Cette fic est écrite dans le cadre de la 84ème nuit écriture du FoF (Forum Francophone) pour le thème "Hospitalité". Le FoF est un forum regroupant tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou s'amuser entre nous. Le lien se trouve dans mes favoris. Rejoignez-nous !
Lorsque Yurio avait pris la décision de quitter Moscou et la demeure de son grand-père pour partir s'entraîner à Saint-Pétersbourg, la question de l'endroit où il allait habiter s'était rapidement posée. A neuf ans, il était bien sûr trop jeune pour habiter seul. Yakov lui avait expliqué qu'il avait des partenariats avec des familles d'accueil qui hébergeaient les sportifs dans son cas et qu'il n'aurait pas de mal à lui en trouver une. Lorsqu'il avait emménagé dans cette famille, il les avait d'abord adorés. Dès qu'ils l'avaient vu, ils s'étaient extasiés sur sa bouille d'ange, son allure de fée, ses cheveux blonds coupés au carrés qui achevaient de parfaire sa silhouette et son visage enfantins. Ils l'avaient tout de suite couvé et surprotégé, s'inquiétant autant de ses résultats que de sa santé et de son mental. Ils l'avaient chouchouté, s'occupant de tout ce dont il avait besoin et Yuri avait adoré ça… Avant de réaliser que leur attitude était en train de le détruire.
Il sombrait petit à petit dans cette image de petit garçon adoré et chouchouté, pendant que le combattant au fond de lui mourrait lentement. Être trop aidé, trop protégé, l'empêchait de s'affirmer, de faire ressortir sur la glace sa fierté, sa rage et sa fièvre de victoire. Il l'avait compris quand il avait lamentablement échoué aux nationaux juniors de Russie. Si Yakov l'avait longuement incendié, sa famille avait pris sa défense, lui trouvant des excuses, ventant un talent qu'il perdait progressivement à force de se laisser aller. Ce soir là, il avait pris sa décision. Il avait beau préférer l'attitude de ses parents d'accueil, il était forcé de reconnaître que c'était Yakov qui avait raison, que seules ses réprimandes lui permettraient d'avancer et de devenir le champion qu'il espérait être un jour.
Alors il s'était enfui. En pleine nuit, au mois de janvier. Il était passé par la fenêtre de sa chambre et s'était faufilé sous la haie de leur jardin pour rejoindre la rue sans être vu depuis leur salon, tirant derrière lui la valise qui regroupait désormais toutes ses affaires. Il devait bien reconnaître qu'il y aurait eu d'autres moyens plus simples et plus raisonnables de couper les ponts avec cette famille d'accueil. Il éprouvait même une pointe de culpabilité à les abandonner de cette façon, après tout ce qu'ils avaient fait pour lui. Mais, sur le coup, la peur de sombrer dans cette image de chaton fragile l'avait envahi et incité à prendre cette décision, aussi stupide et irréfléchie soit-elle. Il avait marché rapidement dans les rues de Saint-Pétersbourg, s'attirant parfois les regards inquiets ou surpris des passants qui se demandaient ce qu'un enfant de neuf ans faisait seul avec une valise, en vêtements de jogging, à plus de onze heures du soir.
Il ne savait pas combien de temps il avait marché, trop concentré sur ses souvenirs pour essayer de retrouver son chemin. Il n'avait pas eu de mal à rejoindre la patinoire, sa famille l'y emmenait tous les matins depuis des mois. Puis, depuis le Palais des Glaces, il avait dû se souvenir d'une route qu'il n'avait faite qu'une seule fois, en voiture. Sortir du parking, prendre à droite sur la grande avenue, puis une petite ruelle encore à droite pour atteindre un groupement d'immeubles. D'un pas hésitant, il avança dans les allées jusqu'à atteindre un bâtiment qu'il était persuadé de reconnaître. Il se précipita vers l'entrée, courant jusqu'à la porte autant pour se réchauffer que par excitation d'avoir atteint son objectif. Un coup d'œil sur les noms sur l'interphone lui confirma qu'il ne s'était pas trompé, et il profita du fait qu'une dame sorte à cet instant précis pour se faufiler à l'intérieur.
Atteignant la porte de l'appartement, il eut un moment de doute. Et s'il le rejetait ? S'il ne voulait pas le voir chez lui ? S'il n'était même pas là ? L'appréhension s'empara de lui quand il réalisa qu'il n'aurait peut-être pas d'autre choix que de repartir aussitôt chez sa famille d'accueil. Il frappa rapidement à la porte pour dissimuler ses angoisses. Il entendit rapidement du bruit de l'autre côté et la porte s'ouvrit sur un jeune homme de 21 ans.
- Yuri ? Bon sang, mais qu'est-ce que tu fais là ?
Les cheveux en bataille et les yeux embués de Victor lui laissaient clairement voir qu'il était déjà couché quand Yuri avait frappé.
- Excuse-moi, je voulais pas te réveiller… murmura-t-il. Mais… Est-ce que je peux venir habiter avec toi ?
Victor resta figé quelques secondes, cherchant à s'assurer qu'il avait bien compris ce que le garçon de neuf ans venait de lui demander. Il cligna des yeux, comme pour vérifier qu'il ne rêvait pas.
- Quoi ? souffla-t-il avec un air incrédule.
- Est-ce que je peux venir habiter avec toi ? répéta Yuri.
- Commence par entrer, murmura le plus âgé. Tu vas pas rester dehors à cette heure là.
Quelques minutes plus tard, Yuri était lové dans le canapé de Victor, un chocolat chaud posé sur la table devant lui. Il finissait de lui expliquer son ressentiment vis-à-vis de sa famille d'accueil et sa décision de les quitter pendant que Victor soupirait de lassitude et d'exaspération.
- J'imagine d'ici la tête de Yakov quand on va devoir lui raconter ça, grommela-t-il.
- Ça veut dire que tu veux bien ? s'exclama Yuri.
Victor releva la tête vers lui et lui envoya un de ces sourires affectueux dont lui seul avait le secret.
- Bien sûr. Tu peux rester ici aussi longtemps que tu le veux.
Yuri laissa échapper une exclamation de joie avant de se jeter contre son aîné, le serrant dans ses bras. D'abord surpris, Victor finit par laisser échapper un petit rire avant de lui rendre son étreinte.
Yurio n'avait jamais oublié cette nuit, cette nuit où il avait eu besoin de quelqu'un qui le comprendrait et qui l'aiderait à faire ressortir tout son talent et sa fierté dans ses chorégraphies. Cette nuit où il avait pensé à Victor et où celui-ci lui avait offert son hospitalité sans aucune hésitation. Il était resté cinq ans chez lui avant qu'il ne se sente capable d'avoir son propre appartement. Le départ de Victor pour le Japon avait été pour lui un mélange de trahison et de déception, mais également de questionnement. Il avait rapidement considéré Victor comme un grand frère attentionné et protecteur, un grand frère qui aurait été capable de tout faire pour lui. Alors, pendant qu'il apprenait à la télé que Victor était devenu le coach de Yuri Katsuki, il gardait au fond de lui cette question, celle qui lui tournait en boucle dans la tête depuis son départ : Est-ce que c'était de sa faute ? S'il avait compris plus tôt à quel point Victor avait été dévoré par la solitude pendant ses années de patinage, s'il avait compris plus tôt qu'il l'avait recueilli parce que lui-même avait eu désespérément besoin de quelqu'un dans sa vie… Serait-il parti ?
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