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Je m'appelle Victor Nikiforov. Je suis un patineur de 27 ans qui a pris une année de pause pour entraîner Yuri Katsuki. Le monde entier se demande pourquoi j'ai fait ça, pourquoi j'ai décroché alors que j'atteignais le sommet de ma carrière. C'est vrai qu'en apparence, j'avais tout pour être heureux. J'adorais patiner et j'avais réussi à en faire mon métier. Mieux encore, j'étais remarquablement doué pour ça. Je raflais les médailles, enchaînais les interviews et les conférences de presse. J'étais adulé par des milliers de fans. Leur soutien me touchait sincèrement. Je n'avais pas l'impression de faire quelque chose d'extraordinaire, mais les journaux et les personnes qui me voyaient comme leur idole me disaient que si. L'argent que je récoltais en remportant les compétitions une par une me permettait de ne rien me refuser. Je possédais un appartement immense au cœur de Saint-Pétersbourg, je passais ma vie à voyager autant pour ma carrière que pour le plaisir, j'enchainais les soirées alcoolisées que je finissais parfois en très bonne compagnie. Alors pourquoi est-ce que j'ai tout plaqué ?

Je ne me pose même pas la question, il me suffit de repenser à cette ancienne vie pour connaître la réponse. Le patinage était une passion, c'est devenu mon métier. Je me devais d'être irréprochable sur la glace, de surprendre le public toujours davantage, de ne pas faire le moindre faux pas. Ça finissait par m'étouffer. La pression des attentes du public était telle que j'ai fini par oublier le plaisir de patiner, c'était devenu une obligation, presque une contrainte. Je devais faire toujours mieux, battre mes records encore et encore, impressionner toujours plus. Je rêvais de patiner librement, sans pression ni personne pour me juger, mais c'était devenu impossible. Les médailles d'or que je raflais faisaient de moi un rival de taille pour la majorité des patineurs. Aucun d'eux ne voulait devenir trop proche de moi, j'étais avant tout l'ennemi à abattre à leurs yeux. Sauf peut-être pour Chris. Il essayait de ne pas me montrer à quel point il était amer que je l'emporte sur lui et il s'intéressait à la personne que j'étais et non au patineur. C'est peut-être le seul véritable ami que j'ai eu tout au long de ma carrière. Les journaux me demandaient de faire des interviews en permanence, mais ça ne leur suffisait pas. Leurs reporters étaient partout, m'épiant, me suivant plus ou moins discrètement. Partout où j'allais, je savais que j'étais suivi, espionné, photographié. J'essayais de me faire à l'idée que je n'avais plus de vie, que j'appartenais entièrement à mon public. L'argent que je remportais ne me rendait pas spécialement heureux. J'ai adopté un caniche pour oublier à quel point la solitude me rendait fou, pour combler un peu le vide de mon appartement trop grand. J'enchainais les coups d'un soir pour tromper cette solitude, mais elle revenait de plus belle dès le lendemain matin. Je buvais pour oublier ce rythme de vie qui me tuait à petit feu mais la tristesse qui me rongeait revenait en même temps que la gueule de bois.

Pourtant, il y a un an, j'ai cru que je pourrais mettre fin à tout ça. Il y a un an, la finale du Grand Prix se terminait sur le gala habituel et je rencontrais Yuri Katsuki. Il n'était pas franchement lui-même, il était évident qu'il était bien trop bourré pour réaliser ce qu'il faisait. Mais ses mouvements de danse, dans la battle contre l'autre Yuri, m'ont hypnotisé. Il était sensuel, captivant et, j'étais obligé de l'admettre, remarquablement doué en danse. Comment se faisait-il qu'il ait fini dernier avec un talent et une souplesse pareils ? Mon cœur a failli rater un battement quand il a continué en défiant Chris en pole-dance. Tous les deux, torses nus, enchaînant les mouvements dans une danse sensuelle et provocatrice. J'aurais voulu garder ces images gravées dans ma mémoire à tout jamais. Mais je devais reconnaître que j'étais également jaloux. En voyant leurs corps s'enlacer sur cette barre de pole-dance, j'aurais donné n'importe quoi pour être à la place de Chris. Et, quand le suisse a reconnu sa défaite et que Yuri m'a proposé de danser avec lui, j'ai accepté. J'aurais voulu passer la nuit entière et toutes celles qui suivraient dans ses bras, à oublier l'étiquette que nous étions censés suivre, à oublier la pression des journalistes et les attentes des fans, à oublier que je n'avais plus le droit d'être moi-même depuis que j'ai commencé à patiner en tant que professionnel.

Malheureusement, la soirée s'est terminée. Pire, le lendemain, Yuri n'avait visiblement aucun souvenir de ce qui était arrivé, redevenant le patineur trop timide et angoissé pour m'adresser la parole. Mais les mots qu'il avait prononcés au cours de la soirée résonnaient encore dans mes oreilles. Il était bourré, certes, mais n'importe qui aurait pu jurer que ses mots restaient sincères, que ce n'était pas l'alcool qui lui dictait ses paroles. Be my coach, Victor. L'idée me tentait bien, j'étais même prêt à accepter quand j'ai réalisé qu'il n'avait plus aucun souvenir de cette demande. Devais-je lui rafraîchir la mémoire, m'imposer comme coach dans sa vie pour revivre le plus longtemps possible des nuits comme celles-ci à ses côtés ? Je commençais à me résigner à l'oublier, à faire comme si cette soirée n'avait jamais existé – ce qui, pour Yuri, était un peu le cas. C'était compter sans sa vidéo de reprise de ma chorégraphie. En le regardant, j'ai su que je ne pourrais pas rester loin de lui. Ses mouvements me captivaient, je ne voulais plus détacher une seule seconde mon regard de lui. Alors j'ai tout plaqué et je suis parti au Japon pour l'entraîner.

J'ai perdu la renommée mondiale, l'adoration de mes fans, la situation financière plus que confortable. Mais j'ai rencontré un paradis sur terre nommé Hasetsu. J'ai trouvé le repos, la tranquillité, loin des exigences du patinage et des flashs des journalistes. J'ai appris à connaître Yuri, à l'aimer et à espérer passer chaque instant du reste de ma vie à ses côtés. A 27 ans, j'ai renoncé à énormément de choses. Mais j'ai commencé à vivre.


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