Tom naviguait au milieu des nuages que sa magie avait formés, un feu brûlant si fort dans sa poitrine qu'il savait qu'il avait temporairement abandonné son corps.

C'était quelque chose qui lui arrivait lorsqu'il était jeune et incroyablement en colère : sa conscience se dissolvait tout simplement dans le feu. Après que la matrone de l'orphelinat eut tenté de lui faire subir un exorcisme, Tom avait appris à le contrôler. Il ne voulait surtout pas mourir à cause d'une réaction stupide et incontrôlable.

Mais il l'avait utilisé lorsqu'il avait assassiné les ennemis qui avaient brûlé sa marque d'âme, et il l'utiliserait encore maintenant, pour protéger son âme sœur de tout et n'importe quoi. De la fumée, il appela les formes les plus féroces qu'il pouvait, et elles se manifestèrent sous la forme de phénix, la forme de son âme. Des serres d'argent se formèrent sur ces phénix, qui auraient tué un loup-garou en quelques secondes.

À travers leurs yeux, et à travers la douleur qui parcourait le lien lorsque le sort de Black l'avait déchiré, Tom vit Black se recroqueviller. Mais il essayait toujours de s'interposer entre Harry et les phénix, comme s'il pensait que Tom ferait un jour du mal à son âme sœur.

Cette loyauté ne fit qu'exaspérer davantage Tom, qui hurla à travers les trois becs des phénix initiés par sa magie. S'il était aussi loyal envers Harry, il n'aurait pas fait ça !

Tom connaissait le sort, mais même lui ne l'aurait jamais lancé, même s'il détestait un ennemi lié à son âme sœur. Le sort s'insinuait dans un lien émotionnel et le déchirait, patiemment, petit à petit. Il n'aurait eu aucun effet si Harry et lui avaient été complètement liés, s'ils avaient déjà dormi ensemble en se complétant parfaitement, s'ils avaient lié leurs esprits ou si leur magie s'était complètement entremêlée. Mais un seul lien, ce sort pouvait le gérer et le détruire.

Black était un idiot. Il devait mourir. Tom l'attrapa avec deux phénix et passa délicatement ses serres sur les épaules nues de l'homme, se délectant de ses cris lorsque d'étroits lambeaux de chair se détachèrent. Les phénix passèrent au-dessus de sa tête et se tournèrent vers le mur. Black mettrait beaucoup de temps à mourir.

Harry se relevait péniblement à genoux, les yeux ruisselant de larmes de sang. Il tendit les mains vers Tom. « Tu avais promis, » murmura-t-il.

'' Je ne te pardonnerai jamais si tu le tues. ''

Tom parvint à contrôler les phénix et le feu de manière à ce qu'ils planent tous dans un nuage près du plafond, les phénix étant pratiquement perchés sur des serpentins de flammes. Il inspira et expira. Qu'importait que Harry lui pardonne ou non ? Le sort continuait de tourner en spirale, se propageant en cercles concentriques, détruisant leur lien. Ils ne seraient plus des âmes sœurs après cela. Tom n'était pas obligé de l'écouter.

Black leva les yeux vers lui, les lèvres en mouvement. Tom pencha le phénix pour pouvoir fixer la bouche du lâche.

Un sort.

Tom fléchit les serres de ses phénix. Il n'y avait pas de parade à ce sort. Il le saurait s'il y en avait un. Personne n'en savait plus que lui sur la magie de l'âme sœur, pas alors qu'il avait passé des années à parcourir des livres pour tenter de trouver des sorts capables d'appeler son âme sœur à lui ou de l'aider à identifier sa marque à distance.

Mais d'un autre côté...

Aurait-il trouvé des sorts écrits dans des livres qui se trouvaient au fin fond de la bibliothèque secrète des Blacks paranoïaques ? Certains d'entre eux avaient prêté allégeance à Tom, mais pas tous, le Black en dessous de lui en étant l'exemple le plus marquant. Et tous n'avaient pas partagé leurs livres avec lui. Il y avait peut-être des sorts qui pouvaient contrer celui-ci.

Tom déploya ses ailes et hurla sur Black. Il pourrait toujours le tuer plus tard, si cela ne fonctionnait pas. La douleur déchira son propre esprit, et Harry avait cessé de crier, se contentant de se recroqueviller sur le sol.

Tom avait l'intention de faire en sorte que Black cesse d'exister. Les phénix se penchèrent tous en avant et Black s'empressa de saisir sa baguette.

-HDD-

Sirius n'avait jamais eu aussi mal, pas même le jour où sa marque d'âme avait pris des contours noirs. Honnêtement, il s'y attendait après la façon dont Remus s'était détourné de lui lorsque Sirius l'avait utilisé comme arme contre Rogue.

Non, voilà que l'enfant qu'il avait aimé, désiré et avec lequel il avait tant joué lorsqu'il était enfant se tordait sur le sol. Et c'était de sa faute.

J'aurais dû savoir que ce sort ne supprimait pas seulement un lien émotionnel, pensa Sirius en rampant jusqu'à Harry, qui s'était mis à hurler à en perdre haleine. Maintenant, seuls de petits gémissements sortaient de sa bouche. Rien de ce que tu trouves dans les livres de la bibliothèque de ma famille ne peut être aussi inoffensif. Bien sûr qu'il allait lui jeter le contre sort.

Sirius prit Harry dans ses bras. Harry le regarda sans le voir. Sirius prit une inspiration difficile et se pencha sur lui. « Harry, tu m'entends ? »

Les gémissements s'arrêtèrent une seconde, et Harry fit le plus petit signe de tête possible. Puis les gémissements reprirent. La rupture de son lien lui faisait sans doute trop mal pour qu'il puisse se débarrasser des sons parasites.

Sirius tira sa baguette et ferma les yeux. Pendant un instant, les pages des livres de la bibliothèque des Black semblèrent s'embraser devant lui. Il avait détesté ses parents, mais le fait de l'avoir forcé à mémoriser les sorts des Ténèbres avait au moins le mérite de ne jamais lui faire oublier ce qu'il y avait lu.

Touchant la gorge de Harry avec sa baguette, il décrivit un cercle dans le même mouvement que celui qu'il aurait utilisé pour trancher la veine jugulaire d'un autre sorcier, et entendit les phénix hurler de protestation au-dessus de lui. Il tressaillit, mais cela n'affecta pas la main tenant sa baguette, un autre produit de "l'amour inquiet" de ses parents. Le sang qui s'écoulait des blessures de ses épaules ne l'affectait pas non plus. « Conservare ».

La magie tremblait en lui, se nourrissait de l'amour qu'il éprouvait pour Harry, et bondissait de lui vers le lien qui s'effilochait autour de Harry et de Jedusor. Harry cessa brusquement de faire du bruit. Sirius le serra contre lui, craignant qu'il ne se soit arrêté de respirer lui aussi.

Mais Harry ouvrit grand les yeux et émit un son qui ressemblait à un hoquet dément. Les phénix descendirent des chevrons et atterrirent autour de lui, une masse métallique et plumeuse qui força Sirius à s'éloigner de son filleul. Il s'en alla les mains levées, la tête martelée par la culpabilité. Il n'avait jamais pensé que le sort aurait un tel effet sur Harry.

Les phénix et le feu qui les entourait se fondirent en une forme humaine, et Tom Jedusor tourna des yeux écarlates vers Sirius. Sirius tressaillit. Il n'avait jamais vu de tels yeux chez les humains. Ils brûlaient autant que le feu.

« Reste dans le coin, Black », ordonna Tom. « Et reste silencieux. » Puis il enroula sa main autour de quelque chose qui devait être la marque d'âme de Harry, vu le feu bleu qui s'élevait dans l'air autour d'eux.

Sirius recula et ne dit rien, même s'il se demandait déjà s'il serait autorisé à réintégrer l'Ordre. Il avait déjà causé assez de chaos. Peut-être que Jedusor pouvait vraiment guérir Harry.

Bien sûr, cela ne prouvait pas qu'il aimait Harry. Il pouvait simplement vouloir le pouvoir doublé qu'une âme sœur amoureuse de lui pouvait lui donner, comme Albus l'avait toujours soupçonné. La théorie avait trop de sens pour Sirius pour qu'il l'abandonne complètement.

Mais pour l'instant, si Harry pouvait être guéri...

Cela en vaudrait la peine, pensa Sirius. Même s'il avait aidé Jedusor.

-HDD-

Harry frissonna en tendant la main vers le courant d'eau fraîche et réconfortante, ou du moins c'est l'impression qu'il donnait, qui se déversait sur lui. Il avait l'impression que quelque chose avait aspiré son âme, la séparant de lui comme la moelle d'un os. Il ne voulait plus jamais ressentir cela et il finit par se blottir contre la poitrine de Tom.

Tom lui léchait la tempe ou le touchait avec une boucle de ce feu multicolore que Harry n'avait fait qu'apercevoir du coin de l'œil. « Chéri », dit-il, dans ce qui pouvait être soit de l'anglais, soit du Fourchelangue. Franchement, Harry ne pensait pas entendre la différence avec ses oreilles en ce moment, ni comprendre avec son cerveau. « Je suis là. »

Harry lui tendit la main, et maintenant il y avait quelque chose à tendre. Leur lien émotionnel se reconstruisait, Harry le voyait, un pont argenté compliqué, scintillant et subtil qui s'élevait dans l'air sous la forme de longs rubans. Encore une fois, Harry ne pensait pas le voir à travers ses yeux, mais cela n'avait guère d'importance. Il le saisit avec un cri d'épuisement.

Quelques secondes plus tard, le lien cessa de croître. Harry le tint, le sentant se tordre sous son contrôle. Les émotions de Tom étaient en fusion mais distantes, comme une voix entendue à travers une porte fermée. « Qu'est-ce qui se passe ? » chuchota-t-il.

« Tu dois construire ta moitié du lien, Harry. Je suis allé aussi loin que possible avec ma propre moitié. »

Harry baissa la tête, tremblant. Ses épaules lui faisaient mal, sa gorge lui faisait mal, son être lui faisait mal, et il ne savait pas comment il pourrait faire ça.

« Je serai là. Je t'attendrai aussi longtemps qu'il le faudra. »

Harry releva la tête en entendant ces mots. Depuis combien de temps Tom attendait-il déjà ? Des décennies et des décennies, alors que son cœur et sa conscience devenaient de plus en plus léthargiques. Et pourtant, il avait gardé plus d'espoir et de foi que Harry. Harry avait abandonné dès qu'il avait compris le nom de la personne qu'il portait au poignet.

Il pouvait le faire. Pour Tom.

Harry plongea la main dans sa magie et un ruban argenté étincelant sortit lentement de lui. Harry le força à atteindre le pont étoilé qui s'étendait entre lui et Tom. Le ruban se connecta et Harry sursauta lorsque la santé et la force semblèrent revenir en lui, comme le contraire d'un baiser de Détraqueur.

Le monde obscurci autour de lui reprit de la couleur, puis Tom passa ses bras autour de Harry et l'embrassa assez fort pour lui meurtrir les lèvres. « Tu m'es revenu », dit-il, tandis que le lien qui les unissait chantait plus fort que jamais.

Harry ne put répondre pendant quelques minutes, tandis qu'il passait ses doigts dans les cheveux de Tom et dans sa nuque, et qu'il explorait le retour de leur lien émotionnel. Il pouvait sentir la satisfaction arrogante et l'anticipation brillante qui l'envahissaient, et l'anxiété, la colère et le regret de Tom comme une voûte d'émotions par-dessus les siennes.

Et quelque chose d'aussi épais et sombre que le gâteau au chocolat que ses parents avaient offert à Harry pour son cinquième anniversaire, en dessous de tout cela. Harry tendit la main et la saisit, puis siffla et recula. C'était brûlant, la haine de Tom pour Sirius.

« Rappelle-toi ce que j'ai dit à propos de mon parrain », murmura-t-il en ouvrant les yeux pour croiser le regard de Tom.

« C'est la seule raison pour laquelle il est encore en vie », dit Tom d'un ton égal. « Il aura l'occasion de te jurer fidélité et d'accepter son statut d'invité d'honneur. Si je pense qu'il est prêt à recommencer, je le tuerai et je tenterai ma chance pour obtenir ton pardon. »

« Tu penses pouvoir... quoi ? Obtenir mon pardon ? » Harry se détendit contre Tom et ferma les yeux. Honnêtement, c'était déjà quelque chose de presque normal pour eux, de discuter de meurtres sanglants pendant que Tom le tenait dans ses bras.

« Oui, j'aurais plus de chances de le faire que de me pardonner à moi-même si je le laissais te faire du mal à nouveau. »

« Je suis désolé », dit la voix rauque de Sirius à l'autre bout de la pièce. « Je suis vraiment désolé, Harry. »

Harry se retourna avec un soupir pour le regarder. Son parrain portait sur les épaules de longues entailles qui avaient déchiré le tissu de sa chemise et arraché de sa chair ce qui ressemblait à des talons de chair. Harry appuya sa tête contre la clavicule de Tom. « Ce n'est pas suffisant, Sirius. Qui t'a poussé à faire ça ? »

« Je... je l'ai organisé moi-même. »

Harry recula. Même les bras de Tom autour de lui ne pouvaient apaiser cette douleur. Cependant, Tom fît couler une affection constante le long du lien, et des pensées de vengeance et de protection qui étaient rassurantes pour l'instant.

J'ai quelqu'un qui ne peut pas me mentir sur l'affection qu'il me porte, et quelqu'un qui ne sera jamais loyal envers Dumbledore.

« Je ne savais pas ce que ça ferait, Harry ! Je te jure que je ne le savais pas ! » Sirius parlait si vite qu'il était difficile de le comprendre, mais c'était peut-être aussi parce qu'il agitait les mains et que Harry avait une oreille posée sur le torse de Tom. « Je pensais que cela supprimerait le lien émotionnel entre vous et empêcherait Jedusor de t'influencer. Je ne savais pas que ça détruirait le lien. Je suis désolé. J'aurais dû m'en douter. Les Blacks n'auraient pas eu un sort aussi inoffensif dans le livre d'où je l'ai tiré. » Il frissonna. « Je suis désolé. »

« Vos excuses sont notées », dit Tom, et ses bras se resserrèrent autour de Harry pendant un moment. « Mais le pardon n'est pas accordé. Vous allez prêter serment, Black, et vous resterez ici. Vous ne retournerez pas à l'Ordre. »

« Eh bien, je suis soulagé que vous n'essayiez pas de m'utiliser comme espion », dit Sirius avec franchise. Harry écouta, mais il n'entendit aucun ton de plaisanterie dans sa voix. C'était une bonne chose, pensa-t-il. Cela signifiait peut-être que son parrain allait survivre à cette soirée. « Je ne serais pas utile dans ce rôle. »

« Vous allez servir de divertissement à mon âme sœur », dit Tom. « Et comme diseur de vérité en chef. »

« Quoi ? » s'exclamèrent Harry et Sirius de concert.

« Harry est empêtré dans tous les mensonges que Dumbledore lui a racontés, à tel point que je n'arrive même pas à les retrouver tous, et Harry ne va pas se mettre à raconter tous les faits qu'il croit connaître et à me demander si c'est la vérité. » L'expression du visage de Tom lorsqu'il se pencha en arrière indiqua qu'il serait bien sûr prêt à le faire s'ils en avaient le temps. Il embrassa Harry une fois, et Harry fondit contre lui avant qu'il ne puisse y penser. « C'est à toi qu'il incombera de lui dire la vérité. »

« Mais Sirius est tout aussi corrompu par Dumbledore », dit Harry.

« Hé ! »

« N'oublie pas à qui je m'adresse, Sirius », dit Harry. « Corrompu dans sa perception. »

« Oui, mais Black a aussi accès aux deux perspectives en connaissant sa famille et Dumbledore d'une manière que tu ne connais pas. » Tom fit glisser ses doigts sur le cuir chevelu de Harry. Harry essaya de ne pas trop trembler devant Sirius, mais il ne faisait probablement pas un très bon travail. « En fait, il a été endoctriné de la manière opposée à la tienne, par des gens qui pensaient que la pureté du sang était la vérité et non un jeu. »

« Ce n'est ni l'un ni l'autre », marmonna Sirius, l'air contrarié.

« Demandes à Harry de te dire ce que je lui ai dit à propos de la rhétorique des sang purs, » dit Tom à Sirius, « et fais de nouveau face à Harry. »

(s'adressant à Harry) « Il peut te proposer quelque chose qui ne sera pas impartial, mais qui sera nuancé. Et il va devoir le faire, s'il veut vivre. »

Harry acquiesça. Il comprenait que les choses avaient changé et que Tom allait être moins indulgent qu'il ne l'avait été pendant un certain temps. Franchement, Harry était encore étonné que Sirius ne soit pas en lambeaux sanglants éparpillés sur le sol du salon.

Il jeta un coup d'œil autour de lui et cligna des yeux lorsqu'il vit que le mur qui séparait le salon de la chambre où Tom s'était caché avait bel et bien disparu. « Et qu'allons-nous faire à ce sujet ? » demanda-t-il en faisant un mouvement de tête.

« J'ai un architecte qui fait régulièrement des réparations pour moi », dit Tom avec désinvolture.

« Quoi ? Même le ministre de la magie n'a pas ça », dit Sirius.

Tom tourna un peu la tête et Sirius commença à étudier le sol en profondeur. « Tu n'as pas à t'inquiéter de ce que j'ai ou n'ai pas en termes d'architectes, Black, » dit Tom. « Il faut seulement que j'aie assez de bon sens pour t'épargner. » Il resserra ses mains autour des bras de Harry et ils se levèrent.

« Dois-je aller m'expliquer avec mes parents ? » demanda Harry.

« La seule chose que tu vas faire ce soir, c'est de prendre une potion de sommeil sans rêve. Peut-être parler un peu avec Black avant », ajouta Tom, peut-être parce qu'il avait vu le visage de Harry.

« Mais avant ça, la potion. »

« Je déteste la potion de sommeil sans rêve », dit Harry, conscient d'avoir l'air puéril. Mais sa poitrine lui faisait encore mal, et la dernière chose qu'il voulait, c'était d'ajouter un arrière-goût nauséabond à sa bouche. Il essaya de se reculer, mais les doigts de Tom se resserrèrent comme des barreaux de cage. Harry soupira. « Ma bouche garde un goût de menthe pendant des jours. »

« À qui as-tu fait confiance pour te préparer des boissons ? » Tom secoua la tête. « La menthe n'est ajoutée qu'en tant qu'édulcorant. J'en ai sans menthe. »

« Je n'aime pas ça, Tom. »

« Ce genre de blessure a besoin d'un sommeil profond pour se soigner correctement, » dit Tom, sur le ton qui signifie que discuter avec lui ne changerait rien. « Tu ne devrais pas utiliser autant d'énergie, même pour faire des rêves. »

« On n'utilise pas d'énergie pour faire des rêves », dit Harry, même s'il n'en était pas sûr pour l'instant. La pièce se refermait sur de doux coins d'obscurité, l'enveloppant comme un drap, il s'endormait déjà. Il soupira et s'appuya contre Tom, qui le replia doucement sous un de ses bras.

« Il va falloir que tu dormes, » dit Tom. « Peut-être une heure ou deux, tout seul, puis je te réveillerai pour te donner la potion. »

Harry soupira, mais il était trop mal en point pour protester.

-HDD-

Sirius déglutit. Il était impossible que ce soit le ministre de la Magie Tom Jedusor, puriste du sang, haïssant les Moldus et véritable salaud, qui se penchait au-dessus de Harry avec une expression douce en le berçant dans ses bras.

Mais le ministre se leva et se retourna, et Sirius s'empressa de revoir son opinion. Oui, c'était bien ce foutu bâtard contre lequel Sirius s'était engagé dans une guerre, qui le fixait avec des yeux légèrement rétrécis et teintés de cramoisi.

« Tu as de la chance de connaître Harry, » chuchota Jedusor.

« Parce que tu m'aurais mis en pièces sinon, je le sais », dit Sirius, qui avait retrouvé assez de courage pour lever les yeux au ciel.

« Je l'aurais fait », acquiesça Jedusor. « Mais le monde, l'Ordre auquel tu tiens tant, la vie de Dumbledore, que je puisse ou non prouver quoi que ce soit contre lui légalement... j'aurais déchiré tout ça aussi. »

Sirius le dévisagea. Mais l'homme semblait tout à fait sérieux. Sirius secoua la tête. « Tu sais que Harry n'aurait pas voulu que tu fasses ça. »

« Ta malédiction l'aurait tué si le lien n'avait pas cessé de se défaire, ou elle aurait détruit notre lien d'âme sœur », dit Jedusor. « Je n'aurais donc pas été responsable de quoi que ce soit envers lui. »

Sirius frissonna. Honnêtement, il n'avait jamais envisagé le fait que Harry puisse être une sorte de contrainte pour Jedusor si leur lien d'âme sœur s'établissait un jour. Il avait pris pour acquis que toute l'influence irait dans l'autre sens. « Ce n'est pas vrai », dit-il faiblement.

« Tu ne peux pas savoir, n'est-ce pas ? » Jedusor jeta un coup d'œil à Harry, puis le souleva. Il avait dû lui lancer un charme, bien sûr, mais Sirius devait admettre qu'en regardant la façon dont Jedusor berçait Harry, il aurait aimé avoir la même chose pour lui. « Je vais te demander d'écrire un message à l'Ordre. »

« Je ne les trahirai pas et je ne te dirai pas où ils se trouvent ! »

« Pourquoi, » murmura Jedusor, « êtes-vous si nombreux à vouloir devenir des martyrs ? Se pourrait-il que Dumbledore ait cultivé en vous la mentalité selon laquelle seuls les martyrs sont dignes de voir leurs sacrifices respectés ? »

Sirius recula avant même d'y penser. Bien sûr, il aurait dû dire que ce n'était pas possible et que Jedusor était ridicule, mais maintenant qu'il y pensait...

N'avait-il pas admiré Albus pour avoir rejeté sa propre âme sœur ? N'avait-il pas envié Ron et Hermione, ne serait-ce qu'un peu, pour s'être fait inscrire sur la liste des personnes recherchées pour des crimes plus graves que les siens ? N'avait-il pas en partie regretté, avant de découvrir l'âme sœur de Harry, que ce dernier ait toujours bénéficié de plus d'attention de la part d'Albus ?

Sa propre marque d'âme noire n'avait jamais semblé être un tel sacrifice. Pas quand l'événement qui avait conduit au rejet de Remus avait été une farce qu'il avait conçue et à laquelle il n'avait pas suffisamment réfléchi.

« Qu'est-ce que tu veux que j'écrive, alors ? » demanda-t-il d'un ton calme.

« Que tu es ici, que tu ne partira pas, et que quiconque vient te chercher a des chances d'être capturé. » Le regard de Jedusor s'était déjà détourné de lui pour revenir sur Harry, comme s'il jugeait Sirius indigne d'être regardé. « Que tu ne trahiras pas Harry et que notre lien existe toujours. »

Sirius marqua une pause. « Tu veux que je leur dise ça ? Tu ne veux pas qu'ils pensent que ça a peut-être marché et qu'ils fassent semblant d'être faibles pendant un petit moment ? »

Jedusor lui jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. « Je n'ai pas l'intention de cacher Harry ou de lui mentir en public. »

« Je veux dire, faire semblant pendant un petit moment... »

« C'est quelque chose que je ne ferai pas, Black. »

Les mots étaient à la limite du Fourchelangue, à tel point que Sirius s'estimait chanceux de les comprendre. Il se mit à reculer et se tut. Jedusor lui adressa un signe de tête énergique et se détourna pour emmener Harry dans une chambre. Pour l'instant, un voile magique chatoyant remplaçait le mur que Jedusor avait dissous avec sa magie.

Sirius le suivit des yeux et secoua la tête. Il savait que la violence de Jedusor aurait dû l'horrifier. La perte de contrôle impliquait qu'il pouvait faire des choses terribles à des nés-moldus et à d'autres innocents s'ils l'ennuyaient.

Mais tout ce qu'il pouvait souhaiter, c'était que quelqu'un - et il ne savait pas si c'était Remus ou Albus - se soit battu pour lui de cette façon.

-HDD-

Tom déposa doucement Harry au milieu du lit, puis s'installa dans le fauteuil à côté de lui. Il ne quitta pas Harry des yeux et ne regarda pas autour de lui lorsqu'il entendit les bruits étouffés de Black qui entrait dans une autre pièce. Il ne s'inquiétait pas de voir Black s'enfuir vers l'Ordre. Les chaînes de la culpabilité le retiendraient plus fortement que n'importe quel vœu sorcier en ce moment.

Il ne pouvait détacher son regard de Harry.

Harry était pâle maintenant, il respirait silencieusement, mais Tom pouvait voir sa poitrine se soulever et s'abaisser, et cela suffisait à calmer toute envie naissante de tuer des gens. Tom appuya sa joue sur sa main pendant un moment et attendit que ses pensées se séparent en images claires.

Quoi qu'en pensent Albus et ses autres ennemis, Tom n'avait jamais tué sans discernement. Au contraire, il était capable d'étouffer sa rage et de la manier comme une arme froide au moment opportun. C'était ce qui l'avait rendu capable de commettre les meurtres qu'il avait commis, des élèves de Serpentard plus âgés que lui et des personnes qui avaient été prévenues de son arrivée. La fureur cristalline figeait tout dans son esprit et laissait planer devant lui les plans, les détails et les obstacles, comme une projection d'une mémoire de la Pensine, lui permettant de résoudre les problèmes avant qu'ils ne se présentent.

Mais lorsqu'il avait senti le lien émotionnel s'effriter, il avait réagi avec cette fontaine de fureur rouge qui n'avait jamais duré qu'une seconde auparavant. Et ce qui l'avait déclenché, suivi et rempli maintenant, c'était une peur qui rendait ses pensées glaciales et léthargiques.

Il ne pouvait pas perdre Harry. Il se réveillerait dans un monde qui aurait irrémédiablement changé, et pas seulement pour lui. Il imagina sa magie déchaînée non pas sur Black mais sur des dizaines, des centaines d'innocents, et frissonna. Il ne vaudrait pas mieux que Dumbledore, et Tom pouvait imaginer l'expression de désapprobation sur le visage de Harry.

Son âme sœur était son lien avec la conscience. Dumbledore n'aurait jamais dû tenter de les séparer.

Cette pensée envoya des pics de haine dans l'esprit de Tom, et Harry s'agita sur le lit. Tom étouffa les pensées et les émotions qui les accompagnaient et passa la main dans les cheveux de Harry.

Harry se tourna vers lui sans se réveiller, preuve que le lien émotionnel pouvait traverser les ténèbres créées par l'épuisement profond de l'âme.

Tom se dit de se calmer. Black n'avait pas réussi, et n'avait même pas voulu faire ce qu'il avait fait.

L'Ordre ne l'avait pas séparé de Harry. Personne ne le ferait plus jamais.

La peur se dissipait enfin, glissant le long des canaux glacés de son esprit qui l'avaient attendue. La main de Tom resta dans les cheveux de Harry et il veilla sur lui toute la nuit, sans dormir lui-même.

Il devait savoir que Harry serait là quand il se réveillerait.

-HDD-

« Alors tu as utilisé un sort inconnu sur mon fils qui, selon toi, devait supprimer son lien émotionnel avec l'âme sœur qu'il avait enfin trouvée. » Lily regrettait à moitié d'avoir prononcé ces mots alors qu'ils avaient le tranchant de couteau qui transperçait visiblement Sirius, mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. « Après quelque chose qui a déjà montré que nous n'avons aucune idée de ce que nous faisons la moitié du temps et que nous aurions pu tuer Harry ! »

« Tu as été aussi complice que moi de la tentative d'Albus de tuer Jedusor », marmonna Sirius, les bras croisés et les yeux rivés sur la table.

« Mais nous n'avons pas recommencé ! » James s'emporta, se penchant en avant de l'autre côté de la table. Lily lui jeta un coup d'œil latéral. C'était James qui avait insisté sur le fait qu'ils devaient à Sirius de l'écouter, mais il était encore plus en colère que Lily.

« Et je ne l'ai pas fait sciemment non plus ! » Sirius jeta ses mains en l'air. Lily l'étudia. Autant Sirius avait été bouleversé lorsqu'ils étaient revenus à l'appartement et qu'il avait commencé à leur raconter l'histoire, autant il était apparu plus animé qu'il ne l'avait été depuis des mois dans le camp de l'Ordre. Comme si le pire était déjà arrivé et qu'il savait que cela ne pouvait plus se reproduire, pensa Lily. « Je pensais que cela supprimerait le lien et permettrait à Harry de penser plus clairement. Je ne savais pas que cela le détruirait ! Et je ne savais pas non plus que la destruction du lien aurait cet effet sur Harry ou Jedusor. »

« Très bien », dit James, évacuant brusquement sa colère dans une grande inspiration, comme Lily n'avait jamais pu le faire. « Maintenant, tu le sais. Et je ne veux plus jamais te voir faire une chose pareille. »

Sirius l'étudia pendant un moment d'incertitude. « Amis ? »

« Nous n'avons jamais cessé d'être amis, Patmol. » James tapa sur l'épaule de Sirius assez fort pour la meurtrir, ce qui correspondait aux émotions que Lily ressentait à travers leur lien. Un mélange de colère, de soulagement et de résignation. « Et c'est bien que nous ne soyons plus dans des camps opposés. »

Sirius se redressa. « Je ne serai jamais du côté de Jedusor. »

« Nous le sommes », dit Lily à voix basse. « Dans le sens où nous soutenons notre fils, et tu sais qu'Albus n'aimera pas ça. Je ne suis pas d'accord avec les méthodes de Jedusor ni avec la rhétorique qu'il tient. Harry va s'efforcer de changer cela, et je le soutiendrai. Mais tu sais qu'Albus serait encore plus heureux de la destruction de leur lien maintenant que de la défaite définitive de Jedusor. »

« Oui, je sais. » Sirius se renversa dans son fauteuil et fronça les sourcils en direction du plafond.

« L'un d'entre vous sait-il pourquoi ? »

« Parce qu'il pense que Jedusor sera plus puissant que jamais avec le double pouvoir que le lien pourrait lui donner », dit James en fronçant les sourcils à Sirius. « C'est pour cette même raison que nous voulions tous empêcher Harry et Jedusor de se lier. C'est dommage qu'on en soit arrivé là, d'une certaine manière, mais je soutiendrai mon fils quoi qu'il arrive. »

Lily voulut soupirer, mais se retint. James allait se tenir aux côtés de Harry, elle le savait, mais c'était "dommage". Elle espérait que James ne croiserait pas le regard de Jedusor ou qu'il enfouirait profondément cette pensée la prochaine fois qu'ils seraient en présence de Jedusor et de sa Légilimencie.

« Non, je veux dire. Pourquoi est-il plus important d'empêcher Harry et Jedusor de se lier que d'empêcher ce salaud de faire passer des lois ou de prendre le contrôle de plus d'Aurors ou de découvrir la cachette de l'Ordre ? »

« Je ne pense pas qu'il ait jamais réussi à identifier la cachette de l'Ordre. Et il n'y a aucun signe que Harry lui en ait parlé. »

« Tu ne m'écoutes toujours pas vraiment, James. » Sirius bascula sa chaise en arrière de sorte que ses pieds reposent sur la table et que sa tête heurte le mur. « Dumbledore est trop concentré sur ce fichu lien. Il a approuvé mon plan d'enlèvement, mais il voulait surtout que je jette ce sort. »

« Tu penses qu'il savait ce que faisait ce sort et que c'est la raison pour laquelle il voulait que tu le lances ? » James s'était levé d'un bond et avait commencé à faire les cent pas dans la cuisine. « Je le tuerai. Je vais le traquer et le tuer ! »

Molly était généralement la personne avec laquelle Lily échangeait des regards de sympathie, et généralement à propos de Sirius. C'était étrange de le faire avec Sirius à propos de James à la place.

Mais ils le firent quand même, et Sirius roula des yeux en disant : « Il ne devait pas savoir ce qu'il faisait vraiment, sinon il m'aurait suggéré de le lancer quand j'étais proche de toute façon, au lieu de prendre le risque de kidnapper Harry et de me faufiler à travers les gardes de Jedusor. Il pensait que je devais le lancer lorsqu'une des âmes sœurs se trouvait à bonne distance de l'autre. Mais je pense qu'il voulait surtout que le lien soit détruit. »

« Pourquoi ? » demanda Lily, car même si elle pensait que la théorie de Sirius avait du mérite, elle ne leur donnait pas de réponse à l'obsession d'Albus.

Sirius secoua la tête, d'une voix rauque. « Je n'en sais rien. Je pense juste que si Albus en a l'occasion, il jettera aussi le sort sur Harry. »

« Connaît-il l'incantation ? »

« Non, je ne lui ai pas dit. Mais il n'est pas impossible qu'il trouve des livres comme ceux de la bibliothèque noire où je l'ai apprise. »

James acquiesça et se replongea dans ses pensées. C'est Lily qui se pencha en avant. « Je savais que j'avais besoin d'un projet autre que celui de décorer l'appartement et d'essayer de retrouver une vie normale. Surtout que persuader Harry de donner une chance à Jedusor a été couronné de succès si rapidement. »

Sirius lui jeta un coup d'œil. « Tu vas chercher les raisons pour lesquelles Albus est si désireux de voir ce lien détruit ? »

Lily acquiesça. « Il doit y en avoir une. Et je vais commencer par regarder mes souvenirs dans un Pensine, ainsi que ceux de James. Il est possible qu'il ait déposé devant nous des indices que nous n'avons pas remarqués à l'époque. »

« Es-tu sûre que c'est judicieux ? »

« Bien sûr, Sirius. J'ai l'intention de comprendre pourquoi Albus Dumbledore est une telle menace pour mon fils. J'ai compris pourquoi Jedusor l'était, mais Dumbledore reste un mystère. »

Sirius leva les mains. « Je dis juste que s'il s'avérait qu'il y avait une vraie raison ? Albus n'est pas fou. Et s'il avait une raison de croire qu'il est d'une importance vitale pour l'avenir du monde que Harry et Jedusor ne se lient pas ? »

Lily soupira. « Alors je serai toujours du côté de mon fils, mais nous devrons décider de ce qu'il faut faire à ce sujet. Peut-être que Jedusor et Albus peuvent être amenés à envisager des pourparlers de paix. »

Sirius grimaça. « Je ne vois pas ce qui pourrait persuader Albus. »

« Moi non plus », dit Lily. « Mais ça ne veut pas dire que je vais abandonner avant même d'avoir commencé. Il reste un être humain, et il mérite mieux que ce qu'il a essayé de faire à Harry. »

James roula des yeux, mais Lily se contenta de le regarder fixement. Il n'était pas encore du côté de Jedusor non plus, pas complètement, ce qui faisait de lui un hypocrite si elle voulait donner une chance à Albus. James grimaça et hocha la tête tandis que les émotions de la jeune femme s'écoulaient le long du lien. Lily but dans sa propre tasse de thé et se demanda par où commencer.

Une partie de l'histoire personnelle d'Albus la gênait. Elle savait qu'il avait rejeté son lien avec Gellert Grindelwald, mais elle ignorait comment ils s'étaient rencontrés. Grindelwald était censé être allé à Durmstrang, puis en avait été chassé pour avoir pratiqué des arts obscurs dépassant le cadre autorisé par l'école. Comment était-il arrivé en Grande-Bretagne ? Ou pourquoi Albus serait-il allé sur le continent ?

C'est par là que je devrais commencer, alors.

-HDD-

Albus regarda l'épaisse potion blanche qu'il tenait dans ses mains avec un sentiment de grande lassitude. C'était ce qui restait du poison qu'il avait voulu utiliser sur Tom.

Enfin, avait utilisé. Mais au final, tout ce qu'il avait gagné, c'était que son ennemi trouve son âme sœur et qu'il perde un espion important parmi les Aurors.

« Tu devrais leur dire. »

Albus se tourna vers la voix fêlée et brisée de Gellert. Il secoua la tête. « Tu sais qu'ils refuseraient de croire qu'il s'agit d'eux. »

« Ils devraient quand même avoir la chance de découvrir pourquoi tu as été si opposé à eux pendant toutes ces années. » Gellert se mit à tousser fortement et Albus attrapa une des potions de soin. Il ignora la façon dont Gellert essayait de le repousser et versa la potion dans sa gorge. Gellert n'avait jamais voulu mourir. Il voulait simplement contrecarrer Albus par tous les moyens possibles.

Albus attendit que Gellert ait avalé. « Je te l'ai dit, ils ne me croiraient pas. Et je dois être bien plus avancé que je ne le suis pour faire confiance à Tom Jedusor, entre tous. »

Gellert rit. Sa voix était déjà plus forte. Il se détourna et laissa sa tête reposer un instant sur son bras en murmurant : « Mais tu te fais confiance, le jugement d'un homme qui a rejeté son âme sœur. »

« Tu n'aurais jamais pu t'arrêter, Gellert. Tu avais l'intention de conquérir le monde. »

« Tu aurais pu me retenir. Si tu avais pleinement accepté le lien... »

C'était un vieil argument, qu'Albus n'avait pas l'intention de laisser jouer à nouveau. Il continua comme s'il n'avait pas entendu. « Tu m'aurais corrompu et fait basculer dans la Magie Noire, et j'aurais fait n'importe quoi plutôt que de trahir mon âme sœur. Tu sais que c'est la personnalité la plus forte des deux qui l'emporte. Il en irait de même pour Tom Jedusor et le jeune Harry, si j'osais leur faire confiance. Ils deviendraient des armes de destruction parce que Harry ne pourrait pas dominer Jedusor ».

« Oses-tu croire que tu es le seul à connaître le véritable destin du monde ? »

« C'est moi qu'un phénix a choisi », répondit simplement Albus.

Après tout, la dispute s'était déroulée comme à l'accoutumée, et Gellert n'avait pas plus de réponse à cette déclaration qu'il n'en avait jamais eu, fermant les yeux et sombrant dans le sommeil. Albus le regarda tomber et soupira en s'asseyant devant le feu au fond de la caverne.

Oui, il avait regretté tant de choses dans le passé, mais il ne pouvait pas regretter la décision de rejeter son âme sœur, ou de s'opposer à la vision de l'avenir que Tom Jedusor et Harry Potter représentaient. Il jouait la vision que le phénix lui avait montrée, et comment aurait-il pu la rejeter et se considérer encore comme un sorcier de la Lumière ?

-HDD-

Harry se réveilla et découvrit que Tom le regardait. Il s'étira lentement dans le lit, grimaçant devant les douleurs qui parcouraient son corps, et demanda : « As-tu dormi un peu ? ».

« Non. »

Harry soupira et tendit la main pour prendre celle de Tom. Les émotions montaient en flèche, la peur à l'arrière du feu d'artifice que formaient la rage de protection et d'affection. « Je suis toujours là. Le sort de Sirius n'a pas causé de dommages durables. »

« Nous ne le savons pas encore. »

Harry savait qu'il ne gagnerait pas s'il essayait d'argumenter sur ce point, aussi se contenta-t-il d'acquiescer et de murmurer : « Très bien. Mais il faut que tu saches que j'ai pensé à quelque chose. »

« Oui ? » Tom se déplaça de façon à s'appuyer sur un coude du lit et à embrasser Harry, et ses émotions firent apparaître une autre lumière au fond de l'esprit de Harry.

« Ce sort aurait-il fonctionné si nous avions partagé plus qu'un lien émotionnel ? »

Le silence de Tom était une réponse suffisante, alors que le seul lien qui les unissait en ce moment se déchaînait et bondissait comme s'il s'agissait d'une gazelle captive. Harry acquiesça. « Je veux créer un autre lien dès que possible. »

« Je ne veux pas que tu te sentes obligé de le faire », murmura Tom en regardant le mur du fond. « Ou que tu veuilles le créer pour cette seule raison. »

« Je sais », dit Harry. « Et je veux attendre pour faire l'amour avec toi. » Le côté du lien de Tom scintilla à nouveau. « Ou pour t'ouvrir mon esprit. » Il prit une grande inspiration. « J'ai besoin d'une chance de me sentir à l'aise avec mes propres pensées, d'abord. »

« La magie, alors ? » Le pouce de Tom s'attarda sur le pouls au creux de la gorge de Harry.

Harry acquiesça. « Il n'y a aucune raison d'attendre. Nos magies sont déjà partiellement entremêlées, la plupart du temps. Et je veux - je veux savoir que tu es proche de moi et que tu n'es pas sur le point de me quitter comme je l'ai ressenti la nuit dernière, Tom. »

Le sourire de Tom illumina la pièce comme l'avait fait la flamme invisible de leur lien. Il fit appel à son pouvoir, et celui-ci se balança autour de lui, plein et brillant comme un arbre argenté. Harry fit lentement de même avec sa propre magie. Il s'attendait à ce qu'elle soit un peu malmenée et peu encline à réagir après ce qu'avait fait le sortilège de Sirius.

Mais il n'en fut rien. Le pouvoir de Harry s'éleva et chanta, et les branches d'un arbre doré atteignirent celles de Tom. Tom reprit son souffle lorsque les "branches" se mélangèrent. Harry ne fit aucun bruit. Ce qu'il ressentait était trop profond pour cela.

La sensation l'envahit, celle qu'il n'avait ressentie que le soir du gala du Ministère, lorsque leur magie s'était mêlée sur la piste de danse. Harry ferma les yeux et se laissa porter par ce nuage de force et de férocité. Il avait toujours hésité à se défendre aussi vigoureusement qu'il l'aurait fait s'il avait été blessé, de peur de révéler sa magie au regard inquisiteur de quelqu'un. Maintenant, il savait ce que c'était que d'avoir cette capacité et ce désir.

Même s'il avait été blessé et qu'il voulait se retenir de blesser quelqu'un en retour, la magie de Tom qui coulait en partie dans ses veines ne lui permettrait pas de le faire.

Alors ne te blesse pas, c'est ça, pensa Harry, qui cligna des yeux, frissonna et se concentra sur son âme sœur en disant d'une voix rauque : « Ce sort de Sirius ne fonctionnera plus contre nous maintenant. »

« Non », souffla Tom en guise de confirmation, laissant un bras s'enrouler autour des épaules de Harry. « Et j'ai l'intention de m'assurer que rien d'autre ne le fera non plus. »

Il pressa ses lèvres contre celles de Harry, et ce dernier fut plus qu'heureux de suivre le mouvement, emporté dans un monde magnifique où il semblait, pour un instant seulement, que rien ne pourrait plus jamais leur nuire.