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Avertissement : Cet OS contient des insultes et propos homophobes.


Yuri se laissa tomber sur un banc et étira ses jambes devant lui. Il avait l'impression que cela faisait des heures qu'il s'entraînait et Victor venait seulement de lui accorder une pause de quelques minutes. Son coach s'était éloigné vers les vestiaires pendant que Yuri récupérait en buvant de l'eau. Depuis qu'ils s'entraînaient ensemble à Saint-Pétersbourg, le rythme des entraînements s'était intensifié. Victor et Yuri étaient tous les deux décidés à remporter toutes les médailles qu'ils convoiteraient et ils s'entraînaient d'arrache-pied pour y arriver. Les épreuves du Grand Prix recommençaient dans moins d'une semaine avec le trophée NHK du Japon pour Yuri. Victor, lui, participerait à la Skate Canada quelques jours plus tard.

Yuri rangea sa bouteille d'eau et se releva pour retourner sur la piste. Il fit lentement quelques tours de patinoire pour détendre ses jambes avant de s'arrêter à nouveau. A quelques mètres de lui, un groupe de patineurs russes s'entraînait ensemble, l'un d'eux essayant de réaliser un triple axel. Il chutait systématiquement et, après son troisième échec, Yuri se rapprocha légèrement de lui.

- Tu devrais essayer de détendre un peu plus tes jambes, conseilla-t-il, ça amortirait ta réception. Tu garderais mieux l'équilibre comme ça.

Il savait à quel point le triple axel pouvait être difficile à réaliser, lui-même ayant eu besoin de deux ans pour le maîtriser à la perfection. Le russe se tourna vers lui et le foudroya d'un regard rempli de mépris et de dédain. Se rapprochant suffisamment pour que seuls les quelques patineurs autour d'eux l'entendent, il souffla entre ses dents :

- Je n'ai pas besoin de l'aide d'une salope qui paye ses frais de coaching en laissant son coach l'enculer à longueur de nuits.

Le souffle de Yuri se gela dans sa poitrine pendant que les autres patineurs qui l'avaient entendu ricanaient. Avant qu'il n'ait pu trouver quelque chose à répondre, Victor l'appela depuis l'autre côté de la piste, lui indiquant que sa pause était terminée.

- Dépêche-toi d'y aller, tu risques de te faire réprimander si tu mets trop longtemps à aller lui tailler une pipe, souffla le patineur à côté de lui.

Il ne réussit pas à lui répondre quoi que ce soit et lui tourna le dos en s'éloignant, rejoignant rapidement Victor.

- Ça va ? Tu as l'air pâle… s'inquiéta-t-il.

- Non non, tout va bien ! assura-t-il.

- OK. Tu me refais ta combinaison quadruple et boucle piqués ?

Yuri acquiesça d'un hochement de tête et s'élança pour prendre de l'élan. Les phrases du patineur lui restaient en tête. Ils ne se connaissaient qu'à peine, pourquoi l'avait-il insulté aussi violemment ? Qu'est-ce qu'il lui avait fait ? Un choc violent contre la patinoire le ramena à la réalité. Il n'avait pas fait attention à son mouvement et s'était étalé contre la glace à la fin de son saut.

- Essaie de te concentrer, le réprimanda Victor, tu sais que tu rates tes sauts quand tu es dans la lune. Recommence.

Il se releva et reprit de la vitesse. Les ricanements des autres patineurs résonnaient dans ses oreilles. Étaient-ils d'accord avec celui qui l'avait insulté ? Comment voyaient-ils sa relation avec Victor ? Ce n'était un secret pour personne qu'ils vivaient ensemble, mais pensaient-ils sincèrement qu'il couchait avec lui uniquement pour se faire rembourser ses frais de coaching ? Combien d'autres personnes pensaient cela ? Il s'élança pour son saut mais ne parvint à faire qu'un seul tour avant de retomber et de glisser sur le côté. En relevant la tête, il vit que Victor l'avait rejoint. Son coach lui tendit la main pour l'aider à se redresser mais, une fois qu'il fut debout, il ne le lâcha pas.

- Quelque chose te tracasse ? devina-t-il.

- Non ! Je… J'y arrive pas, c'est tout ! Je vais le refaire !

Yuri n'imaginait même pas comment il pouvait parler à Victor des insultes que le russe lui avait envoyées. Son coach le lâcha et Yuri reprit de la vitesse. D'ailleurs, qu'en pensait Victor ? Il était vrai que son petit-ami ne lui avait jamais demandé le moindre centime pour ses frais de coaching. Il lui avait pourtant lui-même dit au début de la saison précédente qu'il lui enverrait la facture. Pourquoi n'en avait-il plus reparlé ? Est-ce que lui-même considérait les nuits qu'ils passaient ensemble comme un moyen de paiement ? Était-ce juste pour cette raison qu'il vivait avec lui ? Yuri tenta de se concentrer sur son saut, ramené à la réalité par l'air frais qui lui fouettait le visage. Il sauta et tourna quatre fois sur lui-même avant de se réceptionner de façon un peu bancale. Il lutta pour garder son équilibre et amorça son second saut, en sachant pertinemment qu'il n'avait plus assez d'élan. Il parvint à effectuer correctement ses deux tours mais, en retombant, sa lame partit brusquement sur la droite. Il tenta de se rattraper mais son corps partit également du même côté, tordant violemment sa cheville. Son hurlement de douleur résonna dans tout le complexe pendant qu'il s'étalait sur la glace, luttant pour retenir ses larmes. Victor s'était déjà accroupi à côté de lui.

- Ne bouge pas, Yuri ! Surtout n'essaye pas de bouger. Tu t'es fait mal où ?

- A la cheville, grimaça-t-il. Je… Je suis désolé…

- C'est pas grave, c'est peut-être rien.

Le ton inquiet et préoccupé de Victor lui laissa comprendre qu'il pensait à la même chose que lui. Le trophée NHK du Japon n'était que dans quelques jours. S'il s'était fait une entorse ou même une fracture, ce qui était tout à fait probable vu la douleur fulgurante qui se répandait par vagues dans tout son corps, alors le Grand Prix était fini pour lui. Yakov les avait rejoints. Précautionneusement, Victor et lui l'aidèrent à se relever et à rejoindre le bord de la piste sans que son pied ne touche le sol. Yuri se laissa tomber sur un banc et Victor entreprit de lui enlever son patin, détachant complètement tous ses lacets pour le desserrer au maximum et pouvoir l'enlever sans forcer. A côté d'eux, Yakov était déjà au téléphone avec le médecin de l'équipe. Il raccrocha en leur annonçant :

- Il peut le voir à son cabinet dans une demi-heure.

- OK, répondit Victor. On était venus à pied ce matin, je vais rentrer chercher ma voiture et je l'emmène.

Dix minutes plus tard, Victor revint et l'aida à se relever, lui ordonnant de s'appuyer sur lui. Son coach passa son bras autour de ses hanches, le soutenant fermement et lui permettant d'avancer sans poser le pied. Au moment où ils sortaient du complexe, Yuri croisa le regard du patineur qui l'avait insulté. Celui-ci s'était appuyé nonchalamment sur la balustrade et, en voyant qu'il le regardait, il lui adressa un sourire moqueur et satisfait.

-O-O-O-O-O-O

- Et voilà, conclut Victor d'une voix douce en finissant de lui bander la cheville. Ça ne te serre pas trop ?

- Non, c'est bien. Merci.

Malgré la douleur toujours persistante, le médecin lui avait assuré qu'il n'avait rien de grave. Il lui avait ordonné de garder un bandage autour du pied et de le poser le moins possible par terre pendant trois jours, lui assurant qu'il pourrait normalement participer tout de même au trophée du Japon dans une semaine s'il ménageait son pied d'ici là. Yuri n'avait jamais fait de bandage de sa vie mais il était forcé de constater que Victor s'y connaissait, lui ayant impeccablement et soigneusement bandé le pied. Allongé sur le canapé, sa jambe était posée sur celles de son coach, assis à côté de lui. Victor l'aida à se rasseoir, lui posant un coussin sur la table basse pour qu'il puisse appuyer sa cheville dessus.

- Tu as encore mal ? s'inquiéta le russe. Tu veux des antidouleurs ?

- Ça va pour l'instant. J'en prendrai ce soir si ça m'empêche de dormir.

- OK.

Le ton de Victor devint légèrement plus grave lorsqu'il reprit :

- Et maintenant, tu vas te décider à me dire ce qui te perturbait, tout à l'heure ?

Yuri s'apprêta à nier mais le regard de son coach fut plus qu'explicite. Il ne savait pas mentir à Victor.

- C'était rien, grommela-t-il. C'était… Stupide.

- Si ça t'a travaillé au point que tu te blesses, alors ça n'avait rien de stupide, assura Victor. Dis-moi.

Yuri baissa les yeux et lui raconta à demi-mots les insultes et accusations que l'autre patineur lui avait lancées. Ses joues devinrent rouges en lui répétant ce qu'il lui avait dit, mais le regard de Victor resta grave.

- Et toi, qu'est-ce que tu en penses ? demanda-t-il simplement.

- Quoi ? s'étonna-t-il, ne comprenant pas la question de son coach.

- Tu penses sincèrement que je couche avec toi uniquement pour te faire payer mes frais de coaching ?

- Non, non, bien sûr que non ! répondit Yuri précipitamment. Je… Je te l'ai dit, c'était stupide, j'aurais même pas dû y faire attention mais…

- Mais tes angoisses ont repris le dessus et tu n'as pas réussi à oublier ce qu'il t'avait dit pour te concentrer, conclut Victor.

Yuri fut surpris que Victor ait aussi bien interprété ce qui lui était arrivé et il reprit doucement :

- Yuri. Tout le monde sait que tu manques de confiance en toi et que tu es sensible à ce genre d'insinuations ou d'insultes. Ce type – Louka – le sait également. Il participe aussi au trophée NHK la semaine prochaine et vous n'avez absolument pas le même niveau, il n'a pas la moindre chance contre toi. Alors il a essayé d'exploiter tes faiblesses, d'appuyer là où ça faisait mal pour te faire perdre tes moyens. C'est une technique vieille comme le monde. Et tu vas devoir apprendre à ne pas te laisser intimider de cette façon parce que, vu à quel point ça a marché aujourd'hui, tu peux être certain qu'il recommencera pendant le trophée, juste avant que tu ne rentres en piste. Je peux essayer de le prendre entre quatre yeux pour le dissuader de recommencer, si tu veux, mais… Mais ce ne sera pas aussi efficace que ton indifférence. Montre-lui que ça ne t'atteint pas, c'est la meilleure façon de l'obliger à arrêter.

Yuri acquiesça lentement. Quand il s'entraînait à Détroit, il avait souvent vu les filles de l'équipe américaine utiliser ces techniques entre elles, caser au plus mauvais moment une réplique sournoise qui zappait le moral de celles qui menaçaient de finir devant elles au classement. Le fait de les avoir vues faire ça pendant des années le rendait encore plus honteux, il aurait dû deviner quel était le but de Louka quand il l'avait insulté. Cependant, les ricanements des autres patineurs lui restaient en tête. Peu importe la raison pour laquelle il avait lancé ces insinuations, il était forcé de constater que beaucoup d'autres étaient d'accord avec lui. Victor parut lire dans ses pensées et reprit :

- Et si tu veux savoir pourquoi je ne t'ai jamais réclamé d'argent pour ton entraînement… C'est parce que tu m'as déjà offert mille fois plus.

Victor se rapprocha de lui, passa un bras autour de ses épaules et déposa un baiser dans son cou, le faisant frissonner avant de reprendre en chuchotant dans son oreille :

- Tu es devenu l'amour de ma vie. Yuri, je n'imagine plus vivre sans toi, je n'arrive même pas à me souvenir de comment je faisais pour supporter la solitude avant de te rencontrer. Tu es tellement adorable, surprenant, tendre, talentueux… Je n'ai pas besoin de plus.

Yuri avait rougi au fur et à mesure que Victor énumérait ses qualités et il baissa les yeux en murmurant :

- Je me sens encore plus stupide de l'avoir laissé me déstabiliser avec ses propos, maintenant…

- Tu n'as pas à t'en vouloir, assura tendrement Victor. On a tous nos faiblesses. Et je vais essayer de t'apprendre à ne laisser personne s'en servir contre toi.


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