Tom tourna la tête. En apparence, il avait écouté avec la patience dont il était capable une énième diatribe d'Acturus Black sur les raisons pour lesquelles les nés-moldus n'avaient pas leur place au ministère. Il savait que Harry avait prévu d'aborder Black au sujet de la dette de vie qu'il avait contractée, mais ils avaient convenu qu'il valait mieux attendre et laisser Madame Malefoy diffuser d'abord certains des faits que Harry lui avait confiés.

De toute façon, Harry était en pleine séance avec un psychomage, et seules quelques émotions filtraient le long de leur lien. Pour l'instant, il était d'humeur calme et attentive, comme de la glace.

Ce que Tom avait ressenti venait d'autre chose.

« Et si vous pensez que les sangs-purs vont s'asseoir et laisser les sangs-de-bourbe piétiner nos traditions sacrées... »

Tom leva la main. Black cligna des yeux et se tut. Tom n'avait pas l'habitude de commander ainsi. Il était doué pour écouter des conversations ineptes avec la moitié de son attention, tout en tendant la main avec sa véritable conscience dans d'autres directions.

Mais cette fois-ci...

Tom écouta, écouta, et finit par distinguer le son. C'était comme une cloche qui sonnait doucement dans une autre pièce, mais qui devenait plus dure à mesure que la brise d'une fenêtre ouverte l'agitait. C'était l'une des alarmes que Tom avait placées autour du Ministère pour l'alerter si quelqu'un avec une aura magique importante et active s'approchait à une certaine distance du Ministère, une autre méthode pour trouver son âme sœur. Tom n'avait jamais pris la peine de démonter les alarmes après avoir trouvé Harry. Il s'était dit qu'elles pourraient servir d'avertissement si Dumbledore tentait une nouvelle attaque contre lui.

Mais maintenant...

« Attendez ici », dit Tom à Black, qui ouvrait à nouveau la bouche pour se plaindre - c'était ce que c'était, il n'y avait jamais rien d'autre. « Nous sommes peut-être sur le point de subir une attaque. » Il quitta son bureau et ferma la porte derrière lui, se dirigeant vers le son en question.

Elle était suspendue dans l'un des bureaux extérieurs du Département de l'application des lois magiques, sous un sortilège qui empêchait quiconque de s'en approcher. Tom ne voulait pas qu'elle soit déclenchée par des Aurors au hasard. Mais il aurait dû sonner plus fort que cela si un sort avait touché le ministère ou s'en était rapproché. En fait, la tonalité n'avait pas changé depuis que Tom l'avait entendue pour la première fois, ce qui était plus qu'étrange. Dumbledore préparait-il un sortilège juste en dehors de sa portée ?

Tom entra dans la petite salle de réunion et se dirigea vers sa cloche, chassant distraitement l'illusion de l'espace vide qu'elle occupait. Le petit instrument argenté se balançait d'avant en arrière sur le fil d'acier tendu que Tom lui avait concocté, le battant étant paresseux et doux. Tom fronça les sourcils, puis jeta un coup d'œil dans la pièce. Peut-être que quelque chose n'allait pas dans sa garde et qu'elle avait capté la magie d'un Auror qui était simplement passé à côté de lui pour aller ailleurs.

Mais lorsqu'il utilisa la magie pour améliorer ses sens, il se rendit compte qu'il n'y avait aucune odeur récente de quelqu'un dans les parages, ni aucun signe que la moquette avait été écrasée par des pas ou la table dérangée par de petites flaques de sueur. Tom mit fin à l'enchantement et recula pour observer à nouveau la cloche. Il ne leur avait pas donné beaucoup de sens de l'orientation, étant donné qu'elles étaient censées indiquer la présence d'une personne puissante au sein même du Ministère, mais il pouvait lire quelques informations sur le mur vers lequel le battant pointait lorsqu'il atteignait le sommet de son arc.

Il pointait vers le mur ouest, mais déjà il s'adoucissait, son ton était doux au lieu d'être un avertissement. Tom ferma les yeux et réorienta ses sens vers l'ouest. Qu'y avait-il là ? D'après ce qu'il pouvait voir, pas grand-chose. Une campagne tranquille, des petits villages où personne ne pratiquait la magie, les rues d'une ville...

Les yeux de Tom s'ouvrirent brusquement. Oui, il y avait là les vestiges d'un grand rassemblement de magie, comme si quelqu'un avait ouvert une porte vers un autre monde (un art auquel Tom ne s'était jamais intéressé, car aucun d'entre eux n'aurait eu son âme sœur). Il n'était pas étonnant que la cloche l'ait à peine sentie. Elle devait être à la limite de sa portée magique.

Mais qui aurait eu le pouvoir d'ouvrir un portail ou d'effectuer un travail comparable ? Tom secoua la tête. Il tenait une liste privée des couples d'âmes sœurs du pays et de la puissance de leur magie.

Aucun d'entre eux n'était comparable à lui seul, et encore moins à ce qu'il aurait maintenant que son lien avec Harry était pleinement ouvert.

À moins que Dumbledore n'ait réussi à ressusciter le lien avec son âme sœur, bien sûr.

Tom s'éloigna lentement de la cloche, l'esprit plein des livres qu'il avait lus dans sa vingtaine, lorsqu'il cherchait encore un moyen de faire réapparaître sa marque. Ce qu'il avait trouvé indiquait qu'il n'y avait aucun moyen de le faire, mais aussi que cela n'avait pas détruit son potentiel à se lier à une âme sœur, ce qui avait été la question à laquelle il souhaitait le plus trouver une réponse.

Et pour quelqu'un, recommencer un lien qu'il avait autrefois rejeté était également possible, mais seulement avec un véritable amour de part et d'autre. Tom grimaça. Il n'imaginait pas Dumbledore se rendre chez Grindelwald à Nurmengard, se mettre à genoux et lui avouer qu'il l'aimait depuis des années.

Qu'est-ce qui aurait pu se passer ? Grindelwald avait-il convoqué Dumbledore et lui avait-il dit qu'il regrettait la dissolution de leur lien et qu'il souhaitait se lier à nouveau ?

Mais là encore, Tom ne savait pas comment l'amour aurait pu naître dans le cœur d'un Seigneur des Ténèbres rejeté et ne nourrissant que son amertume. Même s'il n'était pas un Seigneur des Ténèbres, Tom pensait comprendre Grindelwald mieux que la plupart des gens. Il aurait pardonné beaucoup de choses à Harry, mais pas d'établir leur lien et de s'en détourner ensuite.

Non, il y avait probablement quelque chose d'autre qu'il n'avait pas encore envisagé, un moyen pour Dumbledore de recevoir un plus grand pouvoir ou de faire renaître son lien.

Tom soupira d'irritation et se tourna vers la porte. Il allait devoir se rendre dans son bureau et feindre à nouveau de s'intéresser aux plaintes de Black. Il ne pouvait rien faire sans plus de connaissances et sans Harry à ses côtés.

Au moins, ils avaient eu cet avertissement.

-HDD-

Molly déglutit en franchissant la porte du Chaudron Baveur. Elle avait trouvé étrange que les Aurors leur demandent, à elle et à Arthur, de les rencontrer et de leur remettre leurs baguettes, mais c'était surtout les gens qui s'agitaient autour d'elle qui lui donnaient des fourmis dans les jambes. Cela faisait des années qu'elle n'était pas sortie du refuge ou des camps de l'Ordre, et elle connaissait tout le monde.

Mais étrangement, personne ne les regardait plus de deux fois. C'était une journée chargée, bien sûr, animée par des parents qui escortaient leurs enfants rentrés à la maison pour les vacances de Pâques, alors peut-être que cela en était la cause.

Le plus important, cependant, Molly le vit lorsqu'elle contourna une sorcière au grand chapeau et s'arrêta. Un contingent d'Aurors les attendait, oui, mais seulement trois, bien moins que ce que Molly avait pensé vouloir pour rencontrer de dangereux terroristes.

Et au milieu d'eux se trouvait le ministre.

Molly serra plus fort que jamais la liasse de documents qu'elle portait. Jamais elle n'avait imaginé que le ministre Jedusor serait là pour les "accueillir". Elle échangea un regard impuissant avec Arthur.

Ce dernier lui rendit finalement son sourire et leva les épaules. « Mieux vaut commencer comme nous voulons continuer, ma chère », murmura-t-il. Jusqu'à présent, remarqua Molly, ni les Aurors ni le Ministre n'avaient fait le moindre geste en leur direction, bien qu'ils les observaient visiblement.

Arthur la salua d'un signe de tête, puis se retourna et se dirigea vers la table centrale.

Molly suivit lentement, et essaya de ne pas ressentir la vieille haine instinctive lorsque les yeux du Ministre Jedusor se posèrent sur elle.

Le ministre ne l'étudia qu'un instant avant de se retourner et de se lever pour serrer la main d'Arthur.

« Merci de vous être rendu et de nous avoir aidés à éviter tout désagrément », dit-il d'une voix riche et cultivée qui fit ciller Molly. Mais elle ne l'avait pas entendu parler depuis des années. L'Ordre évitait d'être en possession d'un appareil magique, au cas où il serait possible de les suivre à la trace. « Je sais que mon âme sœur vous apprécie tous les deux. »

« Nous pensions qu'il aimait aussi notre fils et notre belle-fille, » dit Molly d'une voix un peu engourdie.

« J'imagine que cette affection a diminué après qu'ils l'aient maudit dans le dos et forcé à se battre en duel », dit Jedusor, la voix plus aiguë. C'était pourtant toujours agréable de l'écouter, ce qui était déconcertant. Il lâcha la main d'Arthur et tendit sa main vers la sienne. Molly la prit et essaya de ne pas laisser ses yeux s'attarder sur le pendentif phénix en onyx et diamant autour du cou de Jedusor. Elle avait pensé qu'il cesserait de le porter après avoir trouvé l'âme sœur, mais peut-être y était-il attaché. « Vous n'avez rien fait de tel à ma connaissance. »

Molly secoua la tête et reprit sa main. « Non. Pour être honnête, nous nous interrogions sur les objectifs de l'Ordre depuis un certain temps. »

« Mais pas assez pour s'en éloigner et demander le pardon avant ça. »

« C'est difficile d'abandonner quelque chose que vous avez fait toute votre vie. » Molly voulait parler davantage, mais le bras d'Arthur s'était glissé autour de sa taille, et elle senti leur magie d'âme sœur la tirer doucement, l'apaiser. Elle se mordit la lèvre et essaya de garder le silence.

« Oui, c'est vrai », dit Jedusor, sa voix ayant maintenant une résonance sympathique qui n'était pas feinte. Molly le regarda et Jedusor lui fit un signe de tête. « Mais si nous voulons continuer à parler de cela, peut-être devrions-nous aller ailleurs. »

Molly jeta un coup d'œil en arrière et vit que la plupart des personnes présentes dans le Chaudron Baveur les fixaient. Elle acquiesça. « Pourquoi vouliez-vous nous rencontrer ici, monsieur ? » Elle eut du mal à faire sortir le dernier mot de sa gorge, où il semblait rester collé, mais elle y parvint. Si elle désignait Dumbledore de cette façon depuis des années, il était peut-être temps de l'utiliser pour parler de quelqu'un d'autre.

« Il ne fait donc aucun doute que votre arrestation s'est déroulée pacifiquement, » déclara Jedusor. « Et que vous vous êtes rendu. Vos baguettes, s'il vous plaît. » Il tendit la main.

Molly déglutit et la tira. Elle la tint par le milieu du manche et la montra sur sa paume à Jedusor. Ce dernier la réclama avec une explosion de magie autour de ses mains qui, selon elle, devait neutraliser les pièges qu'elle contenait.

Il fit de même avec la baguette d'Arthur, les étudia un instant, puis les remit aux Aurors d'un signe de tête. Puis, absurdement, il s'approcha de Molly et lui offrit son bras comme un courtisan moldu.

Molly le dévisagea, mais prit le bras lorsqu'elle vit ses yeux se durcir. « Pourquoi faites-vous cela ? » demanda-t-elle sous sa respiration alors qu'ils se dirigeaient vers la porte.

« Vous êtes importante pour mon âme sœur », dit Jedusor en haussant les épaules. « Je vous l'ai déjà dit. Vous pouvez choisir de ne pas me croire, mais si j'entends que vous avez été mauvaise avec Harry à cause de cela, alors nous pourrons reconsidérer la quantité de désagréments que je suis prêt à tolérer. »

Pendant un instant, ses ongles acérés avaient piqué la peau de son poignet. Molly acquiesça, un peu étourdie. « Je n'ai aucune envie de le réprimander. Je veux seulement savoir ce qui se passe. Ce n'est pas du tout ce à quoi je m'attendais. »

« Personne ne s'attendait à quelque chose de tel », dit Jedusor. Son visage était sévère et froid, mais ses yeux brillèrent un instant. « Y compris Dumbledore. »

Molly frissonna lorsqu'ils atteignirent la zone de transplanage et que Jedusor transplana avec elle.

Elle ne jeta qu'un coup d'œil en arrière pour s'assurer qu'Arthur suivait toujours sous la garde des Aurors.

Jedusor serait peut-être enclin à les traiter plus aimablement à cause de Harry, mais elle se demandait si sa version de l'amabilité correspondrait à la sienne.

-HDD-

« Comment ça s'est passé avec le psychomage Laufrey ? »

« C'était différent de ce à quoi je m'attendais », dit Harry, en s'adossant au canapé et en regardant Tom préparer le dîner, qui était si docile qu'il trouvait cela suspect. Cependant, le fait que Tom veuille s'occuper de tout ce que faisait Harry, y compris de ce qu'il mangeait, était finalement assez logique. « Moins de réprimandes. »

« Tu as l'impression que les gens voudraient te gronder pour ce que tu as subi », murmura Tom en jetant un coup d'œil par-dessus son épaule avant de se concentrer à nouveau sur le saumon qui se trouvait devant lui.

Harry soupira et regarda par la fenêtre de l'appartement de Tom. Les lumières lointaines de Londres s'allumaient, et il se demanda si quelqu'un pouvait regarder derrière lui et les voir. Probablement pas, connaissant toutes les protections que Tom avait placées sur les fenêtres. « La plupart du temps, c'est ce que faisaient les gens. »

« Qui ? »

« Eh bien, je veux dire, je ne pense pas que mes parents l'aient voulu. Mais ils m'expliquaient toujours ce que je devais faire si tu m'approchais, ou comment je devais réagir si j'avais la chance de te rencontrer et de te dire la vérité. J'avais parfois l'impression d'être grondé d'être né avec ta marque d'âme, surtout quand j'étais plus jeune. Et le psychomage de Sirius l'avait grondé. Et tu as fait la même chose. »

« Je ne l'ai pas fait. » Tom se retourna, tandis que leur lien vibrait d'une émotion froide et glissante que Harry identifia au bout d'une seconde. Tom se sentit horrifié.

« Tu me dis que j'aurais dû t'approcher plus tôt ? Accepter ta demande de voir un médicomage sans protester ? Que je n'aurais pas dû rester ami avec Ron et Hermione après qu'ils m'aient trahi ? » Harry levait ses doigts au fur et à mesure, ignorant la façon dont le lien se réchauffait de plus en plus. « Tu avais peut-être raison, mais tu as parlé d'eux avec ce ton condescendant de 'je te l'avais bien dit' qui est très déplaisant. »

Tom cligna des yeux plusieurs fois, le temps que le lien se refroidisse. Puis il fit quelque chose au saumon qui semblait impliquer un charme de stase, et vint s'asseoir à côté de Harry. « Si j'ai fait ça, j'en suis désolé. Je pense qu'il y a des conclusions auxquelles tu aurais pu raisonnablement arriver, même si Dumbledore te mentait... »

« C'est reparti. »

Tom se rassit en faisant une grimace et en secouant la tête. « Je pensais vraiment que je te disais la vérité. »

« Je sais. Je sais que c'est le cas », répéta Harry lorsque Tom le regarda et que le lien vibra comme une corde que l'on aurait pincée. « Je sais que tu me dis honnêtement ce que tu penses. Mais je déteste - je déteste être une déception pour tout le monde comme je sais l'être. »

« Tu n'es pas une déception. »

« Admets-le, Tom. Tu aurais aimé que je me détache de Dumbledore et de l'Ordre et que je vienne te chercher plus tôt. Tu aurais aimé que je ne perde pas tant d'années à croire ce qu'ils faisaient, que tu étais mauvais et moi aussi. Tu aurais aimé que je sois plus confiant et plus avisé sur le plan politique. » Harry hésita et le lien se tordit.

« Finis ce que tu voulais dire. »

« Tu voudrais que je sois un sang pur. »

Tom saisit ses mains et les maintint immobiles. Harry cligna des yeux lorsque le lien se réchauffa à nouveau, et Tom se pencha jusqu'à ce que ses lèvres soient à un centimètre, peut-être, de celles de Harry. Selon la tonalité du lien, il n'avait jamais eu autant envie d'embrasser Harry.

« La dernière chose n'est absolument pas vraie », murmura Tom avec férocité. « Souhaiter que tu sois aussi bigot que les autres, que tu sois enclin à soupirer après les nés-moldus et que tu ne supportes d'avoir une âme sœur sang-mêlé que parce que je suis puissant ? Non, Harry. Le statut sanguin de mon âme sœur potentielle ne m'a jamais importé, mais j'ai beaucoup réfléchi à l'arrogance que je pourrais avoir à surmonter si tu étais de sang pur. Le fait que tu sois ce que tu es ne pourrait pas me plaire davantage. »

Le lien pulsait comme un soleil entre ses épaules, ce qui permit à Harry de soupirer et de le croire.

« D'accord, mais les autres choses que j'ai dites ? »

Tom renouvela le charme de stase sur le saumon et s'installa sur le canapé, son bras entourant fermement Harry. Harry appuya sa tête sur l'épaule de Tom et regretta que Gérald ne lui ait pas recommandé de parler à son âme sœur. Jusqu'à présent, cela lui faisait beaucoup de mal.

« J'aurais aimé que les choses soient différentes, » admit Tom. « Que nous ayons pu passer plus d'années ensemble et que tu n'aies pas passé autant de temps à souhaiter ne pas être né avec ma marque. Mais je blâme l'Ordre, Dumbledore, tes parents et ton parrain pour ça. Tu as été élevé de cette façon. Tes parents et ton parrain ne l'étaient pas, mais ils ont quand même accepté les conneries que Dumbledore déblatérait. »

« Dumbledore était pourtant très convaincant et charismatique. Et ils pensaient que tu étais un Seigneur des Ténèbres et qu'il avait rejeté son âme sœur, donc il savait de quoi il parlait. »

« Mais ça ? Cette défense acharnée de gens qui t'ont mal traité et qui doivent le reconnaître, même s'ils l'ont fait pour les meilleures raisons du monde ? C'est tout toi. » Tom releva la tête pour que leurs yeux se rencontrent, même si le lien sautait et sonnait. « Et c'est sacrément ennuyeux. »

« Désolé. »

Tom haussa les épaules. « Aucun niveau d'agacement ne m'amènerait à rompre le lien, Harry. Je te veux. Je t'aime. Je me battrai toujours pour te garder. Et je vais travailler sur le ton condescendant. » Il tapota la jambe de Harry. « Pendant que tu travailleras à voir la vérité sur ton enfance. »

« D'accord. » Harry s'appuya plus lourdement contre Tom, puis jeta un coup d'œil en sentant quelque chose de brûlant. « Tu dois encore renouveler le charme de stase sur le saumon ? »

« Merde ! »

Harry rit. Le plaisir de savoir que personne ne le croirait s'il disait que le Ministre de la Magie avait failli brûler leur dîner était plus grand que le plaisir de savoir que personne d'autre n'aurait jamais besoin de le savoir.

-HDD-

« Albus. Albus, laisse-moi partir. »

Albus soupira. C'était le genre de phrase vide de sens que Gellert répétait depuis qu'Albus avait renoué leur lien. Albus savait que l'horreur qui se dégageait du lien était réelle, mais d'un autre côté, qu'aurait fait Gellert de lui ? C'était la seule solution, la meilleure.

Et Albus aimait Gellert. Assez pour ignorer ses divagations qui ne signifiaient rien et pour se concentrer sur la façon de les amener à une position où ils seraient honorés et où ils pourraient recevoir les remèdes dont ils avaient besoin. Lorsqu'ils seraient considérés comme les sauveurs du monde.

Pour l'heure, Albus se tenait sous deux grands arbres aux branches entrelacées que certains considéraient comme l'entrée de la Forêt Interdite, le regard fixé sur Poudlard. Il devait retourner à l'école pour y chercher du matériel - des potions, des livres, des ingrédients - qu'il n'avait pas eu le temps de récupérer lors de sa fuite. Et il devait s'assurer qu'il ne blesserait pas trop de monde en le faisant.

« Albus ! »

Albus se retourna, vaguement intéressé. Cela avait l'air significatif. Peut-être Gellert avait-il repéré quelqu'un qui essayait de les surprendre.

Gellert planait au-dessus d'eux dans un engin ressemblant à un rocking-chair moldu, fait de lamelles de bois tressées entre elles, enveloppées des sortilèges nécessaires pour le protéger du froid et le maintenir en place. Il fixa Albus dans les yeux, et le lien bondit et s'agita entre eux. Albus fronça les sourcils.

« Oui, Gellert ? » Une vague de tendresse s'empara d'Albus tandis qu'il parlait, et il admira la boucle des cheveux de Gellert qui pendaient le long de sa joue, ainsi que la courbe de la joue elle-même.

« Je t'en prie, laisses-moi partir », murmura Gellert, la tête baissée. « C'est de la folie. Tu dois le savoir. »

« Beaucoup de choses peuvent sembler folles de l'extérieur quand on les fait pour sauver le monde. » Albus tendit la main pour caresser les cheveux de Gellert, et ignora la façon dont Gellert s'écarta de lui. Il allait devoir s'y habituer. Si les gens pensaient qu'il était fou, avec son amour qui tonnait dans ses veines, eh bien, c'était comme ça. Albus devait se préoccuper de la sécurité du monde, pas de sa réputation. « Et je sais que même l'amour non partagé donne lieu à des pouvoirs doublés. C'est le seul moyen de défier Potter et Jedusor. »

« Et si nous n'avions pas besoin de les défier ? »

« Qu'est-ce que tu veux dire ? » Albus pensait savoir où Gellert voulait en venir, ce qui se traduirait par davantage de bavardages inutiles, mais il pouvait faire plaisir à l'homme qu'il aimait s'il le voulait.

« Et si Jedusor n'était pas un Seigneur des Ténèbres ? » chuchota Gellert en se penchant tout près, bien que personne ne puisse les entendre dans de nombreuses directions si les charmes de détection d'Albus fonctionnaient correctement. « Et si Potter parvenait à le dompter ? »

Albus soupira et retira sa main des cheveux de Gellert. C'était en effet le même genre d'absurdité que Gellert avait soulevée à maintes reprises. « Admettons que j'accorde un instant la vérité à cette histoire. Que se passera-t-il alors ? »

« Nous n'avons pas à les affronter et tu me libères de ce lien », dit immédiatement Gellert.

« Non, » dit doucement Albus. « Je veux dire qu'il est toujours utile de vaincre Jedusor, même s'il n'est pas un Seigneur des Ténèbres. Il reste un politicien répugnant qui a choisi de jouer le jeu de la suprématie du sang pur. Il attirera Harry dans ce jeu et renforcera son emprise sur le pouvoir. Nous devons le vaincre même s'il porte un autre nom que celui de Seigneur des Ténèbres. »

Gellert ferma les yeux. Des larmes coulaient sur son visage. Albus les embrassa, puis se tourna à nouveau vers l'école. Cette fois, il sentait que quelqu'un venait vers eux, mais il retint sa baguette. Il y avait toutes les chances que cette personne soit un innocent, même si elle était entourée d'une forte aura de magie.

Puis des flammes rouges et dorées jaillirent dans la forêt, et Albus fronça les sourcils. D'une certaine manière, la personne qui venait les affronter était bien un innocent, mais ce n'était pas quelqu'un qu'il aurait voulu voir ou qu'il aurait eu une chance de persuader de se ranger de son côté.

Les flammes s'installèrent devant lui et s'écartèrent comme un rideau pour révéler la forme de Fumseck. Albus l'observa sans passion. Il fut un temps où il avait une confiance absolue dans les conseils du phénix, mais il était devenu évident qu'ils travaillaient pour deux versions différentes de la réalité.

« J'aimerais bien, » dit-il à son ancien compagnon, « savoir pourquoi tu veux tant que Jedusor et Potter gagnent la guerre. »

Fumseck baissa la tête et chanta. La chanson s'insinua dans l'esprit d'Albus et, l'espace d'un instant, forma une image. Albus pencha la tête. Il lui sembla qu'il se tenait au-dessus d'une sorte d'amphithéâtre, et il se demanda si Fumseck ne lui montrait pas un symbole, une image d'un combat de gladiateurs entre les différentes réalités qu'ils représentaient, peut-être.

L'image devint de plus en plus claire. L'amphithéâtre était construit en pierre blanche, et Albus s'aperçut qu'il le connaissait. C'était autrefois un lieu public où le monde des sorciers organisait des rassemblements, des compétitions et des duels, mais il avait été acheté par la famille Black il y a soixante ans et transformé en arène d'entraînement privée.

L'image était pleine de gens. Ils applaudissaient et encourageaient. Albus ne voyait pas grand monde qu'il reconnaissait, mais on voyait ici et là des cheveux roux qui auraient pu être ceux d'un Weasley, et, près de l'avant, les parents Potter.

Tom Jedusor et Harry Potter se tenaient au milieu de l'amphithéâtre, sur la scène surélevée, et montraient entre eux un grand parchemin attaché par un ruban doré. Albus plissa les yeux. L'image se rapprocha rapidement, comme une caméra moldue, et il put voir ce qui était écrit à l'extérieur du parchemin.

Lois sur les réparations pour les nés-moldus.

Albus grimaça sous son souffle et l'image disparut. Fumseck le regarda fixement, comme un oisillon dans son nid, en émettant des gazouillis très doux qui ne transmettaient rien à Albus.

« Tu crois que cette vision est nouvelle pour moi ? » demanda Albus. « Le contenu l'est, mais pas la vision elle-même. Il s'agit seulement d'une version de la réalité parmi cent autres. Et même s'ils gagnaient et adoptaient de telles lois, qu'est-ce qui les empêcherait d'en adopter d'autres, moins acceptables ? Des lois qui légaliseraient la magie noire et qui retireraient le contrôle de Poudlard au directeur ? »

Fumseck poussa un croassement grave et tourna la tête. Albus suivit son regard. Il regardait Gellert, qui se tenait immobile à côté d'Albus et restait totalement silencieux. Ses yeux étaient cependant fixés sur Fumseck.

Albus haussa les épaules. « Je dois faire des choses moins qu'acceptables au nom du bien commun. Mais c'est moi qui me sacrifie, je n'attends pas que quelqu'un d'autre le fasse avec moi. Et je l'aime. Tom Jedusor n'aime rien ni personne. »

Fumseck lui jeta un dernier regard triste, puis se retourna et s'envola vers le château. Albus se détendit légèrement. Il avait pensé que Fumseck essaierait peut-être d'intervenir, mais il semblait penser qu'il suffisait de projeter sa version de l'avenir.

Albus était heureux de suivre un agent du Destin plus proactif.

Il se remit à étudier le château, et décida finalement qu'il ne trouverait pas de meilleure voie d'accès que le passage secret qui partait de la cave des Honeydukes. Heureusement, ce n'était pas le week-end de Pré-au-Lard et il n'y aurait pas d'élèves dans les parages.

Albus se retourna pour annoncer sa décision à Gellert et cligna des yeux. La main gauche de Gellert s'écartait de son côté, comme s'il avait une baguette à la main. Mais Albus avait caché sa baguette bien avant d'emmener Gellert hors de Nurmengard, il savait donc qu'elle ne pouvait pas s'y trouver.

« Qu'as-tu dans la main, Gellert ? »

Albus savait que sa voix était douce et aimante, mais Gellert lui jeta un regard presque terrifié avant d'ouvrir la main et de répondre : « Rien. »

Albus se pencha vers lui et lui jeta un sort d'honnêteté. Mais Gellert ne fit que répéter le mot quand Albus lui posa la même question.

Il ne restait donc qu'une seule explication. Albus secoua la tête et sourit doucement à son âme sœur.

« Tu sais que tu n'as pas besoin de mentir ou de faire semblant d'être mystérieux pour attirer mon attention. Tu l'as déjà. Tu l'auras toujours. »

Gellert eut l'air malade et le lien se mit à scintiller de taches rouge-orange. Mais Albus ne devait pas en tenir compte. Il y avait beaucoup de choses qu'il avait dû ignorer depuis qu'il aimait son âme sœur.

Il avait pris des décisions hâtives lorsqu'il était jeune, comme l'abandon du lien affectif avec Gellert à cause d'une divergence d'opinion. Il aurait dû chercher à se réconcilier à ce moment-là, et peut-être que Tom Jedusor et Harry n'auraient jamais vu le jour. Gellert et lui auraient pu changer le monde au point de rendre impossible la venue d'un Seigneur des Ténèbres.

Albus soupira avec nostalgie et se dirigea vers Honeydukes sous l'effet de la désillusion, Gellert également désillusionné flottant derrière lui.

-HDD-

Il y avait un feu devant lui.

Peter se réveilla en grinçant et en s'agitant, puis rougit malgré le fait qu'il n'y avait personne autour de lui. Mais il faisait des cauchemars sur les incendies depuis son plus jeune âge. Peut-être était-ce juste une conséquence du fait qu'il avait accidentellement mis le feu à son oreiller lorsqu'il était petit et qu'il voulait avoir plus chaud.

Il se redressa et regarda fixement. Il y avait une boule de feu au centre de son tapis. Peter saisit sa baguette pour conjurer de l'eau, mais il se rendit compte que la boule de feu restait bien sagement en place et n'allait nulle part ailleurs.

Les vrais incendies n'étaient pas aussi polis, bien sûr. Peter se frotta les poings dans les yeux et se demanda s'il était encore en train de rêver.

Mais les flammes se figèrent sur elles-mêmes et Peter put voir qu'il s'agissait de Fumseck. Il se pencha en avant, inquiet. Minerva était la directrice maintenant, et peut-être que Fumseck était venu avec un message d'elle. « Fumseck ? Minerva va-t-elle bien ? »

Fumseck ouvrit son bec et chanta. Peter frissonna et ferma les yeux. Il n'avait entendu le chant du phénix qu'une seule fois, et c'était l'un des souvenirs les plus paisibles de sa vie.

Mais maintenant, une image différente apparut dans son esprit, une image qui n'était pas du tout paisible. Il s'agissait d'un tunnel sombre qui semblait s'élever vers le haut. Peter se rappela le tunnel de la cabane hurlante, mais après quelques instants où les images devinrent plus claires, il réalisa que ce n'était pas le cas. Il s'agissait plutôt du tunnel qui menait à Honeydukes, derrière la statue de la sorcière, au troisième étage de Poudlard.

« Il y a un problème avec le tunnel ? » Peter se leva et enfila une robe de jour par-dessus sa robe de nuit. « Un élève a des ennuis ? »

La voix de Fumseck s'éleva, et l'image dans l'esprit de Peter s'étendit vers l'extérieur en lignes rouges, comme l'opposé d'un morceau de parchemin brûlant. Il pouvait maintenant voir que le tunnel était vide, à l'exception de deux silhouettes au milieu. L'une d'elles semblait flotter dans les airs, attachée par des cordes, et l'autre descendait le long du tunnel à grandes enjambées.

Peter plissa les yeux. C'étaient des personnes désillusionnés, mais la voix de Fumseck se fit plus stridente et insistante, et il put voir le visage d'au moins une des deux personnes.

Dumbledore.

Peter frissonna violemment. « Il faut que j'aille chercher Minerva », marmonna-t-il, et il tendit la main vers la poignée de la porte de ses quartiers.

Fumseck se leva d'un bond et se posa brusquement sur son épaule, ce qui figea Peter. Il n'avait jamais pensé qu'un phénix serait aussi proche de lui. Fumseck se pencha jusqu'à ce que son bec rouge soit juste devant le visage de Peter et chanta, encore et encore et encore.

Dans l'esprit de Peter, il y avait maintenant des mots au lieu d'images, mais pas des mots réconfortants.

C'est ton combat.

Peter déglutit si fort qu'il en eut mal à la gorge et tenta de repousser Fumseck de son épaule. Fumseck resta, s'accrochant même. Peter se tourna pour le fixer, et il savait qu'il avait probablement l'air paniqué, mais ce n'était que de l'honnêteté, parce qu'il l'était.

« Tu sais ce que je suis ? Un homme effrayé dont l'Animagus est un rat ! Je n'ai pas parlé quand j'aurais dû le faire et que j'avais des indices sur le fait que Harry Potter était l'âme sœur du ministre ! Je n'ai pas signalé les efforts de l'Ordre du Phénix lorsqu'il était actif ! Qu'est-ce qui te fait croire que je peux affronter Dumbledore dans un combat loyal ? »

Fumseck déploya ses ailes et donna une réponse sévère qui était moins des mots que l'éclair de lumière sur les lames de ses plumes. Qu'est-ce qui te fait croire que cela doit être juste ?

Peter ferma les yeux. C'était vrai. Il avait sa forme de rat. Il avait l'expérience des Maraudeurs jouant les farceurs, même si, pour être honnête, il s'agissait le plus souvent du genre de farces qu'il fallait quatre personnes pour mettre en place. Ou trois, après que Remus ait refusé de pardonner à Sirius.

Peut-être que cela n'avait pas d'importance. Peut-être devait-il faire ce qu'il pouvait faire de toute façon, parce que Dumbledore ne pouvait pas être revenu ici pour une bonne raison.

Il obtint finalement le départ de Fumseck en se fondant dans sa forme de rat et en courant silencieusement sous la porte de ses quartiers en direction du troisième étage. Cela lui prendrait plus de temps, mais il avait besoin du sentiment de sécurité que lui procurait sa forme d'Animagus en ce moment.

Il y eut alors un battement d'ailes au-dessus de lui et, brusquement, Fumseck descendit en piqué, saisit Peter dans ses serres et se mit à voler aussi vite qu'il avait délivré le message en direction de la statue de la sorcière.

Peter couina de contrariété, mais Fumseck ne répondit pas. Peter essaya de rentrer ses pattes sous son ventre et d'ignorer la pression des serres contre ses flancs. Pour l'instant, elles ne perçaient pas la chair, et il ne pensait pas que les phénix étaient des prédateurs, de toute façon.

Il réfléchit.

Peter soupira et ferma les yeux, essayant de ne pas s'interroger sur le combat qui l'attendait.