Cette fic est écrite dans le cadre de la 92ème nuit écriture du FoF (Forum Francophone) pour le thème "Enthousiasme". Le FoF est un forum regroupant tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou s'amuser entre nous. Le lien se trouve dans mes favoris. Rejoignez-nous !

Yuri n'avait jamais compris pourquoi il avait des fans. Il n'était qu'un patineur pro parmi tant d'autres, et certainement pas le plus talentueux. Que Victor ait des fans, oui, c'était normal, c'était Victor. Sa simple présence illuminait la glace, ses sourires et ses clins d'œil faisaient fondre des foules entières, il était doué, prodigieux… C'était Victor, tout simplement. Que Yuri Plisetsky ait des fans, il le comprenait aussi. Un talent fou à son âge, une certaine prestance et un caractère qui l'aidaient à se faire remarquer partout où il allait, il imaginait sans peine que ce bad boy russe ait pu attirer autant de groupies. Mais lui-même ? Non, il ne comprenait pas.

Il ne comprenait pas pourquoi il avait des fans, mais il s'y était habitué. Il s'était fait à leur présence à son arrivée sur les lieux de compétitions, il ne rougissait presque plus quand ils criaient son nom ou agitaient des drapeaux du Japon depuis les tribunes. L'envie de s'enfuir en courant quand on lui demandait un autographe ou une photo était toujours là, mais la pensée que Victor ne négligerait jamais un fan – et qu'il rêvait d'égaler Victor – le motivait à afficher un semblant de sourire gêné et à s'exécuter. Il s'était habitué à leur regard aussi. Il savait pertinemment ce qu'il allait lire dans leurs yeux s'il daignait s'attarder sur eux plus de deux secondes. D'abord, du bonheur d'être là, à cette compétition et de le voir. De l'espoir, quand il s'immobilisait au milieu de la piste au début de sa chorégraphie. De l'amertume quand il bâclait figure après figure, qu'il chutait saut après saut, qu'il prouvait à chaque note de musique son incompétence et son incapacité à devenir un jour un bon patineur. De la déception quand sa note finale confirmait ce que tout le monde avait déjà compris : Il n'aurait rien eu à faire ici. Ces regards avaient beau être familiers, il avait beau s'être habitué à cette déception qu'ils auraient tous dû prévoir, cela n'en restait pas moins terriblement amer.

Mais avec Minami, c'était différent. C'était peut-être la raison pour laquelle il l'avait interpelé, la première fois qu'ils s'étaient rencontrés. Au début, il n'y avait pas fait attention – il lui avait adressé un ou deux mots, mais il restait un fan parmi les autres. C'était quand il était sorti de la piste qu'il l'avait vu. Au milieu de tous les regards déçus alors que les juges venaient de confirmer sa onzième place – et donc, son élimination au tournoi des quatre continents et aux championnats du monde – il avait aperçu Minami, resté près de la piste après son propre passage qui lui avait valu la première place. Il n'était pas déçu. Pas satisfait non plus d'avoir conservé sa place provisoire. Juste… Heureux ? Enthousiaste ? Oui, c'était ça. Il était enthousiaste. Mais pourquoi ? Il venait à nouveau de se planter lamentablement et de prouver son incompétence à remporter une simple compétition nationale, pourquoi les yeux de Minami brillaient-ils autant ? Pourquoi semblait-il ne pas vouloir détacher son regard de lui alors que Celestino l'encourageait d'une pression sur l'épaule à se lever du kiss and cry ?

Il esquiva rapidement les questions des journalistes et rejoignit les premiers vestiaires déserts qu'il trouva. Son échec n'était pas si difficile à digérer que ça – ce n'était pas plus douloureux que son plantage au Grand Prix et c'était tout aussi prévisible. Il se changea rapidement et ressortit de la pièce pour rejoindre Celestino mais Minami se trouvait devant la porte. Seul. Et ses yeux brillaient toujours autant de cet enthousiasme débordant. Il se souvenait l'avoir vu parmi les fans qui l'avaient encouragé à son arrivée et il savait ce que ses fans ressentaient à ce moment de la compétition. Il se résolut donc à briser le silence gênant qui s'installait entre eux pour souffler :

- Désolé. Je… Je voulais pas te décevoir.

Les yeux de Minami s'écarquillèrent encore plus, comme s'il refusait d'admettre que Yuri était bel et bien en train de lui adresser la parole, et il répondit :

- Tu ne m'as pas déçu. Je… Je tenais juste à te dire… C'est pas grave si tu n'étais pas en forme aujourd'hui. C'était quand même un immense honneur de patiner sur la même glace que toi, Yuri-Kun. Merci.

Le sourire enthousiaste et sincère de Minami s'était élargi et Yuri ne trouva rien d'autre à faire que d'acquiescer d'un lent hochement de tête. Il était habitué à la présence et à la réaction de ses fans. Il avait même parfois discuté avec certains d'entre eux. Mais il réalisait à cet instant qu'aucun d'entre eux ne l'avait réellement encouragé, ne lui avait vraiment donné envie de se surpasser. Pourtant, Minami y était arrivé.

- Merci à toi. Je… J'espère qu'on se retrouvera prochainement. Dans une autre compétition, balbutia-t-il.

La saison était finie pour Yuri. Sa carrière, peut-être aussi. Mais il ne put s'empêcher de remarquer que l'enthousiasme de Minami était doucement en train de le contaminer. Il ne savait pas ce qui se passerait désormais, de quoi serait fait le reste de sa carrière et de sa vie mais, l'espace d'une seconde, il se fit la remarque que la perspective de retrouver Minami sur la glace était peut-être une raison plus que valable de rester et de se rattraper.

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