Cette fic est écrite dans le cadre de la 90ème nuit écriture du FoF (Forum Francophone) pour le thème "Punition". Le FoF est un forum regroupant tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou s'amuser entre nous. Le lien se trouve dans mes favoris. Rejoignez-nous !
Note de l'auteur : Ça faisait un moment que je voulais faire quelque chose sur ce sujet sous-entendu dans l'anime. Cependant, une heure c'est court. Donc je tiens à préciser que je ne montre qu'une toute petite partie de l'enfance de Victor et que oui, en vrai, c'est beaucoup plus complexe que ça. Mais il aurait fallu beaucoup plus qu'un OS pour aborder tous les aspects de la vie d'un patineur professionnel dans les détails. J'espère tout de même que cela vous plaira.
Derrière la gloire, il y a les sélections. Victor patinait depuis plusieurs années et pensait se débrouiller assez bien. Mieux que les autres élèves du cours d'école de glace où il s'entraînait deux fois par semaine. Mais il ne pensait pas être doué au point d'être remarqué par Yakov Feltsman lors d'une compétition départementale. Tout avait été tellement vite… A peine rentré chez lui sa médaille d'or autour du cou, ses parents avaient reçu un courrier de Yakov leur expliquant qu'il souhaitait voir Victor rejoindre son équipe. Ils s'étaient rencontrés et en avaient discuté, longtemps. Quand Victor avait affirmé qu'il adorait patiner et voulait ne faire que ça, Yakov avait confirmé que c'était ce qui se passerait s'il le rejoignait. Cette phrase et son entrain avaient convaincu sa mère. Son père avait mis plus longtemps à céder – il avait fallu que Yakov lui assure que, sous sa coupe, Victor deviendrait un champion olympique. Mais ils avaient accepté. Et Victor avait rejoint l'équipe nationale menée par Yakov.
Derrière la gloire, il y a les entraînements. Bien plus durs et rythmés qu'à l'école de glace. Il pensait pouvoir passer sa vie sur la glace mais en avait vite été détrompé. Chaque matinée commençait par un footing de deux heures, avant le petit-déjeuner. Les yeux encore embués de sommeil, le ventre creux, ils couraient dans la nuit glaciale de Saint-Pétersbourg, motivés par l'envie de se réchauffer et par le repas qui les attendaient à la fin. Il y avait aussi les cours de danse ou de souplesse, dans lesquels même le meilleur patineur au monde pouvait lamentablement échouer et subir jour après jour les mêmes remarques désobligeantes de la part de Yakov. Et quand, enfin, ils pouvaient monter sur la glace, il n'était pas rare que Victor soit trop épuisé pour savourer le froid glacial et la sensation de glisse qui l'avaient fait rêver quelques mois plus tôt.
Derrière la gloire, il y a les espoirs. La première compétition, aux Nationaux Juniors de Russie. Cette compétition qui déciderait si la fédération le jugerait suffisamment doué pour représenter la Russie dans le monde. Cette compétition qu'il ne devait pas échouer, sous aucun prétexte. Il n'y avait pourtant pas de raisons. Il connaissait ses programmes par cœur et, malgré la violence des entraînements, il n'avait pas oublié qu'il était doué. Même Yakov le lui disait. Parfois. Entre deux réprimandes. Alors il avait voulu placer la barre haute. Il ne faisait pas encore de sauts, Yakov avait refusé en bloc qu'il en fasse avant ses douze ans. Mais il avait étudié la théorie, la gestuelle, et s'était même entraîné à en faire en dehors de la glace pour répéter le mouvement. Il savait qu'il pouvait le faire. Alors il avait conclu sa chorégraphie par un simple flip. Il était tombé, mais sa gestuelle avait été parfaite, les points avaient été comptés. La fédération l'avait officiellement accepté dans toutes les compétitions internationales.
Derrière la gloire, il y a les punitions. Après être revenu des Nationaux, Yakov avait renvoyé toute l'équipe chez eux, n'ordonnant qu'à Victor de rester. Une fois seuls, les cris et les injures avaient commencé à tomber. Yakov l'avait longuement réprimandé pour son saut si irréfléchi, si irresponsable, ce saut sur lequel il aurait pu se blesser et clôturer ainsi une carrière à peine commencée. Victor avait acquiescé mais Yakov avait paru deviner qu'il se fichait de ce qu'il disait, qu'il restait fier de sa médaille d'or, et qu'il n'hésiterait pas à recommencer dès la prochaine fois. Yakov avait conclu en disant que, puisqu'il avait de l'énergie à revendre, ça ne le dérangerait pas de finir sa journée par cinquante pompes. Ni de commencer chaque jour des deux prochains mois par trois heures de footing au lieu de deux.
Derrière la gloire, il y a l'épuisement. Pas la fatigue d'après une dure journée d'entraînement. L'épuisement, le vrai, celui qui était là dès l'instant où son réveil sonnait, qui teintait le tour de ses yeux de cernes et faisait trembler ses jambes sur la piste. Cela faisait trois semaines qu'il subissait la punition de Yakov, qu'il se privait d'une heure de sommeil pour courir et qu'il terminait la journée par des séries de pompes. Il n'en voulait même pas à son coach. Il commençait à comprendre à quel point il avait été stupide de vouloir faire ce saut – un simple calcul des points lui avait assuré qu'il aurait remporté l'or même sans ça. Yakov avait voulu faire un exemple pour dissuader les autres patineurs de l'imiter en compétition et la fatigue permanente lui faisait sérieusement regretter d'avoir fait ce saut. Pour autant, il ne pouvait s'empêcher d'en souffrir. Et, intérieurement, il s'était fait une promesse. Si un jour il arrêtait de patiner, si un jour il devenait lui-même coach, jamais il n'imposerait de telles punitions à ses élèves.
Derrière la gloire, il y a la soumission. Ce moment où il avait craqué et où, au bout de cinq semaines, il avait fait une croix sur sa fierté. Où il avait été voir Yakov dans son bureau pour le supplier d'alléger sa punition, pour lui assurer qu'il avait compris la leçon, qu'il ne recommencerait plus à changer des éléments de son programme. Yakov avait paru surpris de son initiative mais, après une hésitation, avait semblé amadoué par ses excuses et ses promesses. A moins que ça n'ait été ses cernes et ses tremblements d'épuisement qui l'aient marqué ? Peu importe. Yakov avait stoppé sa punition immédiatement et avait décrété qu'il ne s'entraînerait pas le lendemain pour prendre une journée de repos. Victor n'en avait pas attendu autant et, dans un coin de sa tête, il s'était fait la remarque que son coach avait beau être autoritaire, il n'en restait pas moins juste. Qu'il n'avait pas menti à ses parents et qu'il saurait effectivement trouver le bon équilibre pour lui faire atteindre les Jeux Olympiques.
Derrière la gloire, il y a les échecs. Ces répétitions incessantes de mouvements sur la glace qui se clôturaient inévitablement par des chutes. Ces piques de son entraîneur, plus féroces les unes que les autres. Il avait tant tenu que ça à faire des sauts avant d'avoir l'âge requis et, maintenant qu'il pouvait en faire, il n'en était pas capable ? Il le décevait. Il ne méritait pas qu'il perde son temps à l'entraîner. Cela lui donnait la hargne. Il était l'un des rares. Sur les dix patineurs arrivés dans l'équipe en même temps que lui, ils n'étaient plus que deux. Tous les autres avaient abandonné du jour au lendemain, au moment où les punitions et les réprimandes étaient devenues trop fortes, trop insupportables, au moment où l'épuisement et le désespoir avaient dépassé la passion et l'envie de briller. Ils n'étaient plus que deux mais, alors que Georgi et lui s'interrogeaient sur leur avenir, Yakov leur avait glissé que eux seuls avaient le potentiel d'atteindre le sommet du monde. Et ils avaient continué. Ils avaient accepté de subir encore les réprimandes et les brimades, avaient transformé chaque commentaire déplaisant en rage de revanche, en rage de remporter leurs compétitions sur un sans-fautes pour pouvoir un jour regarder Yakov dans les yeux et lui assurer qu'il s'était trompé en leur affirmant qu'ils n'en étaient pas capables.
Derrière la gloire, il y a le bonheur. Victor l'avait fait, il était devenu champion du monde et champion olympique l'année de ses 20 ans. Ces moments de gloire qui lui rappelaient pourquoi il subissait tout ça, pourquoi il aimait trop l'adrénaline des compétitions et l'adoration du public pour arrêter. Ces moments où l'hymne national russe résonnait dans un complexe silencieux à cause de lui, grâce à lui, pour lui, ce moment où il rendait un pays entier fier de lui. Ce moment où il parcourait les foules en envoyant des clins d'œil aux fans qui l'acclamaient, où il signait des autographes et prenait des photos avec ses adorateurs. Dans ces moments-là, il se disait que ça en avait valu la peine. Tant pis si chaque saison se ressemblait un peu plus, tant pis s'il souriait pour masquer l'amertume et l'épuisement des entraînements violents, des punitions faites d'heures de footing, de séries de pompes ou d'humiliations. Il aimait ça et, dans ces moments-là, il était heureux d'avoir eu Yakov Feltsman comme coach depuis douze ans.
Derrière la gloire, il y a les doutes. Sa carrière ne tarderait pas à toucher à sa fin, il le savait. C'était déjà un miracle que son corps ait tenu le coup jusqu'à 26 ans, mais il sentait dans chaque courbature, dans chaque tremblement de ses jambes, qu'il était sur une pente qui ne cesserait plus de descendre. Yakov aussi le savait. Il n'avait plus qu'une demi-heure de footing le matin et les punitions étaient devenues plus rares, moins violentes. Il lui avait juste donné comme justification qu'il avait grandi, qu'il savait mieux gérer son effort et son entraînement. Ça ne l'avait pas berné. Il savait que son corps faiblissait et que Yakov adaptait son planning pour qu'il tienne encore le coup le plus longtemps possible. Cela faisait des années qu'il avait tenu pour acquis que Yakov était le meilleur coach possible, le seul qui aurait pu lui faire atteindre son niveau et sa gloire actuels. Mais, quand il réalisait qu'il n'imaginait pas quitter le monde du patinage et que, quand son corps ne suivrait définitivement plus, il ne pensait pas faire quoi que ce soit d'autre que de coacher à son tour, il s'interrogeait. Était-il possible de coacher autrement ? Était-il possible de coacher en étant à l'écoute de ses patineurs, en respectant et comprenant leurs capacités et leurs attentes, en ménageant leur mental quand celui-ci serait sur le point de s'effondrer ? Était-il possible d'emmener ses élèves au sommet du monde comme Yakov l'avait fait, mais sans les réprimandes, sans les brimades, sans les punitions ? Il ne le savait pas. Mais il l'espérait. Yakov avait été le meilleur coach possible. Mais il n'avait pas oublié qu'un jour, le petit garçon de onze ans qu'il avait été s'était juré de ne jamais réappliquer sur d'autres élèves ce que lui-même avait vécu.
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