Cette fic est écrite dans le cadre de la 87ème nuit écriture du FoF (Forum Francophone) pour le thème "Caramel". Le FoF est un forum regroupant tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou s'amuser entre nous. Le lien se trouve dans mes favoris. Rejoignez-nous !

Beaucoup de couleurs dansaient autour de lui. La neige, couleur blanc sale, qui recouvrait les trottoirs. Les immeubles, gris, qui s'alignaient par rangées le long des rues. Les taxis, jaunes, qui filaient sur la route ou s'arrêtaient pour laisser monter des passagers. Les drapeaux russes, qui faisaient voler leurs couleurs blanches, rouges et bleues au-dessus des bâtiments officiels. Son sac de sport, noir, qui se balançait au bout de son épaule au rythme de ses pas.

Victor s'était habitué depuis longtemps à cette succession de couleurs dans les rues de Saint-Pétersbourg. Au début, lorsqu'il avait commencé à faire deux fois par jour ce trajet à pied entre l'appartement payé par sa fédération et la patinoire, il s'en était émerveillé. Il ne savait pas combien de fois il avait marché dans ces rues, les yeux levés pour observer cette succession de couleurs qui l'impressionnaient et le captivaient. En revanche, il avait compté les fois où il s'était retrouvé le nez par terre à force de ne pas regarder où il mettait les pieds. Au bout de la cinquième fois, il avait essayé de s'en désintéresser et de faire attention à sa route.

Désormais, depuis trois ans qu'il patinait à haut niveau au Palais des Glaces sous la direction de Yakov, il ne les regardait plus. Il s'était habitué à cette succession de flashs blancs, gris, jaunes, bleus, rouges… Comme si son esprit avait assimilé que ces couleurs n'avaient plus rien d'extraordinaire. C'était peut-être pour cela, d'ailleurs, que son regard avait été attiré vers ce coin de trottoir. Parce qu'une couleur s'en était détachée. Une couleur qu'il n'avait jamais vue dans ces rues et qui l'avait intriguée. Blottie sur le trottoir, nichée contre la paroi d'un immeuble, une minuscule tache caramel sortait du décor.

Il avait hasardé un regard autour de lui, mais il semblait être le seul à l'avoir remarquée. Tous les autres passants marchaient rapidement, sans s'arrêter pour s'inquiéter de cette tache dans le décor, de cette couleur qui n'aurait pas dû être là. Lentement, il s'en rapprocha et s'accroupit devant cette tache. C'était un chien, un chiot même, une minuscule boule de poils recroquevillée sur elle-même et tremblante de froid. Depuis combien de temps était-il là ? Pas longtemps, il n'aurait pas tardé à mourir de froid dans cette neige. Mais suffisamment longtemps pour savoir qu'aucun maître ne viendrait le chercher.

- Eh… murmura-t-il doucement. T'es tout seul ?

Le chiot leva les yeux vers lui, apeuré. Victor laissa échapper un sourire devant sa stupidité de parler à un chien. Comme s'il allait lui répondre… Lentement, il caressa le caniche qui sembla apprécier son geste. Est-ce qu'il savourait la caresse en elle-même, ou juste ses gants chauds ? Peu importe, décida-t-il. Ce chien avait besoin des deux. Il ouvrit son sac de sport et en sortit une serviette dans laquelle il l'enveloppa avant de le prendre dans ses bras. Il s'était attendu à ce que le chiot se débatte ou essaie de s'enfuir, mais celui-ci se lova en boule contre lui et Victor n'eut pas de mal à le porter jusqu'à chez lui. Il n'avait pas grand-chose pour accueillir un chien mais se débrouilla quand même. Une bassine avec des couvertures au fond pour lui faire un panier. Un bol d'eau et une assiette de viande mixée. Ça ferait l'affaire jusqu'à ce qu'il achète des affaires le lendemain.

Il déposa la boule de poils au fond du panier improvisé, mais le chiot en ressortit aussitôt pour le suivre, se collant contre ses jambes à chacun de ses pas. Victor finit par s'asseoir sur le canapé et le prendre sur ses genoux, le caressant longuement. D'habitude, il trouvait les soirées longues et ennuyeuses, ne sachant quoi faire après avoir fini sa journée d'entraînement. Mais, ce soir là, après s'être soigneusement occupé du chiot, avoir joué avec lui et lui avoir fait découvrir son appartement, il réalisa avec effroi qu'il avait largement dépassé l'heure maximale de coucher imposée par Yakov.

Il ne fut pas surpris, lorsqu'il se coucha, de voir sa boule de poils essayer de le rejoindre sur son lit en sautant et jappant devant. Victor esquissa un sourire amusé et l'aida à monter. Lorsque le chiot se coucha à côté de lui, Victor murmura :

- Il faudrait te trouver un nom, quand même…

Le premier nom qui lui vint à l'esprit fut Caramel. Après tout, c'était bien cette couleur si particulière qui avait attiré son regard… Mais il avait l'impression que ce nom ne lui correspondait pas, que ce chien n'était pas fait pour porter ce nom là. Il réfléchit pendant plusieurs minutes avant d'avoir un déclic. Il ne savait pas d'où lui venait cette idée, pourquoi il l'avait eue, mais ce n'était pas important. Il savait que c'était le bon choix, et c'était tout ce qui comptait. Tout en laissant sa main caresser le chiot couleur caramel, il murmura :

- Bonne nuit Makkachin.

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