Playlist

« Flicker » Niall Horan

« Glowing in the dark » The girl and the dreamcatcher

« Yellow lights » Harry Hudson

« Lantern » Passager

Chapitre numéro dix

partie 1

Point de vue d'Illium

Du haut d'un immeuble, la vue est imprenable sur la ville. On a la possibilité de voir tous les buildings aux alentours, d'observer les automobilistes circulant sur la route pour aller travailler, d'observer les humains se rendre dans un café, de voir les oiseaux voler mais surtout d'assister à l'atterrissage d'un ange sur le toit d'un des immeubles. Les humains, vampires ayant la chance d'avoir une vue donnant sur la Tour depuis leur appartement ont cette opportunité. Les gens ne pensent pas toujours à lever les yeux vers le ciel. Dans ce cas, ils auraient pu apercevoir un ange atterrir sur le toit de la Tour. Ici, tout est fait pour que les humains et vampires qui n'y travaillent pas soient intrigués. Je suis assis là depuis une heure. Avant que les gens ne sortent de chez eux pour aller travailler, l'agitation habituelle d'une ville comme New-York ne commence. C'est une ville qui ne dort jamais. Tout cesse à une heure du matin pour reprendre à cinq heure. Tout s'illumine à nouveau, tout reprend du service, tout ré ouvre. J'ai mangé un des muffins qu'Elena m'a apporté dans un panier en osier l'autre jour avant de partir de la maison et j'ai atterri ici. Je suis encore à fleur de peau. J'ai encore des difficultés à me faire à l'idée que je suis en train de changer. Se voiler la face n'est pas bon et la réalité fait vraiment mal. Impossible pour moi d'accepter la situation. Cela fait un mois que j'ai failli y passer. J'ai l'impression d'être constamment enveloppé d'un brouillard dont il impossible de me débarrasser, même si j'agite les bras pour tenter de le dissiper. Il y a des éclaircies de temps en temps, le soleil entre mais il vient rapidement se cacher derrière un nuage. Cela fait un mois que je suis dans cette situation et je commence à perdre pied. Les gens autour de moi font attention, me demande toujours comment je vais, essayent de me faire rire. Je me sens entouré et je le suis. Tout ça est bien réel. Seulement, je ne me sens pas capable de continuer ainsi, de faire face à quelque chose qui me déstabilise. Apparemment, seul le temps me permettra de tirer un trait sur cette chute. Sauf que je ne veux pas me reposer sur ce fait. Je suis éternel. En principe, une créature éternelle n'a pas à se soucier de ce fait. Moi si. Ça me hante l'esprit.

Sous mes pieds, le vide. La vie des habitants de New-York continue. Tout est encore allumé. Les lumières des buildings, les lumières artificielles des panneaux publicitaires brillent plus que jamais. Au-dessus de ma tête, un orage résonne dans le ciel noir d'encre. Qui dit orage, dit sport donc partie de base ball nocturne avec mon meilleur ami. Il a réussi à convaincre des anges du Refuge d'y participer. Les équipes sont différentes de la dernière fois. Si je suis partant pour jouer ce soir, j'en connais un qui l'est beaucoup moins. Il faut que je fasse preuve d'intelligence pour ne pas me faire frapper par un éclair pendant la partie. J'ai déjà expérimenté la douleur, c'est horrible. La cicatrisation n'a pas été si difficile mais plus longue que d'habitude. Au quel cas, j'en connais un, toujours le même qui va me réprimander et peut-être aussi se plaindre à l'Archange que je ne suis pas prudent. Ce qui est vrai dans un sens mais je suis soucieux de l'avenir, dans le sens où je veux profiter de la vie tant que je vais bien. Je ne vais pas attendre que les effets de la Cascade se renouvellent. Dans combien de temps ? Un an, deux ans, trois ans, cinq ans, un siècle, deux siècles ? Dans ce cas, on peut parier sur une date aléatoire. Je ne veux pas vivre dans une cage. Je suis un ange qui aime la vie depuis toujours. Si j'ai vécu cinq siècles, je ne veux pas vivre le sixième et les autres dans la crainte. Pas dans cette incertitude permanente qui plane au-dessus de ma tête comme une malédiction. Mais je me demande tout de même, le jour où Lijiuan meurt, que deviendra t-on ? Pas que je me préoccupe de son sort mais la Cascade frappe tous les anges. Rien ne peut stopper le processus mais dans son cas, cela l'a rendu complètement folle. Les millénaires n'aidants pas non plus, cela est prévisible. Je refuse de faire partie de sa collection de papillons vivants. Hors de question aussi de me torturer mentalement sur le sujet et c'est pourtant ce que je fais.

En relevant la tête, mon meilleur ami aux ailes de diamants, au corps de diamant pour être tout à fait précis, me regarde un sourire satisfait au visage en lançant une balle dans chacune de ses mains. Je suppose que la revanche a sonné. La nuit est tombée depuis longtemps, le tonnerre résonne au loin. Les éclairs apparaissent un peu plus tard. Il veut jouer au baseball mais pour rendre la partie intéressante, il faut éviter la foudre. Chose pas facile mais on aime bien les défis. Dommage que Venin n'ai pas de paire d'ailes, il aurait adoré. Il nous regarde d'en bas. Ne pouvant refuser la proposition de jeu de mon ami, je me relève et m'envole aussitôt le rejoindre. Constituer des équipes prend quelques minutes. Nous établissons deux camps distincts et on commence à jouer. Je ne sais pas combien de temps la partie va durer. Les gens paraissent si petits vus d'en haut. Avant, je me suis amusé à les effrayer en volant au-dessus de leur tête. Pauvre touristes. Les new-yorkais s'en amusaient. Je ne le fais plus. Peut-être une prochaine fois. Mais je ne suis pas d'humeur. Une partie de baseball va commencer. Je relève le défit. Deux équipes d'anges se regardent dans le blanc des yeux pour savoir qui va lancer la balle en premier. Aodhan me fixe une seconde et lance la balle au-dessus de nos têtes. Quand le jeu prend place, rien d'autre ne nous encombre l'esprit, déjà que la dernière partie s'est terminée sur une égalité on est déterminé à prendre notre revanche. Cette fois-ci, on sera gagnant.

Depuis le début de la partie, il y a une heure, tout se déroule dans les règles de l'art. Nos deux équipes scrutent la balle que je tiens dans ma main. Je cherche des yeux à qui la lancer. C'est un combat de regards silencieux auquel on se livre. Nous sommes tous attentifs. Quand il s'agit de sport, c'est chacun pour soi. Mon meilleur ami s'impatiente. Il hausse un sourcil quand il voit que je m'apprête à lancer l'objet en question après une réflexion de quelques secondes interminables. Aodhan me regarde attentivement. La balle passe ensuite de mains en mains jusqu'à ce qu'elle passe dans le but improvisé de l'autre camp. Un point partout. Égalité. Les autres anges volent de part et d'autre afin de faire un barrage. Je connais le jeu. On me renvoie la balle et la lance à un autre ange plus loin qui l'attrape de justesse. Chacun de nous fait attention à ne pas se faire foudroyer. Coup de chance, deux anges en sont pas passés loin. Les éclairs ajoutent de l'adrénaline à la partie. Un nouveau coup de tonnerre résonne dans le ciel et quelques secondes plus tard nous indiquent à quelle distance il se trouve par rapport à nous. On le laisse passer avant de jouer à nouveau.

Parfois, je me demande qui entraine l'autre dans ce type de partie de jeu. Aodhan et moi avons grandis ensemble, ce qui fait que nous n'avons pas de secret, on se connait par cœur. Se retrouver tous les deux dans la garde d'un Archange est exceptionnel. Ses ailes brillent moins qu'en plein jour mais elles scintillent sous les lumières artificielles des immeubles aux alentours de nous tous. C'est saisissant. Un sourire en coin sur le visage, je sais à qui lancer cette balle et ce n'est pas à l'ange aux ailes diamantées mais à l'ange aux ailes grises-noires. Galen a accepté de jouer. Il est un excellent tacticien sur le terrain et quand il s'agit de sport, cela peut s'avérer utile. Il est plus loin que moi. Quand on lance la balle dans ma direction, je suis obligé de plonger en direction du fleuve Hudson pour la rattraper. Si elle tombe dans l'eau, je n'irais pas la chercher. Tant pis si on la perd. Grâce à ma vitesse qui s'est améliorée, je l'attrape à temps et la relance en me retournant vers les deux équipes. Je remonte plus lentement.

« Deux points partout » cri Galen.

Il va falloir remonter un peu si on veut avoir l'avantage. La dernière fois, on n'a jamais réussi à départager les équipes. On a joué deux heures d'affiliées. Là, on en est à deux heures trente. Plusieurs anges quittent le jeu. On se retrouve à effectif réduit. Si ça continue, il ne restera que Strass et moi. Un comble. La partie ne se terminera jamais. On sera à nouveau à égalité. Personne pour contester le score final. Je peux percevoir les autres anges de nos équipes nous regarder de la terrasse de la Tour. Tous nous regardent attentivement, surveillant la balle aller dans le camp de l'autre.

La moitié de nos équipes respectives sont déclarées à l'abandon. Il ne manque que le drapeau blanc. Ce ne sera pas moi qui va le lever aux yeux des autres.

Je me sens de meilleure humeur. Cette plénitude ne va pas durer mais je veux en profiter. Cela fait désormais un mois que je me sens un peu mieux dans ma peau. La route est encore longue mais une première étape est franchie. Mon humeur n'est plus aussi instable mais je sais que les effets de la Cascade plane toujours et que dans quelques mois, années je ne sais pas, ça va recommencer. En attendant, je refuse de me laisser abattre. J'ai pleins de choses à accomplir dans ma vie. La liste est longue, je n'ai pas le temps de l'exposer maintenant. Je suis en train de jouer au baseball. Le tonnerre gronde toujours dans le ciel. Les éléments climatiques s'intensifient. Je sens que la pluie ne va pas tarder et je refuse d'être électrocuté. Un premier éclair éblouit le ciel. Mauvais signe si on reste plus longtemps. Sauf que nous n'abandonnons pas la partie, tout en veillant aux changements atmosphériques. Quand le tonnerre résonne, Aodhan a attrapé la balle et la relance. Voilà en partie pourquoi on joue sous un temps pareil. Les effets sont géniaux mais risqués.

« Illium ! » entendis-je d'en bas.

Mon prénom résonne jusqu'à moi. Pas comme une façon de communiquer mais comme un avertissement. L'ange en bas recommence. Sa voix porte bien. Je ne réalise pas ce qu'il souhaite me dire. J'ai envie de lui répondre que je suis concentré mais quelque chose m'en empêche. En rattrapant la balle de justesse, un éclair m'effleure le bras. Ne me rendant pas tout à fait compte de la situation, je continue de jouer. L'éclair était dans ma direction. Il ne pouvait pas être évité. Moi qui ait déjà vécu ça il y a bien longtemps, je ne préfère pas m'en souvenir à nouveau. Galen me regarde en fronçant les sourcils. J'ai reconnu sa voix. Ils échangent un regard avec Aodhan et celui-ci est le premier témoin de la scène. Je reconnais ne pas l'avoir vu. Il m'a surpris. Je regarde un peu autour de moi comme si j'étais percuté par quelque chose. J'ai l'esprit embrumé pendant une minute. C'était violent.

Par contre, je n'ai pas pu éviter le second éclair. En plein dans le mille. Mon avant bras gauche est touché et je ressent la violente douleur. Pourquoi a-t-il fallut que ça arrive ce soir ? Étant donné l'intensité, ça mettra au moins la semaine à guérir, le temps que les tissus cicatrisent. Je refuse de garder une trace de cet éclair sur le corps. Vu mon âge, ça ne risque pas d'arriver. Pour un ange bien plus jeune, c'est différent il peut parfois avoir un risque vital. Dans mon cas non. Mais de violentes douleurs. Ce n'est pas agréable du tout, le parti était risqué. De plus, une odeur de fer me parvient. Du sang. Mon sang. Des gouttes perlent le long de mon avant bras. Je compresse celui-ci en essayant de stopper l'écoulement. Mes mains y sont recouvertes. Il y avait une chance sur deux d'être touché ce soir. Le karma se chargera de mon sort. En attendant, la douleur est juste horrible. Une sensation de chaleur envahie mon esprit, mon corps et ça ne présage rien de bon. J'ai chaud. Se prendre une forte décharge électrique a forcément des répercussions. Un humain serait déjà mort. Un vampire aurait son pronostic vital engagé selon son âge. Moi, je suis résistant. J'en ai fait les frais une première fois. Je commence à voir un peu flou. Secouer la tête n'arrange pas la situation. Une sorte de fièvre prend possession de mon être. Je me mets à luire comme une luciole dans le ciel. Rien de pire. Le cauchemar ne semble pas derrière moi. On dirait que ça recommence. Je lutte pour ne pas hurler. Mon front est perlé de sueur. Mes yeux veulent se clore. Ne plus penser à rien, être dans un endroit silencieux. Je ne distingue plus grand chose à quelques mètres de moi en plus. Mes ailes me portent encore mais mon corps devient de plus en plus faible. Il faut que j'atterrisse quelque part, sur une surface en béton. Je me sens porté par quelqu'un et non pas comme la dernière fois, tomber dans le vide tel une balle de tennis ou autre attiré par la gravité.

« Un humain serait mort avant de toucher le sol » intervient l'ange aux ailes grises.

Aodhan me tient dans ses bras. Je sens sa peau fraiche contre la mienne. Tous les anges à proximité ont sûrement tout vu. Encore une fois, je suis pris au dépourvu. Les bras de mon meilleur ami ne me lâchent pas, ils m'entourent toujours et je ne peux pas voir son visage que j'imagine plus qu'inquiet. Je ne me rends compte de plus grand chose. Mon bras me brûle. Je me suis pas raté cette fois. À croire que je recherche des ennuis en ce moment. Le karma se venge de je ne sais quoi. Pourtant j'ai fait attention. Un paradoxe. J'ai été distrait. J'ai pensé à autre chose pendant une seconde et l'éclair m'a frappé sous les yeux de mon meilleur ami. Il n'a pas pu agir, l'éclair m'a frappé avant que je n'ai eu le temps de bouger. Ma rapidité est reconnue pourtant. Là, rien n'est plus. Je sens le vent qui s'est levé. La fraicheur contre ma peau est agréable. J'entends une nouvel fois Galen s'adresser à mon meilleur ami.

« Dmitri va hurler. Amène le voir Keir ».

Si Sombre Suzerain comme je le surnomme l'apprend, je suis mal partie pour rejouer en équipe et je ne veux pas être traité comme un enfant qui a fait une erreur. Il me connait bien, peut-être un peu trop, ce qui fait que c'est prévisible.

Je suis un cas désespéré. Me faire brûler par un éclair n'est pas nouveau, ça m'est déjà arrivé une fois et les brûlures sont vraiment douloureuses mais je ne suis pas allé jusqu'à la perte de connaissance.

De l'agitation.

Des lumières.

C'est une lumière trop blanche que je me réveille. J'ai l'impression d'avoir la tête écrasée contre un mur. Tout est flou dans ma tête. Je me souviens quand même de l'orage, de la luminosité blanche s'abattre sur une partie de mon corps, de la diffusion d'une décharge électrique à haut voltage, la sensation de brûlure, la perte de conscience a ensuite pris le dessus et plus rien. Le vide. Le noir complet. Encore heureux que je n'ai pas réagis comme lors de ma chute dans les airs. Je me mets à briller comme une luciole. Je sursaute. Mes yeux se posent sur tous les points de la pièce. Une chambre d'hôpital. Évidemment. Impossible d'être tranquillement chez moi après m'être foudroyé le bras en jouant au baseball. La prochaine fois, je refuserai l'invitation. Ou l'on établira des règles de stratégies différentes. Un bandage recouvre mon avant bras gauche, là où la foudre m'a frappé. Je ne sens pas de douleurs. Et je comprends pourquoi en voyant une poche reliée à mon bras. J'attends que la poche se vide, ce qui prend trente minutes. Je l'enlève en faisant attention au matériel. Une ordonnance de médicaments posée sur la table ainsi que la petite pile de ceux-ci. Je sens que les prochains jours vont être du gâteaux. Pas de faux pas cette fois-ci, je prends mes traitements et je me tais. Plus de baseball avant un moment. La prochaine fois, on jouera quand le ciel ne sera pas chargé de foudre. Un ciel calme. C'est bien un ciel calme. Plus impressionnant qu'autre chose.

Sentir le soleil réchauffer ma peau est la meilleure sensation quand on sort de l'hôpital. Ne pas se sentir oppressé non plus. C'est un peu étrange mais plus je suis loin de la Tour, moins j'ai la sensation d'obliger un peu mon inconscient à prendre du recul. C'est une étrange impression. Non pas que je m'y sente mal, c'est là où j'ai ma chambre. J'y reste quand on est en mission. La plupart du temps, je profite de la tranquillité de ma demeure à l'Enclave. Mes ailes me portent jusqu'à chez moi. Pas de chambre stérile ou de murs blancs, je me sens mieux entre les quatre murs de ma maison. C'est fou comme je réalise les bienfaits d'être chez soi. Je n'y ai pas prêté attention autant en tout cas avant cette fichue Cascade qui plane au-dessus de la tête de tout le monde et qui a décidé de me donner une tape sur la tête comme pour me dire: « Non, je ne t'ai pas oublié ». Oui, ça je suis au courant. Dommage. Je me suis demandé je ne sais combien de fois pour quelles raisons cette prophétie, si on peut la nommer ainsi me tombe dessus. Je n'ai pas de sang d'Archange dans les veines ni aucune autre prédilection en ce sens. Mais je dois vivre avec. C'est toujours ce que l'on dit et je ne comprends pas le sens de cette phrase. Je ne suis pas destiné à devenir un Archange. Pas du tout car ce n'est pas ce que je souhaite d'une part et ça ne me ressemble pas.

Le nez dans mes carnets, je n'accorde pas d'attention particulière au désordre autour de moi. De toute façon, personne d'autre ne vit ici. Pas de protestations. Pas de critiques non plus.

D'ailleurs je n'ai pas reçus de messages ni d'appels. Une chance parce que je crains un peu le savon de mon vampire préféré.

D'un autre point de vue, la situation est différente.

Depuis son bureau, le second de l'Archange a une vue imprenable sur New-York aussi appelée la Grosse pomme. Dans la tour de verre et de métal, peu de détails lui échappe. Il a des espions partout. Pas autant que le maitre espion de l'Archange mais Jason ne révèle jamais ses failles. Ce qui lit tout ce beau monde, c'est la loyauté. C'est un lien indescriptible. Unique. Une chance pour eux de faire partie de la garde rapprochée d'un Archange en ayant des liens fraternels aussi forts. On peut dire ce que l'on veut. Les médias s'en chargent très bien. Ils qualifient de Dmitri comme étant un homme de fer, ayant le contrôle de la ville en cas d'absence de Raphaël. Il est aussi très respecté. Dmitri a une aura indiscutable. Mais les Sept sont une famille. Compter les uns sur les autres est aussi évident que de respirer ou entendre son cœur battre dans sa poitrine. Chacun d'eux a une enveloppe en acier forgé au fil des siècles, Dmitri le premier, Jason le deuxième et Aodhan le troisième. Leur passé explique pas mal de chose. Celui de Venin aussi et tous sont ravis de savoir qu'un jour, il trouvera un apaisement. Tous le souhaite. Pour eux-même d'une part parce que s'enfermer dans un livre sans réussir à tourner une page est compliqué. Avancer.

Pour l'instant, ce qui effraie tout ce beau monde, c'est le destin qu'annonce la Cascade pour leur Campanule préféré. Il faut admettre que cet ange est bien trop jeune pour être confronté à de tels changements physiologiques. Auparavant le plus jeune était âgé de deux cent ans de plus que Campanule. Il y a donc quelque chose de pas clair dans cette histoire. De plus, il n'a pas de sang d'Archange dans les veines. C'est grâce au lien de sang qu'on les Sept avec Raphaël qu'il a pu survivre. Il est intervenu à temps en déchargeant l'énergie qui menaçait de brûler l'ange aux ailes bleues dans le ciel nocturne de la ville, aux yeux de tous. Impuissants face à la situation tragique écrite nulle part jusqu'à présent. Même si Illium est l'ange le plus apprécié parmi tous auprès des habitants et entre eux, il a une bonne humeur contagieuse qui met tout le monde d'accord. Personne ne peut résister au charisme naturel de l'ange. Il a une aura. Et cette aura va grandir encore au fil des siècles. Il a encore du temps à vivre et ça Dmitri se le promet. Jamais il ne laissera cet ange espiègle qu'il a connu dès son plus jeune âge. C'est sa joie de vivre, son insouciance, son sérieux quand il le faut qui font sa personnalité et l'ange le plus attachant, celui qu'il faut connaitre une fois dans sa vie.

« À quoi penses-tu ? ».

Ses yeux marrons croisent les yeux verts de sa femme. Honor. Récemment transformée en vampire. Ils filent le parfait amour. Il se sent chanceux. Une seconde fois. Elle s'avance dans la pièce. Elle aussi dégage quelque chose d'attractif. C'est une chasseuse. Habituée à poursuivre des vampires désobéissants dans les rues de New-York, en devenir un est un peu étrange mais ce fut le prix à payer pour avoir une vie bien plus longue que les autres. Posant sa tête contre l'épaule de son mari, elle contemple la vie qui s'offre à elle aussi, les millions de lumières artificielles de la ville et les immeubles tous plus hauts les uns des autres.

« Au calme qui règne dans cette ville ».

« Un peu trop calme à ton gout ? ».

Dmitri soupire et hausse les épaules. Disons que la ville est calme, ce n'est pas plus mal mais c'est le destin de Campanule qui le met dans un état songeur. N'étant pas le plus démonstratif, il n'en ressens pas moins les choses. Le fait est qu'à présent, il songe à entreprendre une discussion avec lui. Le principal concerné, l'ange aux ailes bleues. L'entretien lui parait nécessaire. Il le repousse depuis un mois. Repousser l'échéance n'est pas toujours la bonne solution mais Illium souhaite être seul. Cette vision lui fait mal. Se mettre en retrait trop longtemps a des conséquences. Il est le premier au courant et bien sûr, Aodhan l'est aussi. Il s'est retiré deux siècles. Il revient à la lumière peu à peu. Tous ont besoin de lui mais Illium a besoin de son meilleur ami. Les deux guerriers sont inséparables, aussi complémentaires que deux anges peuvent l'être et c'est un privilège. Un peu comme Dmitri et Raphael au fond même si le premier est un vampire millénaire.

« C'est le moment d'avoir une discussion avec Campanule ».

« Il change, ça inquiète tout le monde et lui le premier tu sais ».

« Oui ».

Silence. S'il doit arriver quelque chose à cet ange, Dmitri ne s'en remettrait pas. Ils se sont connus il y a des siècles. Dmitri se souvient encore de cette rencontre. Mais les derniers événements de la Cascade inquiètent tous les Sept. Si Raphaël en a tiré du positif, ce n'est pas le cas d'Illium. Un millénaire et demi séparent ces deux anges exceptionnels. Dmitri a eu connaissance de l'entretien avec l'Archange. Illium s'est mis à pleurer. Raphaël ne se souvient pas de la dernière fois où il a vu de ses propres yeux des larmes couler le long du visage de Campanule. Cette triste vision lui a fait mal au cœur. Tous veulent le protéger du moindre danger, un peu comme un enfant. Peut-être un peu trop comme un enfant. Personne ne peut admettre comment les choses prendront une autre tournure dans les prochains mois voire années, pour ne pas parler tout de suite de siècles. Au fond, tous savent que cet ange aux ailes bleues et au charme irrésistible ferait un parfait Archange. Même Venin y a pensé. Il le lui a dit mais Campanule s'est vexé contre son gré. Un peu trop tôt pour en parler directement avec lui mais cette discussion va arriver un jour ou l'autre. Lui annoncer sera un jour particulier. Des tas de propositions d'Archange sont déposées sur le bureau du vampire. L'ange est convoité.

L'admettre n'est pas facile et encore moins pour le principal intéressé. Dmitri veut avoir une conversation avec lui pour se rendre compte des choses de manière concrète. Illium a un charme irrésistible certes mais sa future place d'Archange dans le Cadre des dix va faire parler. Elle commence déjà. D'autres Archange rient déjà aussi. Ils ne croient pas tout de suite à son ascension. Il est vrai que les anges qui composent ce Cadre sont millénaires. Illium n'est âgé que d'un demi millénaire. Autrement dit, un bébé à côté d'eux et pourtant Raphaël y a fait sa place et sait bien se faire respecter en montrant une carapace froide et dure au fur et à mesure de ses prises de positions et de son évolution au fil des siècles. Il est devenu Archange à son premier millénaire. Illium est encore espiègle, joyeux et profite de la vie en jouant au baseball dans les airs, en riant autant que possible et en propageant sa bonne humeur contagieuse. Un tel ange doit évoluer en douceur et sa place en tant qu'Archange se fera bien plus tard. On ne peut pas repousser une ascension. C'est impossible de contrôler le processus. La Cascade décide. Elle seule établie les règles et choisi ses Archanges. C'est encore un mystère pour tout le monde. Les profils sont si différents et pourtant complémentaires puisqu'ils se partagent tous des territoires autour du globe terrestre.

Le cœur d'Illium n'est pas encore prêt. Son âme l'est encore moins même si c'est un guerrier redoutable et formidable comme Aodhan. S'il quitte Raphaël pour à son tour diriger un territoire, Strass va le suivre. Il faudra alors remplacer ces deux ans. En perdre un sera déjà une perte mais deux d'un coup serait impensable et en plus, il ne faudrait pas que la relation fraternelle entre eux ne soit dégradée à cause de pouvoir et de questions politiques. Si entre Raphaël et Dmitri la situation est idéale, elle ne l'a pas toujours été au début. Il faut accepter que l'un a le pouvoir sur le monde quand l'autre détient une partie du pouvoir sur une ville comme New-York. C'est un équilibre. Si l'une des balances penche trop d'un côté, l'autre sera déstabilisée et cela a des conséquences.

« Il a besoin de soutien » dit-elle à l'attention du vampire à côté d'elle. « Lui faire comprendre que personne ne lui tournera le dos sans le harceler non plus. L'écouter quand il en ressent le besoin ».

Le vampire hoche la tête en guise d'acquiescement. Apporter un soutien suffisant sans pour autant lui donner une impression de l'étouffer. S'il est au milieu d'une piscine profonde, il faut qu'il remonte. Doucement mais sûrement, comme pour Aodhan. Les circonstances sont différentes car l'ange aux ailes diamantées a un traumatisme et il avance. Illium aura toujours un sentiment étrange parce que la Cascade qui plane sera là, prête à frapper pour se faire entendre. Les Archanges sont au courant. Traiter Illium comme n'importe quel autre ange, aussi exceptionnel soit-il est une nécessité. Respecter son besoin d'intimité aussi. Il a besoin de se retrouver. Dmitri le respecte. C'est difficile de ne pas exprimer ses émotions pour lui, il est partagé entre la protection d'un père envers son enfant, l'inquiétude d'un ami, la loyauté d'un vampire puissant. Mais tout ça est mélangé. Avant d'être loyaux les uns envers les autres, ils ont un lien amical et fraternel unique. Il est temps de mettre en place ces sentiments et prouver à Illium qu'il ne sera pas seul, qu'il compte aux yeux de beaucoup de gens.

À présent, Dmitri songe enfin à quitter le bureau dans lequel il passe la plupart de ses journées.

« Autant profiter de cette accalmie, qu'en penses-tu ? ».

« Idée intéressante » prononce la vampire en saisissant le col de la chemise noire de son mari.

Un sourire satisfait se dessine sur les lèvres du vampire le plus impressionnant aux yeux des autres. Ses lèvres capturent celles de sa femme. Celle-ci rit face à la réaction spontanée de celui qui lui fait face. Un moment un peu magique pour eux. Depuis leur mariage, ils se sentent revivre. Tout le monde mérite de trouver la bonne personne, de se sentir bien dans sa peau, de gouter à des émotions inconnues jusqu'à présent, d'apprécier le moment présent, de sentir le soleil réchauffer sa peau. Vivre. Depuis les derniers événements, rien ne sera plus comme avant et tout le monde est déjà au courant. Le bureau de Dmitri est ouvert, les baies vitrées qui composent le mur du fond donnent une vue imprenable sur les immeubles à proximité. Une volonté de s'ouvrir sur le monde dans un certain sens. Ne plus penser au négatif. La vampire sent tout de même une petite réticence de la part de son mari alors elle le rapproche un peu plus d'elle pour remédier au petit préjudice. Dmitri échappe un rire. Il a envie de répondre à cette provocation gratuite mais il s'abstient. Il ne peut pas répliquer face à elle. De plus, il en avait secrètement envie, sans le dire à voix haute et non plus par la pensée. Honor refuse de lâcher prise. Ce qui n'est pas pour déplaire à son mari. Il ne demande que ça. Ils sont mariés et se connaissent depuis un moment mais les sensations sont identiques, si ce n'est plus fortes avec le temps. Seulement, ils ne vont pas passer la nuit dans le bureau. Dmitri interrompt le baiser un peu à contre cœur et quitte l'espace de travail pour se rendre directement dans la chambre attribuée à chacun des Sept au sein de la Tour.

À peine la porte franchie, il donne un coup de pied pour la fermer, le verrou s'enclenche directement. Pas besoin de clé. Les lèvres du vampire se sellent à nouveau contre celles de sa femme, il dérive un peu sur la mâchoire et au niveau du cou.

Ses baisers caramels sont addictifs. Dmitri en profite. Son odeur l'est toute autant. Ce n'est un secret pour personne.

Honor approuve cette décision.

Ils se laissent emporter dans la grande pièce de vie, enveloppés dans la nuit noire d'encre.


Hey ! Voilà le chapitre 10 découpé en deux parties et il n'en reste plus que 5 avant la fin de la première partie hihi. Bonne lecture !