Cette fic est écrite dans le cadre de la 87ème nuit écriture du FoF (Forum Francophone) pour le thème "Gardien". Le FoF est un forum regroupant tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou s'amuser entre nous. Le lien se trouve dans mes favoris. Rejoignez-nous !

Note de l'auteur : Oui, quand, passé minuit, on me propose "Gardien", la seule chose qui me vient à l'esprit est "le gardien du sommeil de ses nuits". La chanson ne m'appartient aucunement, elle est à Francis Cabrel. Toutes mes excuses pour l'avoir légèrement modifiée, Saad Maia m'en a donné la permission en tant que grande fan de cet artiste. J'espère que ce texte vous plaira !


Victor fronça les sourcils lorsque la douleur et l'inconfort le réveillèrent. Il ne se souvenait pas s'être endormi. Quelle heure était-il ? Lentement, il ouvrit les yeux et la lumière du réveil l'aida à retrouver ses esprits – et à répondre aux questions qu'il se posait.

Tout bien réfléchi, sa position n'était pas si inconfortable que ça. Il était allongé à plat ventre sur Yuri, leurs corps nus encore étroitement serrés, sa tête dans le creux de l'épaule du japonais. La tête de celui-ci s'était inclinée sur le côté pour coller sa joue contre la sienne et Victor ne résista pas à l'envie d'y déposer quelques baisers. Dans son sommeil, Yuri laissa échapper un gémissement de bien-être et parut essayer de se blottir encore plus contre lui. Lentement, les souvenirs de leur soirée revinrent à l'esprit de Victor. Le repas que Yuri lui avait préparé pour fêter ensemble son anniversaire. La soirée qu'ils avaient passée à discuter, savourant la présence et la proximité de l'autre. Leurs corps qui s'étaient de plus en plus rapprochés, leurs gestes qui étaient devenus de plus en plus assurés, déterminés à parcourir le corps de l'autre.

Rapidement, Victor s'était relevé du canapé sur lequel ils étaient avachis pour entraîner Yuri dans leur chambre. Le japonais lui avait déjà avoué qu'il n'aimait que moyennement faire l'amour ailleurs que dans leur lit, et Victor tenait à ce qu'il soit à l'aise. Il ne savait pas pendant combien de temps leurs corps s'étaient rapprochés, câlinés, entremêlés, pendant combien de temps leurs désirs et envies avaient dicté leurs gestes. Il se souvenait juste du moment où le plaisir qu'il ressentait était devenu de plus en plus fort, de plus en plus incontrôlable, du moment où il avait essayé de retenir ces vagues de plaisir, de les empêcher de le subjuguer pour pouvoir en profiter encore un peu plus. Le corps de Yuri qui s'était cambré contre lui, secoué de spasmes de plaisir pendant qu'il luttait pour que ses gémissements ne se transforment pas en cris, avait eu raison de lui et il avait lui-même été fauché par l'orgasme quelques secondes plus tard. Vidé de ses forces, il était retombé sur le corps trempé de sueur de Yuri, son front dans le creux de son épaule pendant qu'il embrassait chaque parcelle de peau à sa disposition.

Ils avaient probablement dû s'endormir comme ça, sans trouver la force de se relever pour se doucher. Il aurait même été tenté de ne toujours pas bouger et de continuer sa nuit allongé sur Yuri, mais sa raison reprit le dessus. Malgré l'impression de confort et de sérénité qui se dégageait du visage de son élève, celui-ci aurait le corps en miettes le lendemain s'il devait supporter son poids sur lui plus longtemps. Lentement, en faisant attention à ne pas le réveiller, il déposa un dernier baiser dans son cou avant de se laisser glisser sur le côté. Dans son sommeil, Yuri émit un grognement de protestation et bascula pour rester serré contre lui. Victor replia ses bras autour de ses épaules dans une étreinte protectrice qui apaisa le japonais.

Tout en le câlinant, une mélodie lui revint en mémoire. Où l'avait-il entendue ? Il s'en souvint rapidement, c'était une chanson française, qu'un patineur de la même nationalité avait utilisée pour son programme court. Fouillant dans sa mémoire, il parvint à retrouver les paroles et les fredonna dans sa tête.

Moi je n'étais rien, et voilà, qu'aujourd'hui, je suis le gardien du sommeil de ses nuits. Je l'aime à mourir.

Le gardien du sommeil de ses nuits. Oui, il aimait bien cette expression, cette définition qui résumait le lien qu'il avait désormais avec Yuri. Combien de fois Yuri s'était-il réveillé en panique, assailli par ses angoisses et ses peurs d'échec ? Combien de fois l'avait-il pris dans ses bras et câliné jusqu'à ce qu'il s'apaise, combien de fois l'avait-il rassuré et aidé à se rendormir ?

Vous pouvez détruire tout ce qu'il vous plaira. Il n'a qu'à ouvrir l'espace de ses bras, pour tout reconstruire. Pour tout reconstruire. Je l'aime à mourir.

Tout en se remémorant ces paroles, il se fit la remarque que c'était plutôt Elle et non pas Il, mais il décida de ne pas s'attarder sur ce détail.

Il a gommé les chiffres des horloges du quartier. Il a fait de ma vie des cocottes en papier. Des éclats de rire.

L'image de Yuri éclatant de rire rejaillit violemment dans sa mémoire, faisant se dessiner un sourire tendre sur son visage.

Il a bâti des ponts entre nous et le ciel. Et nous les traversons à chaque fois qu'il ne veut pas dormir. Ne veut pas dormir. Je l'aime à mourir.

D'autres images se succédèrent dans son esprit. Yuri qui dansait contre lui lors de la soirée de gala de la dernière compétition. Yuri qui tendait son bras vers lui pour l'inciter à le suivre lorsqu'il voulait lui montrer quelque chose.

Il a dû faire toutes les guerres. Pour être si fort aujourd'hui. Il a dû faire toutes les guerres de la vie. Et l'amour aussi.

Yuri qui échouait à la finale du Grand Prix, deux ans auparavant. Yuri qui se laissait déborder par ses angoisses lors de la coupe de Chine, lorsqu'il n'avait pas réussi à le réconforter. Yuri qui s'engageait sur la piste, son regard hanté par le stress et l'anxiété. Yuri qui cherchait au fond de lui-même la force d'assurer son programme et de le clôturer par un quadruple flip, sa propre signature. Yuri qui rajoutait des sauts dans son programme libre de la finale du Grand Prix pour battre son record du monde.

Il vit de son mieux son rêve d'opaline. Il danse au milieu des forêts qu'il dessine. Je l'aime à mourir.

Yuri qui dansait sa chorégraphie sur Stay Close to Me. Il n'avait pas de musique mais n'en avait pas besoin. Son corps créait la musique, il réentendait les notes au fur et à mesure que ses gestes, plus remplis d'émotions et de grâce qu'il n'en serait jamais capable lui-même, traçaient sur la glace une chorégraphie dans laquelle il mettait tout son amour et tous ses espoirs.

Je dois juste m'asseoir. Je ne dois pas parler. Je ne dois rien vouloir. Je dois juste essayer. De lui appartenir. De lui appartenir. Je l'aime à mourir.

Yuri qui laissait sa tête retomber sur ses genoux sur leur canapé. Ils n'avaient pas besoin de paroles, pas besoin de gestes, ils restaient juste là, l'un contre l'autre, pendant des dizaines de minutes, savourant la présence de l'autre. Yuri qui se blottissait dans ses bras pour avoir une dernière étreinte avant d'entrer sur la piste et de se retrouver seul. Yuri qui sortait de la patinoire en se jetant contre lui pour célébrer un passage réussi.

Il a dû faire toutes les guerres. Pour être si fort aujourd'hui. Il a dû faire toutes les guerres de la vie. Et l'amour aussi.

Un gémissement l'arracha de ses pensées et son regard tomba sur Yuri, qui ouvrait lentement les yeux.

- Qu'est-ce que tu chantes ? murmura-t-il d'une voix encore endormie.

Il ne s'était pas rendu compte qu'il s'était mis à réellement fredonner cette chanson. Il attira Yuri un peu plus contre lui et déposa un baiser dans son cou.

- Rien. Rendors-toi.

Yuri n'insista pas et, posant son front contre l'épaule du russe, referma les yeux. Sa respiration se calma à nouveau rapidement, signe qu'il retombait dans le sommeil.

Moi je n'étais rien, et voilà qu'aujourd'hui, je suis le gardien du sommeil de ses nuits. Je l'aime à mourir.


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