Playlist

« Turning page » Sleeping at last

« Supermarket flowers » Ed Sheeran

« New angel » Niall Horan

« Walls » Passenger

Chapitre numéro trois

Point de vue d'Illium

Ma chute dans les airs a provoqué une grande inquiétude auprès des autres Sept et ce n'est pas ce que j'ai voulu. J'ai tout entendu depuis le début. Les personnes dans le coma sont conscientes des paroles dites dans la même pièce. Impossible de se manifester. L'esprit est là. Le corps est au repos. Les paroles des gens ont raisonné dans ma tête les trois premiers jours. J'avais envie de me manifester afin de leur prouver que mon état était en hausse, sur la bonne voie. Je ne pensais pas pouvoir ouvrir les yeux, la lumière m'a ébloui comme jamais, ça m'a rappelé...la lumière de notre Archange. Mes yeux se sont fermés aussitôt. Mais avant, j'ai croisé le regard de Nisia, la guérisseuse qui m'a sauvé la vie, j'avais envie de lui sourire mais mon corps m'a dit le contraire. Elle m'a demandé de serrer ses doigts pour répondre, une fois pour oui et deux fois pour non. Dormir est la seule chose qui m'a importé à ce moment précis et elle m'a laissé le faire. Je l'ai remercié intérieurement pour tous les soins apportés. Honnêtement, je serais dans une boîte si elle ne m'avait pas donné des médicaments, en particulier celui pour éteindre le feu qui me consumait. Cette femme mérite une médaille. Dès mon réveil, je lui offre le plus gros bouquet de fleurs ou alors des fleurs tous les jours pendant un an, j'hésite encore.

Cette nuit-là, je volais comme un enfant insouciant dans le ciel nocturne, un peu plus vite car je voulais faire la course avec Aodhan après notre journée intensive d'entrainement. Une pause était nécessaire ce soir-là et il m'a proposé de voler. Comme à mon habitude, j'étais devant en train de faire une pirouette. Je me souviens des lumières qui brillaient autour de moi de part les immeubles, comme tous les soirs et je ne m'en lasse jamais, le vent frais sur mon visage, mes plumes bleues. Rien ne m'arrêtait ce soir-là.

Une sensation de fièvre très forte m'a paralysé le corps. D'un coup. Je n'ai absolument rien vu venir et j'étais spectateur de ce qu'il se passait dans mon propre corps.

Mon corps ne répondait plus.

La chaleur se diffusait intensément et instantanément, comme une poussée de fièvre violente puissance dix.

Incontrôlable et déstabilisante.

Elle s'emparait de moi comme si je devenais une bougie.

Une bougie volante.

Une bougie en train de fondre.

Une bougie en train de tomber.

Une bougie en train de disparaître.

Une bougie qui menace de se dissiper dans l'air comme de la poussière.

C'est le cas de le dire, je me voyais brûler, me consumer. Je me suis vu comme une torche humaine. Je volais sans voir clair, ma trajectoire a dévié plus d'une fois. J'ai cru me prendre la torche de la statue de la Liberté en pleine face. Je l'ai vue floue pour être honnête. La forte fièvre m'a paralysé dans les airs. Sur place, je me sentais pris dans un tourbillon infernale. Les images sont devenues incompréhensibles.

De l'énergie a traversé mes veines et m'a consumé à petit feu.

J'ai regardé mes mains changer de couleur. Mes bras ensuite. J'ai remarqué quelque chose sur mon avant bras gauche en premier puis sur l'avant bras droit avant de courir partout sur les bras.

Une lueur dorée ensuite me parcourait le corps.

Des nuances dorées se propageaient dans mes veines.

J'ai pensé à l'Ancien présent dans mon arbre généalogique. Tout s'est enchaîné par la suite. Des brûlures ont commencé à apparaître sur ma peau.

Des traces indélébiles.

Chacune d'elles me faisaient mal et semblaient marquer ma peau comme un tatouage. Je n'avais pas prévu de me faire tatouer pour être honnête et je déteste cette marque en forme d'étoile puis une autre s'est vue se graver, une autre jusqu'à former un dessin clair et net, toutes sont reliées par un fils. Une constellation. Par contre, aucune idée de ce qu'elle signifie, je ne m'y connais pas assez. Elle est jolie là n'est pas le soucis mais son apparition me reste en travers de la gorge car elle est synonyme de quelque chose de mauvais, de sombre peut-être et je suis directement concerné.

Je me suis vu tomber. Incapable de crier, incapable d'appeler à l'aide. Mon lien mental ne fonctionnait plus. J'étais livré à moi-même. J'ai eu le temps de voir ma vie défiler devant mes yeux.

Un feu d'artifice près à exploser en plein ciel, aux yeux de tous. Voilà ce que j'étais ce soir là. J'ai eu la peur de ma vie.

Des nuances dorées et bleues s'échappaient de mon corps telle une source d'énergie dont je ne maîtrisais pas l'intensité émanait.

Une sorte de batterie d'énergie qui explose d'un coup sans prévenir.

Un court circuit.

Mes ailes ne me supportaient plus non plus.

Un ange bleu en train de succomber à une force ingérable. C'est bien le problème. J'aurais pu me prendre un avion, un hélicoptère ou je ne sais quel autre appareil, un monument suffisamment haut. Par miracle, ça n'est pas arrivé et je me suis retrouvé à divaguer.

Mon corps s'enflammait.

Je me souviens avoir cherché du regard une aide potentielle mais aucune ne s'imposait. J'étais trop loin d'Aodhan qui ne comprenait absolument rien à la situation. Strass a été pris de cours. Ses yeux étaient meurtris. J'ai voulu demander mentalement à Raphaël de ne pas me laisser tout seul, de m'aider à me débarrasser de cette puissance qui me brûlait de l'intérieur. Par n'importe quel moyen, du moment que la douleur, que la brûlure s'arrête. Après tout je ne risquais pas grand chose de plus que ce que le destin m'accordait à ce moment précis. En vérité, je doute qu'il ait entendu la moindre parole de ma part. Mes paroles intérieures ne résonnaient pas. Un endroit où la souffrance n'existait pas non plus. Je savais que garder les yeux ouverts me demandais un effort que je ne pouvais fournir. Je tombais comme une flèche en direction du sol de New-York. Un ange éclaté en milles morceaux sur le sol à la vue de tous. Cela aurait effrayé tout le monde et ça aurait fait les gros titres de la presse pendant au moins quinze jours. Dmitri aurait fait faire disparaitre ça avec l'aide de Vivek, je l'espère car je refuse que les gens voient ces unes. Pour être honnête, je pense à ma mère qui allait regarder la couverture du journal, les gros titres sur Internet et évidemment ça me donne envie de vomir.

En tombant, je ne sentais plus rien.

Absorbé par le vide, je n'étais plus conscient ni de ce que je faisais ni de ce qu'il se passait autour de moi.

La chute allait être mémorable à cause de la saloperie de Cascade qui a décidé de me frapper.

Autant de pas être témoin de ce triste spectacle et que la chute soit rapide pour ne rien sentir. L'idée de souffrir davantage me rendait malade mais je n'étais plus maître de mon corps ni de quoique ce soit d'autre alors, que pouvais-je dire d'autre. Rien.

J'ai évidemment vu le fil de ma vie défiler sous mes yeux. Ma famille des Sept, ma mère et cette pensée me brise le cœur car elle me manque déjà inconditionnellement. Imaginer ma vie sans elle est un crève-cœur évident. C'est mon principal soutien et elle a toujours les bons mots en toutes circonstances. Son fils est loin d'elle presque toute l'année. Pourtant, c'était à elle que je pensais à ce moment-là. La seule chose que je souhaitais était qu'elle soit tenue au courant et que notre Ancien dans l'arbre généalogique était à l'origine de cette Ascension précoce. Quoiqu'en réfléchissant, ma mère est une Ancienne aussi. Deux Anciens, comment voulez-vous que je ne sois pas touché par cette Cascade à la con ? Les probabilités sont plus faibles que si j'avais été un enfant de deux Archanges on est d'accord sur ce point.

Je n'ai pas pu lutter contre ça, c'était la Cascade qui luttait contre moi.

J'allais me prendre la surface du fleuve Hudson en pleine face et disparaître comme un déchet dans les eaux troubles.

Rien de d'y songer me donne envie de pleurer et de vomir en même temps.

J'ai vu les ailes flamboyantes de Raphaël à la dernière minute.

J'ai senti l'espoir qui renaît quand j'ai senti sa peau.

Ses ailes s'enflammaient avec les miennes.

Des nuances blanches mêlées aux miennes. Des couleurs bleues, dorées, blanches.

Ses iris bleus me regardaient, cherchaient à capter mon attention. J'ouvrais les yeux pour voir l'environnement autour mais tout était flou. Le son de sa voix dans le vide qui essayait aussi de me ramener à la réalité me parvenait comme étant brouillé.

J'entendais des bribes de conversation incompréhensibles, du yaourt, comme si je me noyais dans cette bulle. L'Archange aurait pu me parler dans une autre langue, ça n'aurait rien changé.

Je n'étais rien d'autre qu'un corps sans âme.

Un ange privé de ses sens, des ailes inutiles.

À quoi bon espérer autre chose que le néant dans ces moments-là ? Rien pour ma part puisque le destin ne m'a pas laissé le choix.

La pression des mains de l'Archange sur mes bras, le son de sa voix m'ont fait réagir. Je me sentais en sécurité, pris en charge par une personne de confiance. Mon énergie a pu se déverser dans les tissus de son corps sans provoquer de dégâts supplémentaires.

Nos énergies communes n'en n'ont fait qu'une.

Mon énergie se mêlait à la sienne dans la plus grande simplicité. Les nuances dorées se diffusaient dans mes veines, allaient dans les siennes et s'échappaient de sa peau vers le ciel, l'énergie se déversait dans le ciel.

Je ne pensais pas du tout être le prochain ange à évoluer aussi vite et à ce point là. Il y a une raison. Alors même si on n'a aucun lien depuis des années, des siècles je sais bien que cet Ancien va me porter la poisse jusqu'au bout.

Cette idée me rend malade.

Encore une fois, la culpabilité me perdra. Ce n'est pas logique de se sentir coupable pour quelque chose d'incontrôlable.

J'ai envie de me lever du lit. Ma conscience me dit de le faire mais mon corps refuse de bouger du lit. Je n'insiste pas et reste allongé. L'endroit où je suis est silencieux et pour mon mal de crâne, ce n'est pas plus mal. Le bruit environnant m'a aidé à deviner où je me trouve exactement. Le Refuge.

Une sensation de chaleur commence à envahir mon corps. Je mets ça sur le compte des nombreuses couvertures sur moi ou sur le chauffage. Raphaël a absorbé toute l'énergie qui a menacé de me tuer. Il a su le faire. Mon énergie a traversé son corps. L'horrible sensation de picotements mêlé à la sensation de fièvre reprennent le dessus. Je sens ma respiration se couper, mon cœur qui se serre, j'ai l'impression d'être en apnée. Impossible de me dire si c'est moi qui devient incontrôlable ou si la Cascade me rend incontrôlable en me tombant dessus. Je ne pourrais pas supporter une autre crise.

« Et merde ».

La voix de Nisia.

Je dois être au dispensaire du Refuge et son ton de voix ne me rassure pas. Ma fièvre monte et ce n'est pas bon signe. Je l'entends manipuler à ce qui me relie à une machine. Sans doute pour m'hydrater, contrôler ma respiration, mon rythme cardiaque aussi. Elle manipule quelque chose et je sens un nouveau médicament se diffuser dans mes veines.

« J'ai chaud » réussis-je à articuler par l'esprit.

Encore une fois, je suis sujet à l'épisode d'hier soir.

Et cela ne me rassure pas du tout.

Des sortes de crampes au ventre me prennent par surprise. Voilà qui s'annonce bien, je ne suis pas prêts à me consumer de nouveau. La chaleur se répand de plus en plus dans mon corps, il s'agit d'une poussée de fièvre. Encore une. Des perles de sueur deviennent de plus en plus grosses sur mon front. Le tremblement de mes mains ne se calment pas non plus. J'ai l'impression que quelque chose prend possession de mon corps. J'ai chaud, rien ne va. Je ne sais pas comment me sortir de là tout seul. Je ressens les gouttes de sueur dévaler mon visage, comme si je pleurais. Ce sont peut-être des larmes, je ne m'en rends pas compte. Mon corps réagit tout seul, je ne contrôle pas ce que je fais.

« Merde, il brille ».

Nisia commence à paniquer. J'ai envie de l'aider. De lui dire que la fièvre reprend et que je ne veux pas revivre l'épisode précédent. La cassette n'est pas encore rembobinée. J'ai besoin de temps. Elle s'agite autour de moi et je l'entends insulter la Cascade en grec, en italien, en allemand, en chinois ?

Elle se concentre sur la tâche à accomplir. J'ai envie de lui communiquer ma présence.

« Trop chaud... » dis-je une nouvelle fois par l'esprit.

Des mains me touchent fermement et je devine qu'il s'agit de notre Archange. Son odeur marine salée et de vent est reconnaissable entre mille. Je sens la main de Raphaël qui tient la mienne. Le contact de sa peau fraîche me fait du bien, comme si elle apaisait ma fièvre. Savoir que je ne suis plus seul, que quelqu'un a entendu ma détresse me soulage un peu. Je me sens soutenu. Pardon Nisia. J'ai l'impression de l'insulter. Elle a vraiment tout fait pour m'aider, elle a tout fait pour soulager la fièvre. Je ne peux pas communiquer de façon explicite. Je sens que l'énergie qui s'est accumulée dans mon corps a diminué puisque Raphaël l'a absorbée. Cette énergie est revenue cette nuit et j'ai senti une différence avec les médicaments administrés par la guérisseuse.

« Je suis là ».

Mes yeux veulent s'ouvrir mais j'ai l'impression que l'effort demandé est trop pour moi. Mes batteries sont à plat. J'ai envie de dormir, vraiment dormir et ne plus être conscient de l'environnement qui m'entoure pendant quelques heures. Du repos, je ne rêve que de ça. Impossible pour moi de m'enfuir pour rentrer chez moi. Retrouver ma maison, me retrouver au calme et me noyer dans la montagne d'oreillers du lit de ma chambre. De toute façon, je ne suis pas prêt à endosser autant de puissance d'un coup, pas tout seul et pas à mon âge. Je ne suis pas tout seul et c'est tout ce qui m'importe en cet instant précis. Nisia et Raphaël sont là.

Les paroles de Nisia deviennent moins audibles pour moi. Celles de Raphaël se rapprochent et je devine qu'il est en train d'absorber un surplus d'énergie.

Je risque de me consumer à nouveau.

Je n'ai pas envie de me consumer comme une flamme.

C'est une nouvelle preuve que l'énergie revient par moment, en moins grande quantité. Elle se diffuse encore dans mes veines et Raphaël m'en libère.

La fraîcheur de la peau de l'Archange me fait du bien. Il éteint le feu.

La seule satisfaction que je puisse tirer est que je ne suis pas seul dans la pièce.

La douleur ne fait plus partie de mes préoccupations puisque je sombre dans l'inconscience.

Nisia a dû m'injecter un nouveau calmant dans les veines pour que je ne ressente plus rien. La douleur s'en va et je sombre dans un autre monde, dans un sommeil profond et j'espère réparateur. J'en ai besoin. J'ai besoin de me retrouver dans un profond sommeil pour récupérer mon énergie.

Mes yeux se sont fermés aussitôt, me laissant dans le noir et dans le silence.

Le silence.

Il m'a manqué celui-là.

Au moins, je suis loin du tumulte de la Tour et je peux me concentrer sur le sommeil. Ne rien ressentir d'autre que la douceur des draps et le moelleux de l'oreiller.

Je me réveille quinze jours plus tard dans une chambre calme.

Des murs blancs classiques, un appareil auquel mon bras est relié pour surveiller ma tension et un éclairage artificielle qui me fait mal aux yeux lorsque je les ouvre doucement et la réalité prend forme. J'ai donc perdu connaissance pendant un temps indéterminé. Je suppose que je suis ici depuis des heures sauf que je ne me souviens de rien, hormis du secours apporté par Raphaël avant que je ne sois inconscient. Lui seul pourrait me raconter la suite. Je suis content de ne pas avoir succombé aux brûlures que je ressentais.

Mon bras gauche est recouvert d'un bandage.

Un mal de tête me prend quand je me redresse. Les médicaments ont faits effets mais le retour à la réalité est difficile. Il va me falloir un temps d'adaptation à la vie réelle. Je ferme à nouveau les yeux, le temps de me rendre compte que ce n'est pas un rêve, la réalité est que je sens les draps sur ma peau, le contact de l'oreiller contre ma tête. Je suis vivant. À croire que je ne pensais pas me réveiller. Aucun souvenir ne me vient. Demain, ils reviendront me rappeler des derniers événements passés. Je n'ose même pas allumer la télévision. Encore moins appeler quoique ce soit. J'ai l'impression de ne pas ancrer à la réalité alors que si. La sensation des draps sur ma peau, je peux toucher ma peau, mes poumons se remplissent d'air, tout est vrai. Des fleurs disposées dans des vases décorent ma chambre, enfin de la couleur ici, des cartes sont écrites à la main pour certains bouquets et les premiers mots me réchauffent le cœur. Même en sommeil profond, on ne m'a pas oublié pour autant.

Je peine à me lever du lit mais j'y arrive. Un premier mouvement me fait grimacer, mes articulations sont engourdies. Mes yeux s'habituent à la lumière qui émane de la fenêtre. Des vêtements propres sont rangés dans un placard, je me demande qui a bien pu me les ramener, peu importe, je suis content de retrouver des affaires à moi. L'envie de prendre une douche chez moi me traverse l'esprit, j'en rêve. J'enfile un sweat bleu dans lequel je me sens bien. Du réconfort sommaire, un semblant d'allure. Je dois faire peine à voir. Mes mains sont un peu blêmes, un bandage m'entoure le bras gauche et je devine les brûlures en dessous. Mes cheveux sont simplement remis en arrière d'un geste rapide et je me mets à vaciller en direction de la porte de la chambre, ce n'est pas le moment de prendre des risques. Je suis dans un endroit connu où je passe du temps, au moins un endroit que je suis capable de reconnaître au réveil.

Prendre mon mal en patience va être mon nouvel objectif.

Je me rallonge sur le lit, dans l'espoir que mes vertiges se calment.

Attendre, toujours la même chose, attendre.

Mentalement, j'ai l'impression d'émerger d'un long sommeil réparateur. Au moins, les douleurs m'ont laissé tranquille quelques jours. Je reste allongé jusqu'à ce que quelqu'un vienne me voir. L'occasion de prendre mes marques dans l'espace. Me repérer dans un environnement sécurisé me rassure un peu.

La porte s'ouvre et une petite tête passe pour regarder si je respire.

« Salut » tentais-je de dire sauf qu'un mal de gorge me perd dans mon élan. « Tu es là depuis quand ? » dis-je en me redressant un peu.

« Tu... » dit le petit ange aux ailes noires tachetées. « Illium est réveillé » répète t-il deux fois.

Un infirmier de garde arrive ensuite dans la chambre pour prendre les mesures des appareils. Le petit garçon regarde la scène incrédule, les yeux ouverts sans savoir quoi dire.

La porte se referme sur lui. De nouveau, le silence règne quelques secondes dans la pièce, hors ma propre respiration. Le regard de l'infirmier est bienveillant et un sourire se dessine sur ses lèvres, visiblement il a veillé sur mon état depuis peu.

« Sam va s'en remettre. Je suis ravi de te voir ouvrir les yeux » me sourit l'ange en blouse blanche.

« Je suis toujours vivant ».

« L'Archange est intervenu à temps, Nisia a fait un très beau travail avec Keir ».

« Même épisode qu'hier ? ».

« Même épisode qu'il y a quinze jours tu veux dire ? Plus ou moins, ta fièvre a vite baissé et tu as dormi deux semaines ».

Les traits du visage de l'infirmier sont tirés.

« Comment tu te sens ? Étourdi ? Nauséeux ? ».

« Fatigué ».

« Tu as dormi quinze jours; le temps que tes blessures te résorbent et elles se résorbent bien ».

L'infirmier continue de prendre les mesures des appareils, ma saturation est ok, ma respiration est ok, ma circulation sanguine est ok, mon rythme cardiaque est ok. Sur le plan médical, je vais bien.

La porte s'ouvre et Dmitri passe sa tête hors de la porte. Je sens son parfum reconnaissable entre mille, champagne et autres parfums qui mènent à des pêchés dont on ne parlera pas ici.

« Le Campanule au bois dormant s'est réveillé ? ».

Le regard de l'ange en blouse est rieur, il laisse échapper un rire, un son sorti de sa bouche spontanément. Dmitri a donc décidé de me chambrer dès mon réveil. Ce vampire ne perd rien pour attendre. Maintenant que je suis dans ce lit d'hôpital, impossible de me lever pour riposter il ne me reste que la parole. J'hésite à lui envoyer mon oreiller sur la tête mais je me retient, ne prétextant ne pas avoir entendu sa provocation gratuite.

« Je ne pensais pas te voir aujourd'hui » finis-je par dire.

« Moi aussi je suis heureux de te voir cher Campanule. J'ai peut-être le nez dans les papiers, cela ne m'empêche pas de trouver un créneau pour te rendre visite » annonce Dmitri en remettant ses cheveux en arrière.

Elena le qualifie de mannequin sortant du magazine GQ. Tout comme Venin, les deux sont assortis et sont complémentaires. Ce qui me fait sourire à chaque fois parce que c'est vrai. Très bonne définition d'Elena. Je suis étonné qu'elle l'ai aussi bien cerné mais ce n'est pas difficile. Toujours habillé de son pantalon de costume gris perle ou noir, d'une chemise assortie, de chaussures noires assorties aussi. Quand il travaille dans son bureau la nuit, il porte un t-shirt noir et un pantalon treillis. Aujourd'hui, notre vampire préféré a mis le costume au placard. Il a du rester travailler toute la nuit dans son entre sacrée. Il a fait comme moi, enfilé un sweat gris perle avec écrit New-York dessus.

« Merci ».

« J'ai les résultats de la prise de sang...de...Campanule » intervient Keir en passant la tête dans l'encadré de la porte.

Son visage en dit long. Limite si sa bouche ne tombe pas. Le regard du médecin se pose sur moi, l'infirmier, Dmitri puis de nouveau sur moi. Plusieurs fois. Jusqu'à ce qu'il réalise que je suis bien réveillé. Il cligne à nouveau les yeux avant de prendre la parole.

« Tu es réveillé Campanule ? Personne ne m'a prévenu » lance Keir.

« Surprise » ajoute le vampire. « À l'instant, une chance. Aodhan va enfin pouvoir reprendre le cours de sa respiration ».

« Et moi de mon rythme cardiaque » ajoute Keir.

« Parle pour toi Dmitri, tu n'étais pas mieux que nous » riposte Galen qui vient d'arriver en croisant les bras.

« J'admets ma frayeur pour Campanule » dit-il en levant les mains.

« Pourquoi une prise de sang supplémentaire ? » demandais-je par curiosité sachant que ma question est inutile.

Si Dmitri lui a demandé de faire des examens, c'est pour des raisons précises. Je ne suis pas sûr qu'il m'expliquera plus tard car j'ai besoin de comprendre, je dors depuis quinze jours. Il faudrait que j'aille le voir dans son bureau.

« Ta santé m'inquiète Campanule » répond le vampire.

« Ce sont les effets de la Cascade les plus étranges que j'ai vu jusqu'à présent. Ta montée de fièvre est due à la montée de puissance que tu as eu, on en est certain. Tu en as eu une autre nettement moins forte récemment que Nisia a pu maîtriser, avec l'aide de l'Archange. Tout a été fait pour te soulager, les médicaments ont fait leur travail » me dit Keir.

« Je suis vivant » dis-je pour détourner un peu la conversation. « C'est le plus important. Il faut que j'aille voir Raphaël ».

« Encore heureux. Je lui enverrais un deuxième rapport plus tard. Tu as une cicatrice sur le bras et cette marque est unique, peut-être que nous ferions mieux de faire des recherches mais pas maintenant. Demain ou après-demain peut-être car ça m'intrigue. Pour la science tu comprends ? Je vais m'occuper de la prendre en photo et de la donner à Vivek, il se fera un plaisir de se charger d'effectuer des recherches au sujet de cette marque sur ta peau. Sur ce, je vais te laisser. On se voit plus tard. ».

Il sort de la pièce en fermant la porte.

Il reste un vampire et un autre ange dans la pièce.

Ils ne me dévisagent pas.

De toute façon, je veux sortir d'ici le plus vite possible. Non pas que ces murs blancs m'angoissent mais j'aimerai retrouver le confort de ma chambre à la Tour ou alors le confort de ma maison à l'Enclave ce serait parfait. Ma maison me manque. Et la tranquillité.

« Plus tard » dit Dmitri. « Repose toi d'abord et on en discutera plus tard ».

« Discuter de quoi ? » dis-je froidement.

Je n'ai rien à faire ici.

Je suis désolé si ma santé inquiète tout le monde.

Je suis désolé de causer des soucis.

Cette Cascade m'a affecté plus que d'autres choses.

Subir ça n'est pas un choix.

Au contraire, j'ai peur.

Je suis effrayé des conséquences.

Cela signifie que l'Ancien dans mon arbre généalogique n'est pas prêt à me laisser tranquille. J'ai tendance à croire que c'est une manière de me faire payer je ne sais quoi.

Ma mère a dû se poser des tas de questions. Elle a dû être prévenue par Raphaël. Je n'aurai pas eu le courage de le lui dire directement, de toute façon je n'étais pas en état de le faire.

« Ce n'est pas une question. Ce n'est pas normal que tu sois autant impacté par cette Cascade. Pas à ton âge. Tu es trop jeune pour supporter autant » dit-il fermement face à ma remarque.

« Quand je pourrais rentrer chez moi ? ».

« À la fin de la journée » dit Dmitri en passant la porte.

« Il n'est que 15h » dis-je cette fois-ci en jetant mon oreiller en direction de la porte.

Dmitri s'assure que j'aille bien en me faisant passer des examens dont je ne comprends toujours pas l'utilité mais je le laisse faire.

Le lendemain, direction une autre salle du refuge pour une batterie de test, de prélèvement sanguin à analyser et un questionnaire sur mes symptômes depuis mon réveil d'hier.

Les classiques: prises de sang, contrôle des réflexes, cohérence de la parole et maintenant IRM + scanner. Je pense que Dmitri veut se rassurer ou tenter de trouver une explication logique. Si on peut appeler ça logique. La Cascade n'a pas de logique. Elle agit. Le fait est que je sois un cas précoce. Très précoce et les chances de survies étaient limitées mais grâce au lien que j'ai avec Raphaël, il m'a sauvé la vie.

L'ange qui m'a ausculté avant a pris ma cicatrice en photo en ne manquant pas d'esquisser un sourire de surprise et de fascination alors je ne sais pas comment le prendre, l'interpréter encore moins. Cette constellation est gravée dans ma peau. Je ne m'y connais pas suffisamment en astrologie pour me faire une idée de sa signification. En tout cas, la constellation est tatouée finement et délicatement sur ma peau. La sensation de brûlure d'hier devait en partie provenir d'elle.

« Dernière image et promis, je te laisse tranquille » me dit Keir.

Le grand appareil blanc capture une nouvelle image de tout mon corps pour éventuellement constater des dégâts physiques internes. D'après la voix du guérisseur du Refuge, rien de suspect ou alors il ne souhaite en aucun cas me le dire pour éviter une crise d'angoisse.

« Alors quels sont les dégâts ? ».

« On ne parle pas dans l'appareil ».

La curiosité a pris le dessus.

La voix de Keir résonne dans le micro avant de le couper aussitôt.

Je me sens comme un ange prisonnier entre les murs de cette salle d'examen.

J'attends patiemment la fin de l'examen et une fois la machine éteinte, Keir m'invite à sortir pour la rejoindre. Il me fait m'asseoir sur un brancard pour m'enlever les électrodes qu'il s'est empressé de coller sur ma peau et il va analyser tout ça.

« Il y en a peu figure toi, des égratignures corporelles mais tes cellules angéliques ont déjà fait leur travail. Faut croire que par je ne sais quel miracle, un dieu ait décidé de t'accorder sa grâce ».

Un mince soulagement.

« Je suis quand même sur pied ».

Le ton du guérisseur est calme et rassurant. Je peux me fier à son avis.

Je me redresse et me mets debout.

Le regard marron de Keir croise le mien en levant les yeux de l'écran.

« Ne t'inquiète pas, tu auras les résultats bientôt ».

Je quitte la salle d'examen en ayant au moins l'attente d'une réponse sur ma santé mais les dégâts sont davantage d'ordre mentaux que physiques. Mon corps angélique peut se remettre des blessures. Les blessures mentales me poursuivent au fils des siècles. C'est valable pour tous les anges et vampires de la Tour.

Mon meilleur ami m'a ramené chez moi, dans ma maison à l'Enclave.

Être chez moi me permettra d'aller mieux et de ne rendre de compte à personne. Ma maison est mon refuge pour la semaine. Peu de personnes y sont déjà venues. Aodhan est déjà venu, je l'ai trouvé une fois frigorifié devant chez moi suite à un pari stupide fait avec Venin. Ces deux là ont eu la merveilleuse idée de grimper comme un animal grimant sur les parois d'un immeuble. En plein mois de janvier il faut le préciser et la ville étaient enneigée, le gel était présent partout et quoi de mieux que de faire un pari avec Venin. Résultat, ils se sont fait repérés par l'Archange. Tous les deux ont tellement rit après ce pari. L'ange à la peau de marbre a attrapé froid. Il est venu jusqu'à chez moi, frigorifié. Je lui ai préparé un thé chaud pour qu'il se réchauffe. Il m'a raconté son exploit ce soir-là emmitouflé dans deux couvertures devant un poêle à granulés.

Je suis toujours celui qui prend part à la moindre blague racontée par l'un de nous. Je suis le premier à rire, à me moquer ouvertement de mes amis sans honte, à raconter des anecdotes qui rendent Aodhan rouge de honte, à élaborer des plans pour faire des blagues avec Venin. Mais j'ai l'impression que cette période s'est éloignée de moi, de la manière la plus étrange qui soit. Depuis ma chute, j'ai l'impression que mon cerveau s'est mis sur pause. Je me suis quand même reposé, ce qui m'a fait du bien.

Un sentiment de sécurité me prend d'un coup, je suis à la maison, dans mon cocon et il est vraiment précieux. J'aime y rester des heures quand ce n'est pas dans les airs. Mon « humeur joyeuse est contagieuse » d'après Dmitri est ma marque de fabrique mais je ne suis pas comme ça tous les jours et depuis la chute, quelque chose a changé ou quelque chose s'est éteint. Je n'arrive pas à le définir correctement.

Un manque.

Une absence.

Un changement.

À la fois dans mes veines et dans ma tête.

Je sens que les choses ne seront plus les mêmes à l'avenir.

Ça commence déjà.

Alors au diable, les règles. Je sors de chez moi et m'envole directement dans le ciel. Les douleurs se réveillent, j'y fais abstraction. J'ai besoin d'air.

Je m'envole les yeux fermés dans les airs.

Rien ne m'arrête ce soir.

Je m'installe en haut d'un immeuble.

De là haut, on voit tout.

Les millions de lumières de la ville brillent telle une guirlande électrique géante.

Cette ville est constamment en effervescence et c'est ce qui me plaît.

Devenir Archange ne me plaît pas. Les responsabilités que ça implique m'effraie et je n'ai pas les épaules suffisantes pour supporter ça.

De plus, une partie de mon cœur est brisé.

Je suis déstabilisé.

Je suis déconnecté du monde des Archanges. Assis à une table, les Dix à se demander si telle idée n'aurait pas plus de répercussion qu'une autre. Je ne suis pas dans cet état d'esprit là. Je sais que Raphaël est très sceptique à l'idée lui aussi et qu'il sera bien plus tranquille si ça arrive en temps et en heure.

C'est à cet instant précis que je commence à haïr profondément et définitivement l'Ancien présent dans mon arbre généalogique.

Pour la souffrance occasionnée.

Pour ma souffrance occasionnée.

Il a détruit des choses pour les laisser en ruines et le temps que les fondations se reconstruisent, il faut qu'il resurgisse d'une manière ou d'une autre en me transmettant ça.

Je le connais sans l'avoir revu pour autant car pour donner des nouvelles, c'est la dernière personne à le faire et de toute manière, je lui mettrai la tête contre un mur. Je suis quasiment sûr qu'en apprenant ma montée en puissance, mon père va réapparaître tel une fleur. Ressasser le passé pour me convaincre que son comportement a changé, que ses attentions sont bonnes pour que je tourne la page, j'ai l'impression que c'est une blague. Sauf que ça ne sera jamais le cas. Au contraire, ça me met en colère car les répercussions ont été grandes.

Dans le fond de mon cœur, je veux aller mieux, je veux rebondir et d'un autre côté, je me sens incapable de le faire maintenant. Déjà, il faudrait que je l'oublie. Lui. Mon Ancien. Et elle. Elle qui n'a pas tenu parole à cause de moi. Parfois, je me dis que si elle m'avait aimé réellement, autant que moi en tout cas, les choses n'auraient pas pris cette direction. Puiser suffisamment de courage pour aller de l'avant va me demander encore du temps. Je n'ai aucune idée du temps que ça prendra. Je veux au moins y croire. Croire que j'irai mieux plus tard.

En tout cas, ce soir, je suis dans ma mélancolie.

J'ai l'impression d'être déconnecté ce soir. Comme si je sortais d'une longue sieste, des médicaments dans les veines, l'esprit encore embrumé par mes pensées qui se bousculent sans cesse. Elles prennent de plus en plus de place. J'ai envie d'appeler ma mère pour la rassurer, lui dire que ça va, que je suis pris en charge. Que je vais bien. Pas en pleine nuit mais bientôt, elle doit dormir mais au moins l'appeler dans la semaine. Elle s'inquiète assez.

Je me dirige vers chez moi telle une flèche qui fend l'air.

Je n'ai besoin que de quelques secondes pour regagner ma maison.

Pour une fois, j'ai l'impression d'être une fusée et non un feu d'artifice qui tarde à exploser aux yeux de tous.

J'ai besoin de quelques heures de sommeil; ma tête commence à tourner un peu.

Les médicaments ne doivent plus faire effets. Ils se sont trop vite dissipés dans mes veines à mon goût. J'aurais aimé dormir grâce à eux.

En atterrissant devant chez moi, ma maison semble si calme.

J'ai toujours aimé les ambiances nocturnes. L'atmosphère y est différente et plus inspirante qu'en journée. Au moins, il n'y a pas de bruits parasites. Juste la Nature, la maison et moi.

En rentrant, pas de chat ni de poisson rouge qui tourne dans un bocal. Pas de copine non plus. Ça c'est une étiquette que l'on me colle sur le front. J'aimerais me débarrasser de cette étiquette parfois. Juste, moi, moi et moi. Ce qui est déjà bien. Je suis au courant des préjugés stupides, un ange célibataire et sans chat à la maison. Pas exactement sans chat. Si je suis honnête, il y a un chat qui semble apprécier la tranquillité du jardin.

« Tu vas rester là encore longtemps ? ».

Un chat roux. Un beau chat roux. Je le laisse tranquille. Il est apaisant. Je ne pensais pas qu'un animal puisse produire cet effet relaxant chez moi. Je sais que Venin me rirait au nez en train de regarder ce chat. J'hésite à lui donner un prénom.

Est-ce raisonnable de lui donner un prénom ?

Il ne réagit même pas. Il est assit. Tranquille. Visiblement bien décidé à rester ici une partie de la nuit, l'animal daigne quand même à tourner la tête et je croise ses beaux yeux clairs. Ce Persan roux m'accorde un peu d'attention. Les chats ont cette faculté, celle de donner leur confiance ou non tout de suite. Celui-ci semble doux et affectueux. Il s'avance ensuite vers moi, miaule pour signifier sa présence ou me saluer je n'en ai aucune idée. Il miaule une seconde fois.

Il s'approche jusqu'à effleurer sa fourrure rousse contre ma peau.

Ce chat doit appartenir à quelqu'un et au lieu d'être chez lui, il s'aventure dans les jardins voisins.

Bizarrement, je le laisse faire.

D'habitude, les chats ne s'approchent pas.

Celui-ci oui.

Je caresse doucement sa tête et je remarque qu'il apprécie les caresses derrières les oreilles, à force de baisser la tête j'ai compris le message.

Ce chat apprécie la compagnie.

Et son contact n'est pas désagréable.

Je me surprends à apprécier sa compagnie aussi donc je le laisse tranquille après quelques minutes.

Il est trop tard pour mener une enquête mais l'idée va rester dans un coin de ma tête car je suis curieux de connaitre l'identité du propriétaire de ce chat.

J'ai besoin de sommeil avant de mener une nouvelle mission.