qu'il n'y a pas grand-chose pour le retenir – et c'est une erreur humaine que le regard soit attiré vers cette zone-ci dans une société où tout le monde est habituellement très habillé. Il trouve étrange que Potter semble être presque fasciné par le fait d'avoir causé cette réaction chez un autre homme.
« Iain s'est inquiété pour vous.
— Le marché… expire Severus avec une grimace lorsqu'un muscle particulièrement tendu est massé.
— J'ai pu livrer une partie des produits. Il a dit qu'il y avait un petit marché pour les touristes le mercredi où je pourrais vendre le reste. »
Severus hoche la tête, et se dit de ne pas s'inquiéter pour l'argent aussi tôt. Il a toujours été très méticuleux avec son budget, mais Potter a prouvé qu'il était au moins en mesure de cuisiner. Severus espère que les drogues que le jeune homme lui a administrées pour la douleur lui permettront d'oublier qu'il s'en est remis intégralement à Harry Potter.
« Pourquoi est-ce que vous ne m'aviez pas dit que vous aviez passé votre accord avec Shacklebolt ? demande Potter, et bien que son ton soit léger, Severus peut sentir son agacement.
— Je ne voyais pas en quoi cela vous concernait, répond Severus avec colère.
— Ah vraiment ? rétorque Harry. J'ai débarqué là-bas aujourd'hui en exigeant que je sois autorisé à vous rendre visite, en exigeant que je sois autorisé à contribuer à votre budget nourriture – »
Potter lève la main pour couper court aux protestations de Severus.
« Ne dites pas un mot au sujet de l'argent. Vous savez que vous ne pouvez pas survivre à un hiver ici avec ce qu'ils vous donnent. »
Sa chemise est levée et Severus jette un bref coup d'œil vers le bas. De ce qu'il peut voir, le côté gauche de son torse est couvert d'une unique ecchymose d'une taille impressionnante.
« Shacklebolt a argumenté avec mois pendant vingt minutes. Six mois à Azkaban et une amende de 250 Gallions. Pourquoi vous n'avez pas plutôt choisi ça ? »
Potter est exaspéré, mais Severus peut voir qu'il cherche seulement à comprendre ses choix.
« Ce n'était pas suffisant. »
La voix de Severus n'est plus aussi maîtrisée que d'ordinaire, mais c'est seulement dû à la douleur qu'il ressent. Potter lui adresse un regard très ferme, et Severus est soulagé de ne pas voir de pitié dans son expression.
« Vous n'avez pas tué Charity Burbage. »
Severus réalise que ça a dû être une bonne querelle pour que Shacklebolt en vienne à expliquer à Potter les véritables raisons pour lesquelles il est assigné à résidence.
« Ne pas avoir empêché son meurtre me rend tout autant coupable. »
Une fois que sa jambe est enveloppée, et que ses côtes ont reçu le même traitement méthodique, Severus observe Potter s'installer en tailleur pour récupérer tout son matériel. Severus peut sentir la chaleur des compresses qui pulse sur son torse et sur sa jambe, apaisant lentement la douleur dans ses nerfs et dans ses os. Respirer profondément est un peu douloureux, et il est reconnaissant à Potter d'avoir coincé des pulls, roulés sur eux même, à côté de lui pour l'aider à rester immobile. Il regarde tandis que Potter remet son pull et change ses chaussettes mouillées. Il y a une feuille perdue dans ses cheveux, et Severus se demande s'il est sorti, s'il a travaillé dans le jardin.
« J'ai eu une entrevue de trente minutes avec le Magenmagot aujourd'hui, dit Potter, debout à côté du pied du lit.
— Et ?
— Et ils ont offert étonnamment peu de résistance à ce que je loge ici. »
Severus considère cela dans son esprit embrumé par la douleur. Il se demande depuis quand l'idée que Potter reste avec lui est devenue quelque chose d'acceptable.
« Ils essayent toujours de savoir où vous vous trouvez, dit-il en fixant le plafond.
— Je suis bien plus inquiet maintenant que je ne l'étais avant », déclare Potter, se glissant par la trappe au moment où Severus ferme les yeux.
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La soirée commence tout juste quand Severus se réveille à nouveau. Il a toujours l'impression que quelqu'un a dansé sur ses côtes, mais sa jambe, bien qu'elle soit encore raide, ne lui offre plus la sensation d'être un pique-aiguilles géant. Depuis le rez-de-chaussée monte le parfum délicieux de quelque chose qui est en train de cuire, et bien que Severus ne parvienne pas tout à fait à identifier de quoi il s'agit, il peut sentir des pommes de terre et ce qu'il pense être du poulet rôti.
Severus est au chaud dans son petit cocon, et trouve plutôt détestable de devoir partir. Il a désespérément besoin d'aller pisser cependant, et décide de sacrifier l'un des sorts qui lui sont permis pour un sort d'infirmerie qu'il avait découvert la dernière fois qu'il avait été blessé. Ils savent déjà que Potter est ici, et Severus espère qu'on lui accorde un peu de répit suite à ses blessures.
Il remarque un fin paquet de feuilles sur la table à côté de lui, ce qui ressemble au chapitre d'un petit livre qu'on n'aurait pas encore relié. Il faut quelques instants de manœuvres délicates avant que Severus ne puisse l'atteindre, et alors il se retrouve à se battre contre le duvet pour rester un maximum en dessous tout en étant en mesure de lire le document. La page de titre est plutôt Spartiate, un titre de travail sans imagination "la vérité" (sans aucune majuscule), et ce surnom ridicule de "Ache" pour auteur.
Severus sait que Potter l'a laissé ici intentionnellement, et qu'écrire les mots est bien plus facile pour lui que d'avoir à raconter son histoire. Severus sait, avant même d'avoir lu la première ligne, qu'il s'agit là des souvenirs de Potter concernant ce qui s'est passé dans la forêt.
Chapitre 9.
La clairière de la Forêt interdite, celle-là même où j'avais rencontré Aragog et sa famille étendue quand je n'étais qu'un enfant de douze ans, était le lieu où se terrait Voldemort. C'était l'endroit idéal, une grande clairière profondément enfouie parmi les racines des grands arbres et protégée par leurs troncs massifs.
Nous étions accroupis, et nous essayions de ne pas regarder la condamnation des Malfoy, pendant que je cherchais des points stratégiques dans la clairière. Voldemort siégeait sur un trône de bois métamorphosé, niché sur une plateforme surélevée à l'abri de l'arbre le plus large. Les Mangemorts formaient un cercle autour de lui, encourageant les loups-garous ravageurs, étincelants d'un courant d'excitation démente. Bellatrix paraissait encore plus folle qu'elle avait pu l'être dans mes souvenirs du Département des Mystères.
Le groupe qui m'accompagnait gigotait et s'agitait, se détournant pour ne pas avoir à regarder le bain de sang un peu plus loin. Le nom de Draco Malfoy fut appelé, et il fut mené au centre du groupe. Nous regardâmes, nous ne pouvions plus détourner le regard, entourés par l'odeur âcre de la mousse et de l'écorce et celle inexplicablement douce du pollen. Le visage de Ron devint terriblement blême lorsqu'il fut témoin du désespoir de Draco face au choix qui lui était offert. Peut-être qu'il voyait la même chose que moi. Draco Malfoy, le garçon de onze ans tout maigre qui semblait jouer à porter les vêtements de son père.
Ginny vomit lorsqu'elle vit Draco essayer de s'ôter la vie. George recula d'un pas, pour s'éloigner de cette vision, et Neville avait recouvert les yeux de Luna. Je pouvais deviner qu'Hermione recherchait frénétiquement un sort qui permettrait de ne pas dévoiler notre position – nous étions tous, Draco inclut, rien d'autre que des enfants. Je n'ai rien fait. J'ai regardé, horrifié, tandis que le choix de vivre était retiré à Draco, tout comme ça avait été le cas pour moi. Je vis la lumière verte au même instant où Voldemort décidait pour Draco, et ordonnait aux loups de revenir. Le flash lumineux venait de ma droite, où se tenait Ron, une expression sinistrement calme sur le visage. Rien ne trahissait qu'il venait tout juste de commettre son premier assassinat.
Draco tomba rapidement, silencieusement, et sans exprimer aucune douleur physique. Voldemort était enragé, appelant ses Mangemorts à nous débusquer, à faire sortir celui qui avait tué par compassion. Je fixais le corps sans vie de mon rival, et ordonnait à mes amis de s'enfuir. Fuir pour aller chercher de l'aide, aller chercher des munitions, n'importe quelle raison qui pourrait les faire partir. Personne ne remit en question mon ton ferme, et personne ne se retourna pour s'assurer que je restais caché. J'attendis jusqu'à ce qu'Hermione, la dernière du groupe, disparaisse au-delà de la crête de la forêt, et retourne au château.
Je commençais par jeter des pierres. Quelque chose en moi s'était brisé durant ces derniers instants, un quelconque espoir auquel je m'étais raccroché et qui s'était affaibli au fil des ans. Je jetais des pierres en direction de Voldemort, bombardant sa petite plateforme. J'en sortis une de ma poche (qui n'était pas une pierre en réalité, mais un projectile assez ressemblant), et la lançais juste en dessous de la plateforme. Les Mangemorts criaient après moi, Voldemort gloussait, et moi je hurlais en retour. Je hurlais pour ma mère, pour mon père, pour un petit garçon qui avait grandi sans recevoir d'amour. Je hurlais pour un jeune homme qui en avait enfin eu assez et qui voulait mettre fin à la partie.
Il fallut moins d'une minute pour que Voldemort en ait assez et qu'il me fasse venir à lui. Il fit léviter mon corps comme une poupée de chiffon sans valeur, jusqu'à lui, et je n'essayais même pas de le combattre. Je me retrouvais à flotter juste au-dessus de l'homme qui m'avait tout volé, mon cou pris dans une étreinte mortelle lorsqu'il se leva et s'adressa à moi avec suffisance.
Je n'entendis pas un mot. Je n'en avais pas besoin.
Quelque part derrière moi, Bellatrix avait décidé qu'elle voulait prendre part aux festivités et lança un sort de flagellation, me fouettant de l'épaule à la cuisse avec du fil de fer barbelé chauffé à blanc. Ceci allait à l'encontre des règles que Voldemort avait établies, et les quelques secondes de sa colère envers Bellatrix furent tout ce dont j'avais besoin.
Pendant l'année que j'avais passé en cavale, j'avais appris à maîtriser quelques sorts basiques sans baguette. Je parvins à murmurer "Accio goupille" malgré la main qui était fermée autour de ma gorge, et je fis face à Voldemort, ainsi qu'à ma propre mort, avec un sourire.
Un an plus tôt, en mai, le professeur Severus Snape m'avait dit quelque chose qui m'était resté en tête pendant toute l'année qui avait suivi. Alors qu'il fuyait Poudlard après avoir donné la mort au directeur, nous nous sommes battus en duel et il m'a hurlé "Pas d'Impardonnables de votre part, Potter !" Il avait raison. Je n'ai jamais été en mesure de les faire fonctionner correctement. C'est pour cette raison que je m'étais préparé avec des moyens d'autodéfense un peu plus moldus, incluant la ligne de grenades à main développée par Weasley, Farces pour sorciers facétieux. C'était une de ces grenades que j'avais sortie de ma poche et lancée sous la plateforme, et dont je venais d'invoquer la goupille. Il ne fallait attendre que dix secondes pour qu'elle explose, et la dernière chose que je vis fut l'expression confuse de Voldemort, avant que tout ne devienne aveuglément blanc.
Je n'avais aucun moyen de savoir qu'il y avait dix otages attachés à l'arbre derrière nous. Je ne savais pas que quatre personnes étaient en train d'essayer de les sauver.
Je ne peux qu'espérer qu'ils n'aient pas souffert lorsque je les ai tués.
ϟ ϟ ϟ
Le dîner, qui lui est apporté au lit, se passe en silence. Potter ne dit absolument rien à propos de ce qu'il a écrit, et Severus n'a pas encore de questions à lui poser. Il se voit offrir un autre massage de la jambe, ainsi qu'une potion dégoûtante, administrée par un Potter silencieux tandis que la Médicomage lui donne un cours sur la repousse des os et les blessures aux côtes. Il est content quand Potter range le portrait, et ne manque pas de remarquer les mouvements violents du jeune homme lorsqu'il se déshabille et enfile son pantalon de pyjama. Severus a gagné en mobilité durant la journée, et il retire sa jambe de l'écharpe afin de pouvoir s'étirer. Il se tourne légèrement pour voir les mouvements étranges de Potter, étudiant ses saccades. La journée a été longue, et Harry est à fleur de peau.
Potter se tourne juste assez pour permettre à Severus de voir son dos nu à la lumière de la bougie, et les cicatrices sont à présent plutôt évidentes. Il y a une ligne dure qui traverse le dos de Potter comme une rivière, grêlée là où les barbelés ont frappé. Le centre de la ligne est presque blanc, et les arêtes de chaque côté sont rouges, là où sa peau a été brûlée. Si Bellatrix n'était pas déjà morte, Severus aurait été tenté de lui administrer un poison qui aurait singé les effets du sort qu'elle avait utilisé.
Harry monte dans le lit et jette ses lunettes sur la planche de bois qu'il a clouée aux chevrons de son côté du lit. Elle fait office de table de chevet, étant donné qu'il n'y a pas assez de place pour en mettre une deuxième. Il se roule en boule immédiatement, son dos tourné vers Severus, en position fœtale défensive classique.
Severus se tourne lentement sur le côté lui aussi, et après un moment passé à étudier la nuque de Potter et le bout d'épaule exposé par son tee-shirt trop grand – le bout de clavicule qu'il frotte inconsciemment – Severus place sa main sur son épaule, et presse doucement. L'homme tressaille, il n'y a pas d'erreur là-dessus. Severus parcourt doucement de la main le chemin emprunté par la cicatrice, se faufilant sous le col de son haut et tapotant doucement. La peau est rugueuse, et bien que la magie ait servi à soigner la blessure, les marques sont profondes. Ça a dû faire un mal de chien.
« Je n'ai rien d'autre à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur », dit Severus, citant Churchill.
Potter laisse la tension s'échapper pendant que la main de Severus reste ancrée sur son épaule, et Severus peut alors sentir une main plus petite mais tout aussi calleuse se poser sur la sienne.
« Si tu traverses l'enfer, ne t'arrête pas », cite Potter en retour. Potter se dandine jusqu'à se retrouver un peu plus au milieu du lit, rendant la prise de Severus sur son épaule un peu plus confortable, et semble trouver le sommeil plus vite que d'habitude. Aucun d'eux ne bouge lorsque Severus laisse sa main glisser plus bas, la plaçant paume ouverte entre les omoplates de Harry.
Severus n'est pas surpris de se réveiller allongé sur le dos au beau milieu de la nuit, avec Potter recroquevillé contre lui, un bras autour de ses épaules.
ϟ ϟ ϟ
Un petit déjeuner intéressant est présenté à Severus le lendemain matin. Potter est vêtu d'un jean de travail élimé et d'un pull aux mailles larges et aux manches longues. Il a l'air d'un garçon de ferme, et place un bol devant Severus accompagné d'une tasse de café. Le bol contient une pomme cuite au four avec de l'avoine concassée à l'intérieur, et du sucre roux. Severus s'assied dans le lit et place le plateau en équilibre sur ses cuisses. Potter lui a apporté la Gazette du Sorcier, qui inclut un article sur le flot d'enfants sur le Chemin de Traverse, à la recherche de l'éclair d'or.
« Je ne resterai pas alité bien longtemps, Potter », dit Severus, tentant d'utiliser sa voix de professeur la plus menaçante. Ses lèvres contusionnées en affaiblissent quelque peu l'effet.
« Vous vous êtes cassé trois côtes, ainsi que votre jambe en cours de guérison. Laissez-moi rire, vous allez rester ici un peu plus longtemps. »
Potter est assis, adossé au pied du lit et mange son petit déjeuner comme s'il s'agissait d'une pomme normale, les flocons d'avoine s'échappant de part et d'autre lorsqu'il croque dedans.
« En parlant de rire, elles sont désopilantes vos mémoires, vous savez ? » raille Severus, sarcastique. Il désigne du chef le chapitre sur la table de chevet. Il n'est pas surpris de voir Potter se tendre.
« J'ai pas la vie la plus marrante qui soit, j'en ai bien peur.
— Ah, je ne suis pas d'accord, commence Severus, grimaçant en respirant profondément. L'expression de Lucius Malfoy était plutôt amusante pendant qu'il expliquait au Seigneur des Ténèbres comment il avait perdu son elfe de maison. »
Potter sourit à ces mots, et Severus lève la main pour décompter sur ses doigts.
« Lockhart essayant vainement de surpasser un gamin de douze ans, le spasme involontaire de Slughorn confronté à la liste de potions que vous avez détruites…
— Vous êtes sadique, réplique Potter, se retenant de rire.
— Et vous, vous êtes coupable d'homicide involontaire, tout au plus. »
Potter soupire et repose son assiette. Severus a terminé son petit déjeuner lui aussi, et commence à défaire les bandages autour de sa jambe. Le muscle qui a été détruit par le venin de Nagini ne répond pas du tout aux remèdes magiques, et l'os brisé de sa jambe se répare petit à petit.
« Je sais ce dont je suis coupable. Vous êtes bien placé pour savoir que le monde sorcier devrait être conscient que leur héros est faillible. »
Potter retire les plats du lit, et se met sur ses genoux, mettant en place de nouveaux bandages et une attelle.
« J'ai passé sept années à mettre en avant vos défauts, Potter. Dieu me garde de commencer à les ignorer maintenant.
— Je ne pense pas que mon pauvre cœur pourrait le supporter si c'était le cas », répond Harry. Il observe les nombreuses ecchymoses sur la jambe, et offre à Severus les pilules antidouleur moldues qu'il a rapportées.
« Quoi qu'il en soit, si vous avez l'intention de faire publier la vérité, je vous recommande de partager vos souvenirs avec vos collègues en amont. »
Potter a rapporté une sorte de baume moldu pour les muscles de la pharmacie du village, très certainement pendant que Severus dormait le jour précédent. Severus accepte à contrecœur de l'essayer, étant donné qu'il ne compte pas utiliser ses sorts alloués pour la journée uniquement pour soulager ses douleurs.
« Vous avez raison. En particulier pour Ron. »
Cette fois, Severus parvient à se détendre complètement sous les bons soins de Potter, et il ne rougit même pas lorsqu'il durcit suite aux attentions qu'on lui porte. Contrairement à la veille cependant, Potter ne détourne pas le regard.
« Je… Est-ce que vous voulez mon aide pour ça ? » Potter désigne l'entrejambe de Severus d'un geste, en se rasseyant sur ses talons.
« Ce n'est absolument pas nécessaire », rétorque Severus, se sentant soudainement ridicule et très exposé avec le peu de tissu qui le couvre. Il veut remonter la couverture sur lui, mais Potter est en train de le masser juste au-dessus du genou et ses côtes sont encore trop sensibles pour permettre des mouvements rapides.
« Je sais que ce n'est pas nécessaire », répond calmement Potter. Il ne regarde pas Severus dans les yeux, mais il ne bouge pas non plus.
« Je suis parfaitement en mesure de satisfaire mes besoins », répond Severus d'un ton sec, un peu moins dur qu'il ne l'aurait voulu.
« Vous l'êtes, et je le suis », sourit Harry, mais c'est un sourire distrait et embarrassé. Il se frotte la nuque doucement, là où se situe la cicatrice. « Parfois, cependant, c'est très agréable si quelqu'un d'autre s'en charge pour vous.
— Alors vous aviez planifié cela depuis un moment déjà ? » Severus l'assassine du regard, ses yeux plissés et froids. C'est une habitude qu'il a hérité d'être de mauvaise humeur lorsqu'il est mal à l'aise, et bien qu'il en soit pleinement conscience, ce n'est pas quelque chose qu'il essaye de combattre. Il couvre son entrejambe de ses mains, sachant que cela n'aide en rien à détourner l'attention portée dessus.
« Non ! Je… Je ne pense pas être queer », lui assure Potter. Il a l'air désarçonné, et cela aide Severus à se sentir mieux. « C'est juste que la guerre a été longue et sombre. Encore pire pour vous qu'elle ne l'a été pour moi. Et je pensais que vous pourriez trouver un peu de réconfort, vous savez, si vous fermiez les yeux… même si cela venait de moi. »
Severus le fixe du regard, fixe la rougeur sur ses joues sous les lunettes usées à la John Lennon, ses cheveux ébouriffés aplatis du côté gauche étant donné que c'est le côté sur lequel il a dormi. Malgré tout ceci, Potter ne ressemble pas à un adolescent attendant sa première fois dans le noir. Il ressemble plus à un homme négociant pour un peu de réconfort après en avoir été dépourvu pendant longtemps, et Severus sait qu'il s'agit là du scénario le plus probable. Ses deux meilleurs amis se sont fait la court, avec des hauts et des bas, depuis plusieurs années maintenant, mais les seules chances d'avoir un peu de compagnie que Potter avait pu construire avec la plus jeune Weasley lui ont été arrachées lorsqu'elle a reçu l'oubliette.
Severus a perdu trop de temps dans ses pensées. Il sursaute lorsqu'il sent une main chaude recouvrir les siennes, mais il ne la repousse pas. Harry continue à le regarder droit dans les yeux, frottant son pouce contre les mains de Severus. Severus n'avait pas ressenti un tel degré d'excitation avec une érection depuis bien longtemps, et bien que la majorité de ses pensées lui hurlent de mettre fin à cette inconvenance, il met ces pensées de côté et commence lentement à écarter ses mains.
Potter interprète ceci comme une permission, et aplatit sa paume, la laissant remonter contre le dessous du pénis de Severus. Severus fait exactement ce que lui a suggéré Potter un instant plus tôt ; il ferme les yeux et se concentre uniquement sur les sensations. Potter n'a encore jamais fait cela avec un homme, Severus en est presque certain, étant donné que ses mouvements ne sont pas fluides. Ses doigts sont fermes cependant, et ils savent quelle pression est tolérable, voire même désirable. De lents mouvements, de bas en haut, la texture de son caleçon offrant un frottement étrangement bienvenu, et le bout de son pénis dépassant de la bande élastique.
« Vous êtes vraiment chaud », dit Potter, et Severus entrouvre un œil.
Il est surpris que la voix rauque de Potter ne rompe pas le charme. Cette déclaration est d'ailleurs plutôt redondante, puisque Severus a l'impression d'être tout rouge, qu'il a tout sauf froid à cet instant.
Une autre main se place sur lui, des doigts inquisiteurs répandant le liquide pré-éjaculatoire sur son gland exposé tandis que les longues caresses continuent, plus intenses et plus rapides et plus fortes et –
« Ahhh », murmure Severus. Il s'agit de l'exhalation de tous les grognements et gémissements qu'il retient en lui, et ses yeux se ferment tandis que son sexe éjacule. Severus est vaguement conscient de mouvements, la sensation du sperme brûlant sur son ventre. Son pénis, débandant, irradie de chaleur. Il ouvre les yeux et voit Harry Potter portant une expression plutôt désespérée, les mains dans son pantalon tandis qu'il se branle. Le mouvement est flou, masqué par plusieurs couches de vêtements, mais Severus remarque la décontraction minime de son expression faciale lorsqu'il jouit, sentant une barrière se relâcher.
Potter est silencieux, et attrape bizarrement son éjaculation au vol avec un mouchoir dans un geste précis qui ne laisse rien au hasard.
« Les Dursley n'ont pas la même définition d'autoflagellation, explique Potter, en désignant le mouchoir humide dans sa main. Et Pétunia a toujours été douée pour voir les taches.
— Ah, ça oui », accorde Severus avec précaution. Potter utilise la serviette qu'il avait apportée pour s'essuyer les mains de la crème moldue comme chiffon pour nettoyer Severus, et se rassied sur ses talons. Sa braguette est ouverte, et une partie de son pénis repose maintenant contre son jean tandis qu'il reprend sa taille normale.
« Satisfait de votre petite expérience ? » demande Severus, mais il ne parvient pas tout à fait à être méchant. Il vient tout juste d'être amené à l'orgasme par un ancien étudiant, et la sensation de dégoût qui devrait envahir son esprit est surprenamment absente.
Potter penche la tête sur le côté, et le considère du regard.
« Oui. Je me sens à nouveau humain. »
Résumé de la scène un peu violente : Le chapitre 9 des mémoires de Harry Potter raconte la bataille dans la Forêt interdite où les Malfoys ont perdu la vie. Harry a ensuite demandé à ses amis de partir de chercher de l'aide, et a commencé la bataille, affrontant à lui seul Voldemort et les Mangemorts rassemblés. Il a été blessé par un sort de Bellatrix, laissant une cicatrice en travers de son dos. Il a utilisé une grenade au dernier moment pour tuer Voldemort, sans savoir que 14 autres personnes étaient présentes dans la zone de déflagration.
