Résumé du Chapitre Quatre : Les conditions de détention de Severus sont légèrement allégées par la présence de Harry au cottage. Ils commencent à enquêter sur les guildes de commerçants et leur intérêt pour le développement économique du Chemin de Traverse. Notamment la place prépondérante qu'occupe un certain Cartogan. Ce Cartogan leur rend d'ailleurs visite pour inviter de manière plus agressive Harry à participer à la cérémonie sur le Chemin de Traverse. À cette occasion, Severus et Harry se rapprochent beaucoup. Physiquement. Leur enquête avance également lorsqu'ils apprennent que le terrain sur lequel est bâti le Chemin de Traverse est une propriété du ministère de la Magie. Harry discute avec Ron et Hermione de ce qui s'est véritablement passé dans la forêt pendant la bataille finale, et sa relation avec Ron en pâtit. Severus propose de préparer une potion qui pourra diminuer la surdité de Ron, afin de réparer leur relation. Enfin, Severus profite de sa fenêtre de 4 heures de liberté pour aller voler des livres à la British Library. Et quand Harry le retrouve au cottage, il lui apprend que Walter Terrence Cartogan a été assassiné en pleine rue, par un Auror.
Chapitre Cinq
Potter retire les ingrédients de potions dont Severus a fait la demande de sa poche et les place sur la table basse, avant d'utiliser des pierres qu'il a récupérées dehors pour représenter des personnes sur la carte. Il reconstitue le meurtre tel qu'il s'en souvient, et Severus est perturbé par le manque de banalité qu'il y a là-dedans.
« Ils se préparent pour cette stupide inauguration de statue, et il y avait pas mal de monde dans la librairie pour voir s'ils ne pouvaient pas y trouver un des éclairs d'or. »
Potter se frotte à nouveau la nuque, là où se situe la cicatrice. Severus préfère de loin cette habitude nerveuse, bien plus que lorsqu'il passait sa main dans ses cheveux en bataille.
« Est-ce qu'il faisait des achats à Fleury et Bott, cependant ? Ou est-ce qu'il était seulement là pour affaire avec un autre membre de sa petite association de commerçants, se demande Severus en observant la carte au sol.
— Pas d'achats, répond Harry, pensif. Il avait un attaché-case avec lui, et il avait l'air agacé.
— Nous devons établir la liste des ennemis que Mr Cartogan avait, annonce Severus, attirant à lui le registre d'impôts que Harry a posé sur la table.
— Bien, ça peut aider. »
Severus observe Harry sortir un petit sac en perles qu'il a rapporté, un qui ressemble remarquablement à un sac à main de femme. On dirait bien qu'il a connu des jours meilleurs, et Severus trouve qu'il clash horriblement avec le blazer bleu de Harry.
« Potter, êtes-vous sûr que vous ne – commence Severus, un sourire en coin en réponse à la fausse expression agacée qu'il a suscitée.
— C'est le sac d'Hermione. On l'a utilisé tout le temps l'année dernière. »
Il en retire plusieurs textes très utiles – Severus feuillette immédiatement La Nature de la Noblesse : Une Généalogie Sorcière – et pousse une exclamation triomphante lorsqu'il tombe sur une barre au chocolat et à la crème d'une marque moldue.
« Et est-ce que Miss Granger est au courant que vous le lui avez subtilisé ? »
Harry déballe la barre et en casse un gros morceau, ratant presque sa bouche lorsqu'il la mange. Il en offre un morceau à Severus avec un sourire.
« C'est une fille intelligente. Elle comprendra où il est passé. »
Ils passent le quart d'heure suivant à feuilleter le livre, essayant de voir si Cartogan avait des ennemis valant la peine d'être suspectés. La seule chose qu'ils trouvent, cependant, c'est que Cartogan était le maître de la section sorcière de la Compagnie des Marchands Tailleor.
« Regardez s'il n'y a pas d'autres guildes sorcières sur le Chemin de Traverse, ordonne Severus, allant chercher son livre d'histoire moldue et commençant à chercher dans la section correspondant au début du tournant du millénaire.
— Je pense avoir découvert comment les Grenouilles Victoire ont vu le jour, dit Potter, avec un grand sourire sur les lèvres. Et je sais pourquoi le Chemin de Traverse semble toujours avoir en stock ce par quoi les élèves sont les plus intéressés.
— Ça s'appelle le marketing, Potter », interrompt Severus en levant les yeux au ciel. Il s'installe sur le canapé, détendu, sa mauvaise jambe posée sur la table basse. Potter est étalé sur le sol, des livres recouvrant les lignes des propriétés sur la carte par-ci, par-là.
« Ça s'appelle aussi l'espionnage, Snape. Vous vous souvenez quand je vous ai dit que les Cartogan avaient acquis leur R à un moment ?
— Venez-en au point.
— Vous avez déjà rencontré le portrait du chevalier du Catogan à Poudlard, non ? Le chevalier un peu fou qui gardait l'entrée de notre tour en troisième année, et qui n'arrêtait pas de nous donner des mots de passe impossibles. Apparemment, c'est l'arrière-grand-père de Cartogan. »
Severus tapote son livre du doigt et fronce les sourcils.
« Et il était aussi membre de la Compagnie des Marchands Tailleor, constate Severus.
— Correct, sourit Potter. C'est comme imprimer son propre argent. Vous écoutez de quoi les gamins parlent le plus, et vous le mettez en rayon dès qu'ils sont là. »
Severus se permet un moment de jubilation avant de désigner le passage qu'il était en train de lire.
« Oui, très bien, Potter, mais cela n'explique pas pourquoi Cartogan a été assassiné. Ceci, cependant, est bien plus intéressant. »
Severus tourne le livre pour que Potter puisse le lire, et prend un air satisfait de lui quand les mots prennent sens. Potter commence à répartir les sacs d'ingrédients sur la carte délimitant les différentes propriétés, un peu comme un joueur de cartes diviserait ses piles de jetons.
« Vingt-sept échoppes sur le Chemin de Traverse, murmure Potter.
— Et dix-sept guildes différentes mixant sorciers et moldus, conclut Severus. »
ϟ ϟ ϟ
Quand Tolstoï arrive, ils sortent, Severus emmenant le garçon dans le jardin pendant que Potter commence la potion pour Weasley. Il a installé un plan de travail à l'abri dans la cabane, et travaille à partir des notes de Severus. C'est comme suivre à nouveau les annotations du Prince de Sang-Mêlé, et Harry se sent à l'aise.
Les légumes ont tous été récoltés maintenant, et Severus profite de l'aide de Tolstoï pour réparer la clôture qui sépare le jardin. Il n'a pas vraiment eu de problème avec les animaux, mais Severus installe du grillage à poules pour ne pas avoir à s'embêter au printemps. Tolstoï n'est pas particulièrement doué pour l'aider, étant donné qu'il n'a absolument aucune coordination pour attacher le grillage au poteau, et que Severus ne lui fait pas confiance avec la pince à découper. Son propre esprit est occupé par la liste des guildes qu'il a trouvée dans le livre un peu plus tôt, et il ne réalise pas qu'il en murmure les noms dans sa barbe jusqu'à ce que Tolstoï se mette à les répéter également. C'est une répétition imparfaite, cependant, étant donné qu'il en a changé l'ordre. Tolstoï met la Compagnie du Sel en premier, suivie des Papetiers, et enfin les Marchands Tailleor.
Severus est tout juste en train de contempler la possibilité d'utiliser une hache sur une souche noueuse autour de laquelle le grillage refuse de s'attacher quand il entend Tolstoï hululer. C'est un son étrange, un son qu'il n'avait encore jamais produit, mais c'est une imitation surprenamment précise d'une chouette. Severus comprend pourquoi il le fait quand il lève les yeux et remarque qu'une petite chouette fonce à travers les protections du Ministère, droit sur lui.
Severus reconnaît la chouette comme l'une de celles qui rendaient visite à Potter à Poudlard, mais il ne parvient pas à comprendre pourquoi elle vient pour l'embêter lui. Il accepte la note que porte l'oiseau bien trop exubérant, après l'avoir menacé de sa canne. La note est brève, et surprenamment rédigée avec les mêmes signes de sténographie que ceux que Severus utilise. Il sait que Potter avait découvert cette habitude seulement après avoir imposé sa présence au cottage, et comprend qu'il a dû en parler à Granger, car il s'agit bien là de son écriture.
« Merci pour tout. Je suis sûre que la maman de Harry vous aurait pardonné à ce jour. »
Severus peut presque entendre la voix enjouée et agaçante de Granger en lisant ces mots et il voit rouge. Pas la teinte de rouge d'un puissant taureau décidant de charger, mais la rouille métallique et proche de l'orange qui lui donnait le mal des transports lorsqu'il était enfant, quand son père le conduisait en primaire.
« Tolstoï, va à l'intérieur et prépare le thé, dit Severus, lâchant ses outils sur le petit plateau qu'il a apporté.
— Va à l'intérieur et prépare le thééééé », répète Tolstoï, se levant et marchant, sans un autre regard pour Severus.
Severus attend qu'il atteigne la porte, avant de partir en tempête là où Potter brasse la potion.
ϟ ϟ ϟ
« Potter ! Mais qu'est-ce que vous leur avez raconté, bon sang ? » grogne Severus, agitant la lettre en l'air. Il se tient tout juste à la limite de la propriété, à quelques centimètres près de déclencher le minuteur.
« Mais de quoi est-ce que vous parlez ? Raconter à qui ? » demande Potter, l'air perplexe. Il y a une grande tache violette sur sa manche, et une feuille dans ses cheveux, mais il a l'air remarquablement composé après avoir brassé cette potion complexe.
« Pourquoi est-ce que Miss Granger a ressenti la nécessité de porter un jugement sur ma pénitence ? » siffle Severus, parlant à travers ses dents serrées. Il a la satisfaction de voir Potter blêmir. « Et pourquoi est-ce qu'elle s'imagine que le pardon de votre mère aurait la moindre signification pour moi ?
— Je ne sais pas », bégaye Potter, reposant la fiole qu'il vient tout juste de remplir. Il ressemble à un étudiant adossé au mur qui n'aurait pas révisé pour la leçon du jour, et le fait qu'il se tienne juste à côté d'un chaudron sur un plan de travail n'aide vraiment pas.
« Tout ce que je leur ai raconté, c'est ce qui s'est passé quand je vous ai vu dans le bureau du directeur. »
Potter reste intelligemment en dehors des limites de la propriété, hors de portée de Severus.
« Si je comprends correctement tous les éléments, vous avez partagé le souvenir privé de mon amitié avec votre mère – que je vous ai transmis uniquement parce que je pensais que vous étiez sur le point de mourir – avec Weasley ET Granger ? »
Potter a le don de pousser Severus vers la crise d'apoplexie, et il se dit que pour une fois, il n'y a pas de réel besoin de s'assurer que Potter sorte vivant de cette dispute. Après tout, le Seigneur des Ténèbres n'est pas près de revenir.
« Vous ne m'aviez pas dit qu'ils étaient privés ! crache Potter en retour, se rappelant apparemment qu'il n'est pas étudiant et qu'il n'est plus lié par le règlement de Poudlard. Excusez-moi de leur avoir donné quelques justifications au regard de mon obéissance envers vos ordres. »
Il glisse la bouteille dans sa veste brusquement et replie les instructions. Toujours légèrement hors de portée de Severus, Potter semble ignorer le poing levé.
« Oui, Potter, parce que je l'avais pris vraiment bien quand vous aviez fourré votre nez dans ma Pensine pendant nos leçons d'occlumancie ! »
La voix de Severus semble encore plus grave, si possible, et son regard froid étincelle de colère. Potter le regarde droit dans les yeux cependant, son expression dure.
« Vous aviez vos appartements privés à Poudlard. Est-ce que c'était vraiment si difficile d'y enfermer la Pensine ? le défie-t-il.
— Vous n'auriez pas dû fouiner, sale petite merde ! crache Severus.
— J'avais quinze ans ! À quinze ans on est stupide, tout le monde sait ça, se défend Potter. Mais maintenant je sais pourquoi il s'agissait de l'un de vos pires souvenirs. Est-ce que maman vous a rejeté après que vous l'ayez traité de Sang-de-Bourbe ? Est-ce qu'elle vous a poussé à courir rejoindre vos petits amis Mangemorts ? »
Le ton de Potter est moqueur, et Severus a les mains qui le démangent de le gifler. La délimitation de la propriété est presque visible maintenant, étant donné que leur colère s'embrase et que les protections vrombissent suite aux interférences.
« Aucun de vos parents n'a fait de moi un Mangemort, Potter. »
Severus a un air de triomphe. Il ne donnerait pas à James Potter l'honneur de l'avoir poussé à commettre une erreur aussi coûteuse alors qu'il n'était qu'un adolescent.
« Ah non ? Pourquoi êtes-vous devenu l'un d'eux alors, Snape ? » Potter fait disparaître les ingrédients de potion de la table et s'avance pour faire face à Severus, la chaleur entre eux deux étant presque partagée. « Les avantages étaient bons ? »
Le sarcasme ne lui convient pas. Severus sort sa baguette et se repasse la liste des sorts autorisés dans son esprit. Il semblerait que Potter fasse de même, et parvient à la conclusion que Severus ne peut pas lui faire bien mal. Pas magiquement, en tout cas.
« C'est pour ça que vous ne voulez pas que ça se sache, c'est ça ? demande Potter, sa voix calme alors même qu'il accuse Severus. Vous avez fait tout ça parce que vous aimiez ma mère. Et elle ne vous aimait pas en retour. »
Potter s'est maintenant suffisamment rapproché pour que Severus puisse enfin l'attraper, empoignant le col de chemise du garçon et tirant à nouveau un Potter qui se débat à l'intérieur de la propriété.
« Qu'est-ce que vous pouvez bien connaître à l'amour ? dit Severus, son élocution lente et mesurée, son rictus mauvais à quelques centimètres du visage de Potter. Vous n'êtes pas Lily Evans.
— Croyez-moi, Snape, grogne Harry en retour, se libérant de la prise de Severus, son expression un mélange de colère et de rejet. Je sais qui je ne suis pas. »
Il trébuche en reculant d'un pas, et avant que Severus ne puisse lui lancer un maléfice ou bien même une flopée de sarcasmes, transplane.
ϟ ϟ ϟ
La jambe de Severus lui joue des tours après le travail dehors dans le froid, et donc il prend son thé dans le salon. Tolstoï aime la cuisine, et décide de rester là pendant qu'il compte et recompte les pots d'apple butter sur la table. Le livre de coloriage avec lequel Iain l'a envoyé est abandonné à côté de la fenêtre.
Severus avance lentement dans les chapitres des mémoires de Potter, puisqu'il a promis de les corriger et qu'il sait aussi que c'est la meilleure manière de supprimer les informations qu'il ne souhaite pas que Potter publie. Bien au courant des habitudes scolaires de Potter, Severus est certain que ceci est l'unique copie de ses mémoires, et que Potter reviendra pour elle. Il n'a pas encore atteint le chapitre dans lequel Potter le retrouve dans le château avant la bataille.
Il y a un bruissement en provenance du cellier, qui lui fait presque penser qu'il y aurait des souris dans ses réserves de farine et de riz, mais il a examiné la pièce au mois d'août et sait pertinemment que rien ne peut entrer. Il reste sur le canapé, à annoter le manuscrit avec un petit crayon rouge, et attend de voir si Tolstoï va révéler ce qu'il est en train de tramer simplement au bruit.
Il ne faut que cinq minutes de plus, juste après que Severus entende un faible gloussement en provenance du cellier. Le son vient juste d'un peu en décalé de l'entrée, et alors qu'il se lève pour aller chercher le vieux dictionnaire de sa mère dans la bibliothèque, il voit Tolstoï agenouillé par terre, le grand pot de haricots rouges dont Severus se sert pour alourdir ses tourtes en face de lui. Une de ses manches est relevée, l'autre non, un grand sourire éclaire son visage tandis qu'il plonge ses mains dans les haricots et les observe rouler à travers ses doigts.
« Tolstoï ! »
La remontrance de Severus ne suscite que plus de gloussements, et les haricots continuent d'être ressassés.
Il entre doucement dans la pièce et confisque le pot de haricots, refermant le couvercle avec fermeté avant de le remettre sur l'étagère. Il se penche, aide Tolstoï à se remettre sur ses pieds, et est assez surpris de voir que Tolstoï n'est pas dérangé lorsqu'il le touche. Le garçon fredonne bruyamment, avec contentement, cependant, et conduit Severus hors du cellier, de retour dans la cuisine.
« Très bien, Tolstoï. On va préparer le dîner. »
Severus abandonne le chapitre sur la table, et continue sa propre conversation à sens unique avec Tolstoï tout en préparant le dîner. Il en bave un peu pour décider quoi préparer, et se rend bien compte qu'il s'est laissé gâter pendant la courte période où Potter a cuisiné pour lui.
ϟ ϟ ϟ
Tolstoï s'est installé parfaitement à son aise dans le fauteuil de Severus, à côté du feu, après le dîner, lisant le livre de Potter sur les guildes londoniennes et ignorant complètement Severus. Le cottage est sinistrement silencieux sans Potter pour faire des allées et venues bruyantes sur le parquet usé.
Le minuteur du four sonne tandis que Severus se tourne vers le chapitre relatant sa capture au Manoir Malfoy. Potter est un dactylo surprenamment bon, et Severus n'est pas certain de savoir où il a acquis cette compétence, mais il a entendu le garçon maudire sa tante tout en trimant sur la machine à écrire, donc il imagine que ça a quelque chose à voir avec elle.
Il ne serait pas surpris d'apprendre qu'elle l'avait contraint à apprendre, si seulement ça pouvait aider pour une corvée.
Severus sort sa baguette pour mettre l'alarme du four sous silence, et observe avec attention pour voir si Tolstoï l'ignore. Il se contente de stériliser des bocaux, mais Severus n'aime pas prendre de risque avec du verre chaud dans son four plus longtemps que nécessaire. L'incantation est brève, et Tolstoï lève la tête pour voir le dernier mouvement vers le bas de la baguette de Severus. Severus se fige, se demandant s'il peut faire passer sa baguette pour un grand crayon, cependant il est curieux de remarquer que soit Tolstoï ne le voit pas, soit il est complètement indifférent à la magie. En effet, il retourne à sa lecture, comme si l'alarme avait été la seule chose perturbante pour lui.
Le feu est agréablement chaud dans l'âtre, et Tolstoï psalmodie une liste de membres de la guilde dans sa chaise. Severus retourne aux écrits de Potter, où il est surpris par l'hésitation qu'a démontrée le jeune Malfoy à essayer d'identifier Potter. Il y a plus de typos dans cette section, et Severus peut presque sentir l'anxiété que Potter a dû ressentir avec ces mots.
Sa concentration est à nouveau perturbée par Tolstoï lorsqu'il descend de sa chaise, son livre apparemment abandonné sur le siège. Tolstoï plane au-dessus de la carte du Chemin de Traverse, prenant le porte cure-dents en céramique et le faisant sautiller le long de la rue comme un client. Il répète la liste des guildes que Severus a mentionnées plus tôt, et cette fois l'ordre dans lequel il les a placés a plus de sens. Tolstoï commence par la Compagnie du Sel à nouveau, gardant son pion sur la route du Chemin de Traverse, et puis quand il arrive à Fleury et Bott il cite les Papetiers, Tissard et Brodette pour les Marchands Tailleor, les Merciers pour Madame Guipure, tout le long jusqu'Au Bon Chaudron.
« Quincailliers », dit Tolstoï, levant la tête en croisant le regard de Severus. Il place le porte-cure-dent sur le magasin de chaudrons et semble content de lui.
Le jeu, si Severus peut l'appeler ainsi, est interrompu par un coup à la porte. Tolstoï se lève immédiatement pour répondre à la porte, s'arrêtant juste en face d'elle pour demander répétitivement qui est la personne qui leur rend visite.
Iain offre un sourire chaleureux tandis qu'il se tient dans l'embrasure de la porte, habillé en velours côtelé confortable avec une veste cargo noire. Il a l'air d'un homme qui travaille correctement la terre sur laquelle il vit, tout comme Severus le fait maintenant.
« Pas de problème, hein ? demande Iain, désignant Tolstoï d'un coup de tête.
— Aucun, répond Severus, tendant sa veste à Tolstoï pour qu'il puisse l'enfiler. Enfin, sauf peut-être le moment où il a mis la main dans les haricots rouges. »
Iain se contente de rigoler.
« Il passait la main d'dans ? Il fait la même chose avec la farine. » L'accent d'Iain est épais, mais il n'est pas empreint de malice, et il sourit à son petit-fils comme si de rien n'était.
« Je vais devoir m'assurer que le cellier est fermé désormais. » Severus affiche un petit sourire, qui sort un peu de travers. « Au revoir, Tolstoï.
— Au r'voir Rus », répond Tolstoï, hésitant en traversant la porte d'entrée avec sa main sur la poignée de porte. Il ne se retourne pas.
Il attend un petit moment, comme s'il écoutait la réponse de quelqu'un d'autre, avant de parler à nouveau.
« Au r'voir Otter », ajoute Tolstoï, du même ton robotique et monotone.
Severus a un rictus amusé sur le visage, un qui correspond un peu à celui d'Iain, même si Potter n'est pas là. Tolstoï n'a pas vu Potter transplaner non plus, heureusement, et semble penser qu'il est à portée de voix, ailleurs dans le cottage.
« Ça me fait penser, commence Iain, posant ses mains sur les épaules de Tolstoï. J'aurai besoin que quelqu'un le surveille jeudi soir, pour quelques heures. Ça s'rait possible ? »
Severus n'a pas de problème avec ça, puisque Tolstoï est calme et facile à surveiller. Il hoche légèrement la tête, cataloguant mentalement quelles tâches il pourra préparer pour jeudi.
« Ça ne sera pas un problème. Un autre rendez-vous d'affaires ? demande-t-il.
— Reprogrammé. Un décès dans une des plus vieilles familles avec lesquelles je travaille, vous savez comment c'est, sourit Iain, ses yeux scintillant sous l'ampoule nue de l'entrée d'une manière un peu trop familière.
— Je connais », concède Severus, se souvenant de ce qu'un décès dans la famille signifiait à une réunion de Mangemorts – en général toute la famille était éliminée.
Tolstoï retourne soudainement dans le salon, où il récupère une petite voiture à lui qu'il avait oublié sur le tas formé par le manuscrit. La carte du Chemin de Traverse est heureusement hors du champ de vision d'Iain, de l'autre côté de la table basse, quand Severus remarque que le regard d'Iain balaye le salon, intégrant tout ce qu'il voit.
C'est un cottage très vétuste, et Severus sait qu'Iain peut déduire cela grâce au canapé délabré et au papier journal roulé en boule pour calfeutrer le coin d'une des fenêtres.
« On écrit un livre là, mon gars ? demande soudainement Iain, espionnant le manuscrit sur la table basse et poliment ne faisant aucune remarque sur l'état de délabrement du cottage.
— Des corrections, dit Severus, affichant un sourire sec.
— Mon collègue tient une maison d'édition, si tu veux que je place un bon mot ou deux. Son père était un ami de mon père, ce genre de choses. De quoi ça parle ? »
Severus croise le regard d'Iain et ne trahit rien par sa réponse calme.
« De recettes. Tarte aux pommes, veloutés, pain aux flocons d'avoine et à la cannelle, apple butter, scones à la citrouille. »
Iain semble y voir un vague intérêt, et conduit Tolstoï jusqu'à la porte.
« Faites-le-moi savoir si vous voulez le publier. À jeudi alors ! »
Severus laisse la lumière de l'entrée allumée, dehors tandis qu'ils remontent le chemin jusqu'à la route, Tolstoï marchant sur une ligne impeccable et Iain se déplaçant surprenamment vite avec sa canne.
ϟ ϟ ϟ
Severus n'est ni du matin ni du soir, mais pendant que Potter est parti il ressent l'étrange désir de remplir le cottage, à minima avec de la lumière, tard le soir. Il n'est pas vraiment tard en fait, il est seulement dix heures, mais étant donné qu'il s'est levé à sept heures il considère que c'est déjà bien assez tard. Puisqu'il fait un froid glacial dans le grenier, il reste au rez-de-chaussée aussi longtemps que possible, à absorber la chaleur du feu. Cet instant de paix est interrompu par des bruits de pas, et des coups impatients résonnant contre la porte. Severus fait un geste de sa baguette, ignorant avec insouciance les impositions magiques sur sa personne. Elle s'ouvre et Potter entre, bien plus calme qu'auparavant.
Severus le fixe du regard depuis le canapé, où il est encerclé par les paperasses décrivant l'année que Potter a passée en exil. D'un geste du doigt en direction de Potter, incantant mentalement l'un des rares sorts dont il maîtrisait parfaitement l'incantation sans baguette depuis qu'il était adolescent.
« Si vous vous attendez à pouvoir rester ici à nouveau, Potter, vous feriez mieux de vous préparer à ramper à plat ventre, dit-il, observant alors que Potter est suspendu à l'envers haut dans les airs.
— Agh ! »
Severus regarde Potter se dépêtrer pour garder sa prise sur l'une des boîtes qu'il a apportée, et il est impressionné quand le garçon parvient à rattraper, de la main gauche, sa baguette en train de tomber.
« Hilarant, Snape. Je ne m'excuserais pas. »
Potter lui rend son regard comme s'il avait perdu l'esprit. Il a beaucoup frotté sa nuque, Severus peut voir que la peau à l'endroit où se trouve la cicatrice est très rouge, et ses lunettes commencent à glisser de son nez.
« Il semblerait donc que nous soyons dans une impasse, commente Severus d'un ton des plus glacial.
— Ouais ? demande Potter, et il a l'air moins énervé qu'il ne l'était plus tôt dans la journée, bien qu'il soit encore un peu trop généreux sur le sarcasme. Vous n'allez pas me dire que vous ne le pensiez pas quand vous avez dit que je valais moins que ma mère ? »
Severus est dérouté et il regarde Potter continuer à lentement tourner sur lui-même dans l'entrée.
« Mais pourquoi est-ce que je dirais quelque chose que je ne pense pas ?
— Nouveau concept, je sais – Snape, laissez-moi descendre bordel, je commence à avoir le sang qui monte à la tête ! »
Severus acquiesce légèrement à ces mots, et regarde Potter tomber par terre avec fracas, parvenant à pousser la boîte sur le côté pour éviter d'atterrir dessus.
« Je vous ai acheté des fruits frais, espèce de vieux con misérable, plus frais que vous n'en trouverez jamais à Kirkwall. »
Il lui tend la boîte, mais Severus ne bouge que pour l'assassiner du regard.
« Je suis difficilement vieux, Potter. Et qu'est-ce que vous insinuez avec vos fruits ? »
Potter est perplexe.
« Rien ? Vous êtes le seul professeur qui avait un bol de fruit dans son bureau. Tous les autres avaient des bonbons. Je pensais… enfin, vous n'aimez pas les fruits ? »
Severus le fixe un moment de plus avant de faire un signe de tête avec raideur en direction du canapé. Plus tôt dans la soirée il avait été prêt à complètement virer le garçon de sa vie, mais il est un peu perturbé par la pensé que Potter, Potter hein, avait remarqué ses petites manies concernant le grignotage.
« On ne la mentionnera plus, d'accord ? offre Potter, et Severus considère cela pendant un moment.
— Pourquoi est-ce que vous êtes revenu ?
— J'étais suivi », dit Potter, lâchant la Gazette du Sorcier sur la table à côté de lui. Severus peut voir que le gros titre est au sujet de l'assassinat de Cartogan, et que l'Auror qui en est responsable est décrit comme étant "toujours sujet au stress de la guerre".
« Toujours par la personne mystérieuse ? lance Severus, impassible, feuilletant le journal.
— Non, par l'Auror qui est là-bas », dit Potter, désignant du doigt le coin de la photo en couverture. Il emporte la boîte de fruit dans la cuisine, et Severus espère qu'il y a assez de place dans le frigo et dans les placards pour les ranger.
« Il n'a pas été arrêté ? demande Severus d'un ton cassant, son regard scannant l'article bien plus rapidement.
— On dirait que non, répond Potter, grignotant un des biscuits ayant survécu à la visite de Tolstoï. Tu penses que le livre pourra être publié jeudi ? »
Severus pose le journal et fusille Potter du regard pendant qu'il range les livres que Tolstoï a sortis.
« Vous poussez un peu là, Potter.
— Je veux qu'ils soient prêts pour vendredi. Je ne veux pas que cette statue soit inaugurée sans que les gens sachent ce qui s'est passé. On était en train de perdre la guerre, Snape.
— Je ne ferais aucune promesse », dit Severus, interrompant Potter avant qu'il n'aille trop loin.
Potter déplace les deux premiers chapitres de ses mémoires du canapé et se laisse tomber à côté de lui, posant ses pieds sur les coussins et se détendant. Le canapé n'est pas assez large pour qu'il puisse s'y tenir allongé tout en restant de son côté, et ses jambes reposent contre celles de Severus. Celui-ci reprend le manuscrit, son crayon rouge et marque une pause sur le nom du Seigneur des Ténèbres tandis qu'il observe la manœuvre.
Potter l'observe avec prudence, les épaules crispées en attendant de voir si le contact est acceptable.
« Vos pieds sont gelés, dit Severus après un moment, plaçant ses propres pieds sur la table basse.
— Il y a trop de courants d'air dans la cuisine », explique Potter, se détendant sur le canapé.
Severus ne débat pas sur ce point, étant donné que la cuisine ressemble à une patinoire tôt le matin et qu'il est très familier de l'effet qu'elle produit sur les pieds.
« Quand est-ce qu'Iain est venu récupérer Tolstoï ?
— Vers sept heures.
— Hmm, acquiesce Potter, relisant les notes et corrections dont Severus a rempli les marges. Tolstoï ne va pas à l'école le matin ?
— Ce ce que je suppose. Je ne suis plus directeur de maison, cependant, alors ce ne sont pas mes affaires. »
Severus se penche en avant pour rayer un mot en bas du paragraphe et est surpris quand un doigt chaud rattrape la mèche de cheveux qui est tombée en avant et la replace derrière son oreille. Ce même doigt retrace sa mâchoire, causant chez Severus un frisson qui remonte tout le long de sa colonne vertébrale.
« Que fait Iain ? Il vend des trucs au marché, tout comme vous, non ? »
La question surprend Severus, étant donné qu'il s'attendait à ce que Potter fasse un commentaire concernant le contact, ses cheveux graisseux, de sa peau rugueuse… quelque chose. Il est un peu embarrassé d'être touché ainsi, caressé comme si Harry était vraiment sincère dans l'intérêt qu'il lui porte, plutôt que seulement à la recherche d'un peu de réconfort.
« Il vend mes produits, oui, ainsi que de la viande et du poisson en conserve. Et c'est un chimiste à la retraite, si mes souvenirs sont corrects.
— Oh, alors c'est lui qui vous a donné l'énorme bocal de sels à conserver dans le cellier ? » demande Potter. Il a laissé ses mains retomber sur ses genoux, mais sa jambe est toujours pressée contre celle de Severus.
Severus acquiesce, terminant le dernier paragraphe. Il remonte rapidement au début, tapotant son crayon contre une ligne.
« C'était horriblement gratifiant de savoir qu'ils n'étaient en tout et en rien comme je l'avais imaginé », lit Severus, remarquant que Potter commence à jouer avec ses mains.
Ce chapitre détaille l'emprisonnement de Potter, et le passage où Granger hurle pour appeler à l'aide n'est pas facile à lire. Bien que les élèves de Poudlard agaçaient Severus au plus haut point, il ne leur aurait jamais souhaité de souffrances physiques. Pour la plupart.
« Ça aurait pu être bien pire, dit Potter, et à Severus il semble que ces mots n'existent que pour se rassurer lui-même.
— On m'a donné à croire que vous aviez été témoin de certaines de nos réunions, à travers votre connexion avec le Seigneur des Ténèbres, demande Severus, repensant aux nombreuses fois où le directeur l'avait sermonné sur la fameuse cicatrice.
— Une fois ou deux, seulement quand Voldemort ne masquait pas ses pensées. En fait, je ne sais même pas ce qui se passait pendant ces réunions. » Potter s'occupe maintenant en dessinant des formes de son index sur son jean, au niveau de sa cuisse, des arabesques qui s'entremêlent.
« Je me posais la question à un moment. Certains matins, pendant les cours de Défense, vous étiez assis là et vous aviez l'air d'un mort, à nous aboyer dessus. Je me demandais ce qui s'était passé, si Voldemort torturait aussi ses Mangemorts. »
Severus repose les papiers sur la table basse, étant donné qu'il en a fini avec eux pour l'instant jusqu'à ce qu'ils soient retapés.
« Il nous terrorisait, révèle Severus, la torture véritable était réservée aux prisonniers. »
Il fait nuit maintenant dehors, les fenêtres trahissant les ténèbres qui se sont abattues sur leur petit vallon, et sur leurs souvenirs. Severus n'avait jamais raconté à qui que ce soit ce qui se passait pendant ces réunions, pas même Dumbledore connaissait ces détails, étant donné que garder tout ça pour lui signifiait que Severus n'avait pas besoin de justifier sa décision stupide de rejoindre les Mangemorts.
« Seulement l'endoloris, c'est ça ? Et… et le sortilège de mort ? demande Harry, se tournant cette fois-ci pour voir la réponse de Severus.
— Nagini s'amusait un peu parfois », dit-il, gardant un ton neutre. Potter semble laisser échapper un rire sec à ces mots, à demi un hoquet et à demi un sanglot. C'est un son étrange, et Severus peut entendre le soulagement qu'il porte avec lui. Il hausse un sourcil, attendant une explication.
« Je ne suis plus vierge, Snape », dit Potter, à son ton on dirait presque qu'il n'y croit pas lui-même.
Severus continue à de fixer.
« Félicitations, Potter. Concernant cet évènement de bon augure, je regrette de ne pas avoir prévu de cadeau pour marquer l'occasion.
— Très drôle. » Potter se frotte le côté du visage, là où sa barbe est taillée de manière irrégulière. Il a l'air plutôt anxieux. « Je ne suis plus vierge à cause de ce que je pensais de Voldemort.
— Potter, le prévient Severus, secouant sa tête pour faire disparaître l'image mentale perturbante qui vient de s'y former.
— Non ! s'exclame Potter, jetant ses mains en avant, paumes écartées. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je ne savais pas ce qui se passait à ces réunions, et je n'étais pas sûr de ce que Voldemort ferait si jamais il me mettait la main dessus. Ou ce qu'il laisserait les Mangemorts faire. »
Severus peut clairement suivre ce cheminement de pensée, étant donné qu'il est assez sinistrement semblable à l'un de ceux qu'il avait eus à vingt ans, en tant que tout nouvel espion offrant à Dumbledore des informations sur les attaques.
« J'ai couché avec Ginny l'année dernière, dit Potter, et il a l'air fier de lui pour ce choix. Maintenant, ma première fois aura toujours été un bon souvenir. Je voulais ça, juste au cas où je serais capturé et que les Mangemorts… qu'ils fassent certaines choses. »
Severus tend la main et la plaque sur la bouche de Potter, parce qu'il ne veut pas avoir à lui dire que c'était en effet une peur valide.
« Le Seigneur des Ténèbres n'était pas intéressé par le sexe. Il n'était intéressé que par le pouvoir », dit-il, s'arrêtant là. Voldemort n'avait peut-être pas été intéressé sexuellement par qui que ce soit, mais Fenrir Greyback avait été un sale con à l'esprit tordu et parfois, il devait être surveillé de près pour cette raison en particulier.
Potter retire sa main, la tenant doucement entre les siennes, et l'étudie. Les mains de Severus sont ordinaires, de son point de vue, longues, légèrement larges au niveau des premières phalanges, mais plus étroites après ça, et contrairement à la croyance populaire, elles n'étaient pas tachées. Severus est quelqu'un de méticuleux, autant en tant que potionniste qu'en tant que cuisinier, et il s'enorgueillait de préparer les ingrédients de manière très propre.
« Certaines personnes disent que le sexe c'est le pouvoir », mentionne Harry en passant. Il pose sa main contre la paume de Severus, et ne semble pas surpris le moins du monde de découvrir que la sienne est un peu plus petite.
« Et pourtant, on se trouve extrêmement vulnérable », remarque Severus, se levant et se tournant pour contenir le feu pour la nuit.
ϟ ϟ ϟ
Potter le suit dans le grenier, frissonnant dans l'air froid.
« Je pensais que la chaleur devait monter », grommelle-t-il, frottant ses mains l'une contre l'autre. Il a un petit sac à dos avec lui, et Severus suppose qu'il contient des sous-vêtements propres pour encore quelques jours de plus.
« Il n'y a rien pour retenir la chaleur, répond-il, sa voix dégoulinant d'agacement.
— Ah. Il n'y avait rien. Il y a maintenant », le contredit Potter, le sourire sur son visage assez enfantin. Il lâche le sac sur le lit de Severus et en retire plusieurs petits paquets de ce qui semble être des feuilles d'aluminium au format portefeuille. Il a aussi une agrafeuse industrielle, qu'il place sur le côté pendant qu'il commence à ouvrir les paquets d'aluminium.
Severus est partagé entre regarder cet idiot et récupérer son pyjama, avec l'intention de lui lancer un sort pour le réchauffer.
« Vous avez pillé quoi, un magasin d'équipement spatial ? » demande Severus, haussant un sourcil. Potter a ouvert les paquets et déplié l'aluminium, et Severus peut voir maintenant qu'il s'agit de couvertures de survies que les randonneurs et les marathoniens utilisent. Il regarde Potter escalader la commode instable, traînant une feuille ainsi que l'agrafeuse avec lui.
« Un magasin de camping, pour tout dire », répond-il. Severus lui offrirait bien de l'aide, cependant c'est bien plus amusant de voir Potter galérer à tenir les couvertures de survies sans s'agrafer le pouce aux chevrons. « Bien moins cher.
— Donc nous allons dormir sous une sorte de tente de cirque métallique criarde, commente Severus, frottant ses mains froides tout en profitant du spectacle.
— Non–
— Enveloppés comme des pommes de terre au four », continue Severus tandis que Potter monte sur le lit et manque de se prendre les pieds dans une autre couverture. La pièce est toute petite, et Potter n'aura besoin que de quatre ou cinq feuilles pour couvrir tout le plafond. Il va jusque tout en haut, laissant une trentaine de centimètres en bas des chevrons découverts afin de laisser l'humidité s'échapper.
« J'ai reçu une lettre du nouveau leader de l'ACCT cet après-midi, dit Potter, le distrayant par ses manières peu habituelles et pas du tout subtiles.
— C'est suspicieusement rapide. Cartogan a perdu la vie ce matin », dit Severus, mordant à l'hameçon.
Il se tient debout à côté du cadre de lit, observant Potter s'étirer pour attacher la feuille d'aluminium. Son estomac se découvre un peu, étant donné que sa chemise et son pull remontent en suivant le mouvement de ses bras.
« Je sais. Et la lettre n'était pas signée par un nom en fait. Mais ils voulaient que je confirme ma venue vendredi.
— Le principal organisateur de l'évènement est assassiné en pleine journée sur le Chemin de Traverse, et ils tiennent à ce que vous soyez le fer de lance de leur cérémonie trois jours plus tard. »
Severus utilise son ton spécial "vous êtes vraiment un imbécile", mais cette fois-ci il n'est pas dirigé spécifiquement envers les actions du jeune homme.
« Je vais y aller, dit Harry, redescendant au niveau du sol et remplissant à nouveau l'agrafeuse. J'ai parlé à Ron un peu plus tôt dans la journée, et il a souligné quelque chose dont Percy et Hermione ont discuté. Le ministère n'a pas commandé la statue. Ils ne voulaient pas être liés à tout ça.
— Bien sûr que non. Le projet est horrible.
— Il vous remercie pour la potion, d'ailleurs. Il va l'essayer ce soir avec Hermione. »
Severus regarde Harry grimper de nouveau sur la commode pour installer la dernière couverture de survie. La chambre ressemble un peu à l'intérieur d'un Zeppelin, et Severus doute que ça ait un effet quelconque.
« Mmh, émet-il distraitement. J'aurai pensé que le ministère serait heureux de se retrouver au centre d'une sorte de cérémonie post-guerre. Ce serait une bonne rentrée d'argent pour leurs coffres vides. »
Potter glisse sur la commode, tombant en arrière vers le centre de la pièce. Severus agit rapidement et l'attrape au vol, ses bras forts soutenant ses hanches de Potter, ses doigts posés sur son cul.
Potter baisse les yeux, rougit, et tend ses muscles inexplicablement.
« Sans gêne, Potter », dit Severus, bien qu'il soit amusé. Il augmente la mise et raffermit sa prise. « Peut-on en déduire que vous préférez être passif ? »
Potter se cale un peu plus contre les mains de Severus, et termine d'agrafer la feuille d'aluminium aux chevrons.
« Je n'en ai pas la moindre idée, Snape. Je ne sais pas si je préfère être passif. Je pense plutôt que je resterai un opportuniste en toute situation. »
Son sourire en coin est ravageur, et Severus ne devine qu'une pointe de nervosité sur son visage, mixé à une pointe d'anticipation.
« Oh vraiment ? Est-ce qu'il faut que nous mettions cette affirmation à l'épreuve ? » Severus n'est pas tout à fait moqueur ; c'est aussi proche d'une taquinerie sans malice qu'il peut aller.
« On… on pourrait », répond doucement Potter. Ses joues sont encore bien rouges, mais Severus peut voir cette fois qu'il est sérieux. Il résiste à la tentation d'utiliser la legilimancie pour s'assurer que Potter ne prévoit pas de l'humilier, puisqu'il est ici depuis plus d'une semaine maintenant et que Severus est quasiment convaincu de l'honnêteté de ses intentions.
Après un moment de considération, Severus recule d'un pas pour lui permettre d'avoir la place nécessaire pour descendre de la commode.
« Je vous préviens Potter, je ne suis certainement guère meilleur que vous pour la chose. »
ϟ ϟ ϟ
Severus s'est déshabillé jusqu'à se retrouver en sous-vêtements, tout comme lorsqu'il avait reçu ce massage de la jambe de la part de Potter, et il s'est allongé sur le lit. Ils ont recouvert le drap d'une serviette, parce que d'après leurs souvenirs respectifs, le sexe est une activité plutôt bordélique. Il y a quatre bougies allumées dans la pièce, et bien que les couvertures de survies soient installées, Severus ne ressent pas vraiment de différence de température.
Potter est en caleçon lui aussi, et rouvre son sac à dos après une courte pause, en retirant un petit paquet de préservatifs.
« Vous avez acheté des préservatifs, Potter ? Vous êtes un petit crétin présomptueux, vous le savez ? »
Étant donné sa maladresse avec la boîte, Severus peut voir que Harry est tout aussi nerveux que lui, et il sait que pour cette expérience spécifiquement, ils sont égaux.
« Il y a marqué qu'ils aident à la pénétration », explique Potter, et murmure un peu en le disant. Il a séparé les préservatifs du reste, et s'avance vers le lit. Son érection est bien visible, contenue par son sous-vêtement, et Severus est étrangement plus intrigué que dégoûté. Après tout, Potter l'a caressé par le passé, mais Severus ne lui a pas encore rendu la faveur.
« Ça facilite le nettoyage après coup aussi, j'imagine », dit-il tout en levant les hanches pour se dévêtir de son caleçon. Severus ne peut pas s'empêcher de fixer le sexe dur qui s'échappe lorsque Harry retire son caleçon, celui-là même qu'il a senti contre le bas de son dos tous les matins. Il est plutôt dérouté et pas seulement satisfait de voir que Harry est excité par lui, Severus Snape.
Le pénis de Severus est au repos contre sa cuisse, à moitié dur, et il peut voir aux yeux légèrement écarquillés de Harry que le garçon est très nerveux. Néanmoins, tandis que Severus se détend sur son lit, il profite de la vue qu'offre Harry s'étirant lorsqu'il grimpe dans le lit à ses côtés. Son corps est pas mal, Harry n'est pas taillé comme une statue grecque et Severus apprécie l'humanité dans les divers grains de beauté qui parsèment son corps au hasard, la volute de poils sombres qui entourent ses petits tétons, et le sombre tourbillon autour de son nombril. Sous son regard curieux, le sexe qui dépasse d'un buisson de poils noirs commence à gagner en longueur.
« À vous de faire le dernier pas. Même si tout porte à croire que vous avez la plus grosse paire de tout le monde sorcier », dit Severus avec un sourire en coin, et ce n'est pas un sourire comme celui-là qui repousserait Harry, mais c'est une taquinerie suffisante pour rompre la tension dans la pièce. Ça fonctionne, et à peine un instant plus tard, un homme de dix-neuf ans, tout nu, est allongé à côté de lui, le touche avec révérence et est apparemment déterminé à découvrir tous les points faibles de Severus. Réticent à prendre un désavantage, celui-ci retourne les attentions de ses doigts fermes.
Potter semble apprécier ces caresses, et Severus se retrouve à se demander si Ginny Weasley avait été rude ou bien douce dans son expérience avec le jeune homme. Ce n'est pas une chose sur laquelle Severus veut se concentrer sur le moment, cependant, et il décide plutôt d'essayer quelque chose qu'il a lu dans le livre chouré à la bibliothèque.
Potter fait un tout petit bruit quand Severus se penche au-dessus de lui, gémissant quand Severus suçote le creux juste au-dessus de sa clavicule et lâche une expiration tremblotante quand les doigts calleux et curieux de la main de Severus se glissent pour soutenir sa tête, juste contre son oreille.
« Mmmh », boude Harry dans son oreille, ses paupières s'ouvrant sur des pupilles dilatées et fixant Severus. Le regard de Harry est étrangement flou, et Severus ne pense pas que ce soit dû à l'absence de ses lunettes. Une main tremblante passe à nouveau dans sa chevelure, frottant contre les petits cheveux sur sa nuque. C'est une expérience complètement nouvelle, une qui envoie des frissons le long de sa colonne, et il est à nouveau ravi de les avoir coupés.
« Tu devrais m'embrasser, gémit-il, et Severus se recule, son pénis glissant le long du creux marquant la hanche de Harry et causant une friction délicieuse.
— Tu n'as pas de problème quand il s'agit de coucher avec quelqu'un que tu n'aimes pas, mais tu veux quand même être embrassé ? demande Severus.
— Ne me pose pas de questions », répond Harry, et par ces mots il esquive clairement quelque chose, mais ça peut rester ainsi au moins jusqu'au matin. Severus l'embrasse, doucement au début et puis avec de plus en plus d'exigence, alors que ses mains continuent de se promener un peu partout contre sa peau brûlante.
Ça ressemble assez à embrasser une femme, se dit Severus. Avec bien plus de demande, des lèvres qui ne sont pas aussi douces, et une barbe de trois jours qui offre un plaisir tactile surprenant.
« Est-ce que vous m'offrez vos fesses ce soir, Mr Potter ? » demande Severus en un chuchotement grave, laissant tout le poids de son corps se reposer sur Harry. Avant que Potter ne puisse répondre, Severus prend le lobe d'oreille qui lui fait face et le mordille entre ses dents, suivant le mouvement quand Harry relève sa tête et frémit violemment. Severus suce la peau, léchant derrière le lobe d'oreille et prenant un plaisir fou dans le "putain" grave que Harry expire dans l'air. Le ton est grave et en un souffle, Harry s'agrippe à ses épaules comme s'il n'avait jamais voulu le prononcer, bien que son ton désespéré parle plus d'un besoin de rester silencieux pour n'être entendu de personne.
« Oui. »
Severus s'agenouille à nouveau, et le sourire sur son visage n'est pas tout à fait narquois lorsqu'il profite de la vue qu'offre ce corps dans son lit. Harry est presque le portrait de la débauche, les yeux grands ouverts, les pupilles dilatées, le torse marqué par de petits suçons, son sexe dur comme la pierre, d'un rouge profond, et courbé contre son ventre, le liquide pré-éjaculatoire brillant sur son gland et glissant sur sa peau comme une piste au trésor.
« Tourne-toi », ordonne Severus, son propre sexe pointant droit vers Harry tel un bâton de sourcier. Harry obéit, se retournant et s'ajustant discrètement pendant qu'il s'étire pour être à son aise. Severus déterre le lubrifiant moldu au fond du sac, louant les préparatifs de Harry, et laisse ses mains glisser de haut en bas le long du dos du garçon, reliant les taches de rousseur qui s'y trouvent. Il laisse tomber un peu de lubrifiant sur ses doigts, notant que Harry a tourné la tête sur le côté et le regarde avec les yeux à demi clos.
« Est-ce que c'est vraiment plus simple sur le ventre ? » Les hanches de Harry se déplacent légèrement, frottant contre le couvre-lit, et il laisse échapper un grognement étranglé lorsque Severus fait courir un doigt lubrifié contre son périnée. Il poursuit le mouvement vers ses bourses, pressant légèrement contre son sexe, et démantelant complètement le fil de pensée de l'autre homme.
« C'est ce que j'ai lu », répond Severus, se concentrant sur le mouvement de ses doigts. Il n'avait encore jamais vu une forme masculine dénudée, et encore moins de cet angle, et c'est plutôt… insolite.
Severus commence à le préparer, sept années passées à haïr ce garçon ne signifiant plus rien quand ses doigts provoquent et poussent contre sa peau plissée, l'ouvrant doucement pour sa première fois. Severus se permet un autre remerciement mental à sa mémoire littéraire photographique, étant donné qu'il peut se représenter le chapitre exact du livre détaillant la meilleure manière de préparer quelqu'un pour l'acte sexuel, et que cela semble fonctionner avec Harry.
« Snape ? dit soudainement Harry, son dos se tendant quand il se retourne pour regarder par-dessus son épaule. C'est… ah, on devrait… est-ce qu'il y a un sort pour rendre les choses plus propres ? »
Severus s'arrête, et se rassied pour parcourir dans son esprit ce qu'il a lu dans le livre.
« Peut-être que oui. Je ne m'en souviens pas, là, maintenant. »
Severus baisse son regard sur Potter, qui semble passionné et embarrassé tout à la fois.
« Il y a le préservatif. Tout ira bien. »
C'est un accord tacite entre eux qu'ils n'en diront pas un mot si les choses ne se passent pas à la perfection. Severus se presse contre Potter, ses jambes tremblantes tandis qu'il garde une pression régulière et pénètre lentement l'autre homme sans lui faire de mal. Il caresse le fessier recouvert d'un fin duvet en dessous de lui et sent Harry pousser contre lui, s'appliquant et respirant avec intensité. Pendant un instant tendu, Severus pense qu'il n'en a pas fait assez, et puis il passe le sphincter et entre facilement. Harry soupire avec difficulté et Severus attend, fermant les yeux contre la délicieuse fermeté qui l'entoure.
« Merci, expire Harry, bougeant ses hanches pour expérimenter.
— Pour quoi ? grogne Severus, et il se retire un peu avant d'avancer à nouveau.
— Pour ne pas m'avoir demandé de confirmer que j'étais sûr, répond Harry, laissant un petit grognement s'échapper quand Severus bouge à l'intérieur de lui.
— Tu es un putain d'adulte. Tu sais très bien comment dire non », répond Severus, avant de se retirer complètement. Harry tourne la tête d'un mouvement vif, la frustration et la colère se lisant dans son regard avant qu'il ne remarque que Severus mettait plus de lubrifiant le long de son sexe.
« Est-ce que je suis trop serré ? » demande Harry, et ce n'est pas vraiment la question qu'il souhaitait énoncer, mais elle est beaucoup plus acceptable cependant, et Severus hausse un sourcil.
« Si je dois te pilonner contre ce matelas, répond Severus, pénétrant lentement l'entrée accueillante à nouveau, et se penchant pour recouvrir le dos de Harry. Je pense que tu vas apprécier l'absence de frottement. »
Harry gémit doucement et Severus prend un rythme lent, un qui n'est problématique ni pour lui ni pour Harry. Ça ne dure pas longtemps ; Severus ne peut pas résister et s'abaisse, un genou entre les jambes de Harry et un à l'extérieur, se baissant sur ses coudes, et bougeant ses hanches avec plus de force. Il n'en retire que des halètements, des gémissements, et des supplications chuchotées, mais Severus est un homme silencieux, il jouit avec rien de plus qu'un long grognement. Potter ne tient que quelques secondes de plus, étreignant l'oreiller qui capture son cri.
ϟ ϟ ϟ
Les bougies brûlent toujours et le grenier est bien plus chaud qu'il ne l'a jamais été. Severus a entrelacé ses doigts avec ceux de Harry, et Harry les serre fermement pendant qu'il redescend sur terre. Severus se radosse au cadre de lit et retire la serviette en dessous d'eux, s'essuyant avec.
« Tu souhaites peut-être utiliser la salle d'eau, dit Severus, sa voix plutôt rauque, comme si les hormones sexuelles en surplus qu'il n'a pas évacuées avec sa semence y ont trouvé leur place.
— Oui. Rends-moi juste mes os », répond Harry, parvenant à déplacer sa tête. C'est tout ce qu'il bouge cependant, et Severus se permet un petit sourire.
« Lève-toi. Je ne peux lancer qu'un seul sort de nettoyage, et ce sera pour les draps. Je ne fourrerais pas ma baguette dans ton cul », dit Severus, donnant une petite tape à ces fesses moites. Ses efforts lui valent un regard noir, et enfin Harry se lève, bien que ses jambes tremblent.
« Et moi qui pensais que c'était justement ce que tu venais de faire », dit le garçon, et son sourire narquois est encadré par ses joues rougissantes lorsqu'il commence à descendre l'échelle et ressent la brûlure.
ϟ ϟ ϟ
Au lieu de dormir dos à dos, Harry se colle contre Severus après un instant d'hésitation, et dépose le fantôme d'un baiser contre sa nuque.
« C'était intense, dit Potter, glissant ses genoux contre ceux de Severus. Et fantastique, aussi. »
Severus ne répond pas, mais il referme ses mains autour de celle que Potter a passée par-dessus sa hanche, et sourit.
À trois heures du matin, quand ses cuisses se crampent, sans aucun doute la conséquence de la position dans laquelle il a été vigoureux un peu plus tôt, ce sont les doigts forts d'Harry qui massent les muscles contractés et l'aident à retrouver le sommeil.
Au petit matin, Harry est étendu de l'autre côté du lit sur son ventre, sa tête enfoncée dans un oreiller et son bras posé de manière possessive sur le ventre de Severus.
