Cette fic est écrite dans le cadre de la 89ème nuit écriture du FoF (Forum Francophone) pour le thème "Distance". Le FoF est un forum regroupant tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou s'amuser entre nous. Le lien se trouve dans mes favoris. Rejoignez-nous !
Je dédie cet OS à Milou-sarcastic-yaoiste. Si tu passes par là, je te souhaite un excellent anniversaire et j'espère que cet OS et ce que j'ai fait de ces deux persos te plaira !
(Novembre 2009 – Mila a 10 ans)
Les lumières et l'aspect grandiose du complexe l'éblouissaient, les projecteurs volaient sur la patinoire et l'illuminaient, la glace brillait comme jamais. Elle s'était attendu à être impressionnée par sa toute première étape du Grand Prix Junior mais, à présent qu'elle était là, qu'elle venait d'arriver à la patinoire de Détroit où la Skate America aurait lieu, elle se sentait toute petite, ridicule.
- Relax ! souffla Victor à côté d'elle. C'est pas la peine de stresser !
Plus facile à dire qu'à faire. Malgré l'angoisse qui lui dévorait la poitrine, elle suivit rapidement le reste de l'équipe de Yakov dans les vestiaires et se prépara rapidement pour l'entraînement. Au moins, patiner sur cette piste deux jours avant la compétition officielle l'aiderait sûrement à se détendre…
Elle s'engagea sur la piste et exécuta ses mouvements au fur et à mesure de ce que Yakov lui indiquait. Au moment où elle prenait de l'élan pour exécuter une pirouette cambrée, un autre patineur passa à toute vitesse devant elle, l'obligeant à faire dévier rapidement sa trajectoire, et elle perdit l'équilibre. Elle tendit le bras pour amortir sa chute mais, avant qu'elle ne soit tombée, deux mains solides la prirent par les épaules et l'aidèrent à se stabiliser. Soupirant légèrement de soulagement et peinant à se remettre de sa frayeur, elle leva les yeux vers la personne qui l'avait rattrapée. Elle était plus âgée qu'elle, elle ne devait pas être loin d'entrer chez les séniors. Sa peau brune et ses cheveux noirs mettaient en valeur ses yeux d'une étrange couleur violette. La fille desserra légèrement son étreinte sans pour autant la lâcher et lui demanda :
- Ça va ? Désolé, mon frère peut être une vraie brute… Mais je suis pas sûre qu'il recommence de sitôt…
D'un coup d'œil, Mila remarqua que le garçon qui lui avait coupé la route était en train de se faire incendier à la fois par son propre coach et par Yakov.
- Il m'a surtout fait peur… avoua-t-elle. Merci de m'avoir rattrapée.
- Je t'en prie. Je m'appelle Sara.
- Mila.
- OK. On se revoit à la compétition, Mila ! lança Sara avec un sourire.
(Janvier 2011 – Mila a 12 ans)
Elles s'étaient revues, à la compétition, sur le podium, et encore après. Elles ne pouvaient bien sûr pas se voir en dehors des compétitions – Mila restait russe, et Sara, italienne. Ça ne les avait jamais dérangées, elles appréciaient les moments qu'elles passaient ensemble, qu'elles passaient à s'affronter, à regarder la chorégraphie de l'autre pour savoir combien de points elles devraient marquer pour battre celle qui était avant tout une adversaire. Mais aujourd'hui, les choses avaient changé. Cette année, Sara était entrée chez les séniors, et cela avait marqué une certaine distance entre elles. Elles concourraient toujours dans les mêmes endroits, mais plus le même jour, plus dans la même catégorie, plus l'une contre l'autre.
Quand elles étaient ensembles, Mila se sentait à nouveau toute petite, elle redevenait la gamine de 10 ans terrorisée à l'idée de faire sa première compétition. Sara ne jouait définitivement plus dans la même cour, pourquoi perdait-elle encore son temps avec une junior insignifiante ? Un jour, elle avait fini par lui poser la question.
- Peut-être parce que tu n'as rien d'insignifiante ? avait répondu Sara.
Elle n'avait pas trop compris ce qu'elle voulait dire. Enfin, elle en avait bien une idée. Mila était la seule personne à qui Sara parlait en compétition, avec bien sûr son frère et son entraîneur. La seule personne avec laquelle elle ne mettait pas une distance réglementaire, la seule avec laquelle elle pouvait parler des heures entières pendant les bals de fin de compétition. Est-ce que Sara appréciait au contraire ce changement de catégorie ? Parfois, dans le regard de l'italienne, elle lisait clairement ce soulagement de ne plus être des concurrentes, de ne plus être des patineuses opposées l'une à l'autre, et de juste être des amies. Alors elle arrêtait de se poser la question, elle acceptait sans condition la réponse de Sara et elle restait assise à côté d'elle, dans l'herbe du parc devant la salle du bal, la tête légèrement appuyée contre son épaule.
(Août 2013 – Mila a 14 ans)
Elle rentra chez elle, déposa ses affaires de patinage dans l'entrée et se laissa tomber devant son ordinateur. Elle l'éteignait rarement le soir – ça lui faisait gagner quelques secondes le lendemain. Elle n'eut qu'à le sortir de veille et à rouvrir Skype. Sara n'était pas encore connectée. Il n'y avait qu'une heure de décalage entre leurs deux villes mais cette heure était suffisante. Suffisante pour rappeler qu'elles ne pouvaient se parler que quelques instants tous les soirs sur Skype, suffisante pour rappeler qu'elles ne seraient jamais réunies avant leur retraite, suffisante pour rappeler qu'elle était loin, tout simplement. Pendant une heure, la distance entre elles la dévorait, elle se souvenait que l'Italie était loin, terriblement loin de la Russie. Et ce soir, plus que d'habitude, elle regrettait cette distance, elle regrettait sa carrière, elle regrettait de ne pas avoir pu la rejoindre en ce jour si particulier.
Une heure plus tard, l'italienne se connecta et Mila ne lui laissa pas le temps d'amorcer la conversation.
- Bon anniversaire ! Alors, qu'est-ce que ça fait d'être majeure ?
- Merci ! Pas grand-chose en fait. Je peux attendre encore un an avant d'être mature ?
Sa réflexion fit rire Mila devant son ordinateur et elle répondit en rigolant :
- Autant que tu veux ! Moi je t'aime bien comme tu es actuellement…
- Tu vas me donner encore moins envie de devenir responsable, tu sais ?
- Je sais…
(Janvier 2015 – Mila a 16 ans)
Mila reposa sa tête contre l'épaule de Sara, qui se blottit également contre elle. Elles s'étaient rejointes chez les séniors et avaient remporté les deux premières places des championnats d'Europe. Elles n'avaient jamais été aussi proches physiquement, aussi proches que sur ce podium qu'elles s'étaient partagé, aussi proches que devant les caméras où elles avaient répondu ensemble aux questions des journalistes. Ce n'était plus un secret qu'elles étaient amies et personne n'avait été étonné de les voir quitter en même temps la patinoire pour rentrer à l'hôtel. Mais personne ne les avait vues entrer toutes les deux dans la chambre de l'italienne. Elles s'étaient rapidement laissées tomber sur le lit de toute façon trop grand pour une seule personne et avaient discuté. Elles avaient beau parler ensemble tous les soirs depuis bientôt six ans, parler sur Skype et parler allongées l'une contre l'autre sur le même lit n'avait rien de similaire. Alors elles restaient là, immobiles, savourant la présence de l'autre contre elles et profitant des rares heures qu'il leur restait avant que la distance de leurs pays ne vienne à nouveau s'imposer trop brutalement entre elles.
(Mai 2017 – Mila a 18 ans)
Elle n'avait pas été surprise quand Yakov lui avait offert sa journée de repos pour son anniversaire. C'était une tradition du coach, avec n'importe lequel de ses patineurs. Elle avait l'impression que c'était hier qu'elle demandait à Sara ce que cela faisait de devenir majeure et maintenant, elle comprenait mieux la réponse que l'italienne lui avait donnée alors. Elle n'avait pas l'impression d'être si différente que ça de la veille, en fait. Ce n'était jamais qu'un jour de plus, une année de plus, et, en vrai, c'était beaucoup moins impressionnant que ce qu'elle s'était imaginé.
Au final, cela risquait juste d'être une journée ennuyante à mourir. Elle ne patinait pas, Yakov avait insisté pour qu'elle prenne sa journée, sa famille était trop loin pour qu'elle les rejoigne, et Sara ne serait pas sur Skype avant le soir même. Elle était restée dans son lit, pianotant sur son téléphone portable pour parcourir Internet et trouver quelque chose d'intéressant à y lire ou à regarder. La sonnette de sa porte retentit, la faisant presque sursauter. Qui cela pouvait-il être, aussi tôt dans la journée ? Elle était à peine habillée, encore moins coiffée, et elle enfila rapidement une robe de chambre avant d'aller entrouvrir la porte pour glisser un regard de l'autre côté.
- Sara ? s'étonna-t-elle, les yeux écarquillés.
La surprise lui avait fait ouvrir la porte en grand et elle dévisageait l'italienne qui lui faisait face avec un grand sourire.
- Mais bon sang, qu'est-ce que tu fais là ? reprit Mila.
- Je viens te souhaiter un bon anniversaire ! répondit Sara comme si c'était la chose la plus naturelle au monde. Yakov m'a donné ton adresse et promis que tu serais chez toi !
L'italienne entra naturellement dans l'appartement et lui expliqua :
- Ça fait un moment que j'avais envie de visiter Saint-Pétersbourg. Et six mois sans compétition où se croiser, c'est long. Alors j'ai eu envie de profiter de cette occasion pour combler la distance entre nous, c'est tout !
Mila commençait juste à se remettre du choc et laissa échapper un petit rire :
- Tu aurais dû prévenir, je suis à peine présentable, fit-elle remarquer en désignant sa robe de chambre.
- Ça aurait gâché la surprise. Et moi je te trouve belle, comme ça !
Mila sentit ses joues rougir sous le compliment. Pendant qu'elle réalisait que Sara était bel et bien devant elle, qu'elle avait bel et bien comblé la distance entre leurs deux pays uniquement pour elle, uniquement parce que c'était son anniversaire, elle sentit un sourire se dessiner sur son visage. Parce que pour la première fois depuis leur rencontre, elle avait la certitude que leur relation serait plus forte que la distance entre elles. Parce que, aujourd'hui, Sara venait de lui prouver que finalement, cette distance n'était pas aussi grande et infranchissable que ça.
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