Le feu du phénix bleu réveilla Albus d'un sommeil sûr mais inquiet. Il se redressa et cligna des yeux devant l'oiseau brillant, puis faillit vomir lorsqu'il s'aperçut que ses flammes se déplaçaient d'avant en arrière, se croisaient et créaient des formes ombragées et transparentes dans l'air.

« Nos ennemis sont si proches que ça ? » murmura-t-il.

Le phénix ouvrit son bec et chanta un accord puissant et lancinant qui donna à Albus l'impression que son cœur était sur le point de sortir de sa poitrine. Puis il planta son bec dans la direction d'Albus et émit un son impérieux.

« Je n'ai pas encore trouvé Gellert », murmura Albus.

Le phénix secoua sa queue. Des flammes en sortirent en spirale, tournant les unes autour des autres, et Albus les vit se fondre dans des ombres bleues et dorées. Il sourit. Si le phénix était sur le point de changer de couleur, cela signifiait qu'il n'avait pas besoin de Gellert. La réalité changeait autour d'eux, passant d'un côté à l'autre. La version qui dominerait dépendrait du vainqueur de la bataille qui s'ensuivrait.

Gellert n'était pas avec lui, mais si Albus pouvait gagner, cela n'aurait pas d'importance. Et il gagnerait. Le phénix serait avec lui.

Albus se leva et lui tendit son épaule, ne sachant pas si l'oiseau majestueux déciderait de s'asseoir sur un perchoir aussi simple ou non. Heureusement, le phénix semblait avoir préféré la commodité à la dignité. Il se posa et lui donna un léger coup de bec juste sous l'oreille droite. Albus acquiesça.

Il comprenait. Il ne comprenait rien auparavant, semblait-il, mais maintenant la vision brillante de la réalité s'ouvrait et s'étalait devant lui. Il pouvait comprendre même les raisons des instructions du phénix qui étaient restées obscures auparavant.

« Allons-y », murmura Albus. « Empêchons-les de devenir des Seigneurs des Ténèbres. En fait, empêchons-les de s'élever tout court. »

Le phénix saisit une mèche de cheveux dans son bec et la tira doucement. Albus sourit. Il comprenait les directives qui affluaient dans son esprit, et il quitta pour la dernière fois le refuge dimensionnel dans lequel il s'était abrité.

La réalité où il était le héros et où Jedusor et Harry étaient les Seigneurs des Ténèbres allait se réaliser. Il les vaincrait et n'aurait plus jamais besoin de se cacher.

-HDD-

« Harry ? »

Tom avait senti le changement soudain dans le lien. Harry était assis à côté de lui lors d'une conversation routinière et ennuyeuse avec Madame Moonwell, et le côté de Harry avait tremblé et s'était rempli de ténèbres comme du goudron rampant. Maintenant, alors que Tom regardait fixement, il vit Harry se saisir les tempes à deux mains et trembler physiquement.

Chéri ? appela Tom à travers le lien. Madame Moonwell les observait déjà avec des yeux assez curieux. Tom ne voulait pas trahir davantage leurs affaires devant elle s'il pouvait l'éviter.

Je... quelque chose est en train de changer, Tom...

Un instant plus tard, le changement frappa Tom. Il pouvait tout voir avec une clarté étincelante qui était en même temps imprégnée d'obscurité, comme s'il regardait à travers une vitre de cristal noir.

Il savait que Harry et lui avaient le droit de faire ce qu'ils voulaient de leur magie, en tant que couple d'âmes sœurs le plus puissant qui ait existé en Grande-Bretagne depuis des siècles. Il voyait Harry à ses côtés, soutenant tout ce qu'il voulait faire. Il les voyait détruire les Moldus, réduire en esclavage les nés-moldus...

Attends. Ce n'est pas Harry !

La conviction l'arracha à une vision qui devenait de plus en plus épaisse et réelle devant lui, une vision où Harry était d'accord avec lui et courait à ses côtés et où il n'y avait jamais eu l'ombre d'une différence entre eux. Tom secoua rapidement la tête. Bien sûr qu'il y avait des différences entre eux.

Et ces différences étaient celles qu'il voulait. Être jumelé à une âme sœur qui était toujours d'accord avec lui et qui se pliait à lui sans un mot aurait été ennuyeux.

Et ils n'avaient pas toujours été ensemble. Les parents de Harry les avaient séparés trop longtemps.

Tom s'accrocha à cette contrariété, et l'ombre qui s'était abattue sur eux hésita.

Tom crut presque voir cette ombre du coin de l'œil, et qu'elle avait des ailes.

Un éclair de brillance éclata dans l'air au-dessus d'eux, et pendant un instant, Tom faillit protéger Madame Moonwell, pensant que cela avait été causé par leur magie commune, qui pouvait lui être hostile. Mais au lieu de cela, ce fût Fumseck qui s'était manifesté et qui avait volé vers eux en chantant. Il se posa sur le bureau de Tom et le fixa.

La vision se répandit dans la tête de Tom. L'ombre se déchira et se décomposa en lambeaux puants, et il vit Albus arpenter la nouvelle campagne, seul à l'exception du phénix bleu flamboyant posé sur son épaule.

Merde. Quel que soit l'affrontement entre Fumseck et cet autre phénix, je crois qu'il a lieu maintenant.

Tom se traîna jusqu'à ses pieds et tendit la main à Harry. Les yeux de Harry étaient redevenus clairs, mais effrayés. Tom lui fit un signe de tête. Cela n'avait pas dû être facile d'avoir l'impression que quelqu'un changeait votre morale à votre place.

Harry respira difficilement. Non. Ni que je serais jamais d'accord avec toi juste parce que tu as dit quelque chose, grand dadais. Tu es mon partenaire, pas mon maître.

Tom l'embrassa sur le front, puis se retourna, attirant Harry à ses côtés, derrière le bureau. Madame Moonwell s'efforçait de se lever, malgré la difficulté qu'elle éprouvait avec sa canne, mais elle s'arrêta et s'enfonça dans son siège.

« Cela n'a rien à voir avec moi, n'est-ce pas ? » demanda-t-elle, les yeux rivés sur Tom.

« Non, » dit Tom. « J'espère que cela ne vous concernera pas du tout. Dites au Magenmagot qu'il se peut que je sois absent pendant un certain temps. »

« Combien de temps ? »

« Je ne sais pas. » Tom jeta un coup d'œil à Fumseck, qui n'avait pas arrêté le flot lent et régulier de sa chanson, chantant presque sous son souffle, mais le phénix ne lui donna aucun indice. « Harry et moi sommes appelés par un phénix pour combattre Albus Dumbledore. »

« Cela a-t-il un rapport avec le rituel que vous avez accompli pour aider ma Luna à trouver son âme sœur ? »

« Je ne vois pas comment cela pourrait être le cas. C'est plus grand et plus fort et cela dure depuis des siècles, probablement, dans un affrontement entre ces oiseaux. » Encore une fois, Fumseck ne donna aucune indication à ce sujet, bien qu'il se tournât et s'envolât vers la fenêtre, les ailes et la voix en mouvement. « Veuillez nous excuser, Madame Moonwell. »

« Bien sûr, Monsieur le Ministre. Bonne chance, monsieur. Harry. »

Tom pouvait sentir le sourire tendu de Harry contre son flanc, puis ils s'avancèrent comme un seul homme et suivirent Fumseck par la fenêtre, transplanant alors qu'ils étaient déjà en train de tomber dans les airs. Tom ne connaissait pas les coordonnées, mais il s'appuya aveuglément sur l'air et fit confiance au phénix pour les guider.

-HDD-

Albus regarda lentement la clairière dans laquelle le phénix bleu l'avait amené. Il ne la reconnaissait pas - ce n'était pas la Forêt Interdite, et c'était la seule qu'il connaissait avec un certain degré de familiarité - mais il pouvait reconnaître à quel point elle était appropriée. Un ruisseau traversait la clairière, la séparant en deux moitiés qui descendaient vers des rives escarpées, et l'eau éteindrait le feu de tout avenir que Jedusor et Harry pensaient avoir ensemble. Il sourit et déposa le phénix bleu sur la branche d'un arbre voisin, puis il attrapa sa baguette et la dégaina. C'était un substitut de qualité inférieure à la Baguette de Sureau, mais il n'y avait rien à y faire.

Il avait toujours un phénix de son côté, ce qui n'était pas le cas de Jedusor et Harry.

Il leva la tête lorsqu'un craquement de transplanage retentit dans la forêt. Ses ennemis apparurent à l'autre bout de la clairière, Jedusor avec son bras enroulé autour des épaules de Harry. Albus fit claquer sa langue. « Vous ne pouvez pas vous débrouiller seuls ? » lança-t-il d'un ton moqueur. « Vous avez besoin l'un de l'autre ? »

Jedusor siffla quelque chose en fourchelangue, qu'Albus ignora. Il n'en restait pas moins qu'il n'avait pas réfuté l'accusation d'Albus. Et aucun phénix ne les accompagnait...

L'air s'illumina de rouge et d'or lorsque Fumseck se posa sur la branche au-dessus des têtes de Jedusor et Harry et émit un long chant trille qu'Albus aurait autrefois trouvé réconfortant. A présent, il ne pouvait que fixer l'oiseau qui avait été son compagnon avec incrédulité.

« Comment peux-tu servir deux Seigneurs des Ténèbres, Fumseck ? » chuchota Albus. « Malgré tout ce que tu as fait contre moi, je pensais que tu étais plus loyal envers la Lumière que cela. »

« Vous ne comprenez pas ? » demanda Harry, l'air sincèrement surpris. Albus ne prit pas la peine de le regarder, gardant les yeux rivés sur Fumseck, mais les mots de Harry lui parvinrent tout de même aux oreilles. « Les Phénix servent différentes versions de la réalité et s'efforcent de faire naître la leur. Nous ne sommes que des Seigneurs des Ténèbres dans la réalité que votre phénix veut mettre en place. »

Albus lui jeta un coup d'œil, et ne put retenir la pitié de son regard, même s'il sentait que cela pouvait être contre-productif face à Harry. « Tu croies encore à ces vieilles histoires selon lesquelles les phénix sont des agents du destin pur et neutre au lieu de la lumière ? »

« Oui, nous y croyons », dit Jedusor en rapprochant Harry de son côté et en baissant la tête pour que son cou se courbe sur celui de Harry comme celui d'un serpent. Ses yeux étaient d'un rouge brillant et brûlant. Il montre enfin sa vraie nature, pensa Albus avec un certain soulagement. « Et dans la version que conduit Fumseck, tu seras le Seigneur des Ténèbres. »

Albus rit. « C'est impossible. Qu'ai-je pu faire pour que vous me considériez comme le Seigneur des Ténèbres ? »

« Tenter d'assassiner des innocents pour atteindre Tom. »

« Tu as essayé d'assassiner Harry par le biais de cette farce qu'est le duel. »

« Tu as corrompu Ron, Hermione et d'autres membres de l'Ordre par ton fanatisme. »

« Tu as failli faire tomber le Magenmagot à cause de la malédiction enfouie dans le lien entre Granger et Weasley. »

« Tu as privé Ron et Hermione de leur lien parce que tu leur as demandé d'y enfouir cette malédiction. »

Les voix de Jedusor et de Harry avaient commencé à se faire étrangement écho. Ils avançaient ensemble, eux aussi, leurs pas étant parfaitement synchronisés. Albus les dévisagea et se demanda où était passé le jeune homme, son élève, le fils de deux membres de l'Ordre, qui aurait été horrifié de se retrouver à agir comme un automate au nom de l'Ombre.

« Vous m'avez persécuté pour des crimes qui n'existaient que dans votre tête. »

« Refusé d'agir au nom de Tom quand ces imbéciles ont brûlé la marque d'âme sur sa poitrine. »

« Vous étiez tellement sûr de savoir ce qu'il y avait de mieux que vous avez permis à des gens de passer des années en fuite alors qu'ils auraient pu être graciés ou passer un peu de temps en prison et ressortir aujourd'hui. »

La voix de Jedusor était un grognement grave, et Albus savait très bien que ce n'était pas son imagination si celle de Harry lui ressemblait tant, ou si ses yeux avaient capté la lueur rouge de Jedusor. Albus déglutit lourdement. Il avait rêvé de cette fin, avec Jedusor mort et Harry libéré du lien empoisonné qui les unissait, s'excusant et se rachetant, pouvant vivre le reste de sa vie avec ses parents. Il mourrait probablement bientôt de chagrin, mais au moins il aurait vu la vérité avant.

Comment les choses avaient-elles pu si mal tourner ?

Son phénix chanta derrière lui et Albus se détendit tandis qu'un rappel emplissait son esprit d'une clarté effervescente. « Il y a une prophétie. Vous êtes des Seigneurs des Ténèbres, et je sauve le monde, même si je dois casser quelques œufs pour y parvenir. »

« Cette prophétie », dit Harry en souriant.

« Elle ne peut se réaliser que si votre version de la réalité triomphe », dit Jedusor en souriant.

« Il n'y a aucune raison... »

« De supposer que ce sera le cas. »

Albus les dévisagea et se demanda ce qu'ils avaient lu, ou si Fumseck n'avait pas influencé leur esprit d'une manière ou d'une autre. « Contrairement à d'autres formes de divination plus incertaines, » dit-il lentement, « les prophéties se réalisent toujours. Peut-être de manière inattendue, mais elles se réalisent. C'est ainsi. »

Jedusor secoua la tête et serra la main de Harry dans la sienne. « Seulement si votre version triomphe », répéta-t-il. « Si la nôtre l'emporte, alors votre prophétie n'a jamais été faite, ou bien elle est fausse. Ou bien elle s'applique à vous, en tant que Seigneur des Ténèbres. »

« Il y a des lignes dans cette prophétie qui ne pourraient jamais s'appliquer à moi ! »

Harry haussa les épaules comme si cela n'avait aucune importance. « Les prophéties se réalisent toujours », reprit-il avec un sourire moqueur. « Peut-être de façon inattendue, mais elles se réalisent. C'est comme ça. »

Albus secoua la tête et sortit sa baguette. Jedusor rapprocha Harry de lui et ferma les yeux au même moment que Harry. L'air autour d'eux se mit à vibrer d'une magie brillante d'un vert vénéneux.

Albus jeta un coup d'œil au phénix bleu qui dodelinait de la tête et chantait une note réconfortante.

C'est bien. Il resterait ici. Albus ne tint pas compte de la légende qui lui vint à l'esprit, selon laquelle les phénix étaient si puissants que leur action directe pouvait défaire le tissu du monde.

Mieux valait qu'il se défasse que deux Seigneurs des Ténèbres immortels règnent sur la Grande-Bretagne.

-HDD-

Harry sentit la pression glisser et se déplacer sur son esprit. Cela n'avait rien à voir avec la vague de convoitise et d'avidité qu'il avait ressentie il y a quelques minutes, mais ce que le phénix bleu était en train de faire était évident : cibler tout ce qu'il pouvait, y compris les divisions philosophiques entre lui et Tom, pour essayer de les détruire.

La main de Harry trouva celle de Tom et leurs esprits se rencontrèrent. Leur lien émotionnel coulait comme de l'eau cristalline au milieu de la boue qui les entourait, et Harry dit : Allons-nous utiliser nos baguettes ?

Cela ne servirait à rien contre un phénix. Utilisons notre magie commune.

Harry acquiesça. Il ne savait pas comment ils allaient détruire le phénix alors qu'ils étaient immortels, si ce n'est en forçant la nouvelle réalité à exister - et cela ne pouvait se faire qu'en détruisant le phénix. Mais il avait confiance en Tom, et ils levèrent leur magie devant eux, une vague invisible et imposante qui s'écrasa sur la tête de Dumbledore.

Dumbledore poussa un cri et chancela. Mais une flamme bleue l'entoura une seconde plus tard et il se remit sur pied, leur adressant à tous deux un sourire condescendant et prononçant des paroles que Harry ne prit pas la peine d'écouter.

On devrait toujours faire comme ça ?

Oui, dit Tom, alors même que la chanson de Fumseck filtrait dans l'esprit de Harry et le remplissait de courage et de force. C'est ainsi que nous devons procéder. Je suis sûr que rien de ce que nous pouvons faire avec nos baguettes ne nous aidera vraiment.

Harry acquiesça et ils se tournèrent vers Dumbledore, se déplaçant ensemble, si profondément liés que c'était leur esprit, leur magie, qui envoyait la prochaine impulsion de magie, et non les deux.

-HDD-

Lily leva les yeux, frissonnant tandis que les murs de l'appartement se transformaient en bois sombre autour d'elle.

Elle était - ils étaient dans une maison. Bien sûr qu'ils étaient dans une maison, pensa Lily en se levant, les mains tendues pour toucher les murs. Elle et James. Albus leur avait donné une maison qui ressemblait à leur cottage d'origine, mais pas la même, car il ne pouvait pas garantir que Jedusor n'aurait pas jeté des sorts malveillants sur leur première maison. Ils passaient chaque jour et chaque nuit à veiller sur Harry, qui était suicidaire et mourrait probablement avant la fin de l'année, mais James et elle se relayaient aussi pour lui parler doucement et essayer de lui faire comprendre pourquoi Jedusor avait dû mourir.

Pourquoi avait-elle pensé à un appartement ?

Frissonnant à nouveau, Lily se retourna et se dirigea vers l'autre bout de la table, où James était assis et regardait fixement dans la pièce voisine. Harry était allongé sur un lit, le visage tourné vers eux, les bras enroulés autour de sa tête, et...

Le monde vacilla et changea.

Lily s'effondra contre le mur de ce qui était très certainement leur appartement, l'appartement que Tom Jedusor et non Dumbledore leur avait donné, respirant difficilement. Elle fixa des yeux écarquillés sur James, qui venait d'entrer dans le salon, un livre à la main.

« Lily. » James déglutit et regarda autour de lui. « Où est Harry ? »

« Il est avec Tom », chuchota Lily, se forçant à utiliser le prénom de ce salaud juste parce que quelque chose au centre de sa tête insistait tellement pour qu'il soit Jedusor et qu'elle devait penser à lui de cette façon et qu'ils devaient travailler aussi dur que possible pour convaincre Harry qu'il n'avait rien perdu. « Tu te souviens ? »

James se passa une main sur la tête. « C'était quoi ce passage où nous vivions dans une maison offerte par Albus et où nous ne savions pas si Harry vivrait parce que Jedusor était mort ? C'était un rêve ? »

Lily se sentit honteusement heureuse de savoir qu'elle n'était pas la seule à avoir vécu cela. Elle entoura les épaules de James de ses bras et l'attira contre elle, remplissant le lien d'autant de calme qu'elle le pouvait.

« Je pense que quelque chose de plus grand que nous est en train de se produire », chuchota-t-elle.

« Nous devons garder nos esprits aussi concentrés et calmes que possible, sinon nous risquons de devenir fous. »

L'alarme donna un coup de poing dans le lien, et James se recula pour la regarder fixement. « Qu'est-ce qu'il y a ? »

« Je pense que c'est le genre de bataille que mènent les phénix », dit Lily, et un instant plus tard, elle ne sut pas pourquoi elle avait dit cela. Bien sûr que c'était le genre de bataille que les phénix menaient. Albus lui avait raconté la bataille après l'avoir menée. Il avait épargné Harry, ce qui signifiait qu'il avait fait tout ce qu'on pouvait lui demander. Et il avait tué Jedusor avant que ce bâtard ne puisse atteindre l'immortalité ou faire passer son désir tordu à Harry, ce qui signifiait que leur fils mourrait libre.

Lily se tourna vers l'autre pièce, où leur fils serait allongé, et décida de voir si elle pouvait lui parler calmement une dernière fois pour lui expliquer que rien de tout cela n'était de sa faute, y compris la marque avec laquelle il était né, et que s'il pouvait seulement voir qu'il avait eu le lien émotionnel pendant si peu de temps, il n'y aurait pas d'autre solution.

La chambre où son fils n'était pas couché.

Lily s'effondra dans les bras de James et commença à pleurer, alors que la bataille faisait rage et que le souvenir de la bataille qu'Albus avait livrée et dont elle lui avait parlé, ainsi que la mort de l'âme sœur de Harry, grandissaient à nouveau en elle.

-HDD-

« Hé, Sirius. Tu vas dormir ici toute la nuit au lieu de venir te coucher ? »

Sirius tourna la tête et sourit à Remus, qui fronçait les sourcils depuis l'entrée de leur chambre, même si son ton était gentiment taquin. Il se leva en secouant la tête. « Je réfléchis. »

« Non, je me demandais si déchirer Severus Rogue membre par membre était une bonne chose ou non », dit Remus en croisant les bras.

« Enfin, je veux dire. Je l'ai fait, et tu me connais. Je ne suis pas du genre à regretter. »

Remus roula des yeux. « Tu as eu plus de vingt ans de regrets, Patmol, pendant lesquels tu aurais pu me chercher et tu ne l'as pas fait. Allez, viens. »

« Est-ce que je peux dire que je suis désolé pour ça, encore une fois ? » Sirius se rapprocha et enroula ses bras autour de la taille de Remus, appuyant sa joue barbue contre celle de Remus. « Un genre spécial de pardon ? »

Les yeux de Remus brillèrent d'un brun chaud et il ouvrit la bouche...

Seulement pour s'évanouir dans les bras de Sirius. Sirius recula en titubant et regarda autour de lui.

La lumière qui l'entourait était celle de la fin de l'après-midi, pas celle du soir. Il savait qu'il n'avait pas ruminé la mort de Rogue parce qu'il ne l'avait pas tué. Personne ne l'avait encore trouvé, malgré les recherches menées par les hommes de Jedusor avec ce que Sirius pensait être des efforts honnêtes et déterminés.

Sirius frissonna. Devenait-il fou ?

Eh bien, attendez, ça n'a pas d'importance s'il l'est, se dit-il. Remus l'attendait dans la pièce voisine, et il allait tout arranger.

-HDD-

Neville fixa la rambarde du bateau et dit d'une voix engourdie : « Je ne vous pardonnerai jamais. »

« Tu finiras par le faire. » La voix de sa mère était douce, mais il y avait du fer en dessous. Alice Londubas avait toujours été comme ça, Neville s'en souvenait. Il avait entendu sa grand-mère le dire une fois lorsqu'elle ne pensait pas que Neville était là. Déterminée à épouser son âme sœur malgré la désapprobation de tous, y compris de ses parents (parce que les Londubas étaient tellement plus riches), de son grand-père (qui n'aimait pas Augusta Londubas), et d'Augusta (parce qu'elle pensait que la gentille fille avec laquelle Frank était sorti avant était le meilleur choix).

« Tu es allé à l'encontre de tout le monde pour épouser ton âme sœur, comment peux-tu me refuser la mienne ? » Neville s'était écrié et s'était retourné. Sa mère le regardait avec la même expression masquée qu'elle avait depuis qu'elle l'avait placé sous l'Imperium et forcé à monter sur le bateau lorsque son âme sœur était venue frapper aux portes de la maison Londubas. Neville ne savait même pas de qui il s'agissait puisqu'il n'avait pas pu la rencontrer.

Et maintenant, sa mère lui avait jeté un sort qui n'était pas l'Imperium mais qui y ressemblait, sauf pour le corps, pas pour l'esprit, si bien qu'il ne pouvait même pas s'envoler de ce stupide bateau.

« La famille de ton âme sœur est dangereuse », dit sa mère en croisant les bras. « Elle pourrait te mêler à la politique. Nous voulons que tu sois en vie, et c'est plus important que ton bonheur. »

« Si quelqu'un avait essayé de te priver de ton âme sœur, qu'aurais-tu fait ? »

« C'est différent. La famille de Frank n'était pas dangereuse. »

« La sienne non plus, sauf pour ta stupide définition de la politique qui veut que tous ceux qui ont un peu de pouvoir sont dangereux ! »

Le visage de sa mère se crispa et elle donna un coup de baguette. Neville sentit le plaisir sourd de la malédiction de l'Imperium s'installer à nouveau dans son esprit.

« Je sais que ce n'est pas ce que tu ressens pour l'instant, » murmura sa mère. « Mais un jour, tu me remercieras pour cela... »

« Neville ? Neville ! »

Neville sursauta et se détourna de la vision du bateau, de sa mère brandissant la Malédiction Impardonnable comme si elle était née pour l'utiliser, et se retrouva à regarder les grands yeux bleus de Luna. Il trembla lorsque le lien émotionnel qui les unissait reprit vie, et regarda autour de lui dans la pièce agréable et ensoleillée de la maison familiale où Luna l'avait amené.

« Tu vas bien ? Tu avais disparu. Je ne te sentais plus. » Luna tendit la main vers lui, sa main tremblante. Neville la saisit et la porta à ses lèvres. « C'était comme si tu étais sous l'emprise d'un sort qui t'empêchait de reconnaître ma marque d'âme. »

Neville éclata de rire. « Ils ne peuvent plus nous jeter ce sort, pas maintenant que nous nous sommes reconnus. »

« Je sais, mais c'est ce que j'ai ressenti. Ça, ou une infestation d'héliopathes. »

« C'était plutôt un cauchemar éveillé », dit honnêtement Neville. « J'ai rêvé que j'étais sur un bateau et que ma mère m'emmenait loin de toi, sauf que je ne savais pas que c'était toi parce qu'elle m'avait jeté le sort de l'Imperium et m'avait fait sortir clandestinement de la maison avant même que je ne te voie aux portes. »

« Ce n'est pas vrai », dit Luna. « Tu sais que ce n'est pas vrai, n'est-ce pas ? » Elle l'attira vers elle pour l'embrasser.

« Tu sais que tu me remercieras un jour, Neville, n'est-ce pas ? »

Neville fixa sa mère, et la poussée de la malédiction de l'Imperium au fond de son esprit lui fit ouvrir la bouche et dire « Oui » d'une voix de bois, alors même que la partie réelle de son être hurlait.

-HDD-

Comment peut-il être aussi fort quand il est seul ? Harry haleta au fond de leur esprit commun et sentit la magie de Tom se tendre vers lui et l'enserrer, aussi fort que le contact d'une main.

Il a un phénix avec lui, et le phénix est plus fort que tout.

Harry acquiesça, ou envoya l'impression mentale d'un acquiescement le long du lien - à ce stade, il ne pouvait pas vraiment faire la différence entre les actions mentales et physiques - et se lança à nouveau dans la bataille, Tom courant juste derrière lui.

Le réservoir commun de leur magie n'était pas encore vidé, n'était pas près de l'être, mais Harry sentait qu'il était poussé vers l'intérieur. Il n'avait aucune idée de ce qui se passerait lorsqu'il serait coincé contre eux ou entre son corps et celui de Tom, mais il ne voulait pas le découvrir. Il s'élança à nouveau contre Dumbledore, vit les yeux de l'homme s'écarquiller, puis le sol sous les pieds de Dumbledore explosa et il vola sur le côté.

Il n'eut pas le temps de demander à Tom qui avait fait ça, de savoir si c'était le résultat de leur magie ou si Dumbledore avait fait quelque chose qui s'était retourné contre lui. Tom et lui avancèrent d'un pas, suivant le chemin de moindre résistance...

Et le phénix bleu se posa sur le sol devant Dumbledore, les ailes déployées en poussant un cri.

Harry sentit la chanson s'abattre sur son esprit comme la touche de plaisir de la malédiction d'Imperium, mais il avait toujours été capable d'y remédier, et la rage de Tom était une bonne épée.

Le phénix s'éleva dans les airs, s'opposant toujours à eux, jetant toujours un bouclier bleu qui permit à Dumbledore de se rétablir et de rester debout, mais il ne chantait plus.

Fumseck avait quitté sa branche depuis un certain temps déjà. Harry grimaça. Il connaissait la réponse à cette question, avant même de pouvoir la poser, car l'esprit de Tom était là, rejoignant le sien.

Il ne peut pas nous aider directement dans cette bataille. Le phénix bleu met la réalité en danger en faisant cela. Le passage soudain d'une version à l'autre de la vérité peut rendre les gens fous, même s'il n'y a pas d'éclaircissement.

Alors pourquoi le phénix fait-il cela ? demanda Harry, alors qu'ils étaient obligés de reculer d'un pas, vers l'énorme chêne qui marquait la limite de la clairière.

Il ne semble plus s'en soucier, tant qu'il gagne.

Le phénix se remit brusquement à chanter et l'air s'assombrit autour d'eux. Harry se surpris à sourire d'un air maussade. Il était heureux d'en être arrivé là après tout, à un seul combat contre ce foutu Albus Dumbledore. Il lui était redevable de lui avoir caché son âme sœur, d'avoir empoisonné l'esprit de ses parents et de son parrain pendant si longtemps. Il allait le torturer à mort, le garder en vie pendant des années, peut-être...

Et il allait y prendre plaisir.

Harry !

Harry secoua la tête et fut catapulté hors de la version de la réalité que poussait le phénix bleu. Il prit la main de Tom et lui jeta un coup d'œil. Tom fit un léger signe de tête et ils dégainèrent leurs baguettes.

Harry sentit le monde autour d'eux trembler et rebondir, comme s'ils se trouvaient au milieu de la

terre en mouvement après un tremblement de terre. Il se demanda distraitement combien de temps le monde pourrait tenir sous la pression d'un phénix, quelles seraient leurs chances s'ils devaient utiliser leurs baguettes au lieu de leur magie commune.

D'un autre côté, les baguettes étaient les meilleurs instruments pour lancer des sorts de torture.

Harry et Tom sourirent en même temps et levèrent leurs baguettes pour s'opposer au chant du phénix.