Chapitre 6
Mercredi 8 Octobre 1944
Couché sous l'épaisse couette en plume d'oie, le préfet en chef dormait. Voilà près d'un mois que la rentrée scolaire avait eu lieu, et son sommeil était de plus en plus agité. Sous ses paupières, ses prunelles bougeaient de droite à gauche avec violence. Tout son corps était secoué par de légers spasmes. Une fine pellicule de sueur se dessinait même sur son front.
Au début, ses rêves ne montraient rien d'autre qu'une petite main timide qui se glissait dans la sienne, éteignant le feu de sa hargne par une étreinte gelée.
Puis, lentement, à mesure que les rêves avançaient, la main se faisait plus audacieuse, grimpant sur sa peau, laissant sur cette dernière une empreinte glaciale mais ô combien intense. Là encore, il ne voyait pas la propriétaire de ces mains… Le rêve, monochrome, lui faisait voir ces deux mains remonter lentement les bordures de sa chemise, comme si la femme était dans son dos. Il pouvait sentir la fraicheur de ces caresses, les frissons qu'elles provoquaient chez lui.
En lui.
Tom pouvait sentir le souffle gelé de cette ensorceleuse contre sa colonne nue. Cette poitrine qui se colle à son dos et respire avec lui de façon erratique. La caresse froide qui redessine chacun de ses muscles sur son torse, qui redescend sur ses hanches et se glisse encore plus bas. Il ressentait tout ça. Il ne le supportait pas.
S'éveillant violemment, tout en s'éjectant du lit, Tom se précipita vers la salle de bain commune, et s'aspergea le visage avec de l'eau. Le souffle court, le visage encore plus pâle qu'à l'accoutumé, il en était malade. Se sentant à l'étroit dans son pyjama, il grimaça de plus belle, avant de frapper du poing, la faïence blanche du lavabo.
Il ne pouvait pas rester comme ça. C'était impossible. Il n'était pas comme ces abrutis d'adolescent qui se laissent gouvernés par leurs hormones. C'était juste hors de question. Impensable. Interdit. Il était puissant, il était craint, adulé… Il était Lord Voldemort… Pas… ça…
Et pourtant, alors qu'il se déshabillait pour se glisser sous la douche, presque deux heures avant le lever de ses confrères de serpentard, Tom Riddle savait qu'il ne pourrait pas y couper. Il avait tenté par tous les moyens magiques et psychologique d'enrayer cette tension infernale qui l'habitait. Et absolument rien n'avait fonctionné. Honteux et humilié par tant de faiblesse, sa propre main glissa sur son corps jusqu'au membre tendu, et entama de rapides va et vient pour le soulager.
Mais aucun râle de plaisir ne franchit sa bouche, et aucune expression d'extase ne se peignit sur son visage non plus. Tom exécrait cette situation. Et dans ses yeux noirs, des éclats vermeils dansaient.
À l'autre bout du château, quelqu'un s'éveilla lentement avec un sourire malicieux. S'étirant avec grâce, celle que tous les premiers-années appelaient Blanche-Neige quitta son lit, avant de rejoindre la salle de bain pour croiser son reflet dans le miroir. Et ce qu'elle y vit, augmenta sa joie.
« Pauvre Tom…Je vais te faire endurer ça jusqu'à ce que tu comprennes tes fautes. Tu vas mourir de désir pour moi… » Dénouant la longue tresse qu'elle avait dans le dos pour dormir, Evelyn secoua la tête pour délier sa chevelure, avant de se glisser sous la douche pour rincer son corps de la dernière malédiction qu'elle avait utilisé contre le ténébreux. Sa poitrine était marqué d'ocre rouge et blanche, avec divers symboles, notamment celui de Venus.
Elle était fatiguée, aussi, mais parce que maintenir une telle malédiction chaque nuit drainait sa magie. Heureusement, pour l'instant, elle n'avait eu que très peu d'altercations avec d'autres élèves. Les camarades de sa chambre la surveillaient, mais rien d'autre. Et depuis qu'elle avait fait taire Olive, les Serpentard étaient restés dans leur coin.
Evelyn prenait du pouvoir dans l'école, et elle savait que ça n'allait pas tarder à faire jaser. Depuis maintenant un mois qu'elle était de retour, Poufsouffle était à 103 points, contre 100 pour serpentard, 95 serdaigle et 68 gryffondor. Soraya n'étant plus interrompue à chaque tentative de parole, et rapportant bon nombre de points à sa maison, les autres blaireaux commençaient à changer de point de vue sur elle. Et la demoiselle sentait poindre des bouffées de confiance en elle-même chaque seconde.
L'égyptienne était toujours bègue, bien sûr, mais elle n'avait plus honte de parler en classe, et elle baissait moins les yeux. C'était une vraie joie pour elle. Et par conséquent, elle désirait plus que tout aider son amie. C'est pourquoi elle lui fournissait des potions d'énergie dès qu'elle la voyait un peu plus pâle. C'était sa propre fabrication, et le goût mentholé offrait à Evelyn une sensation de bien-être rafraichissante après chaque nuit.
Soraya ne savait pas ce qu'elle préparait, mais elle avait bien remarqué que son amie se rapprochait de plus en plus de son ancien Crush. Elle les voyait de son banc en potion. La noiraude trouvait toujours le moyen de frôler le Serpentard, faisant passer ça pour un accident, ou comme si ça ne l'affectait pas. Qu'elle ne s'en était même pas rendue compte. Mais Soraya savait que c'était intentionnel, elle connaissait Evelyn, elle la voyait agir tous les jours avec tout le monde. La sorcière évitait les contacts avec quiconque, sauf après avoir déjà frôlé le serpent.
Il y avait quelque chose là-dessous qu'elle n'arrivait pas à saisir. Et, bien qu'elle ne serait pas allée vérifier, Soraya avait la vague impression que Riddle était plus fatigué que d'habitude. Il avait des cernes sous les yeux, lui aussi. Il fallait qu'elle demande à Evelyn ce qu'elle tentait de faire. Parce que, si c'était bien ce qu'elle pensait, son amie était en danger.
Tom Riddle ne pardonnerait pas d'être maudit.
Maintenant que la première impression avait eu lieu, Evelyn se contentait de se préparer la première, et descendre en compagnie de son amie pour le petit déjeuner. Aujourd'hui, elles commençaient par sortilège, puis devaient se rendre en enfer, pour le cours d'éducation familiale, qui leur apprenait des choses qu'aucune femme n'aurait dû être forcé d'apprendre. Evelyn en venait presque à préférer le cours de divination. Et pourtant…C'était une perte de temps, elle en avait conscience aujourd'hui, mais n'avait pas pu abandonner la matière non plus.
Tant pis.
C'était seulement très désagréable de subir les vapeurs d'encens et les critiques du professeur Cassandre Bonemine. Cette vieille femme passait le cours à parler dans sa barbe à son sujet, disant qu'elle était le mal incarné, que la 7e année était perdue.
Au début, cette prédiction avait inquiété les autres élèves du cours, dont les maisons étaient toutes partagées. Le professeur Bonemine l'avait fixé droit dans les yeux, avant d'annoncer :
« Votre âme est aussi sombre que vos cheveux, et vos lèvres goûteront bientôt le sang du pécher ! »
À présent, elle était juste lasse de devoir entendre de nouvelles menaces. C'était inutile et ennuyeux. D'autant qu'elle ne croyait absolument plus à la divination. Ces histoires de destins tout tracés, d'âmes sœurs se rejoignant à travers leurs diverses incarnations… Non. On traçait son chemin, sa vie était ce qu'elle en faisait. Et ce n'était pas l'œuvre d'une égide comme le destin, ou autre chose.
De fait, elle dormait presque toujours, lors du cours de divination, quand elle ne faisait pas ses devoirs, ou préparait sa manœuvre contre Riddle.
oOoOoOo
« Aujourd'hui, nous allons parler d'un sortilège que vous allez apprendre en complément, mais qui ne comptera pas dans vos moyennes continues pour les ASPIC. Est-ce que quelqu'un peut me dire de quel sort il s'agit ? » Demanda le professeur Laguigne.
Trois mains se levèrent. Il était bien connu de tous, que le professeur Cancrelune Laguigne préférait interroger Tom Riddle. Pourtant, aujourd'hui, il ne faisait pas partie des élèves ayant levés la main. Dû au petit nombre de filles poursuivant leur 7e année à Poudlard, la plupart des sang-purs s'étant mariées après leurs BUSES, les maisons étaient mélangées.
D'abord, Soraya Shafiq, qui, depuis le retour de sa camarade, avait appris à lever la main plus vite que son ombre. Ensuite, Charlus Potter, qui, non seulement était capitaine de Quidditch, mais aussi le meilleur élève en sortilège et défense, après Tom. Et enfin, Evelyn, dont le sourire poli, lui donnait cependant des frissons.
Le professeur Cancrelune Laguigne, bien qu'elle porte son nom de famille avec justesse, subissant diverses maladresses et malchances chaque jour, était cependant réputée pour voir les auras des sorciers. L'aura pouvait dire beaucoup d'un homme. C'était comme un manteau de lumière autour d'une personne. Ses teintes dominantes montraient les facilités dans une certaine branche de magie. S'il y avait des stries colorées, c'était qu'il était de nature métisse, et pas sorcier de pure-souche. Des entailles dans l'aura, comme des fissures, montraient un lourd traumatisme, ou bien la preuve que l'individu était un meurtrier.
Depuis des années, les fissures présentes dans l'aura noire et turquoise de Tom avaient augmenté, et Cancrelune, connaissant son passif d'orphelin, s'était mise en tête que le pauvre jeune homme subissait l'horreur. De fait, elle avait décidé de toujours le favoriser, pour l'aider à préparer son avenir, et lui montrer qu'il était soutenu. Après tout, la magie de l'esprit, et la nécromancie, étaient des choses très rares, et correspondaient naturellement à l'image du jeune homme traumatisé qu'elle se faisait. Elle ne s'était absolument pas rendue compte que l'ouverture de la chambre des secrets coïncidait avec l'apparition des nouvelles fêlures.
Les deux nuances de vert, pomme et émeraude, sur celle de la jeune Shafiq, montrant d'ailleurs deux oreilles animales de lumière, prouvait ses grandes capacités en métamorphose et en soin. Les oreilles signifiaient qu'elle possédait déjà un totem animagus, voire peut-être, qu'elle pouvait même se transformer à son âge. Et elle espérait grandement que la jeune beg de Poufsouffle se soit faite enregistrer sur les listes du ministère.
Les souvenirs de Cancrelune au sujet d'Evelyn Snow montraient une aura très fine, rouge rubis. Signe d'une future affinité avec les éléments, si elle parvenait à se renforcer. Un soir de noël, après l'avoir vu chanter dans la chorale de Poudlard, elle avait même cru apercevoir une strie dorée, chose extrêmement rare pour un sorcier, et beaucoup moins pour une créature magique de l'eau. Ou un centaure. Mais la strie n'était plus reparue.
Aujourd'hui, il était tout simplement hors de question qu'elle interroge la jeune femme aux cheveux noirs comme l'ébène et au teint blanc comme neige. Un être comme elle ne pouvait pas exister, c'était abominable. Impensable. Impossible. Ou bien signe d'un terrible danger venant de l'individu en question. Pourquoi ? Parce que Cancrelune Laguigne ne voyait absolument plus rien.
Evelyn Snow était dépourvue de toute aura magique.
« Monsieur Potter, vous avez une idée ? » Le garçon, très grand et bien bâti, baissa la main et prit la parole.
« Le charme du Patronus ? » Cancrelune sourit allègrement, et ses yeux bleus pétillèrent.
« En effet, c'est une bonne réponse, trois points pour Gryffondor. Est-ce que quelqu'un peut m'en dire plus ? »
Cette fois encore, deux mains féminines se levèrent. Les deux seules autres filles de la classe se jetant des regards en biais. Ignorant Evelyn, Le professeur de 60 ans interrogea sa camarade.
« Il… Il pe-permet de repou-pousser les détraqueurs… Et les Mo… Moremplis. Son incanta-tation est Spero… Patronum.» Une fois encore, malgré sa condition, Shafiq avait brillé.
Au bout d'une semaine à se retrouver muets quand la demoiselle prenait la parole, les élèves avaient cessé de vouloir la perturber, trop ennuyés de se défaire du silencio par la suite. Du coup, Evelyn aussi, avait cessé d'utiliser le sort contre eux.
« Excellent. J'accorde 5 points à Poufsouffle pour une réponse aussi détaillée. » La professeure tapa dans ses mains joyeusement, prête à faire cours, lorsqu'une voix l'interrompit. Et un frisson désagréable descendit le long de sa colonne.
« Vous avez oubliez bien des choses au sujet de se sortilège, professeur. » Touchée dans son orgueil, l'enseignante oublia qu'elle avait décidé d'ignorer l'élève sans aura.
« Je comptais surtout vous l'expliquer maintenant. Mais allez-y, Miss-Snow, faites-nous part de vos lumières. » Le ton austère employé, contre la douceur de l'élève, montrait clairement qu'elle n'appréciait pas son retour à l'école. Et ça, Tom Riddle s'en rendit parfaitement compte.
« Le charme du patronus nécessite tout d'abord l'invocation de notre souvenir le plus heureux, ce qui, en général, lui permet de prendre une forme matérielle, et non cette brume blanche vaporeuse. Aussi, certains élèves ici, ne seront jamais capable de produire un tel sort. Car ils n'ont aucun souvenir assez fort pour se faire. » La réponse, toujours donnée avec cette douceur qui lui était propre, avait cependant claqué et invoqué le silence au milieu de la salle. Surtout qu'Evelyn, après une telle annonce, n'avait pas regardé leur professeur, mais bien le prince des Serpentard.
« Hm. En effet, vous avez raison. C'est pour ça que son apprentissage aujourd'hui ne comptera pas dans vos notes de fin d'année. Bien, je vais vous expliquer avec un peu plus de précision, d'où vient ce sortilège, et comment le pratiquer… »
Aucun point pour sa réponse, et le dégout franc dont le professeur Laguigne avait fait preuve à l'encontre de Snow l'avait marqué. Mais le fait que la jaune et noire lui lance un tel regard à la fin… Ses poings s'étaient serrés. Un défi ? Bien. Il allait lui montrer qu'il était parfaitement capable de maitriser ce sort, aussi niais soit-il. Aucun sortilège et aucun charme ne lui résisterai. Il s'en faisait un devoir.
À la fin du cours, cependant, quelqu'un posa sa main contre la sienne, tandis qu'il rangeait ses affaires, et il se crispa tout entier. Relevant la tête, il croisa les orbes orageux de la jaune et noire.
« Je t'attendrais à la bibliothèque à 18heures, pour notre devoir commun de potion. A plus tard, Tom… » Et la main contre la sienne s'était retirée, provoquant un frisson gelé dans tout son bras. Ahuris, Riddle resta ainsi une seconde, le temps d'assimiler ce qu'il venait de ressentir.
Non. Ça ne se peut… Ce toucher… Ce serait… Elle… ? Il faut que je vérifie ça, et au plus vite. Mais comment ?!
