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Note de l'auteur : Ça faisait un moment que je voulais écrire sur ce moment, parce que la révélation de la motivation de Yurio à insulter Yuri au début de l'épisode 1 m'a presque autant marquée que celle de la fin de l'épisode 10. J'espère qu'il vous plaira !

Yuri Katsuki. On ne peut pas nier que c'est un bon patineur. Sa présence même en finale du Grand Prix le prouve. Il est la surprise de cette saison. Tous les autres patineurs présents ici étaient attendus, partis grands favoris avant même que les assignations ne soient tombées. Victor, quadruple champion du monde. Christophe Giacometti, qui l'a suivi de près sur chaque podium. Jean-Jacques Leroy, la star du continent américain. Rien que le podium était prévisible. Yuri, lui, personne ne l'attendait et pourtant il a été là, pendant toute la saison. Il a surpris tout le monde, battu tout le monde et est arrivé à cette finale.

Je pourrais dire comme tout le monde : Il s'est planté. Il n'a pas réussi un seul saut. Il n'avait rien à faire à cette compétition. Il n'est pas dangereux. Mais je sais que c'est faux et je sais que, si j'essaie de me persuader qu'il est nul, il me battra l'année prochaine. J'ai tout prévu, absolument tout, depuis plusieurs années. Je remporterai la finale du Grand Prix dès ma première année chez les séniors. Personne ne pourrait m'en empêcher. Victor sera déjà sur une pente descendante, son inspiration et son corps s'essouffleront, alors que j'aurais moi-même trop d'énergie et de surprise à distribuer au public. Chris tire son talent de Victor. Ils ont toujours été leur motivation réciproque, ils n'imaginent pas patiner sans la rage de vaincre l'autre, malgré leur amitié qui fait qu'ils ne renonceraient au fait de se retrouver à chaque compétition pour rien au monde. Sans Victor, Chris n'arrivera pas à suivre. JJ fait peur mais il est arrogant. Je sais ce que vous allez dire, comme moi. Mais non, pas comme moi. Moi, j'espère gagner et je crie à qui veut l'entendre que je veux le faire pour tenter de m'en persuader. JJ, lui, il est persuadé qu'il va gagner et c'est ce qui, tôt ou tard, le fera se planter. Ce n'est pas un secret que l'arrogance et la confiance en soi excessives peuvent être dangereuses en compétition.

Mais Yuri Katsuki, c'est différent. Il rate souvent ses sauts mais mets tout son cœur dans ses pas. Que ce soit Victor, Chris, JJ ou moi, sur la glace, nous ne pensons à rien d'autre. Notre visage se tire dans une concentration extrême, nous oublions tout et nous concentrons sur ce que nous avons à faire : Gagner. Yuri ne patine pas comme ça. Dès qu'il entre sur la glace, on sait que Yuri est avant tout ici parce qu'il aime patiner, rien d'autre. Sa musique résonne et ses expressions de visage suivent cette mélodie, chaque trait en lui semble s'imbiber de son programme pour mieux le retranscrire. Yuri ne fait pas que patiner, il produit un spectacle, il livre une interprétation dont aucun de nous n'est capable, il enchante le public entier par son implication et sa représentation.

Alors oui, il rate ses sauts, et son score technique ne suit pas le nôtre. Il a fini bon dernier au Grand Prix et je devrais en être soulagé. Je pourrais en être soulagé. Mais réussir des sauts, ça s'apprend. Son interprétation est parfaite, sublime et inégalable. Qu'est-ce qu'il donnera le jour où il réussira un sans-fautes ? Qu'est-ce qu'il donnera, à la saison prochaine ? J'ai tout prévu depuis des années, observé de loin chacun de mes concurrents potentiels pour m'assurer que je serai le meilleur quand j'arriverai chez les séniors. Je n'avais pas prévu la percée soudaine de Yuri Katsuki. Et il est hors de question que je le laisse gâcher ma seule chance d'entrer dans l'histoire. Il est hors de question que son interprétation, ses expressions de visage qui enchantent le public entier en même temps que sa musique, l'implication et la motivation qu'il met dans chacun de ses pas, viennent s'opposer à mon talent. Mais qu'est-ce que j'ai d'autre ? Qu'est-ce que je peux faire face à ça ? Je suis incapable de l'égaler sur l'interprétation. Peu importe ma chorégraphie, je ne peux pas jouer un rôle sur la glace – j'ai trop besoin de me concentrer sur mes mouvements. Je ne peux pas séduire le public comme lui.

Mais j'ai de la rage. J'ai la rage de vaincre et, si j'en suis incapable, j'ai la rage de dissuader mes adversaires de participer. C'est peut-être ma dernière chance, mon dernier espoir. Yuri Katsuki est le seul qui peut encore m'empêcher de remporter le Grand Prix dès mon entrée chez les séniors. Je suis le seul à pouvoir l'empêcher de participer l'année prochaine.

Je l'ai suivi de loin. Il s'est réfugié dans les toilettes, où il chiale pendant qu'il digère son échec. Cette vision me donne encore plus de hargne et me persuade que je fais le bon choix. Que son manque de confiance en lui est la seule chose qu'il me reste, mon dernier atout. Je me retrouve face à lui. Ses larmes sont à peine sèches. Il fait pitié, mais je peux pas me permettre d'en ressentir pour lui.

- Il y aura un Yuri de trop à la saison prochaine.

Son air perdu devant moi décuple ma rage. Il n'a rien à faire ici. Il n'a rien à faire contre moi. Je prends quand même une seconde pour hurler :

- DÉGAGE !

Il semble se décomposer sur place, et je retiens un soupir de soulagement. J'ai réussi à lancer ce cri comme un ordre hargneux, dédaigneux, insultant. Et à ne pas le lancer comme ce qu'il est vraiment : Une supplication.

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