Playlist

« All too well » Taylor Swift

« The moon song » Walker Burroughs

« Already mine » Us the duo

« Complicated » Olivia O'Brien (cover de la chanson d'Avril Lavigne)

Chapitre numéro dix huit

Point de vue d'Illium

L'enquête prend des proportions auxquelles je ne m'attendais pas.

C'est dans le bureau de Vivek en haut de la Tour que je parcours avec lui les pages Internet des trafiquants. Et les offres sont nombreuses, je suis choqué de découvrir un nouveau langage. Les codes utilisés sont subtils et seuls les connaisseurs en la matière peuvent les décrypter. Facile pour eux de se fondre dans le décor et de passer une commande qui passe inaperçue. Pas de trace. Les consommateurs se font discrets au même titre que les trafiquants. Les messages sont envoyés de manière banale, une réponse arrive dans les dix minutes et la commande est livrée à une adresse unique et effacée aussitôt de la banque de données.

Si les effets secondaires sont tels qu'on les décrits, je ne donne pas cher des humains qui voudront s'y frotter. Les premiers décès chez les jeunes vampires ont déjà été recensés. Rien de surprenant au vu des effets et surtout de leur fragilité. Les vampires sont vulnérables et se sentent pousser des ailes. Ironique. Ils ne cherchent pas à voir plus loin, ils prennent des cachets pour planer sans se soucier du reste. Seulement là, les cachets en questions se consomment de plusieurs manière comme d'autres drogues. Chaque effet est différent selon les individus, tous n'auront pas les mêmes. Bien entendu, on est vigilant. La situation risque de nous dépasser.

L'écran de l'ordinateur de Vivek affiche des articles, une vidéo apparait dans un coin de l'écran, le vampire l'agrandie au maximum et les images font déjà froid dans le dos. Les victimes sont comme des zombies qui hurlent de douleur avant de s'effondrer, en dix secondes chrono sur le sol noir. Les gens pensent réellement à filmer ce genre de chose pour dix like sur Internet, pathétique.

Les dégâts sont plus grands que je ne pensais. Si cette vidéo n'est pas truquée bien sûr, on connait les effets ajoutés qui dénaturent le sujet principal.

Cette nuit va être longue.

Les scientifiques de la Tour vont être submergés de travail.

« Voilà ce qui nous attend ».

« Tu as une idée de ce que c'est ? ».

« Non ».

Je n'ai pas encore eu connaissance des résultats d'analyse. Et ce phénomène de « zombie » est nouveau.

« À quoi avons nous encore à faire Vivek ? ».

Le vampire ne trouve pas de réponse à me donner dans l'immédiat. Est-ce qu'il y en a une ?

La vidéo circule déjà partout. Je vois les onglets de Vivek qui s'enchainent et d'autres apparaissent. Il prend la télécommande pour allumer la télévision dans le bureau et les bandeaux inondent les chaines d'informations.

Plus les journalistes en rajoutent, plus l'affaire prend de l'ampleur. On connait la suite.

« La substance en question circule comme du sucre qu'on achète au supermarché, il y en a partout » annonce Dmitri en entrant dans le bureau de l'informaticien. « Son surnom est Soleil noir si j'ai bien compris. Quoiqu'il en soit, elle se vend comme des petits pains. On a des nouveaux corps de vampires sur les bras dont celui que tu as arrêté dernièrement avec Aodhan ».

« Qui ? ».

« Il est méconnaissable tellement les effets sur lui l'ont défiguré mais d'après les dires: cheveux plaqués et veste en cuir noir, un regard à faire tomber les mouches. En plus, c'est un vampire qui trainait dans les environs, il a fait une overdose ».

« Décidément » souffle Vivek « Combien il y en a ? ».

« Quarante victimes recensées, on ne sait pas si d'autres attendent dans un coin de rue ».

Rassurant. Je suppose que des analyses seront faites.

« Qu'est-ce qu'on fait ? ».

La question qui fâche.

D'habitude, on surveille les trafics à distance, on suscite l'aide des chasseurs de la Guilde histoire d'être rapide et efficace pour attraper les trafiquants et y mettre fin. Dans un monde idéal, on aimerait que les trafics en tout genre cessent pour de bon. Dans la réalité, c'est différent car il y en a de plus en plus et de plus en plus extravagant. Cette nouvelle drogue est la plus tordue que j'ai vu de ma vie. Les effets secondaires sont si destructeurs que je me demande quels bienfaits les consommateurs peuvent en tirer. Planer pour dix minutes et ensuite mourir si la réaction au produit est mauvaise, je suis sceptique.

« Comme d'habitude, on surveille les trafiquants de prêt et on avisera » annonce le Second de l'Archange.

Je m'abstiens de répondre « c'est tout ? » pour être confronté à son air étonné puis de reprendre son chemin jusqu'à son bureau.

Il reste planté devant l'écran en fronçant les sourcils.

« Je ne comprendrais jamais les trafics, en deux millénaires, je ne comprends toujours pas ».

« Qu'il y a t-il à comprendre ? » intervient Galen en croisant les bras.

Son entrée en scène est digne de lui. Attendant le moment opportun pour prendre la parole, dans un bureau truffé de matériel informatique dont il est allergique. J'apprends toujours aux côtés de Vivek qui me regarde parfois avec des yeux de chouette mais Galen me regarde comme un extraterrestre. Il laisse les autres faire. Quant aux autres, ça dépend de l'utilité d'un outil technologique. Jason s'en sert beaucoup pour placer des micros quand il est en mission. Ses informateurs n'ont pas toutes les réponses et via un micro on en apprend beaucoup.

« Tiens, le maître d'arme » répond le Second. « De retour ? ».

« Contrairement à ce que tu penses, je ne suis jamais parti ».

« Monsieur se fait aussi discret que Jason ».

Le pique lancé est subtile. Jason est en mission. Ce que oubli de dire Galen c'est qu'il a aidé Jessamy à organiser une fête surprise pour un des enfant du Refuge. Sans compter le tri important à faire à la bibliothèque. Notre Galen s'est dévoué.

« Bonjour cher Campanule » me dit-il avec un bel accent français.

Son accent me fait rire.

« Bonjour Galen, ravie de te revoir » répondis-je avec le même accent.

« Justement, Galen tu vas aller sur une scène de crime avec Campanule, une femme a été retrouvée morte dans un appartement hier soir. La substance qui circule partout ces derniers temps a un lien avec ce meurtre. Je suppose que ce « Soleil soir » n'a pas encore dit tous ces secrets. Je vous envoie l'adresse ».

« Dans son appartement ? » demande Vivek en retournant son fauteuil de l'écran.

« Non, dans l'appartement d'une musicienne connue. Le système d'alarme a été éteint. La victime a été prise de court. Je compte sur votre discrétion, la presse a déjà commencé à se mêler de cette affaire d'une manière sordide. Les images ont tourné en boucle sur Internet et sur les chaînes infos. Heureusement que notre informaticien préféré en a eu vent via Ash qui connait la musicienne, les images sont effacées sur la plupart des sites. Des petits malins inconscients peuvent les avoir enregistrées pour les garder et les ressortir, ceux là je m'en chargerai avec Vivek. Personne ne doit les revoir, à part nous ».

« Comment s'appelle cette musicienne ? ».

« Je ne sais pas si vous donner son identité est une bonne idée. Son anonymat doit être préservé au maximum ».

« Mais les médias savent qui elle est, non ? ».

« Non, c'est justement une bonne nouvelle. Elle est connue sous un pseudo, les médias s'en servent. Le peu que vous devez savoir est que ses frères sont aussi célèbres qu'elle, c'est une famille connue pour s'appeler « les trois A » et leur prénoms est connus de très peu de gens ».

« Allons y » répondis-je simplement sans me poser de questions.

Arrivé dans l'appartement en question, je suis dans un autre univers. Pas de disque d'or au mur, pas de récompenses apparentes sur les meubles, pas de trace de célébrité. Le lieu est décoré de manière sobre et classe. Même les coussins du canapé sont intacts. Je me demande si la victime en a pris un pour se défendre contre son adversaire. Mais d'après le peu d'infos que j'ai, la victime n'a rien vu venir. Elle a été prise au dépourvu et il vaut mieux pour elle, je lui souhaite de ne pas avoir eu à voir sa vie défiler sous ses yeux. La scène de crime est tracée à la craie sur le parquet. Des belles baies vitrées donnent une vue irréprochable sur la ville de la Grosse Pomme. Des voisins ont entendu, vu quelque chose ne serait-ce qu'une silhouette différente de celle de la musicienne à travers les rideaux ou alors les volets étaient baissés. Des indices doivent être semés. En tout cas, le lieu a été photographié, pleins de petits panneaux sont disposés. Des scientifiques ont continué de récolter des indices. Je suppose que les photos ont été prises hier soir et ce matin.

Les ailes de Galen sont repliées dans son dos de manière à n'effleurer aucun objet. Ses yeux se posent sur toutes les potentielles preuves qui pourraient nous aider. Je ne vois rien de concret. Les équipes précédentes ont dû récolter l'arme du crime. Dmitri pense que c'est la nouvelle drogue qui circule, « Soleil noir » un nom comme ça.

Mes yeux se posent sur les murs et il n'y a pas d'éclat rouge. Ça été nettoyé car je perçois une odeur de produit ménager. Des traces de poudres recouvrent certaines parties basses du mur en question. Je balaye le reste de la pièce des yeux. Je ne sens que des odeurs familières issues des boîtes à outils des scientifiques de la Tour. Je parcours du regard la trace à la craie au sol. Les indices sont minces. Si comme le soulignait Vivek, le système d'alarme a été éteint, il se pourrait que la victime ait connu l'agresseur ou alors il s'agissait d'une livraison à domicile.

« Qu'en penses tu ? » me demande le maître d'arme de la Tour.

« Que cette affaire semble plus complexe qu'on ne le pense ».

« Dans quel sens ? ».

« La scène de crime est basique, la victime ouvre la porte, se retrouve face au tueur pour une raison inconnue, soit ils se connaissaient soit il s'agit d'un hasard ».

« La victime gardait un bébé pendant que la musicienne était sur scène » complétais-je.

Un bébé témoin de la situation, qu'a-t-il pu entendre ou pire, voir ? Impossible de recueillir les souvenirs d'un bébé. Pourtant c'est le meilleur espoir qu'on ait. Personne n'a osé réaliser cet exploit. Grâce à ce bébé, l'enquête serait déjà bouclée.

Le problème est que c'était un huit clos.

Le bébé n'a pas crié tout de suite, il a dû être dans un sommeil profond. Admettons. Puis quand il a eu faim, qu'il s'est réveillé, qu'il a manifesté quelque chose, personne n'est venu. Leslie n'est pas venue. C'est sans doute à ce moment-là qu'il a réalisé qu'il était seul dans la chambre. Une chance. Au quel cas, il aurait figuré parmi les victimes. Ce bébé a eu la vie sauve.

« Admettons que la victime ait été trompée par une livraison hasardeuse, elle l'aurait compris tout de suite, non ? À sa place, j'aurais attrapé le premier objet pour me défendre ».

« Un vampire nouvellement né n'est pas assez aguerrit ».

« En principe si, ça dépend du résultat de ses tests, tu les a lu ? ».

« Non ».

Le logement ne présente pas de trace d'effraction donc si on suit la logique de Galen, le tueur est imprévisible, surtout s'il perpétue en étant sous l'influence du Soleil noir. Manquerait plus que ça recommence, on a déjà assez à faire avec les vampires qui en sont accro.

Je me retourne pour croiser son regard vert sans savoir quoi ajouter autre chose que les faits énumérés plus tôt. Tous les indices semblent avoir été récoltés. Reste à interroger la musicienne dont nous ne connaissons pas l'identité. Je vais faire des recherches personnelles avant de demander ce service à Vivek. Il me faut mettre un nom sur cette femme et cerise sur le gâteau, un visage. Je suppose que les photos privées sont dans d'autres pièces comme les chambres. Il y en a deux. Je parcours le reste de la pièce, arrive dans le couloir des chambres, de la salle de bain et de la cuisine. Sans ouvrir les placards, je perçois des assiettes soigneusement empilées. Cet appartement a été pris de cours, la vie y régner et maintenant la mort.

« Tu as trouvé quelque chose ? » me demande le Barbare.

« Non » répondis-je simplement.

Rien à signaler.

Les scientifiques ont récolté les empreintes digitales et elles sont en cours d'analyse.

Galen me rejoint dans l'entrée, il est temps de quitter les lieux.

Les traces du Soleil noir ont été prélevé et on saura très vite si la victime a été droguée à son insu.

C'est dans la salle d'examen de la morgue que l'on s'arrête pour discuter avec le médecin légiste et une chose est sûre, on oublie jamais l'odeur indescriptible de cette salle. Une horreur. Je n'ose pas dire à Vivek de changer son parfum d'ambiance car il a insisté pour le changer et le choix est très mauvais. Ici, l'odeur est très particulière et je n'ose pas dire que je ne me sens pas très bien. La salle est éclairée comme en plein jour. Passer de l'obscurité d'un bureau avec pour seul luminosité, l'écran et la lampe à côté à une salle fermée et éclairée de manière intense me fait mal aux yeux. Tout est aseptisé. Tout est sous plastique. Le médecin légiste nous reçoit habillé en blouse en plastique de la tête aux pieds.

Le corps n'est plus dans sa housse de protection.

La pauvre Leslie a souffert. Le tueur a pris un malin plaisir à glisser un papier, une partition découpée dans le fond de sa gorge. Le médecin l'a extrait avec une pince. Cette pauvre fille a payé un prix innommable. J'ai de la peine pour elle.

« L'heure de la mort est récente. Quand la musicienne est rentrée chez elle, le corps était encore chaud. À mon avis, elle connait le tueur ».

« Ce serait un crime prémédité ? ».

« Possible » répond t-il en refermant la blouse.

Le médecin légiste nous explique que les analyses toxicologiques se sont révélées positives à la nouvelle drogue en circulation. Cette drogue doit cesser de circuler. Les dégâts sont trop graves. Je suis étonné de la rapidité à laquelle elle circule. Et je suis étonné des dégâts que Leslie a subit. Elle ne méritait pas ça. Vampire depuis seulement trois ans, elle n'avait que tout juste eu le temps de s'approprier son corps. Être mortel est différent, on se soucie de choses qui nous paraissent futiles pour nous immortels, on ne prend pas assez le temps d'accorder d'importance à certaines choses. J'apprécie les choses mais les mortels ont ce goût de liberté. C'est ce que je ressens en les observant. J'ai tendance à imaginer l'idéal parfois.

Tout ce qu'elle demandait était de vivre une vie classique en ayant les avantages d'une vie longue et paisible. Les joies de cette vie ne sont pas toujours des avantages, c'est pour ça que le suivi psychologique est important dans le processus. J'ai fait des transformations à mon humble échelle pour savoir que les profils sont triés sur le volet.

La pauvre Leslie mérite de reposer en paix maintenant.

« Ce sont les éléments que j'ai. Cette pauvre fille a souffert. Cette drogue est une vraie saloperie ».

« On va faire au mieux » conclue Galen.

« Par contre celui-ci » annonce le médecin « Je n'ose pas ouvrir la fermeture Eclair mais vous devez voir ça. Ce type sentait la cigarette froide à plein nez, il est défiguré. Il a été trouvé dans un parc hier soir. Vous voyez les marques ? Ce sont celles du Soleil noir, ce n'est pas beau à voir. Sa veste en cuir a fondue on ne sait comment et les effets secondaires ne sont pas si planants que ça, les neurotransmetteurs sont détruits, quoique pulvérisés serait un mot plus approprié. Je n'ai jamais vu ça ».

Son visage est figé, sa peau est comme fondue sur sa veste en cuir noir très très usée par le temps. Ce vampire semble âgé en apparence mais je pense que ce sont les années de consommation excessive que l'on voit sur son visage. Son apparence le trahit. Pourtant, les candidats humains au vampirisme sont sélectionnés, celui-là est passé entre les mailles du filet je ne vois pas les choses autrement. Je ne comprends pas non plus comment un tel échec peut se retrouver sur une table d'autopsie. Le système doit changer. Terminé les projets bancals, il faut que les patients soient suivis d et ce jusqu'au premier siècle de leur nouvelle vie. Ce serait un travail colossal mais si on ne veut pas se retrouver dans cette situation à chaque date de transformation, on sera noyé. Les demandes seront moindres, les contrôles plus durs. Trouver un compromis va être mal pris, je le perçois. Raphaël doit être tenu au courant de la situation pour que des mesures soient prises.

Je fronce les sourcils car en regardant ce visage, je pense le reconnaître.

« Ne me dit pas que c'est le vampire que j'ai arrêté avec Aodhan ? ».

« Celui dont Dmitri faisait allusion tout à l'heure ? » s'interroge Galen.

« Il menaçait de planter ses crocs dans le cou d'une jeune fille quand on l'a interpellé et arrêté. Il avait consommé quelque chose mais on ignorait les conséquences du Soleil noir encore ».

« Oh, sans doute. Le problème est que cette drogue s'achète comme du sucre vendu dans une épicerie. Elle défigure les jeunes vampires. Celui-ci a dû consommer un cocktail, il ne s'en est pas remis ».

« Merci de nous avoir accordé du temps » annonce Galen en saluant le médecin derrière nous.

Le silence de la morgue à côté, la tristesse des murs, les lumières blafardes qui font mal eux yeux, voilà le décor dans lequel on se rend de temps en temps.

« Pourquoi refuse t-on de nous donner l'identité de la musicienne ? On connait celle de la victime. Ce n'est pas comme si on allait vendre la mèche » dis-je un peu plus loin dans le couloir.

Quitter ce lieu où les néons manquent de sauter au plafond me réjouis.

« Des précautions. Tu sembles soucieux, non ? ».

« Du tout. Je ne l'a connais pas et ça m'intrigue ».

« Si Dmitri ne souhaite pas dévoiler son identité, il y a une raison et les médias vont s'emparer de la moindre information pour nuire à sa vie privée ».

« M'oui ».

Pas convaincu par les arguments, je suggère de me faire ma propre enquête personnelle. Je vais passer un peu de temps devant mon ordinateur, à défaut d'en parler à Vivek si jamais je ne trouve rien du tout sur elle. Je ne veux pas passer pour un idiot.

Cette idée me retourne le cerveau le reste de la soirée.

Je ne sais pas pour quelle raison.

Les chaines infos ressassent les mêmes choses et je remercie Vivek d'avoir effacé les images de l'appartement de la victime. On en a discuté un peu après. On sait que les médias s'emparent des faits divers tels des vautours en soif de visibilité. Tout ça pour un peu de gloire. Ce mot est trop faible. Ils ne sont intéressés que par les cliques. Survoler un appartement d'une célébrité, d'une personne normale tout court est honteux. Si je surprends un hélicoptère le faire au-dessus de chez moi, croyez-moi que l'hélicoptère sera réduit en cendres. Le respect de la vie privée doit être appliqué à tous les résidents de New-York.

Ma tasse de thé fumante trône sur la table basse alors que je peine à choisir un programme intéressant pour le reste de la nuit.

Dès que je suis rentré à la maison, la première chose que j'ai faite a été de prendre une longue douche chaude. Mes muscles se sont détendus. Le reflet dans le miroir m'a donné une image d'un ange ayant vécu une longue soirée. Mes cicatrices ne se remarquent plus. Excepté une sur la hanche et celle que m'a causé l'orage sur le bras.

La curiosité me perdra. J'attrape mon ordinateur portable, ouvre ma session, lance le moteur de recherche le plus connu du monde et tape une phrase bateau: « derniers faits divers New-York ». Les premières pages apparaissent: des vols, encore des vols, un concert d'une célébrité dans la musique classique programmée la semaine prochaine, une nouvelle extension du musée d'Art moderne, une nouvelle loi votée au Sénat. Rien sur le meurtre de la nuit dernière à la première page, il arrive à la deuxième car l'évènement est récent. Les interrogations fusent déjà à la télé. Sans parler de l'effervescence des réseaux sociaux. Si je me connecte sur un célèbre réseau auquel toute la planète est accro, je peux trouver des indices. Vivek lui me trouverait des informations en cinq minutes. Il sait où trouver.

Le vent frais de la nuit me fait frissonner, surtout quand un pelage m'effleure la peau. Je ne réalise pas tout de suite que non seulement je n'ai pas d'animaux mais qu'un animal s'est introduit chez moi. En levant les yeux de mon ordinateur, un regard se plonge dans le mien et un miaulement sors de sa bouche.

« Mais qu'est-ce que tu fais là ? ».

Le retour du chat roux.

Ce chat a décidé de prendre ses quartiers dans mon jardin. Rectification, dans mon salon. Il a un propriétaire qui doit s'inquiéter. Je suis sûr que ce félin se balade la nuit sans se soucier de quoique ce soit. Aucune idée si je suis le seul à croiser sa route dans le quartier, il doit faire demi tour. Sa truffe s'approche de ma main. Je le laisse faire. En principe, je ne suis pas réceptif aux chats. Celui-là connait les humains, les anges je ne sais pas. Mon odeur l'intéresse. Il lève la tête vers moi à nouveau et émet un autre miaulement. Il s'adresse à moi comme si on se connaissait.

« Je n'ai rien pour toi, désolé ».

C'est la seule chose que je lui dit. Dommage pour lui, il ne pas pas établir ses quartiers chez moi. Si je le prends dans les bras, ses grippes se feront un plaisir de laisser une trace sur ma peau. Pas question qu'une nouvelle cicatrice s'établisse sur mon épiderme. Je n'ai pas le choix au risque de le voir tous les jours chez moi. Ce félin doit retourner à son domicile. Quand je veux l'attraper, il esquive et commence sa visite dans la cuisine, ce félin se croit vraiment comme chez lui. Il a de la chance, le terrain est neutre ici. Il en profite en plus, son miaulement retenti dans la pièce. Seule une petite lampe éclaire son chemin. Son exploration ne va pas durer une heure, je réussi à l'attraper.

« Tu es sociable ».

Sa fourrure rousse est douce. Ce chat connait la vie de famille. J'ouvre ma porte fenêtre et le met dehors, il est temps pour lui de rentrer à la maison, la sienne.

Une fois le félin parti, pour de bon, je retourne à mes recherches. Je n'ai jamais eu l'idée de rechercher quelqu'un, de connu en plus sur Internet. Tout ce que je sais: c'est une musicienne connue avec sa famille, une maman et qu'elle a aménagé à New-York récemment. Le seul indice qui pourrait se démarquer des autres est sa carrière de musicienne classique. Là, je peux réduire les champs de recherche. Des musiciens, il y en a tous les jours qui voyagent partout dans le monde, des comme elle j'en doute car sa carrière est en plein essor. Dmitri a refusé de nous en dévoiler davantage.

Fouiller internet est long mais au fur et à mesure des maigres informations que je possède, je parviens à trouver un article sur un concert prévu d'un trio de musiciens classiques connus. À l'attention d'une œuvre de charité comme c'est mignon. Je suppose que c'est la famille que je recherche. Un des membres en tout cas est dans l'actualité en ce moment.

C'est Aodhan qui écoute de la musique classique, pas moi. Peut-être que si je lui pose la question, il aurait la réponse. Ou ma mère. Ce sont deux amateurs d'arts et ils ont des références que je n'ai pas. Quoique si, j'écoutais de la musique classique car ma mère adorait en écouter le soir. C'était devenu un rituel. Un moment de calme entre toutes les péripéties de la journée. Le meilleur moyen de m'endormir calmement aussi. C'était une sorte de victoire pour mes parents. Je les comprends mieux.

« La réponse est là » me dis-je.

L'écran commence à me faire mal aux yeux.

J'éteins l'ordinateur et renonce pour ce soir, la journée a été longue, j'ai besoin de quelques heures de repos. Demain est une autre journée.

Mon téléphone annonce une nouvelle notification, de Dmitri cette fois et non d'une application.

Dmitri

1h50

« Tu as être content, demain tu apprendras l'identité de la musicienne, je la reçois pour l'interroger au sujet de la babysitter. PS: soit à l'heure pour l'entrainement car Izak est déchainé. À croire qu'il a mangé un lion. Bonne nuit ».

Depuis quand Dmitri souhaite la bonne nuit de manière spontanée. Ça me fait rire. Je laisse le téléphone brancher au chargeur.

En quoi je devrais être content ?

Je cache très mal mon intérêt. Il se trouve que la nature humaine m'intrigue, sans doute lié à mon histoire sentimentale avec une humaine, ça je l'avoue. Mea culpa.

J'ai hâte d'en apprendre plus sur elle. Je ne sais pas pour quelle raison son identité m'intrigue et je compte questionner Aodhan pour qu'il me renseigne sur ses connaissances en musique classique. Je me moquerais moins de ses goûts musicaux à l'avenir.

Mon attitude a changé dans le sens où mes cicatrices au bras ne se voient plus beaucoup et mon tatouage me fait moins souffrir. La Cascade me laisse tranquille.

Seul les cauchemars continuent de persister alors j'avale un nouveau somnifère pour pallier au fait de compter les moutons jusqu'à pas d'heure. Ce soir, je dors.

Dormir est peine perdue car le somnifère ne me fait plus effet. Je contemple les fêlures qui sont au plafond. Ma maison est rénovée de A à Z, quoique je dois refaire le jardin derrière. Mon four a lâché la semaine dernière. Voilà. Je ressasse ces choses pourtant sans gravité et qui peuvent attendre. Sauf la livraison de mon futur four prévue pour dans trois semaines. Fermer les yeux me permet de ne pas me concentrer sur ces éléments futiles.

De nouveau le miaulement du chat. Je n'en reviens pas qu'il se mette à miauler à ma fenêtre. Il va vraiment prendre ses quartiers chez moi. Je n'ai pas envie d'aller lui ouvrir la fenêtre. Il va prendre ça pour acquis. Qu'il s'en aille vite, son propriétaire doit être mort d'inquiétude. Beaucoup de chats rodent autour de la Tour, je me demande si son propriétaire vit dans les environs de la Tour.

J'ouvre les réseaux sociaux et c'est le début de la perdition, me perdre dans les vidéos qui s'enchaînent, dans le fils d'actualité ou toutes les vies sont plus belles les unes que les autres, je sais bien que ce n'est pas la réalité. On est au courant que la vie sur Internet est issue d'un monde à part. Un monde où j'apprécie naviguer parfois. Mes réseaux sociaux sont secrets. Et l'idée me vient de taper dans la barre de recherche le nom du fameux groupe de musiciens classiques dans un réseau à oiseau bleu. Des hahstag apparaissent sur un concert donné il y a deux jours, des commentaires positifs sur le concert. Je n'ai toujours pas l'identité des musiciens en question. À croire que c'est un jeu du chat et de la souris. Je ne suis pas fan des casses têtes à deux heures trente du matin. Les comptes mentionnés sont privés. Aucune chance d'en apprendre plus. Je tente ma chance sur une autre plateforme entièrement dédiée à la photo et il y a un peu plus d'éléments, le compte qui s'affiche est bien le bon, « les trois A ». Les photos montrent la scène, le publique, beaucoup de photos esthétiques. C'est beau à regarder, leur image est soignée. Sauf que dans les suggestions, je parviens à trouver les comptes des frères. Et avant de cliquer dessus, un autre miaulement m'en empêche et menace de faire tomber mon téléphone sur mon visage. Je me redresse et découvre ce même chat roux qui ne daigne à quitter les lieux.

« Décidément, tu es tenace » dis-je en le découvrant lever la tête vers moi, bouger sa queue comme s'il s'établissait ici depuis des semaines.

Je me penche pour lui gratter les oreilles, il ronronne tout de suite.

« Quel drôle de chat, je ne peux pas te garder » lui dis-je comme s'il allait me répondre.

Ce chat ne peut pas parler. Il est seul. En principe, son maître devrait crier son nom dans la rue. Personne.

« Rentre chez toi maintenant et définitivement ».

Je me vois mal m'envoler avec un animal dans les bras.

« Ne me regarde pas avec des yeux ronds non plus » pensais-je.

Le manège de ce félin ne fonctionnera pas, il a déjà gagné une première manche en lui ouvrant la porte fenêtre. Il me regarde sans aucune gêne. Il m'a sans doute adopté. Je n'ai jamais envisager d'adopter un animal. Je suis en déplacement souvent, mes journées sont longues et certaines journées peuvent se prolonger jusqu'au bout de la nuit. Ce chat ne serait pas heureux. Il a besoin d'un foyer aimant et animé, avec de l'attention et des soins. Je ne peux pas le lui apporter. Et que dirait les autres anges en découvrant ce chat chez moi, ce serait les premiers surpris, quoique Ellie serait ravie de le garder quand elle aura du temps libre, il vivrait aussi dans le bureau de Vivek, j'espère qu'il aime les chats. Cesse de projection inutile. Pas d'adoption de prévue. Pas d'adoption de prévue. Non.

Je l'amène au bout de ma rue, le regarde s'éloigner pour de bon et j'espère qu'il rentrera chez lui.

Je retourne chez moi, aussitôt la porte claquée, le sommeil m'appelle et l'invitation à dormir, à me plonger dans le monde des rêves n'est pas refusée. Au contraire, j'ai besoin de mettre mes pensées sur pause.

La fraîcheur des draps m'enveloppe et je me détend. Mon téléphone est en mode avion, aucune notification me troublera cette nuit. Demain, une longue journée m'attend. Et j'ai hâte de connaître enfin l'identité de la musicienne, je ne vais pas m'avouer vaincu dans mes recherches.


Hey !

Merci beaucoup d'avoir patienté une semaine supplémentaire, j'ai eu un soucis technique et maintenant que ça va mieux, je peux de nouveau publier ici.

J'espère aussi que vos vacances se sont bien passées, que vous avez profité du beau temps et que la canicule ne vous a pas trop fatigués. Même si la canicule continue en ce début de mois de septembre, l'automne arrivera plus tard haha.

Ce chapitre 18 est donc à vous les amis ! Bonne lecture :)